Bonjour!

Désolée pour le délai de ce chapitre, j'ai changé des trucs jusqu'à la toute dernière minute et bon, voilà.

Merci d'avoir patienté! :)


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CHAPITRE 4 - Magie

"Une petite partie" fut un mensonge colossal.

Même Umbra et Ryan Reynolds n'avaient pas réussi à rester réveillés et ils roupillaient tous deux, enroulés comme un symbole de yin et yang sur leur matelas duveteux.

À l'opposé, Prompto ne s'était jamais senti autant éveillé. Le jeu avait définitivement fait ressortir son esprit compétitif et, après à peine une dizaine de minutes pendant lesquelles il avait été rouillé par le manque de pratique, il avait commencé à prendre la main sur le prince.

Un prince qui ne s'en laissait pas démordre.

Si le fait d'être chez lui avait transformé Noctis, celui d'être libre de la surveillance de son conseiller l'avait fait complètement s'épanouir.

Il riait à gorge déployée, se moquant de Prompto et de ses tactiques de jeu absolument aléatoires, jurant tout en rigolant, comme s'il passait le meilleur moment de sa vie.

Et Prompto adora cette version du prince. La version entièrement libérée, détendue, et franchement heureux. Son bonheur était terriblement contagieux et lui-même se sentait le cœur au plus léger qu'il ne l'avait ressenti depuis un long moment.

Ça faisait si longtemps qu'il n'avait pas joué, gaspillé du temps simplement pour le plaisir, pour oublier tous ses problèmes et sa vie en général. Qu'il n'avait pas ri ouvertement.

Putain que ça faisait du bien.

Et il y avait une chaleur qui provenait du prince, une aura envoûtante qui le faisait se sentir confortable. Ce dernier était si proche que son épaule touchait la sienne et, étrangement, plutôt qu'en ressentir un malaise, il en tirait un réconfort. Noctis ne s'éloignait pas non plus, même si le canapé était gigantesque et qu'il n'y avait aucune raison pour que les deux hommes ne soient si proches.

Peut-être que, comme lui, Noctis avait besoin de ce petit contact, ce minuscule éclair de chaleur qui faisait battre son cœur un peu trop rapidement.

Prompto voulait rester dans cette bulle éternellement.

Mais sa vessie, elle, refusa. Et après un certain temps où le blond résista comme il pouvait, il dut déclarer forfait.

– Bon, soupira-t-il en se levant, déposant la manette de jeu sur la table devant lui. Je dois aller pisser, je vais exploser.

– C'est ça, c'est une excuse parce que je te pétais la gueule.

– Pff, dans tes rêves!, lança-t-il en se rendant à la salle de bain.

Au retour, il constata que Cindy lui avait écrit.

Cindy la démone :
"putain, je n'en peux plus."
"c'est le repas le plus interminable de ma vie"
"il se pourrait bien que j'assassine ma tante"

Prompto :
"t'as besoin d'aide pour enterrer le corps?"

Cindy la démone :
"j'aime ton enthousiasme"

Prompto :
"masquer des crimes, mon passe-temps favori"

Cindy la démone :
"et toi? Comment se déroule ta soirée de torture avec le prince?"

Prompto :
"plutôt bien, en fait…"
"il est cool quand il fait l'effort"

Cindy la démone :

"kouahhhh?"
"putain je commence à comprendre ta paranoïa sur le fait que quelqu'un pouvait prendre ton téléphone et écrire à ta place."
"QUI ÊTES VOUS ET QU'AVEZ VOUS FAIT DE PROM?"

Prompto leva les yeux au ciel.

Prompto :
"ta gueule"
"j'ai juste dit qu'il était cool… quand il n'y a pas un million de groupies autour de lui et que son conseiller flippant n'est pas là pour surveiller chacun de ses mouvements"
"il est différent'"

Cindy la démone :
"oh wow, le prince a eu l'autorisation d'aller à la biblio seul?"

Prompto :
"non en fait, la biblio était fermée, alors on est allés chez lui."
"j'y suis en ce moment"

Il y eut un moment de silence, durant lequel trois petits points apparaissaient et disparaissent dans le bas de son écran.

Cindy la démone :
"je suis sans mots"
"tu es chez le prince noctis actuellement?"
"et tu y passes une belle soirée?"

Puis, avant que Prompto ne puisse répliquer, elle ajouta :

Cindy la démone :
"ah et puis, réflexion faite, je ne suis pas surprise"
"tu m'inviteras à votre mariage"

Prompto :
"qu'est-ce que tu racontes putain?"

