Bonne lecture !
Chapitre 23
Je peux sentir le regard insistant de Marianne dans mon dos depuis le fond du cachot. En me voyant arriver en pleurant lamentablement sur le paquet cadeau de David hier soir, et après que j'ai réussi à lui dire en deux phrases qu'il avait rompu avec moi, elle cherche à me soutirer des détails. Je n'ai pas envie de m'étendre, pas envie de parler. Et ce matin, j'ai à peine échangé deux mots avec elle en picorant mon porridge. Elle n'a pas insisté mais je sens bien qu'elle bouillonne intérieurement.
« Ça va Frederika ? »
Je lève les yeux sur Henry. Je sais que j'ai une mine affreuse, les yeux bouffis et le teint blême d'une personne qui n'a pas bien dormi. Il semble sincèrement inquiet de mon mutisme. J'ébauche un maigre sourire, et reprends ma tâche minutieuse d'extraction des pistils de Doraflor pour notre potion qui bouillonne paresseusement devant nous.
« ça va s'arranger. »
Même à mes propres oreilles je sens bien qu'il n'y croit pas. Mais c'est comme s'il ne parlait pas qu'à moi mais aussi à lui-même. Il a un air piteux. Je me demande bien ce qui l'empêche vraiment lui maintenant d'emporter Cath dans ses bras et de lui proclamer ses sentiments à l'oreille. Je suis assez certaine qu'il ferait naître un sourire béat et amoureux sur son visage. Pourquoi s'entête-t-il à l'éviter ? J'ai dû mal à comprendre, est-ce que soudainement la perspective d'être vraiment avec Cath le tétanise ? Est-il vraiment si sûr qu'elle ne retourne pas son affection ? Un aveugle pourrait s'apercevoir de l'effet qu'il a sur elle. Ce n'est pas à moi de dévoiler ce que cache le cœur de ma meilleure amie certes mais... Il la connaît tout de même assez pour savoir qu'elle ne joue pas avec ses sentiments. Même John, elle ne cherchait pas à le blesser. Elle était simplement... déboussolée. Et je peux comprendre ça.
« Miss Vernon, M. Tilney où en est-on donc cette potion d'Ubris ? »
Le professeur Slughorn nous adresse un sourire mielleux qui ne déride même pas l'expression d'Henry pourtant si prompt à imiter ses airs d'exagérée et sirupeuse douceur. Quel spectacle pathétique offre notre binôme.
« Serez-vous de la partie cette semaine ? Fait-il avec bonhomie. Nous recevons la sélectionneuse de l'équipe nationale de Quiddich ! Je suis certaine que cela vous intéressera M. Tilney !
- Vraiment ? Fait Henry, je croyais que Tina Gordon était trop occupée à préparer le championnat européen !
- Voyons, elle est toujours enchantée de revenir dans le club de Slug ! vante-t-il avec fierté. Et de découvrir des jeunes gens prometteurs !»
Une vive douleur me pince un coin du cœur à la mention de l'ex star de Quiddich des années 90. Mon échec à réaliser sa pirouette symbolique sous les yeux amusés et rassurants de David me revient en plein visage. Il adorerait sûrement la rencontrer, j'aurais pu l'inviter à m'accompagner et le regarder échanger quelques mots enthousiastes avec elle. Ma gorge se serre de tristesse et de regrets.
« Je compte sur vous ! insiste Slug avant de s'éloigner. »
Je parsème machinalement quelques pistils dans le liquide tiède, une odeur entêtante de patchouli s'en dégage et m'écoeure. Henry recouvre le chaudron. J'entends le professeur Slughorn houspiller Cath, je n'ai même pas envie de me retourner pour savoir et voir la tête de Réginald. Un sentiment aigre m'emplit de frustration et de colère. Il a tout gâché. Lui et Susan ont tout gâché.
Non.
C'est moi qui ai tout gâché, et c'est pire à accepter.
Le professeur annonce alors à la classe qu'il y aura un travail commun à rendre en binôme pour la semaine prochaine provoquant un soupir mécontent de mes camarades. Je sors mon agenda, le note proprement avant de remballer mes affaires. La potion doit mijoter jusqu'au prochain cours pour que l'on puisse apprécier ses effets pour dissiper les pustules des morsures de piranèse de Laponie.
Marianne a divination, je la regarde s'éloigner avec soulagement. Elle m'adresse un regard inquiet. Tout à coup, Cath enroule son bras autour du mien d'autorité. Son soutien physique m'arrache un petit sourire.
« Salut Henry ! Ça fait longtemps, non ? fait-t-elle avec une légèreté étrange.
