Bonjour!
Ce chapitre est un peu court, mais difficile. Enfin, je crois qu'il sera perçu différemment par chaque personne, alors je vous laisse en juger par vous-même
Bonne lecture et prenez bien soin de vous!
Charlie xx
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CHAPITRE 7 - LA RÉALITÉ CRUE
À partir de ce moment, Prompto et Noctis s'envoyèrent des messages presque tous les jours.
Des conneries, principalement, mais aussi des discussions sur des sujets variés. Ils découvrirent qu'ils avaient plusieurs intérêts communs; ils aimaient les mêmes jeux vidéos et étaient passionnés par le basket tous les deux. Ils avaient aussi les mêmes professeurs et, bien qu'ils ne partageassent pas les mêmes classes, ils en avaient beaucoup à raconter.
Ils se voyaient peu à l'école, leurs horaires ne correspondant pas, excepté leur cours de physique dans lequel ils s'asseyaient maintenant ensemble. Noctis n'arrivait toujours pas à rester éveillé cependant, et Prompto se faisait un devoir (et peut-être même un plaisir) de lui enfoncer son coude dans les côtes à chaque fois qu'il s'assoupissait.
Un jour, alors que Prompto, téléphone en main, était assis avec sa meilleure amie à la cantine, Cindy le surprit à renommer le contact du prince par un simple "Noct".
– Tiens, tiens…, commenta-t-elle.
– Quoi?
Elle le regarda d'un sourcil relevé, un sourire en coin sur les lèvres.
– Rien, rien du tout… Mais disons que je constate un certain changement dans ta relation avec le prince…
Prompto roula les yeux.
– C'est simplement son nom dans ma messagerie. J'allais pas garder l'ancien éternellement, quand même.
– Ouais, ouais, c'est ça. Même ton déni n'est pas crédible.
Il renomma son contact par "Cindy la démone qui fait chier".
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Prompto découvrit que si Noctis manquait parfois des journées entières de classes, c'était parce que ses obligations de prince le forçaient à rester au palais.
Cette journée-là était l'une d'entre elles. Prompto avait espéré profiter de sa soirée de congé pour avancer le projet de Barbarossé avec le prince, mais dès qu'il avait constaté l'absence de celui-ci à son cours de physique, il avait deviné qu'il n'était probablement pas disponible.
Il avait quand même tenté de coup.
Prompto :
"tu es libre ce soir?"
Noct :
"non dsl, je suis coincé à la citadelle"
" :( :( :( "
Prompto :
"ah je compatis"
Il avait été déçu. En temps normal, il aurait été euphorique à l'idée d'avoir enfin un soir libre pour faire autre chose que de travailler à l'épicerie ou de souffrir sur son projet de physique, mais il n'arrivait pas à l'apprécier pleinement.
Il tenta de ne pas trop réfléchir à ce que ça signifiait. Son cerveau était parfois une petite bête bien étrange.
Lorsque la cloche du dernier cours de la journée sonna enfin, le sentiment était cependant déjà passé. Il se dépêcha de ranger ses affaires dans son sac à dos et de filer à l'extérieur, le pied léger à l'idée de se concocter un délicieux repas et de passer la soirée emmitouflé dans une couverture en écoutant une série télé.
Le campus était déjà surpeuplé d'étudiants pressés comme lui de rentrer, se dirigeant en grand nombre vers les boulevards encadrant l'école pour attraper un bus. Prompto enfila ses écouteurs et marcha sur la cadence de la musique, son sac à dos à l'épaule.
Il était presque arrivé à son arrêt lorsqu'il remarqua Ignis. Le conseiller était appuyé sur le capot d'une voiture, comme il le faisait souvent lorsqu'il attendait Noctis, mais le véhicule en question n'était pas celui qu'il utilisait habituellement.
Prompto fronça les sourcils. Le prince avait été absent toute la journée, alors qu'est-ce que son conseiller foutait là?
Il eut un mauvais pressentiment et augmenta la vitesse de sa cadence, mais lorsqu'il jeta un coup d'œil de nouveau vers Ignis, il constata que les yeux de celui-ci étaient fixés sur lui. En fait, dès que leurs regards se croisèrent, le conseiller se leva aussitôt pour lui faire un salut de la main, et Prompto jura intérieurement.