Cindy la démone :
"physiquement parlant, il est 100% ton genre de mec"
"je suis certaine que tu vas tomber pour le type"

Prompto :
"tu rêves"
"c'est le prince du lucis"
"et je suis de la foutue plèbe"
"et il n'est même pas gay"

Cindy la démone :
"qu'est-ce que t'en sais"

Prompto :
"mon radar"

Cindy la démone :
"c'est un faux mythe ce truc"
"tu sais que j'ai raison prompto argentum."

Prompto :
"je te bloque"

Cindy la démone :
"mon cul"

Il ne bloqua effectivement pas Cindy – même si l'envie était forte – mais il coupa les notifications, ce qui fut tout comme. Puis, il retourna au salon.

Il retrouva Noctis étendu sur le canapé accompagné de Umbra, qui s'était visiblement réveillé avec la seule intention de se coucher directement sur le visage du prince, comme s'il n'existait aucun endroit plus confortable sur terre.

Il fit un arrêt et observa le duo silencieusement, les mots de Cindy tournoyant dans son esprit. Il était faux que le prince était "100% son genre de mec", parce qu'en fait, il n'avait aucun "genre". Il avait fréquenté quelques garçons ici et là, et ok, peut-être bien qu'ils avaient tendance à être athlétiques comme le prince, mais ce n'était qu'un hasard. Il n'eut qu'un seul véritable petit ami par le passé – Ravus – qui s'était révélé être le pire trou de cul de l'histoire de la science gastrique et qui lui avait enseigné une leçon importante : c'était surtout la personnalité qui comptait. Et Noctis était absolument insupportable par moments, donc, conclusion, les théories de son amie étaient des foutaises. Et voilà.

Et le fait que le t-shirt de Noctis était légèrement relevé sur son ventre, un ventre qui semblait sexy et plat, n'avait absolument aucune incidence sur son opinion. Et le fait que le prince était absolument adorable avec ses chiots, et le fait qu'il avait un rire précieux et absolument craquant, et le fait qu'il avait un visage parfaitement symétrique et des yeux cobalts à couper le souffle…

Nope. Aucun intérêt. Absolument pas "son genre de mec".

Il attrapa son ordinateur portable et s'assit au sol au pied du canapé.

– Hey, réveille-toi, on doit continuer.

Un marmonnement plaintif résonna, mais aucun mouvement ne s'engagea. Il donna un coup de coude à l'aveuglette derrière lui.

– Ouch, putain!

– Allez, merde! Tu m'avais promis qu'on avancerait le projet.

Sur ce, Noctis repoussa Umbra pour le faire rouler contre le dossier, puis se releva difficilement. Ses cheveux étaient ébouriffés dans tous les sens et ses yeux étaient minuscules. Il les frotta vivement en bâillant.

– Tu veux réellement faire de la physique, maintenant?, demanda-t-il.

– C'était notre accord, non?

– Je croyais pas que tu le prendrais au sérieux.

Prompto décida que le plancher n'était pas confortable et il se leva pour s'asseoir à côté du prince. Il se pencha à nouveau sur l'ordinateur qu'il plaça sur ses genoux.

– Je veux pas déconner avec ce travail, fit-il, le regard concentré sur le texte devant lui. Je dois absolument obtenir une note au plafond, j'ai foiré le dernier contrôle.

– Foiré, toi?

Le blond le regarda d'un air surpris.

– Bah, ouais? Quoi?

– T'as les meilleures notes de l'école.

– Où t'as entendu ça?, demanda-t-il en fronçant les sourcils.

– Bah… Tout le monde le sait? T'es en top de liste dans les résultats.

Certains professeurs affichaient les résultats de tous les étudiants sur un babillard, plutôt que de les envoyer individuellement comme des gens civilisés le feraient. Il était surpris que le prince ait pris le temps de regarder les chiffres des autres.

– Oh… Je suis pas le meilleur… Mais j'essaie de garder une bonne cote. Pour les bourses.

– Les bourses?

Prompto se racla la gorge tout en faisant défiler la page devant lui sans but précis. Il se demanda si Noctis savait de quoi il s'agissait, puisqu'il n'en avait évidemment pas besoin.

– Si j'arrive à garder ma cote au-dessus de mille points, je peux peut-être décrocher une bourse… Elle te permet d'accéder à une université gratuitement jusqu'à l'obtention de ton diplôme. L'Université d'Altissia en distribue seulement sept par an, donc, ouais, voilà…

– Ah. Et j'imagine que t'as pas les moyens de payer les frais de scolarité autrement?

Prompto grimaça. C'était exactement ça, mais il n'appréciait pas l'entendre.

– Ouais…

Noctis fit un son d'acquiescement. Puis, après une minute de silence pendant lesquelles il gratta distraitement les oreilles de Umbra, il demanda :

– Mais pourquoi l'Université d'Altissia?