- Hé Cath, répond-t-il maladroitement, c'était cool la soirée de David hier, hein ?
- Ah oui ! On a pas pu se parler, c'est dommage... je t'ai vu mais je crois que t'avais Voldy à tes trousses.
- Ahah ouais c'est ça ! »
Je les dévisage sans comprendre quoi que ce soit à cet échange singulier. Il nous salue alors et s'éloigne précipitamment dans le couloir pour rejoindre la tour de divination. Je glisse un coup d'œil à Cath, elle le suit des yeux avec langueur.
« Pourquoi t'évite-t-il ? demandé-je doucement lui serrant gentiment le bras. »
L'éclat blessé du regard qu'elle m'adresse m'en dit plus que sa réponse :
« Je sais pas Fred... »
Je croise l'air irrité de James vis-à-vis de sa sœur. J'ai peur de comprendre que ce qui me paraissait comme une histoire d'amour à son acmé est devenue soudainement bien plus compliquée que ça. James est loin d'être subtile, il est en colère, mais j'ai dû mal à comprendre pourquoi. Il est bien placé pour savoir qu'Henry ne va pas être odieux avec sa jumelle. C'est son meilleur ami. Pourquoi se mettre entre eux ? Ils seraient tellement heureux ensemble.
Cath secoue la tête, faisant tressauter ses mèches brunes autour de son visage. Elle m'entraîne à sa suite pour retrouver Chris, probablement enfermé à la Bibliothèque.
« ça va s'arranger, soufflé-je »
Elle hausse les épaules, il faut avouer que mes mots de consolation sont bien pathétiques. Elle se retourne soudain vers moi avec un petit sourire mutin.
« Tu veux pas savoir comment était la soirée d'anniversaire de Davidou hier ? »
Je détourne les yeux, mon estomac se recroqueville dans mon ventre. Elle me secoue le bras avec enthousiasme :
« Ton cadeau lui a vraiment plu !
- Vraiment ? murmuré-je d'une petite voix.
- Bien sûr ! Ça l'a même fait rire ! »
Cette pensée m'étouffe de contentement, je sens le rouge me monter aux joues. Cath a un petit sourire ravi sur le visage.
« ça lui a fait encore plus plaisir quand je lui ai dit que c'était de toi ! Tu vois, il tient à toi Fred ! J'suis sûre que Cindy sera d'accord avec moi! Enfin quand elle m'aura répondu...»
J'hoche la tête, me figurant le visage solaire et souriant de David. Une pensée horrible et aiguisée me perce la poitrine J'ai perdu quelque chose de précieux et je ne le méritais même pas en premier lieu. J'ai l'impression que je pourrais me remettre à pleurer comme une madeleine.
Cath m'attire contre elle, frottant sa joue contre mon épaule. Je ravale le nœud qui bloque ma gorge.
« Ce soir c'est la pleine lune, propose-t-elle gentiment, si tu veux on pourra surveiller le parc voir si ya pas un loup garou qu'on aurait pas repéré à Poudlard ! »
Sa remarque m'arrache un sourire, j'acquiesce pour son plus grand ravissement.
OoOoOo
Les recettes pour obtenir un meilleur terreau de Otton Boleslaz, éminent botanique du XVIème siècle, menacent d'endormir définitivement Cath qui somnole sur la table de la bibliothèque. Ses paupières papillonnent paresseusement depuis déjà dix minutes. Chris est parti en quête de quelques ouvrages pour étoffer sa dissertation d'Histoire de la Magie. Le parc est recouvert d'un duvet blanc et cotonneux encore immaculé. Le temps semble s'être figé depuis des heures entre ce devoir qui n'avance pas et la nuit qui tombe lentement à l'horizon. Je feuillette un recueil de Sylvia Plath, je n'ai pas trop le cœur à me concentrer sur les révoltes des gobelins de l'ère pré-magique. Il est tout corné, et de nombreux vers sont soulignés. Je me murmure les plus beaux juste pour le plaisir d'entendre raisonner la musiques des syllabes à mes oreilles.
« Oh ! Salut Elisa !
- Catherine ! Salut ! Je vous avais pas vu ! »
Je lève les yeux sur Elisa, surprise de nous trouver aussi studieuses alors que nos camarades ont déserté la bibliothèque pour retrouver la chaleur de la cheminée de leurs salles communes avant le souper. Elle transporte avec elle de nombreux rouleaux qui semblent bien l'encombrer. Je reconnais quelques slogans de la SALE, et son badge de lutte pour le droits des animaux magiques est épinglé à son cardigan.