Ce n'était pas qu'un salut de passage. Le conseiller se dirigea vers lui et, malgré l'envie irrésistible de continuer sa marche en l'ignorant, Prompto s'arrêta.
– Bonjour Prompto, fit Ignis lorsqu'il fut près de lui.
– Salut, répondit ce dernier en retirant un écouteur.
Il ne s'était pas complètement retourné vers le conseiller, comme pour indiquer qu'il ne comptait pas s'arrêter longtemps.
– Avez-vous besoin que je vous dépose au travail?
Prompto lui lança un regard suspicieux. Le type ne s'était quand même pas déplacé jusqu'à l'école uniquement pour le raccompagner en voiture ?
– Je ne travaille pas ce soir, répondit-il.
– Ah. Alors, je peux peut-être vous déposer à votre domicile? Vous éviterez l'autobus, j'imagine qu'il est très bondé à cette heure?
Le blond le dévisagea pendant un long moment sans répondre. Le mauvais pressentiment n'arrêtait plus d'augmenter, grimpant dans son dos jusqu'à sa nuque comme un insecte désagréable.
C'était quoi ce bordel?
– Non, ça va, je gère, répondit-il au bout d'un moment, un peu plus sèchement qu'il ne l'avait désiré.
– Permettez-moi d'insister, répliqua Ignis d'un sourire.
Si le conseiller tentait d'avoir l'air sympathique, c'était complètement raté. Prompto devint alors convaincu qu'il allait se faire assassiner et il déglutit difficilement, détournant le regard pour chercher une porte de sortie. Les étudiants étaient déjà nettement moins nombreux autour d'eux, contournant les deux hommes sans ralentir, et Prompto vit avec horreur son autobus au coin de la rue, trop loin pour qu'il puisse le rattraper.
Fuck.
Comme si son silence était une réponse positive, Ignis se retourna pour marcher vers sa voiture en faisant un signe de la main pour indiquer à Prompto de le suivre, ce que ce dernier fit stupidement, principalement parce qu'il ignorait si s'enfuir allait lui attirer des problèmes.
Il le regarda ouvrir la porte passager de sa voiture, un véhicule sport à l'habitacle minuscule – une Audi R8 s'il la reconnaissait bien – et Prompto retira son sac à dos avant de se pencher pour y entrer, rangeant rapidement ses écouteurs dans celui-ci.
(L'intérieur était luxueux et sentait le cuir à plein nez. Ce fut une certaine consolation, car qui voudrait assassiner un type dans une voiture qui valait 3 millions de gils? Le nettoyage serait absolument monstrueux.)
Lorsque Ignis s'assit derrière le volant, il inscrivit l'adresse que lui dicta Prompto sur un gigantesque écran tactile dressé au centre de la console et une carte routière y apparut aussitôt.
– Parfait, allons-y, déclara Ignis.
Il démarra et Prompto s'enfonça dans son siège.
Les premières minutes furent silencieuses, mais Prompto n'en fut pas berné. Il savait bien que le conseiller le raccompagnait pour une raison quelconque et il avait hâte que ce dernier ne dévoile son jeu. En fait, il était prêt à parier que celui-ci le voulait dans sa voiture pour lui parler de quelque chose concernant le prince – quelque chose dont il ne pouvait pas parler en public.
Après un long moment – absolument interminable – la voix du conseiller se leva enfin.
– En fait, commença Ignis, je dois être honnête. Je suis venu aujourd'hui en espérant avoir une conversation avec vous.
Putain, il avait bien deviné.
– Quel type de conversation?
Ignis fixait toujours la route devant lui, son gant fermé sur le haut du volant.
– Vous devez bien vous douter que, dans le passé, des gens ont tenté de profiter de la renommée du prince en lui faisant miroiter des amitiés qui étaient purement de l'opportunisme. Noct en a été profondément blessé, et moi aussi, par extension. C'est la raison pour laquelle nous restons méfiants lorsque de nouvelles personnes entrent dans notre entourage.
Prompto produisit un hum qui indiquait qu'il comprenait. Ses quelques rencontres avec les groupies de Noctis avaient été des expériences fortes en révélations.
– Résultat, le prince a eu très peu d'amis dans sa vie. Vous êtes, disons, le premier qui ne lui a pas été présenté par la couronne. Vous comprenez?
– Heu… oui?
– Parfait.