– Ah…

Prompto se frotta la nuque. Parfois, il avait l'impression que ses rêves étaient trop fous et il se sentait stupide de les avouer à voix haute. Mais il sentait le regard de Noctis sur lui et il ne voyait pas comment il pouvait éviter cette conversation.

– Ils offrent le doctorat en médecine vétérinaire… C'est… hum… un métier qui m'intéresse.

C'était peu dire. En fait, Prompto avait toujours été passionné par le monde animal, par toutes les bêtes qui existaient sur terre : les chiens, les chats, les oiseaux, les vaches, les reptiles… Lorsqu'il était gamin, il lisait des encyclopédies complètes sur le sujet et il adorait regarder des documentaires avec sa mère. Il rêvait de devenir vétérinaire depuis qu'il était tout petit, de soigner les animaux qui avaient besoin d'aide, peu importe d'où ils provenaient.

Mais c'était un rêve ridiculement ambitieux pour un enfant du quartier Nord sans le sou. Les universités étaient inatteignables pour les familles pauvres et la seule façon d'y accéder était de faire une demande de bourse… Des bourses extrêmement difficiles à obtenir.

– Tu seras un excellent vétérinaire, commenta Noctis. La façon dont tu as pris soin de Pryna… ouais tu seras certainement le meilleur.

Le compliment était inattendu et Prompto en recevait rarement; il sentit ses joues devenir instantanément roses et une chaleur nouvelle lui remplit la poitrine. C'était peut-être la manière que le prince avait déclaré "tu seras", comme si, dans la tête de ce dernier, il n'y avait aucun doute qu'il obtiendrait une bourse; comme si sa confiance en ses capacités étaient infinies. Et même s'ils ne se connaissaient peu, Prompto ne put s'empêcher de se sentir enivré par son commentaire.

Il n'était qu'un orphelin – Niflhe de surcroit, même si uniquement son père le savait – élevé dans une famille pauvre du quartier Nord. Personne n'envisageait un avenir pour lui.

Il murmura un timide merci, puis, voulant détourner l'attention de lui-même, il demanda :

– Et toi?

Noctis leva des yeux surpris vers lui.

– Huh?

– Bah… Qu'est-ce que tu comptes faire lorsque tu auras terminé l'école? T'as des plans?

Prompto se fit dévisager et il se demanda stupidement pourquoi.

– Bah ouais, des plans existent…, dit Noctis. Seulement, pas les miens.

– Tu veux dire quoi?

– Bah, que je suis forcé de devenir roi?

Ah oui, ce détail. Imbécile.

– Putain, j'avais complètement oublié, grimaça Prompto. Désolé, c'était une question conne.

Mais le prince lui sourit. Un sourire ému, presque, qui remua les tripes de Prompto dans tous les sens.

– Je crois que c'est la première fois de ma vie que quelqu'un me demande mon opinion sur mes plans de carrière…

C'était un commentaire plutôt triste, pensa Prompto.

– T'as pas envie de devenir roi?

– Non.

– Tu peux faire autrement?

– Non.

Le blond garda le silence pendant une seconde.

– On ne choisit pas dans quelle famille on nait, hein?, commenta-t-il finalement.

Noctis sourit de nouveau et hocha la tête.

Ils se comprenaient parfaitement.

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L'heure suivante confirma que la physique était une science absolument monstrueuse. Le sujet était d'un ennui mortel et le cerveau de Prompto ne désirait visiblement plus coopérer à un projet aussi ridicule. Noctis était de moins en moins participatif, se contentant de faire des "hum" plus ou moins précis quand son coéquipier proposait une formulation, et sa tête tombait parfois vers l'avant comme s'il combattait le sommeil.

Ce que Prompto ne pouvait pas lui reprocher; lui-même avait du mal à garder les yeux ouverts.

D'ailleurs, l'écran devant lui commençait à devenir noir, une seconde, puis cinq, puis…

Il se réveilla dans la confusion la plus totale, emmitouflé dans un nuage de chaleur qui provenait de tous les sens. À sa gauche, Ryan Reynolds releva la tête aussitôt et entreprit de lui lécher le visage dans une logique que seul un chien pouvait posséder.

– Ryan, marmonna-t-il d'une voix à moitié endormie, arrête, merde…

Il la repoussa doucement, les yeux à semi-ouverts, puis constata qu'elle n'était pas l'unique source de chaleur qui irradiait contre sa peau. Noctis s'était aussi endormi dans une position étrange, à moitié affalé contre lui. Sa tête était appuyée mollement contre sa poitrine, son épaule contre la sienne étant la seule chose qui l'empêchait de se casser la gueule sur l'ordinateur déposé sur les genoux de Prompto.

Et il était chaud, putain. Une vraie fournaise.