Cath a un regard inquisiteur pour la Poufsouffle. Je devine aisément le fond de sa pensée, je suis moi-même assez curieuse d'avoir la réponse. Pourquoi a-t-elle coupé court à toute tentative de relation avec Chris ? Notre Chris, surpris et peiné par ce nouveau rejet, est perdu dans la même incompréhension. Ce n'est pas juste de le laisser ainsi dans l'attente d'un geste de sa part.
« ça fait longtemps qu'on t'a plus trop vu... commence Cath.
- Oui, j'ai été pas mal occupé ! Avoue-t-elle gênée, on a eu la préparation du meeting devant le ministère de la Magie pendant les vacances et puis bon...
- J'comprends ! C'est important le droits des animaux, faudrait penser aux droits aussi des vampires hein... Ils sont pas si impulsifs que ça en vrai ! Ajoute-t-elle avec ferveur.»
La remarque de Cath lui arrache un petit rire qu'elle couvre de sa main potelée pour éviter le regard incisif de Mrs Pince qui nous fixe attentivement depuis son bureau.
« Qu'est-ce que vous faites vous ?
- On travaille sur les devoirs de botanique, expliqué-je.
- Fred est pas la plus attentive d'ailleurs ! s'amuse Cath en dardant un regard malicieux sur le recueil de poésie sous mon parchemin. Tu veux venir le faire avec nous ? »
Elle semble réfléchir à la proposition lorsque ses yeux tombent sur les affaires de Chris et sa place libre. Son visage se ferme aussitôt et elle refuse poliment. Cath avec un aplomb aussi ingénu que curieux lâche les mots qui me traversent l'esprit :
« Pourquoi tu parles plus à Chris ? Demanda-t-elle sans la moindre trace d'agressivité. Il te plait plus ? »
Elisa blêmit, je me sens presque obligée de murmurer quelques excuses complètement mal à l'aise par cette prise d'assaut de son intimité. Elle me coupe aussitôt.
« Pas du tout, c'est juste pas très agréable d'apprendre de Christopher qu'il ne savait même pas qu'il allait au bal avec moi, fait-elle d'une voix pincée. Ça aurait pu être aussi bien n'importe qui, il avait simplement besoin d'une cavalière... »
Catherine semble ne pas comprendre le problème.
« Mais pas du tout ! Je lui avais juste dit que sa cavalière serait super cool ! C'est comme un blind date ! Pour que vous passiez un bon moment, que vous discutiez et tout... et c'était bien non ? Hein ? »
Je décoche un regard en direction des rayonnages derrière lesquels a disparu Chris. Il semble plongé dans un vieux grimoire et n'a pas encore aperçu Elisa. Cath perplexe dévisage sa camarade de Poufsouffle qui pousse un petit soupir.
« De toute façon on a pas les mêmes idéaux, assure-t-elle. Il ne croit pas dans les combats que je mène, ça ne pourrait pas marcher entre nous. »
Cath reste bouche-bée, j'écarquille les yeux de surprise. Christopher ? Notre Christopher ? C'est l'un des derniers gentleman que je connaisse, poli et attentif. Il est la quintessence de la galanterie. Il n'aurait jamais raillé quelqu'un pour ses convictions. Il en est tout simplement incapable !
Elle ne peut que se tromper, c'est sûrement un désaccord malheureux. Son visage buté laisse cependant peu de doute sur son avis à elle sur la question. Il semble qu'il n'y a aucun malentendu.
« Elisa ! s'exclame Chris avec surprise. Comment tu vas ?
- Très bien, merci, répond-t-elle sèchement, bon, je vous laisse les filles ! A plus tard ! »
Elle tourne aussitôt les talons. Christopher reste piteusement planté devant notre table, ses deux grimoires dans les mains. Il se tourne vers nous. Son air, d'une sincère incompréhension, m'émeut. Je lui adresse un petit sourire rassurant.
« Je crois qu'il s'agit d'un simple malentendu, consolé-je.
- Un malentendu ? Fronce-t-il les sourcils, mais à propos de quoi ?
- Qu'est-ce que t'as dit sur la SALE ? demande de but en blanc Cath.
- Sur la SALE ? Répète-t-il sans comprendre, mais rien du tout par Merlin ! »
Cath se frappe le front de la main en poussant une exclamation d'agacement. On dirait qu'elle doit défaire un énorme sac de nœuds et ne sait pas par quel bout le prendre. Ce n'est pas à elle de le faire la rassuré-je d'un regard avant de sourire gentiment à Chris qui se tourne vers moi pour plus de réponse.