Prompto pouvait déjà prédire la suite de la conversation. Il était vrai qu'il pouvait maintenant se considérer comme un ami de Noctis; mais il ne répondait probablement pas aux critères d'Ignis... Il pouvait déjà entendre le sermon à propos de la façon qu'il s'adressait au prince et le pénible rappel du protocole royal qui allait très certainement suivre.
Et il était tout à fait prêt à monter aux barricades. Hors de question qu'il ne se plie à ces règles ridicules. Et puis, il était prêt à parier qu'elles ne plaisaient pas à Noctis non plus.
– Vous comprendrez que, continua un Ignis toujours concentré sur la route qui défilait devant lui, étant donné votre relation grandissante, j'ai pris quelques mesures pour m'assurer de la sécurité du prince.
– Sa sécurité?, répéta Prompto en fronçant les sourcils.
Comment un étudiant ordinaire comme Prompto pouvait menacer la sécurité d'un mec qui faisait apparaître des épées magiques à sa guise et qui était entraîné au combat?
– C'est la raison pour laquelle j'ai demandé une étude de vos antécédents, termina Ignis.
Il eut un moment de silence. Un moment lourd et étouffant, qui écrasa instantanément les épaules de Prompto.
Ses antécédents.
Son passé. Ses origines.
Il sentit le sang disparaître de son visage et son cœur manqua un battement.
Il avait été démasqué. Ignis savait. Il savait que Prompto était Niflhe, il allait être expulsé du pays, il allait devoir abandonner ses plans d'études, il allait peut-être même être envoyé en taule, il…
– …ce n'est qu'une procédure, rien de très complexe…, continua la voix du conseiller.
Les oreilles de Prompto sifflaient. La voiture s'arrêta à un feu de circulation et il eut envie d'ouvrir la portière pour respirer.
Ou vomir.
– Je suis conscient qu'il s'agit d'un sujet délicat, continua Ignis. Mais suite à une vérification de vos activités antérieures sur les médias sociaux, j'ai cru comprendre que vous étiez homosexuel?
Le sifflement s'arrêta.
Quoi?
Prompto, ébahi, tourna la tête vers Ignis. Celui-ci regardait toujours devant lui d'un air complètement détendu, observant les passants qui traversaient la rue devant sa voiture.
– Comment…?
– Vous avez publié dans le passé des photos avec une personne qui, je crois, était votre ancien petit ami?
Le cerveau de Prompto lui donnait l'impression qu'il était rempli de coton. C'était quoi, ce bordel? Ces photos, il les avait effacées depuis longtemps. Il ne restait plus aucun signe de Ravus sur ses comptes, il avait tout supprimé suite à leur séparation.
– Ce n'est évidemment pas interdit, continua Ignis en levant la main, et il n'y a, bien sûr, rien de mal à être homosexuel. Mais vous devez aussi comprendre que Noctis est le prince du Lucis. Il sera bientôt représentant de sa nation et responsable de continuer la lignée des Caelum.
Prompto était confus. Cette conversation allait dans une direction qu'il n'avait pas du tout prévue.
– Pourquoi…, commença-t-il, s'interrompant pour se racler la gorge. Pourquoi… tu me dis tout ça?
– Je veux m'assurer que vos intentions avec le prince se limitent à une amitié et rien de plus. Comme je vous l'expliquais, il n'y a rien de mal à être homosexuel, mais pour le prince du Lucis, c'est différent. Ses obligations ne lui permettent pas… cette liberté.
Cette fois-ci, Prompto le dévisagea. Tout à coup, la tangente de la discussion prit tout son sens et il sentit une colère noire grimper dans son dos.
Il hallucinait ou quoi?!
– Attends, s'exclama-t-il, parce que je suis gay, tu crois que je vais transformer ton prince en homosexuel?
– Je vous ai surpris dans le même lit, répondit Ignis, comme s'il s'agissait d'une explication suffisante.
– Je… J'ai dormi avec lui parce qu'il fait des cauchemars horribles! Tu le savais, au moins?
– Oui, bien sûr.
– Et tu crois que parce qu'il a dormi à proximité d'un homo, il va soudainement devenir homo, lui aussi?! C'est pas une maladie contagieuse, putain!