Il y avait longtemps qu'un mec ne s'était pas collé contre lui, et même s'il savait que c'était accidentel, Prompto sentit immédiatement ses joues devenir rouge vif. Son cœur – ce traître – manqua quelques battements et son cerveau devint complètement inapte à la moindre réflexion, ses pensées tournoyant dans tous les sens.

Puis, il jura contre lui-même, frustré pour une raison obscure. Peut-être frustré de s'être endormi ou frustré de se sentir aussi affecté par un minuscule contact humain, comme le mec désespéré qu'il était. Alors, il poussa Noctis de l'épaule, qui se réveilla en sursaut.

Prompto ignora le froid qu'il ressentit instantanément lorsque le prince s'éloigna de lui.

Il s'étira plutôt, feignant ne pas avoir été moindrement ébranlé par leur position, frotta les yeux de ses paumes ouvertes, regarda Ryan qui marcha jusqu'à son matelas pour se coucher avec Umbra, l'air un peu maussade pour avoir été rejetée. Puis, il attrapa son téléphone pour y lire l'heure.

2h52

– Oh putain!, s'exclama-t-il.

Il avait parlé si fort que Noctis et les chiens avaient sursauté, mais il les ignora. Il se connecta rapidement pour vérifier les horaires des autobus dans les environs et son visage devint blême lorsqu'il prit conscience qu'il n'y avait plus de service. Il leva un regard éberlué vers Noctis.

– Il n'y a pas de bus la nuit dans le quartier Centre?!

– Heu... Je ne sais pas?

Putain de merde. Bien sûr qu'il n'avait pas de bus la nuit dans ce foutu de quartier de riches; tout le monde y possédait une voiture.

Il se laissa tomber contre le dossier du canapé en jurant. Il entendait toujours la pluie tambouriner dans la fenêtre et il savait qu'il devait passer le reste de la nuit à l'extérieur, mais le fait qu'il devait le faire dans le quartier Centre l'angoissait. Il y avait des tonnes de gens qui n'avaient pas de domicile fixe où il vivait, pleins d'endroit où se planquer sans se faire déranger, et, même si dormir à l'extérieur était chiant, personne n'appelait les flics pour si peu.

Certainement que la chose était plus complexe dans un quartier huppé comme celui du Centre.

Qu'est-ce qu'il allait faire, putain? Marcher toute la nuit? Il était complètement lessivé.

– Comment tu vas rentrer? demanda Noctis en se levant.

Prompto soupira. Quel con de s'être endormi.

– Je ne sais pas trop…, marmonna-t-il.

– Un taxi?

Il ne put s'empêcher d'expirer un ricanement amer. Comme s'il pouvait se payer un taxi dans cette ville pourrie.

Noctis se dirigea vers la cuisine et pigea une bouteille d'eau du réfrigérateur.

– Dors ici, fit-il, sans attendre de réponse. Ce sera plus simple. Demain matin, Iggy nous emmènera tous les deux à l'école.

– Ah… Je ne crois pas que ce soit une bonne idée… Le mec ne sera pas trop ravi de me revoir.

– T'inquiète, il s'en fout. T'as juste à dormir là, sur le canapé, ajouta-t-il en se dirigeant vers une porte qui donnait sur une autre pièce. Je t'apporte un oreiller et une couverture.

C'était si simple, putain. Un oreiller, une couverture et un canapé. Mille fois plus confortable que la rue, et pourtant, Prompto avait l'impression qu'il n'avait pas le droit d'accepter une offre aussi généreuse, qu'il ne la méritait pas, pour une raison ou une autre.

Comme si sa place était dehors, sous la pluie, au même endroit où il avait retrouvé Ryan Reynolds.

(Putain sa tête était un vrai foutoir de merde, ce n'était pas possible.)

Mais avant même qu'il ne puisse ordonner ses pensées, Noctis apparut, comme promis, avec un oreiller et une couverture.

– Tiens, j'ai trouvé ça, dit-il en lui tendant le tout.

Prompto haussa les sourcils.

– Heu. Je crois que c'est une nappe, ton truc…

– Quoi?

– Bah oui, c'est une nappe.

Le prince le dévisagea.

– Comment tu sais ça?

– Elle a la texture d'une nappe? Et il y a des illustrations d'assiettes de spaghetti dessus? Et il est littéralement écrit "Bon appétit", ici.

Noctis le regarda comme s'il venait de décortiquer l'enquête du siècle. Puis, il soupira.

– Ok, je ne sais pas où sont les couvertures dans mon appartement… C'est Iggy qui gère ce genre de choses d'habitude.

Prompto rit malgré lui.

– C'est cool, ça ne me dérange pas de dormir dans un ramassis de spaghettis.

– Désolé, fit Noctis d'un sourire timide.

– No prob, mec.

– Bon, alors… Bonne nuit?

