. . . . .
Finalement, le commissaire parvint à se libérer sa soirée. En tête à tête avec sa fille, il attendait l'arrivée de Candice invitée à passer la soirée avec eux. La blonde finit par débarquer et passa une bonne soirée en leur compagnie. En fin de repas, Suzanne luttait pour ne pas s'endormir. Son père la conduisit jusqu'à son lit et resta à son chevet une demi-heure avant de rejoindre Candice qui avait débarrassé le salon.
« J'ai vu qu'il y avait le film que t'aimais bien ce soir…
- Ah bon ? Lequel ? s'étonna-t-elle.
- Celui que tu m'as parlé la dernière fois, avec les clowns.
- Ah oui !
- C'est sur la 2 ou la 3… Je sais plus…
- Ah mais comme ça tu vas pouvoir le regarder aussi !
- Ça va bientôt commencer… lança-t-il en s'installant dans le canapé.
- Tu crois que j'ai le temps d'aller me changer ?
- Bah oui si tu te dépêches…
- Ok ! s'enthousiasma-t-elle. »
Candice grimpa à l'étage et revêtit son tout nouveau pyjama rose. Dans le canapé, Antoine s'assura que sa compagne n'était plus dans son champ de vision pour sortir le téléphone de sa poche. Il consulta le dernier sms reçut et souffla avant de le ranger furtivement en l'entendant descendre les escaliers. Fière de son achat, elle se planta devant le commissaire en souriant.
« Voilà ! déclara-t-elle en le fixant. Pile à l'heure !
- Bah assis-toi qu'est-ce que t'attends ? demanda-t-il en rigolant doucement.
- Ouais… lâcha-t-elle avec déception en s'installant dans les bras d'Antoine qui fixait la vitre devant lui.
- Ça va ? demanda-t-elle perplexe. On dirait que t'as vu un fantôme.
- Non non ça va ! J'suis crevé c'est tout… sourit-il en embrassant sa joue.
Candice leva les yeux au ciel.
- Jusqu'ici rien ne change… C'est bien…
- Pourquoi tu dis ça ?
- Pour rien… »
Antoine souffla à nouveau face à la remarque de Candice. L'ambiance était tellement pesante… Et même dans des moments de relaxation, l'atmosphère restait tendue. Le commissaire fit mine de se plonger dans le film mais son esprit avait de toutes autres pensées… Il finit par sursauter lorsqu'il entendit Candice éclater de rire. Visiblement la réplique avait été comique mais le commissaire ne l'avait même pas entendu... Étonné de son silence, elle leva la tête et l'observa impassible. Agacée, elle s'empara de la télécommande et éteignit la télé avant de se lever.
« Bah qu'est-ce que tu fais ? s'étonna-t-il.
- J'éteins parce que tu t'en fous du film.
- Bah non… Pourquoi tu dis ça ?
- Oh arrête c'est bon ! C'est à peine si tu le regardes.
- Mais non… J'te jure ! Je regarde…
- Ah ouais ? Alors c'est qui Julien pour Simone ?
- Euh… Bah…
- Eh bah voilà ! Bonne nuit ! déclara-t-elle avant de grimper à l'étage.
Antoine souffla dans le canapé avant de tout éteindre et rejoindre Candice dans son lit.
- Candice… chuchota-t-il en se glissant derrière elle.
- Mais qu'est-ce que t'as en ce moment ?! pesta-t-elle avec tristesse. T'es plus comme avant…
- Je sais… J'suis pas facile à vivre… avec le boulot…
- Le boulot ! Mais t'as que ce mot là à la bouche, Antoine ! Tu veux plus sortir… C'est limite si je dois me battre pour qu'on se voit.
- Arrête… chuchota-t-il à nouveau en se calant dans ses bras. J'suis désolé… glissa-t-il à son oreille alors qu'elle lui caressait son dos.
- Tu sais que tu peux me parler…. Je vois bien que ça va pas…
- Si ça va… C'est la fatigue… Je gère tout à la BSU… On a toujours pas de remplaçant pour ton poste…
- Mais tu veux pas prendre quelques jours pour te reposer ? Histoire de décompresser…
- Mais je peux pas les laisser dans la merde comme ça…
- Peut-être mais tu devrais penser à toi aussi… T'es pas invincible Antoine.
- C'est toi qui me dis ça… plaisanta-t-il au creux de son oreille avant de la fixer dans les yeux.