« Tu l'as un peu froissée, expliqué-je, elle semble très impliquée dans son militantisme et tu as vraisemblablement manqué de tact... cela l'a vexé. »
Il prend un air pensif, un éclair traverse son regard mordoré. Il se pince le nez en soupirant.
« Je suis certaine que ce n'est pas si grave que cela, murmuré-je. N'est-ce pas Cath ?
- Trois fois rien Chris, lui assure-t-elle, on va lui acheter quelques badges et un paquet de chocogrenouilles... Elle pourra pas refuser de te pardonner ! Tu vas voir !»
Il semble ne pas partager cette certitude. Comme s'il avait accepté de se faire rejeter systématiquement par les filles sans réussir à discerner pourquoi.
« On verra... marmonne-t-il en s'asseyant. »
OoOoOo
Il semble que tous les membres du club sont venus accompagnés, le bureau du professeur Slughorn est bondé. A voir les regards admiratifs que tout le monde lance dans le coin où Tina Gordon sirote son vin, il y a peu de doute sur ce qui a généré un tel engouement. La sélectionneuse de l'équipe nationale fait preuve d'une prestance intimidante. Elle est plus grande que la plupart des adultes et son regard bleu glacier figerait n'importe qui sur place s'il n'était pas adouci de plis malicieux au coin de ses yeux. Elle paraît un peu amusée de l'effet que provoque sa présence sur l'assistance confondue en compliments et politesse.
« J'vais aller lui demander un autographe, me souffle Cath. Ça pourrait dérider un peu Jamie !
- C'est sûrement une bonne idée, approuvé-je. »
Pour l'instant, Tina Gordon est entourée de tant d'attention que ça ne vaut même pas la peine de nous immiscer jusqu'à elle. Chris, Cath et moi nous dirigeons tant bien que mal vers le buffet dressé près du mur. Elle se fraie un chemin sans ménagement, se glissant parmi les convives pour nous rapporter une assiette pleine d'amuse bouche aussi appétissants les uns que les autres.
« Merci Cath, fait Chris avec morosité. »
Alors qu'il se sert, Cath s'empresse d'aller se chercher un verre. On grignote avec plus de gourmandise que d'appétit les petits fours. Un mouvement brusque sur la gauche projette le contenu de mon verre sur la manche d'une petite première année. Elle pousse une exclamation surprise, je me sens rougir de honte jusqu'à la pointe de mes cheveux et me confonds en plates excuses. Je m'empresse de chercher ma baguette pour faire disparaître la tâche de jus de grenade écarlate sur le tissu clair de sa robe à motif fleuri.
« Oh ce n'est rien ! Fait-elle, il y a beaucoup de monde ce soir, ça devait arriver !
- Dites, vous pensez pas que Tina Gordon serait une vampire ? Intervient brusquement Cath en se précipitant sur nous, elle a quand même de sacrées canines, non ? »
La première année la dévisage avant d'éclater de rire.
« Tu dois être Catherine Morland ! »
Mon amie se tourne avec surprise, son regard étonné m'arrache un petit sourire. Il est vrai que tout Pourdlard sait qu'elle voue une passion compulsive pour les créatures surnaturelles... et surtout peu fréquentables. La première année se présente alors comme s'appelant Sarah et étant de Serdaigle. Sa longue chevelure blonde et ses petits yeux noisettes dans un visage couvert de tâches de son lui donnent l'air d'un lutin gracieux des contes d'Ingar.
Soudainement, David déboule sur nous. Je sens tous mes muscles se tendre aussitôt, le rouge bourdonne à mes joues et mon cœur rate un battement. Il pose une main sur la frêle épaule de Sarah avec un air particulièrement euphorique.
« Sarah, faut qu'on aille demander un autographe ! s'exclame-t-il.
- Je n'ai pas oublié, secoue-t-elle la tête avant de s'adresser à nous, mon frère m'a harcelé toute la semaine pour venir avec moi ce soir. »
Je baisse les yeux, mais pas avant d'avoir remarqué la petite moue amusée de Sarah. Cath a un rire sonore qui déclenche celui de David peu gêné d'être ainsi moqué pour son enthousiasme débordant vis-à-vis de la star de Quidditch.
« Kitkat, c'est marrant de te voir là, fait-il alors, Tu fais partie du club ?
- Slughorn m'a jamais vraiment invité, je sais pas trop pourquoi d'ailleurs... avoue-t-elle, mais j'accompagne Fred ! »
Il me décoche un bref regard avant de se détourner presque aussitôt. Il est trop rapide pour que je puisse décrypter le message qu'il porte à mon encontre. Je suis certaine que ça n'est de toute façon pas en ma faveur. Et ça serait amplement mérité. Ma poitrine se serre douloureusement, je me sens rougir de honte à nouveau. Mes doigts jouent maladroitement avec mon verre vide.