Ah. Et voilà comment, sans même s'en rendre compte, Prompto avait accepté l'offre de Noctis.

– Ouais, bonne nuit…

Il s'étendit sur le canapé, plaçant l'oreiller sous sa tête et dépliant la nappe-couverture sur lui, pendant que Noctis fermait les lumières, un Umbra et une Ryan Reynolds à semi-réveillés sur les talons. Le prince s'apprêta à quitter lorsqu'il s'arrêta.

– Ah, simplement t'avertir…, commença-t-il.

Puis, il sembla réfléchir et fit un vague geste de la main.

– Ah non, oublie ça. Bonne nuit.

Et il se retira dans sa chambre.

Prompto bougea, inconfortable, sur son lit de fortune. Maintenant qu'il était seul dans l'obscurité, il se sentait étrange. La pluie continuait de frapper les fenêtres, créant un rugissement continuel qui le mettait sur le qui-vive. Il se retourna d'un sens, puis de l'autre, la nappe grattant sa peau, puis il pensa que Noctis l'entendait probablement de sa porte laissée ouverte et il tenta soudainement de rester le plus immobile possible, les muscles crispés.

Il fixait le plafond sombre depuis un moment, le sommeil au plus loin de lui, lorsqu'il entendit un cliquetis de pattes boitant s'approcher de lui. Il leva la tête.

Ryan Reynolds le dévisagea comme d'un air découragé, puis grimpa sur lui. Elle enfonça son plâtre successivement dans ses côtes, dans sa poitrine, puis dans son ventre, tournant en rond comme pour choisir le meilleur endroit où s'étendre – ignorant Prompto qui râlait sans trop de conviction – et, lorsqu'elle se sentit satisfaite, elle se laissa tomber sur lui.

Et c'est ainsi que le jeune homme s'endormit, une réconfortante boule de poils familière collée à son cou.

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Ce fut un horrible hurlement qui les réveilla tous les deux.

Ryan sauta aussitôt en bas du canapé et Prompto s'assit d'un mouvement sec, la gorge coincée par un nœud instantanément insupportable.

Mais c'était quoi ce bordel, putain?!

Un nouvel hurlement – un son de détresse absolument terrifié – retentit et son sang se glaça. Il se leva brusquement, lançant la nappe au sol, pour courir vers la source du son.

Il s'arrêta dans le cadre de la porte donnant sur la chambre de Noctis, une sueur froide sur la nuque et le cœur battant. Umbra et Ryan jappaient frénétiquement, tournant sur eux-mêmes dans des gestes affolés, mais la vision la plus terrifiante était celle du prince qui se débattait au centre du lit, comme si ses couvertures étaient enflammées.

– Noctis?!, demanda Prompto.

Mais le jeune homme ne l'entendit pas. Il continuait de crier des mots incompréhensibles tout en donnant des coups de pieds à l'aveuglette, visiblement coincé dans un cauchemar terrifiant, et Prompto, inquiet, entra dans la chambre pour s'approcher de lui.

Il n'avait fait que quelques pas lorsque, subitement, un éclair aveuglant explosa.

Pendant une fraction de seconde, ce fut comme s'il avait été projeté dans une eau glacée; ses poumons semblèrent brièvement inondés et ses muscles se crispèrent aussitôt. Il tomba à la renverse, les fesses atterrissant durement sur le parquet, et les chiens s'enfuirent de la chambre en glapissant de détresse.

Lorsqu'il reprit ses esprits, il inspira de surprise.

La pièce était devenue complètement bleue, des armes de toutes sortes flottant autour du prince comme d'étranges fantômes lumineux. Noctis était toujours dans un combat abstrait contre une force inconnue, criant à pleine force, et, au bout d'une seconde immobile durant laquelle Prompto était sonné par le choc, celui-ci se releva brusquement et se précipita sur le lit, où il s'agenouilla pour attraper le prince par les épaules.

– NOCTIS!, cria-t-il pour se faire entendre au-delà des hurlements du prince, PUTAIN RÉVEILLE-TOI!

Il le secoua brutalement, les armes flottant toujours autour d'eux dans une danse terrifiante qui lui glaçait le sang, mais Noctis ne se libérait pas de son cauchemar. Son visage était crispé, ses yeux fermés avec force et ses cris ne cessaient plus. Prompto appela son nom à répétition, mais ses appels étaient noyés sous les hurlements du prince combinés aux jappements frénétiques des chiens, et il avait du mal à éviter les coups qui venaient de toute part.

Il continua jusqu'à ce que sa gorge soit irritée et ses bras douloureux, et, alors qu'il désespérait, le prince ouvrit les yeux soudainement.

Les deux hommes se figèrent aussitôt.