- Oui bon… Et la nouvelle ? La fameuse Louise, tu peux pas la recruter dans le groupe crim' ? En renfort…
- Euh… Non… Bah non c'est pas son job. Elle est à l'accueil pour l'instant…
- Ah bon ? Pourtant la dernière fois y avait pas de femme…
- Elle avait sûrement quitté. On dort ? éluda-t-il.
- Ouais… Bonne nuit chéri… conclut-elle en caressant son dos pour l'apaiser. »
Le lendemain matin, Candice se réveilla seule dans un lit froid. Déçue, elle souffla d'agacement avant de s'asseoir au milieu du lit. En bas, Antoine, appuyé sur le comptoir de sa cuisine, relisait pour la énième fois le message reçu la veille. Sa réponse était une véritable surprise et visiblement il ne s'y attendait pas… Il tapa quelques mots de réponses dans la conversation et finit par se raviser… Pourtant, l'envie de lui répondre était si présente… L'envie de comprendre aussi… Il réitéra son geste cinq fois, en vain. Et à chaque fois, ses mots finissaient par être supprimés. Il tapota sur son clavier à nouveau et cette-fois ci, Antoine fut plus convaincu… Mais l'hésitation demeurait…
« Antoine ? entendit-il depuis les escaliers.
Paniqué, Antoine cliqua sur « envoyé » et posa furtivement le téléphone sur le comptoir alors que Candice s'approchait.
T'es déjà debout ? Je pensais qu'on aurait pu se faire un petit câlin… lança-t-elle en encerclant son torse.
- Ouais… J'arrivais pas à me rendormir et je voulais pas te réveiller ! répondit-il en souriant avant de l'embrasser.
- Hum… et tu parlais à qui ? demanda-t-elle suspicieuse.
- Quand ça ? s'étonna-t-il.
- Bah là… à l'instant, sur ton téléphone ?
- Ah ! Non je regardais mes mails…
- Ah… acquiesça-t-elle en souriant doucement avant de s'approcher de son oreille. Hum… C'est dommage… chuchota-t-elle.
- De ?
- Bah on aurait pu prendre le petit dej au lit aussi… lança-t-elle sensuellement.
- Ah oui c'est vrai… J'y ai pas pensé… rétorqua-t-il d'un air détaché.
- Mais il est peut-être pas encore trop tard….
- Suzanne va pas tarder à se réveiller… refusa-t-il gentiment. »
Candice soupira avant de lâcher Antoine. Elle sortit prendre l'air sur sa terrasse et baissa sa tête en triturant ses doigts. Elle finit par se retourner et fixa son compagnon toujours appuyé contre le comptoir, les yeux rivés sur son téléphone qu'il venait de récupérer.
« Antoine ? l'interpella-t-elle doucement.
- Hum ? répondit-il sans quitter son portable des yeux.
- Tu… tu me trouves toujours sexy ? Enfin je veux dire… je te plais toujours ?
Il releva la tête et fronça les sourcils alors qu'elle venait de se planter devant lui.
- Bah oui, pourquoi tu me demandes ça ?
- Je sais pas… Tu me regardes plus…
- Bien sûr que si ! affirma-t-il en posant son téléphone à côté.
- Pourtant je suis allée chez le coiffeur hier et apparemment t'as rien remarqué… T'as même pas vu que j'avais un nouveau pyjama… bouda-t-elle en baissant la tête.
- Excuse-moi… lâcha-t-il d'une voix enfantine en attrapant sa taille. Je suis tellement crevé que… que je pense qu'à moi pardon. Et en plus c'est bête parce qu'il te va super bien ce pyjama…
- Tu parles… Tu dis ça pour me faire plaisir…
- Pas du tout… c'est la vérité… et j'aime bien quand t'as les cheveux plus courts… continua-t-il en chuchotant à son oreille.
- Hum…
- Pardon mon amour… lança-t-il en embrassant sa joue. »
Étonnée qu'il l'appelle comme ça, Candice écarquilla les yeux. Décidément, elle le trouvait vraiment étrange… Il la fixa à nouveau et l'embrassa tendrement avant de déserter la pièce pour gagner la salle de bain. Elle l'observa partir et se retourna pour s'emparer d'une tasse lorsque le téléphone d'Antoine vibra sur le comptoir. Elle tenta de résister mais la tentation étant trop grande, la blonde osa jeter un œil au-dessus de l'écran. Ah… Visiblement Jennifer le prévenait pour Suzanne. Rassurée, elle souffla de soulagement mais malgré tout, un léger doute persistait dans son esprit…
. . . . .