Chris, visiblement conscient du malaise et de mon trouble, coupe court à ce moment gênant. Je lui en suis infiniment reconnaissante.
« Et toi Sarah, tu es nouvelle dans le Club non ? On ne t'y avait jamais vu.
- Oui, c'est que la deuxième fois que Sughorn m'invite, explique-t-elle. Je ne sais pas trop pourquoi...
- N'importe quoi ! s'empresse son frère, c'est la plus forte en Potion ! La première de la promo ! Slug arrête pas de dire qu'il avait pas vu quelqu'un d'aussi doué dans sa matière depuis Rogue ! Et Lily Potter ! Elle est trop modeste, faut pas l'écouter !»
Sarah secoue la tête, gênée, et donne un petit coup de coude pointu dans les côtes de son frère pour le faire taire. Il mime aussitôt une blessure mortelle pour la faire s'esclaffer. L'échange entre le frère et la sœur m'enveloppe d'une bouffée de douceur. Cath se joint à leur chamaillerie avant que David n'insiste :
« Bon, je sais que tu meuuuuurs d'envie d'un autographe de Tina Gordon, soeurette alors faudrait se dépêcher avant qu'elle nous envoie tous balader !
- Hé, fait-elle d'une voix fluette, c'est toi qui m'a suppliée à genoux pour venir ! J'ai juste eu pitié de toi."
Cath s'écrit alors qu'elle aussi veut le précieux sésame, pour le plus grand plaisir de David. Ils se décident aussitôt à se lancer dans cette quête et entraînent alors Sarah à leur suite, bon gré mal gré. Je les suit du regard, m'abîmant dans la contemplation de la chevelure solaire de David parmi les convives.
Un nœud douloureux, aussi lourd qu'une pierre, serre mon ventre. Il semble ramener en une boule dure toute ma tristesse, ma langueur et un suffoquant sentiment de regret. Je me recroqueville imperceptiblement sur moi-même, les lèvres serrées pour contenir tout le flot d'émotions qui tempêtent au bord de mon cœur. La main de Chris se pose gentiment sur mon épaule.
Je lui adresse un faible sourire alors qu'il propose d'aller chercher de quoi remplir à nouveau mon verre. Il s'éloigne, et je m'extirpe de la masse pour venir m'appuyer contre le mur. Mes yeux se promènent sur la crème de Poudlard, tombent sur Marianne qui se fraye un chemin jusqu'à moi. Elle se place doucement à mes côtés.
« Coucou Fred... tu passes une bonne soirée ?
- Tu as réussi à obtenir un autographe ? demandé-je pour éviter de mentir.
- Non, pas encore ! Secoue-t-elle la tête, Mais j'y compte bien ! »
Elle tourne son attention sur Tina Gordon qu'ont abordé David, Cath et Sarah. Sa bouche se pince un instant, elle me décoche un regard de compassion.
« Je suis désolée que ça se soit fini avec David tu sais, il était vraiment cool.
- Oui, je sais, murmuré-je piteusement. C'est de ma faute.
- Faut pas te laisser aller ! assure-t-elle avec force, il y en aura d'autres ! »
J'acquiesce sans réellement y croire. J'ai le cœur trop gonflé pour contenir et réciproquer son espoir.
« Et puis tu es sur la bonne voie pour oublier Réginald comme ça, fait-elle avec une fierté sincère, c'est plutôt bon signe, non ? »
- Réginald ?
Je fronce les sourcils, le cherche dans l'assistance. Je le retrouve près de la cheminée, le bras enroulé autour de Susan et discutant avec Slughorn. La vision me laisse un étrange sentiment de placidité. Il est pourtant toujours le même et toujours avec Susan Collper... Ses mots accusateurs pour défendre le comportement méchant de sa petite amie résonnent à mes oreilles. Il l'aime sûrement profondément pour ne pas voir à quel point son attitude à elle a pu être cruelle. A quel point cette humiliation publique a été dévastatrice pour mon estime. Ça ne lui a peut-être même pas effleuré l'esprit. L'aura dorée dont je l'avais entourée naïvement s'est en fait simplement dissipée. Réginald n'est pas le garçon que j'avais imaginé dans ma tête. Il a retrouvé son humanité, et il est simplement plus égoïste, dur et indifférent que l'image que j'avais fantasmée en secret.
Je n'aime pas ce garçon-là.