Les iris de Noctis étaient brillants, bleu lumineux comme la magie qui flottait autour d'eux, et Prompto en eut le souffle coupé. Le temps d'un moment, il ne bougea pas, interdit devant ce spectacle irréel, les mains toujours crispées sur les épaules du prince. Mais, peu à peu, le visage du prince se transforma : sa bouche s'étira vers le bas, ses sourcils se haussèrent en triangle, des larmes reluisantes apparurent…

Et Prompto se fit repousser brutalement d'un coup sur la poitrine. Il manqua de tomber du lit, atterrissant sur les fesses dans l'amas de couverture, et Noctis s'assit d'un mouvement sec pour enfoncer son visage dans ses deux mains.

Pendant quelques secondes, Prompto resta immobile, interdit, dévisageant le prince d'un regard surpris. Celui-ci haletait bruyamment, cachant son visage tout en le frottant de gestes frustrés. Puis, un reniflement léger se fit entendre, puis un autre, et le blond compris.

Noctis pleurait.

Autour d'eux, la lumière bleue continuait de flotter, créant des ombres noires qui vibraient étrangement, et Prompto ne savait plus trop quoi faire. Il se demanda s'il devait quitter la pièce pour laisser au prince un peu d'intimité, mais il ne pouvait pas s'y résigner.

– Hey…, demanda-t-il d'une voix hésitante. Est-ce que… heu… ça va?

Noctis ne répondit pas tout de suite, reniflant bruyamment, puis il abaissa les bras d'un air défait.

– Ah, putain…, marmonna-t-il. C'est tellement con… merde… c'est con…

Prompto se pinça les lèvres. Une partie de lui voulait lui demander ce qui s'était produit et une autre voulait savoir ce qu'étaient ces trucs bleus (foutrement terrifiants) qui flottaient toujours autour d'eux. Mais une plus grande partie avait envie de prendre Noctis dans ses bras pour le consoler, parce qu'il avait l'air minuscule dans son énorme lit, avec ses épaules voûtées et ses joues humides.

– Un cauchemar?, demanda Prompto.

Noctis hocha la tête sans le regarder. Puis il ouvrit la bouche comme pour s'expliquer, mais les mots ne sortirent pas. Son visage se déforma à nouveau, il étouffa un sanglot et…

Prompto ne put plus rester en place.

Comme tiré par une force plus grande que lui, il se retrouva sur ses genoux à nouveau et attira Noctis contre lui.

Toute résistance quitta le prince instantanément. Ce fut comme si une valve s'était soudainement ouverte et celui-ci éclata en sanglots, enfonçant son visage dans le creux du cou de Prompto et enroulant ses bras autour de sa taille, qu'il serra comme si sa vie en dépendait. Ses pleurs étaient bruyants et rapides, provenant du fond de ses poumons où ils avaient été enfermés pendant dieux seuls savaient depuis combien de temps.

Prompto connaissait le sentiment. Plus jeune, il avait énormément de terreurs nocturnes, des cauchemars plus grands que nature qui lui faisait revivre des épisodes de sa vie qu'il voulait oublier. À chaque fois, il se réveillait seul, les joues humectées de larmes et les poumons haletants douloureusement. Et à chaque fois, il espérait que sa mère vienne le serrer pour le réconforter.

Mais, le cancer lui avait retiré ce luxe.

C'était sans aucun doute la raison pour laquelle Prompto avait agi sans hésiter, comme un réflexe ancré au fond de lui. Il s'en foutait si son geste était impulsif ou étrange, si deux mecs qui ne se connaissaient pas ne devraient pas s'enserrer ainsi, si Noctis était un aristocrate et lui qu'un roturier.

Et à voir comment Noctis s'accrochait à lui, il avait eu raison.

Il attendit que le prince ne se calme de lui-même, frottant son dos d'un geste réconfortant, regardant distraitement les armes bleues qui continuaient à tourner de plus en plus lentement. Éventuellement, les chiots, leur peur passée, grimpèrent sur le lit à leur tour pour coller leurs museaux humides partout où ils le pouvaient, puis s'étendirent à leurs côtés.

Les sanglots de Noctis finirent par s'arrêter au bout de quelques minutes, mais il ne bougea pas immédiatement. Prompto ne le pressa pas. Puis, le prince se sépara de lui en reniflant bruyamment, les yeux baissés sur ses genoux.

– Ah, merde… marmonna Noctis d'une voix enrouée en frottant brusquement ses joues pour y effacer toute trace de larme. C'est tellement con… putain…

– Hey, répondit Prompto, c'est pas con. J'ai pas mal d'expérience en terreurs nocturnes, je connais le sentiment.

Noctis ne répondit pas immédiatement, caressant la tête de Umbra qui s'était appuyé sur son genou.

– Je suis désolé… fit Noctis, évitant toujours son regard.

– Pourquoi tu t'excuses?!