Ignis se pinça les lèvres. Il ne répondit pas tout de suite, comme s'il réfléchissait consciencieusement à sa prochaine réplique. Mais il ne nia pas non plus les propos de Prompto et la colère de celui-ci amplifia brusquement.
– Putain, j'y crois pas!, lança-t-il en faisant un geste frustré de la main.
Entre-temps, le feu devint vert et Ignis redémarra en douceur, comme si soudainement, il marchait sur des œufs. Son assurance, pour la première fois, semblait ébranlée.
– Je veux… simplement que vous ne développez pas de faux espoirs, dit le conseiller d'une voix basse. Ou que vous entrepreniez… des actions auprès du prince.
Prompto le dévisagea. Longuement.
– Que j'entreprenne des actions, répéta-t-il d'un ton plat.
Moment de silence.
– Ce n'était pas la bonne formulation, confirma Ignis d'un soupir.
– Parce que la formulation que tu cherchais était "que je couche avec Noctis".
Cette fois-ci, Ignis grimaça.
Prompto était furieux. C'était le summum de la stupidité de croire que parce qu'il était gay, il allait sauter sur tous les mecs qu'il croisait comme s'il était pris de pulsions incontrôlables, putain!
Il avait eu dans sa vie son lot de discussions pénibles concernant son homosexualité et un lot encore plus important de commentaires homophobes en tout genre.
Mais il n'aurait pas cru entendre ce genre de choses d'un mec comme Ignis. Un homme éduqué, poli, né dans un milieu aisé…
Un homme complètement différent de son père.
– Arrête la voiture.
Ignis soupira.
– Écoutez, je…, commença le conseiller.
– Arrête. la. voiture, répéta Prompto en appuyant sur chaque mot.
Il posa la main sur la poignée, comme s'il était prêt à se lancer hors du véhicule en marche – il était tant en colère qu'il y songeait presque – mais Ignis ralentit pour s'arrêter sur le bord de la route.
– Prompto, attendez.., tenta Ignis.
Mais le jeune homme ne voulait plus rien entendre. Il ouvrit la rageusement portière et, avant de descendre, il se tourna vers Ignis.
– T'es un vrai connard pour croire que parce que je suis gay, je suis une menace "à la sécurité de ton prince", déclara-t-il, reprenant les mots du conseiller. T'es un putain de trou de cul. Et tu peux aller te faire foutre.
Et Prompto sortit, la main serrée sur la poignée de son sac à dos, claquant bruyamment la portière derrière lui.
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Il était fou de rage. Son sang bouillait littéralement dans ses veines et son cœur battait à plein régime. Il marchait rapidement, sans but précis, parce qu'il sentait que s'il arrêtait une seule seconde, la colère qui lui rongeait les poumons allait s'échapper de lui en hurlement.
Il n'arrivait pas à y croire. Et en même temps, il avait entendu ce discours de merde si souvent qu'il se demandait pourquoi bordel il se mettait encore dans un état pareil pour tant de conneries. Qu'est-ce qu'il en avait à foutre de l'opinion stupide d'un type qu'il connaissait à peine? Qu'il aille se faire foutre.
Mais c'était plus fort que lui.
Son cerveau ne pouvait pas ralentir, tout comme la cadence frénétique de ses pas. Il y avait tellement de trucs tordus dans la conversation qu'il venait de subir. Pas seulement à propos de son orientation, sur laquelle Ignis entretenait visiblement des préjugés complètement aberrants qu'il avait entendus au moins mille fois dans sa vie, mais aussi à propos du prince. Le conseiller parlait de lui comme d'un cheval d'élevage, forcé de se reproduire pour la lignée des Caelum. Sans même avoir l'autorisation d'être autre chose qu'un hétéro, comme si c'était quelque chose qu'on pouvait choisir.
Et puis, il y avait cette histoire à propos des photos de Ravus qui le mettait mal à l'aise. Ces photos n'existaient plus en théorie, effacées depuis longtemps, mais Ignis semblait dire qu'il en avait eu accès. Jusqu'où était-il allé pour espionner Prompto? Et comment bordel il avait pu passer à côté de l'aspect le plus important, celui qu'il était d'origine Niflhe?
Quelle ironie que Ignis s'inquiète tant pour sa dangereuse homosexualité qu'il loupe cet élément majeur.
Il soupira, ralentissant sa marche effrénée.
Sa vie serait tellement plus simple s'il était… différent.