Trois jours plus tard.
19h30. Les yeux rivés sur son dossier d'enquête, le commissaire pestait en relisant les erreurs rédigées sur ces pages. Il était interminable, barbant et terriblement long… Il soufflait d'agacement lorsqu'on toqua à sa porte.
« Oui !
- Commissaire ? Y a quelqu'un pour vous à l'accueil.
- J'avais pas de rendez-vous pourtant… répondit-il perplexe en feuilletant son carnet.
- Elle a dit que c'était personnel…
Antoine fronça les sourcils.
- D'accord. Merci Loïc ! J'arrive. »
L'officier acquiesça et referma la porte, laissant Antoine perturbé. Il enfila sa veste et se décida à rejoindre le hall d'entrée avec nervosité. Il descendit les dernières marches et la vit se retourner devant lui. Sa gorge se serra. Il finit par réduire la distance entre eux et l'observa visiblement tout aussi gênée que lui.
« Salut… se contenta-t-elle de lâcher.
- Salut… Je… J'pensais pas que tu viendrais…
- J'ai hésité mais… en fait je me suis dit que c'était peut-être bien qu'on discute…
- Un signe du destin quoi…
- Ouais… rétorqua-t-elle en souriant brièvement.
- Euh bah suis moi ! C'est là-haut… »
La jolie blonde s'exécuta et suivit Antoine jusqu'à son bureau. À cette heure tardive la BSU était quasi déserte et comme presque chaque soir, le commissaire était le dernier. Il la fit entrer et les deux s'installèrent face à face.
« J'ai l'impression que je vais passer un interrogatoire là… plaisanta-t-elle pour détendre l'atmosphère.
Il rigola doucement.
- Déformation professionnelle…
- Je comprends… monsieur le commissaire donc ?
- Et oui… Tu vois les choses ont un peu changé en 12 ans… lança-t-il plein de reproches.
Elle baissa la tête avant d'oser le regarder à nouveau.
- Toi t'as pas changé en tout cas…
- Arrête…
- Si j'te jure !
- Et toi ? Toujours avocate ?
- Toujours !
Le silence s'installa, laissant la pièce s'envahir de gêne.
Je… J't'avoue que… quand j'ai reçu ton message je savais pas quoi faire…
- Honnêtement je pensais pas que t'allais me répondre… Et je pensais surtout pas te revoir là, ici… Je te croyais loin quoi…
- Ça fait un mois que je suis revenue… J'étais en Bretagne parce que j'avais suivi un homme mais… ça s'est fini alors voilà…
- Ah donc cette fois c'est pas toi qu'est partie… lança-t-il avec sarcasme.
Elle esquissa un bref sourire.
- C'est ta fille ? demanda-t-elle en montrant le petit cadre sur son bureau.
Il acquiesça.
Elle te ressemble. Elle s'appelle comment ?
- Suzanne. Elle a 8 ans.
- C'est bien… Tu vois… finalement t'as réussi à la construire ta petite famille.
- Ouais enfin… j'suis plus avec sa mère.
- Ah pardon je savais pas. Et… t'as quelqu'un ?
- Oui. Répondit-il sans s'éterniser sur le sujet.
Elle acquiesça et laissa le silence s'installer à nouveau.
- Je… J'suis désolée je crois que j'aurais pas dû venir… lâcha-t-elle en se levant.
- Donc tu fuis encore…
Elle fit volte-face et le fixa les yeux embués par les larmes.
- Bah non mais… c'est bizarre comme situation, nan ? J'sais pas on est là tous les deux dans ce bureau à pas savoir quoi se dire... Puis… t'as envie de me cracher toute ta haine, j'le sens et… j'sais pas si j'arriverai à supporter.
Il s'enfonça dans son siège et la fixa.
- J'ai plus de haine Louise. J'aurais juste aimé comprendre… Comprendre pourquoi t'es partie comme ça ?
- Je… J'peux pas… lâcha-t-elle en quittant précipitamment le bureau. »
Choqué, Antoine ne bougea pas. Il fixait l'ouverture de sa porte en silence. Réalisant peut-être qu'il venait à nouveau de la faire fuir et… que l'occasion ne se présenterait plus à lui. Pourtant, il tenait à avoir ses explications…. Mais peut-être pas ici, dans cet atmosphère trop solennel… Il finit par reprendre ses esprits et se remit au travail avant de quitter son bureau quelques minutes plus tard.
. . . . .