– Parce que…

Il leva la main pour faire un mouvement vague entre eux, comme s'il n'arrivait pas à mettre des mots sur ce qui venait de se passer. Il ne termina pas sa phrase.

– Tu fais souvent des cauchemars?, lui demanda Prompto.

Noctis hocha la tête.

– Ouais… Sans arrêt. J'ai un…

Il hésita une seconde.

– J'ai un TSPT, termina-t-il.

– Un quoi?

– Un trouble de stress post-traumatique.

– Ah…

– Depuis que ma mère est décédée, expliqua Noctis. J'ai… Enfin.

Il s'interrompit en faisant un geste de la main.

– Tu dois être au courant de toute façon, ajouta-t-il.

– Heu… Pas vraiment?

Noctis lui fit un regard surpris. Ses yeux étaient toujours brillants, mais leur intensité était moins élevée.

– Ma mère, la reine?, insista-t-il.

– Ah, heu…

Prompto grimaça. Il se rappelait vaguement d'une tragédie qui avait fait la une de tous les journaux par le passé, mais les détails lui échappaient; il ne s'était jamais intéressé à la famille royale.

– Désolé…, fit Prompto en se grattant le derrière de la tête dans un tic nerveux. Je suis nul en… en histoire? Heu. Enfin. Je ne lis pas vraiment les nouvelles non plus.

Quelque chose passa dans le regard de Noctis, une émotion qu'il ne pouvait identifier, mais elle disparut aussitôt. Le prince fit un hum compréhensif, puis déplia lentement les jambes et se plaça plus confortablement sur le lit, évitant les chiots qui roupillaient déjà.

– En résumé…, expliqua-t-il d'une voix basse en jouant distraitement d'une main avec la couture de sa couverture, ma mère a été tuée dans une attaque du Niflheim quand j'avais douze ans. Par un daemon. J'étais dans la voiture avec elle, j'ai survécu de justesse.

– Ah merde.

– Ouais… Ça fait longtemps, donc j'ai eu le temps de faire mon deuil, mais… j'ai encore des flashbacks. Surtout la nuit.

Prompto se mordit la lèvre. Il avait remarqué que le prince s'endormait toujours en cours et il avait décidé que celui-ci était fainéant. Il se sentit soudainement coupable d'avoir sauté aux conclusions aussi vite.

– J'aurais dû t'avertir, termina Noctis en soupirant. Mais ça faisait un moment que je n'avais pas fait de cauchemar aussi intense.

– C'est ok.

Les deux hommes restèrent dans un silence fatigué, bercés uniquement par les ronflements des chiots. La lueur bleue baignait toujours la pièce, mais elle n'avait plus l'air aussi menaçante. Prompto regarda les armes translucides qui avaient arrêté de tourner, se contenant de flotter sur place comme dans un rêve.

– Je me demandais, commença-t-il, brisant le silence. C'est quoi, ces trucs, au juste?

– Quels trucs?

– Bah, les espèces d'épées bleues qui flottent depuis tout à l'heure? Là?

– Oh merde!

La lumière disparut aussitôt, plongea soudainement la pièce dans le noir. Prompto cligna des yeux, découvrant qu'une lampe sur la table de chevet était restée allumée, éclairement faiblement la pièce de son ampoule jaune.

– Putain, fit Noctis, j'avais même pas réalisé, désolé! Tu l'as reçu dans la gueule?

– Reçu quoi?

– Ma magie.

Prompto le regarda de yeux surpris.

– C'est toi qui fais ça?!

– Bah, ouais? Habituellement, je fais apparaitre mes armes seulement en combat, mais parfois mes cauchemars sont tellement réalistes que, bon… C'est un peu comme si j'étais somnambule.

Ses armes? En combat?

– Attends, fit Prompto d'un air sidéré. Tu veux dire que tu peux faire apparaître des armes à volonté et qu'en plus, tu les utilises en combat?

Son expression devait avoir l'air ridicule, parce que Noctis sourit. Ses yeux avaient repris leur couleur normale, mais le cobalt restait magnifique sous la lueur de la lampe.

– Bah ouais? T'as jamais entendu parler de la magie des Lucii?

– Heu. Vaguement?

Cette fois-ci, Noctis rit.

– Putain, tu étais sérieux quand tu disais que tu étais nul en histoire!

– J'ai remplacé le cours par celui de chimie avancée, expliqua Prompto en haussant les épaules. Et permets-moi d'être un peu surpris, bordel, c'est pas tous les jours qu'on découvre que son partenaire de projet scolaire est un sorcier-combattant ou je ne sais quoi!

– Un sorcier combattant?, répéta le prince d'un sourire en coin. Wow, c'est la première fois que je l'entends celle-là.