Plus jeune, il avait stupidement essayé de se convertir en hétéro. Il se disait que sa vie serait plus facile s'il était attiré par les femmes, s'il arrivait à se convaincre qu'il préférait leurs courbes, leurs seins, leur voix, leur odeur. Il se disait que son père le détesterait moins, qu'il recevrait moins de coups sur la gueule. Mais, malgré tous ses efforts, il n'y était jamais arrivé. Il était malheureux, mal dans sa peau et sans sa propre tête, et il restait éveillé des nuits durant pour tenter de trouver la façon de briser cette putain de malédiction qui lui pourrissait la vie.
Et puis, le temps avait passé et il avait vieilli. Il avait rencontré des gens et compris certaines choses. La première étant qu'il n'avait pas de contrôle sur ses préférences. La deuxième, que son père resterait un vrai trou de cul, peu importe ce qu'était ou ce que n'était pas son fils adoptif. Et finalement, quelque part entre les deux, qu'être gay n'était pas aussi dramatique que son paternel avait voulu lui faire croire.
Certains jours, cependant, il doutait de cette dernière affirmation.
Aujourd'hui en était un.
Il s'arrêta.
Il se sentait comme une merde.
Il prit une grande inspiration. Puis, incapable de rester seul avec ses pensées, il sortit son téléphone et appela Cindy. Elle décrocha à la seconde sonnerie.
– Yeap!, fit-elle joyeusement en guise de bonjour.
– Cindy…
Putain, il avait envie de chialer, comme un con. Une détresse devait être perceptible dans sa voix, car le ton de son amie changea radicalement.
– Qu'est-ce qui se passe?, demanda-t-elle, inquiète. Il faut que j'assassine quelqu'un? Dis-moi qui, il est déjà mort.
Prompto sourit tristement.
– Peut-être bien… (Il renifla. Putain, il chialait pour vrai, quel looser.) T'es occupée?
– Veux-tu que j'aille te rejoindre quelque part? Ou veux-tu venir chez moi? Mes parents ne sont pas à la maison actuellement.
– Ok, oui, chez toi…
– Parfait, je t'attends. Je prépare du chocolat chaud ou ma carabine?
Prompto rit cette fois-ci.
– C'est pas si dramatique, t'inquiète.
– Les deux, alors. Allez, je t'attends.
– Ok, à tout à l'heure.
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– T'as pas le droit d'être ici, je vais le dire à maman et papa.
Ce fut la façon dont Prompto fut accueilli par le petit frère de Cindy, qui avait ouvert la porte avant même que le jeune homme ne puisse appuyer sur la sonnette.
Prompto sourit. Il aimait bien ce mini diable, un petit roux frisé aux taches de rousseur adorables, qui s'était autoproclamé grand protecteur de la famille. Il avait un de ces caractères qui faisait rager Cindy et c'était probablement ce que Prompto adorait le plus chez lui.
– Ah, non, s'il te plaît, répondit l'invité d'un ton faussement terrifié.
Cindy apparut derrière lui.
– Dégage petit con!, fit-elle en tirant sur le t-shirt de son frère pour le forcer à reculer.
– Je vais le dire à maman!, répéta le garçon.
– Je m'en fous!
Prompto entra à l'intérieur pendant que le frère et la sœur se chamaillaient. Il retira son sac à dos et ses chaussures, les laissant tomber sur la pile impressionnante d'espadrilles qui trônait près de la porte.
– Entre, fais comme chez toi!, cria Cindy tout en faisant une prise de tête à son frère. Il y a un plat de lasagnes sur la table de la cuisine, prends-en un morceau!
– Cool, merci!, répondit-il.
Il se rendit à la cuisine pour piger une assiette et une fourchette dans l'armoire et, sachant que c'étaient les parents de Cindy qui payaient la nourriture, il se fit un devoir de se découper une généreuse portion de pâtes avant de s'appuyer contre le comptoir pour déguster le tout.
La pièce autour de lui était chaotique, typique d'une grande famille : des sacs d'école qui traînaient, des bricolages collés sur le réfrigérateur, des assiettes dans l'évier. Il adorait cet endroit : il y avait toujours de l'action et une énergie infinie provenant des gamins, un bonheur qu'il ne retrouvait pas chez lui. Il avait été déçu lorsque les parents lui en avaient interdit l'accès, mais ils étaient plutôt autoritaires, comme des parents de familles d'accueil l'étaient souvent.