– C'est ce que t'as dis, non? Que tu faisais du combat?

– Ouais, je m'entraîne quatre fois par semaine depuis que j'ai cinq ans, mais c'est juste de la pratique… Pour l'instant. Si un jour, les Nifs traversent le mur, je serai prêt à les défoncer.

Une pierre tomba dans l'estomac de Prompto et il détourna le regard. Si seulement le prince savait. Il y avait littéralement un Niflhe assis sur son lit en ce moment même.

Il reprit rapidement la conversation cependant, comme si de rien n'était.

– Ta magie a pété quand je suis entré dans la chambre, expliqua-t-il. J'ai failli chier dans mon pantalon.

Noctis éclata de rire et Prompto sourit. Il préférait de loin ce son aux sanglots.

– Désolé, répéta le prince en riant.

– Arrête de t'excuser putain, fit Prompto d'un ton léger. Allez, il est tard, je vais te laisser dormir, ajouta-t-il en entamant mouvement pour descendre du lit.

Le visage de Noctis tomba aussitôt et Prompto s'arrêta net.

– Tu crois que tu pourras dormir?, demanda-t-il d'une voix inquiète.

Noctis pencha la tête, ses cheveux glissant sur ses yeux.

– Heu…

– Tu veux que je reste?

– Non, non, ça va…

Noctis était un terrible menteur et Prompto roula les yeux.

– Ça me dérange pas, t'as juste à demander.

Le prince se mordit la lèvre.

– Heu, est-ce que tu veux dormir ici? Je… ah, c'est bizarre, oublie ça, c'est con.

En réponse, Prompto s'étendit sur le dos, par-dessus les couvertures et tout au bord au lit parce que Noctis était au plein centre et les chiens prenaient énormément d'espace.

– Je vais te réveiller si jamais tu fais un autre cauchemar, ok?, fit-il sans laisser la moindre opportunité à Noctis d'argumenter.

Le prince murmura un bref "ok" et s'étendit à son tour, glissant vers l'autre côté du lit, laissant les chiots bien endormis entre les deux hommes.

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Quelques minutes plus tard, alors que le sommeil glissait lentement dans la pièce, Noctis eut un soubresaut. Prompto se retourna vers lui et tendit la main entre les chiens; le prince l'attrapa aussitôt.

– Ça va, je suis là, murmura Prompto d'une voix ensommeillée.

Noctis hocha la tête, ferma les yeux et s'endormit calmement.

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Ignis Scientia planifiait une journée chargée : il avait des rencontres toute la matinée, puis un entraînement avec Gladio à midi, un rapport à terminer pour le conseil de seize heures et, en soirée, une étude de projet de loi qu'il ne pouvait plus reporter.

Mais, avant tout, il devait s'organiser pour que le prince soit prêt à l'heure pour son premier cours de la journée, un défi qu'il accomplissait de justesse chaque matin.

Il déverrouilla la porte d'entrée grâce à son code, un sac de papier remplis de croissants frais sous son bras gauche, et pénétra dans l'appartement de Noctis où il s'arrêta aussitôt.

Quelque chose n'allait pas.

L'endroit était trop silencieux. Le prince souffrait d'insomnie chronique depuis des années et il était toujours réveillé le matin lorsque Ignis arrivait (bien que "réveillé" était un terme plus ou moins exact, "mort-vivant" était plus près de la réalité.)

Or, la télévision était éteinte. Aucun mouvement dans l'appartement non plus, autre que les chiots venus l'accueillir.

Puis, il baissa la tête et constata que les chaussures de Prompto étaient toujours près de la porte où il les avait laissées la veille.

Il entra dans la salle commune et vit qu'une tentative de lit de fortune était restée à l'abandon sur le canapé, une nappe – sa fabuleuse nappe adorée qu'il avait rapporté de son voyage à Lestallum (!) – lancée au sol.

Sa poitrine se serra. Il déposa rapidement les croissants sur la table et il se précipita vers la chambre de Noctis, où il s'arrêta net dans le cadre de la porte.

Il eut du mal à croire ce qu'il y vit.

Le prince dormait paisiblement, enroulé dans son édredon jusqu'au nez, son souffle lent et régulier glissant dans le silence de la pièce. Seule sa main sortait de son cocon de couverture.

Et au bout de cette main, il y en avait une autre, enroulée mollement autour d'elle.

Celle d'un Prompto endormi.

Ignis se pinça lèvres. Puis, il sortit son téléphone et envoya un texto à Gladio.

Ignis :
" Nous avons peut-être un problème."

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Cindy commence à bien porter son surnom de démone! Mhaha!

Et merci infiniment de prendre le temps de lire cette histoire! xxxxxxxx Charlie

P.S. Le prochain chapitre devrait suivre plus rapidement, car il est bien avancé!