Et puis, peu importe ce que Cindy disait sur sa flopée de morveux – comme elle les appelait – ils étaient tous extrêmement attachants. Peut-être que c'était parce que, comme Prompto, ils étaient tous orphelins ou séparés de leurs parents biologiques, une réalité que le jeune homme comprenait et qui créait un lien entre eux.
– Promptooooo!, fit une voix enfantine.
La petite sœur de Cindy apparut dans la cuisine et courut vers lui pour l'enserrer, une accolade que le jeune homme répondit joyeusement d'un bras, l'autre relevant son assiette. Elle était toute petite pour ses huit ans, avec une peau marron et des cheveux volumineux qui lui donnaient une tête adorablement gigantesque.
– Heyyy, Mira! Comment tu vas?
– Bien!, répondit-elle d'un sourire aux dents blanches.
– Bon, fit Cindy en entrant à son tour dans la cuisine, j'ai terminé avec le petit con. Tu veux quelque chose à boire?
– Nah.
Cindy s'assied à la table et attrapa une fourchette qu'elle planta dans les lasagnes pour s'en prendre une bouchée directement du plat.
– C'est notre tante qui a cuisiné, expliqua-t-elle tout en mastiquant.
– C'est foutrement délicieux, commenta Prompto.
– Ouais, ses talents culinaires sont bien la seule chose que j'aime chez cette femme… Alors… Qu'est-ce qui se passe?
Prompto baissa les yeux sur son assiette en soupirant. Il lui raconta en détail la conversation qu'il avait eue avec Ignis, la surprise, puis les préjugés, le sentiment de se faire traiter différemment parce qu'il était gay, la frustration qu'il ressentait à l'idée qu'il devait encore justifier une partie de lui sur lequel il n'avait pas de contrôle… Mais le vivre et le raconter étaient différents, et lorsqu'il termina son récit, il se demanda s'il n'avait pas réagi de façon disproportionnée.
Semblerait-il que Cindy trouvait que non.
– Oh le salaud, j'y crois pas!, s'exclama-t-elle, tapant du poing sur la table. Quel.. arrh quel, quel, GROS CON!
– Quel trou de cul!, ajouta Mira.
– HEY! TON LANGAGE!, réprima aussitôt sa sœur.
La gamine roula les yeux et Cindy se tourna vers Prompto.
– Mais elle a raison, confirma-t-elle, quel trou de cul!
– Et ton langage, toi?!, s'offusqua Mira.
– Moi, je suis déjà une cause perdue, répliqua Cindy d'un mouvement vague de la main. Alors, reprit-elle à l'intention de Prompto, c'est lui que je dois buter pour t'avoir brisé le cœur?
Le jeune homme rit faiblement en déposant son assiette vide sur la table. Son estomac bien plein le réconfortait déjà.
– Noctis dit qu'il est un spécialiste du combat à la dague, je crois pas que tu aurais une chance…
Simplement prononcer son nom lui serra le cœur. Peut-être bien que le conseiller avait raison de s'inquiéter, il était difficile de rester insensible au prince.
– Il sait que tu es gay?
La question le surprit.
– Noctis? Heu… Je ne sais pas?
Cindy lui lança un regard perplexe.
– Comment tu ne sais pas?
– Bah, je crois pas? On en a jamais parlé.
– Comment ça?
Prompto soupira.
– Putain Cindy, tu sais que je ne me présente pas aux gens en leur disant "Bonjour, je suis Prompto l'homosexuel!". J'ai pas une carte de membre du club des homos d'Insomnia à leur exhiber sous le nez!
Il se frotta le front.
– Habituellement, ça se glisse tout seul dans une conversation, mais… Je… C'est pas arrivé.
Putain, pourquoi était-il si compliqué d'être gay? Et pourquoi devrait-il l'annoncer à tout le monde qu'il croisait dans sa vie? Noctis et lui n'étaient que les partenaires d'un projet scolaire jusqu'à tout récemment, ce n'était pas comme s'il était son âme sœur qui devait tout savoir de lui.
Et soudainement, il se sentit coupable. Peut-être aurait-il dû lui dire?
Mais dans quel sens? L'avertir comme s'il s'agissait d'un danger?
Quelles conneries.
Son débat interne devait être visible dans son visage, car, au bout d'un moment, Cindy se leva et l'enserra contre lui. Elle le faisait très rarement, uniquement lorsqu'il se sentait réellement misérable, et il ressentit aussitôt une envie ridicule de pleurer.
Pourquoi il en avait quoi que ce soit à foutre? De Ignis, ou même de Noctis? Pourquoi c'était si important, soudainement?
Et la réponse, il la connaissait déjà.
Ses yeux se gorgèrent de larmes malgré lui et il enroula ses bras autour de Cindy, penchant la tête au-dessus de l'épaule de celle-ci.
– Cindy, putain…
– Shh, fit-elle d'un murmure réconfortant. Ça va aller…
– Je… Je crois que…
Il s'arrêta une seconde, la gorge coincée. Puis :
– Je crois que je vais perdre dix gils…, échappa-t-il d'un souffle.
Sur ce, la jeune femme recula pour le regarder d'un air désolé.
– Oh, Prompto…
Elle le serra à nouveau, mais le poids insupportable dans la poitrine de Prompto ne fit que s'alourdir infiniment.
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Lorsque Prompto arriva à la maison ce soir-là, une gigantesque portion de lasagnes entre les mains, gracieuseté de Cindy (ou plutôt de ses parents, mais ils n'en avaient aucune idée), il avait l'impression qu'il venait de vivre un marathon. Il était complètement vidé de toute énergie, épuisé mentalement et physiquement, et il rêvait déjà de s'étendre dans son lit.
Il enleva ses chaussures devant la porte sans les ranger et traîna les pieds jusqu'à la table de la cuisine sur laquelle il déposa son plat. Il jeta un coup d'œil à son téléphone; il y avait un appel manqué et un message vocal.
Dracula le lécheur de cul
Il claqua de la langue et bloqua le numéro aussitôt, avant de laisser tomber son téléphone sur la table un peu trop brusquement pour le pauvre appareil. Il n'avait absolument pas l'intention d'écouter le message : il était certain que d'entendre la voix léchée et prétentieuse de Ignis le mettrait à nouveau hors de lui, peu importe le contenu du message.
Il retira son sac et se prépara à monter l'escalier lorsque son téléphone vibra. Il revint sur ses pas et y vit un message de Noctis.
Noct :
"on peut peut-être se voir cette semaine? t'as une autre soirée de libre?"
Prompto se pinça les lèvres.
Il y avait quelques heures à peine, il mourait d'envie de voir Noctis, mais maintenant, il ne savait plus que penser. Jusque-là, leur amitié s'était développée naturellement, glissant comme le flot d'un ruisseau sans que Prompto ait à réfléchir à quoi que ce soit, et il avait apprécié cette simplicité.
Mais la conversation avec Ignis avait tout gâché. Tout à coup, il avait l'impression que tant qu'il n'annoncerait pas à Noctis qu'il était gay, il serait un hypocrite, un menteur qui lui cachait sa vraie nature. Mais il avait aussi l'impression que si, à l'opposé, il sortait du placard, alors tout ce qu'il dirait ou ferait serait mal interprété.
Ignis avait, après tout, bien exposé son opinion personnelle sur les homosexuels, et, bien que ça ne signifiait absolument pas que Noctis pensait pareil, Prompto ne pouvait s'empêcher de s'en inquiéter.
Soupirant, il déposa son téléphone à nouveau sur la table sans répondre au message.
Il l'ignora toute la soirée. Il plaça le plat de lasagnes dans le réfrigérateur et rangea la cuisine tout en laissant fonctionner la télévision du salon en arrière-plan sonore. Il démarra une lessive. Il fit la vaisselle, passa un coup de balai et étendit ses vêtements sur des étendoirs pour les faire sécher. Il monta à l'étage, se doucha, enfila un pantalon de pyjama et redescendit à la cuisine.
Il fixa des yeux le téléphone toujours déposé sur la table.
Puis, il pensa :
Fuck Ignis.
Et il répondit au message de Noctis.
Prompto :
"ouais! je suis libre vendredi soir"
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Je sais que vous avez envie de lancer des pierres à Ignis, et je confirme qu'il le mérite, mais voyons voir la suite...
Je suis toujours émue par vos messages, merci infiniment!
Charlie xx
