Plongé dans son dossier d'enquête, Antoine fronçait les sourcils tout en surveillant l'heure sur sa montre. Cette fois, il ne voulait pas la décevoir. Il voulait arriver à l'heure muni d'un bouquet de fleurs pour se faire pardonner de ces derniers jours. Cela faisait une semaine qu'il n'avait plus de nouvelles de Louise. Une semaine qu'elle ne répondait plus à ses messages et ne donnait pas signe de vie. Antoine en était certain, elle avait fui. Exactement comme il y a douze ans.

Il s'apprêtait à refermer son dossier lorsqu'on frappa à la porte. Étonné, il releva la tête et donna l'ordre d'ouvrir. Quelques secondes s'écoulèrent et la porte finit par s'ouvrir doucement, laissant apparaître la blonde. Antoine sentit son cœur accélérer. Il n'était pas prêt à la confrontation et surtout… il n'avait pas le temps... Il resta quelques secondes bouche béante et finit par bredouiller quelques mots.

« Louise ? Mais... Je...

- Salut je… ça fait 30 minutes que j'suis en bas… j'osais pas monter je… t'as raison faut qu'on parle mais pas ici…

- Qu'est-ce que tu proposes ?

- Je sais pas je… Y a le café au bout de la rue. Peut-être qu'on pourrait y aller… pas longtemps… juste histoire de parler…

- Euh… Je… C'est que ce soir je…

- Écoute je… j'ai réussi à venir jusqu'ici mais je crois que t'imagines pas tout l'effort que ça m'a demandé… C'est maintenant ou jamais.

Antoine acquiesça en soufflant.

- D'accord mais j'ai pas beaucoup de temps devant moi. J'ai un coup de fil à passer et je te rejoins en bas.

- Ok… Je t'attends. »

Il acquiesça, inexorablement perturbé. D'un côté il y avait sa soirée avec Candice… Et de l'autre il y avait cette soirée avec elle et l'opportunité d'enfin comprendre son passé. Il hésita quelques instants et finit par se saisir de son téléphone qu'il ne tarda pas à joindre à son oreille.

« Allo ?

- Candice ? Je… J'risque de venir un peu tard là… Réunion de dernière minute que j'avais zappée…

- Ah bon ? rétorqua-t-elle avec déception. Mais j'avais tout prévu… J'ai mis la table, mis le four en route…

- Je sais… Excuse-moi… Mais promis je me dépêche et je fais au plus vite !

- D'accord… Bah viens quand tu peux alors… T'en as pour longtemps, longtemps ?

- Je… J'en sais rien… une demi-heure… une heure…

- Ah oui quand même… souffla-t-elle.

- Je vais te laisser… Comme ça plus vite je raccroche, plus vite j'arrive… À tout à l'heure… »

Candice ne prit même pas le temps de lui répondre et raccrocha avant de balancer le téléphone sur la table basse du salon en soufflant.

« Il t'a encore posé un lapin ? demanda Emma en grimaçant.

- Ouais… enfin non il va arriver tard…

- Merde…

- Tu crois qu'il me ment ?

Sa fille haussa les épaules.

- Non parce que ce serait pas la première fois…

- Mais il aurait aucune raison de mentir, nan ?

- J'en sais rien Emma… En même temps… y a qu'un seul moyen de le savoir…

- Quoi ?! Tu vas quand même pas aller là-bas ?

- Nan mais juste faire un p'tit tour… Au moins je serai sûre…

- C'est n'importe quoi…

- Ouais… t'as raison… j'vais y aller !

- Mais non ! J'ai pas dit ça ! s'indigna Emma alors que Candice s'enfermait dans sa chambre pour se changer. »

Une vingtaine de minutes plus tard, Candice débarqua à la BSU. Oui, elle avait confiance en lui. Mais son comportement des derniers temps l'alertait et la blonde voulait en avoir le cœur net. Tout sourire, elle passa la grande porte cochère et se présenta à l'accueil. Directement reconnue par Loïc, l'officier ne tarda pas à la présenter aux nouveaux agents avec politesse.

« Qu'est-ce que vous faites là commandant ?

- Je suis de passage ! Je suis juste venue voir monsieur le commissaire…

- Ah… Bah il est parti y a une bonne trentaine de minutes maintenant…

- Oui il m'a dit qu'il avait une réunion.

- Une réunion ? s'étonna l'agent. Mais il est parti avec une femme dehors…

- Avec une femme ? répéta-t-elle la gorge nouée.

- Oui, une grande blonde. Elle est venue le chercher et ils sont partis tous les deux.

- Euh… D'accord… Merci Loïc…

- Désolé… Ça va commandant ? Vous êtes toute pâle…

- Ça va … Merci… répondit-elle d'une petite voix avant de tourner les talons.

- Les gars j'crois que j'ai fait une connerie… grimaça Loïc en se retournant vers ses collègues

La commandante contenait ses larmes. Des semaines qu'il lui mentait pour la retrouver, elle. Elle l'insulta dans ses moustaches et grimpa dans sa voiture. Elle balança son sac du côté passager et démarra le moteur en reniflant. Enragée, elle s'empara de son téléphone et composa son numéro. Messagerie… « Putain ! » hurla-t-elle en raccrochant.

Elle appuya sur la pédale et sortit la voiture de sa place de parking avant de débarquer à un feu rouge. La blonde tapotait de nervosité sur son volant, agacée d'avoir été prise pour une imbécile par ce mec qui la décevait terriblement. Elle finit par tourner la tête à la vitre et l'image qu'elle aperçut la bouscula. SON amoureux avec une autre femme, voire un canon vu la silhouette… pensa-t-elle. Elle les fixa avec amertume. Visiblement ils se connaissaient, surement même un peu trop bien à ses yeux… Obnubilée par la scène qui se déroulait devant elle, la blonde ne se rendit même pas compte que le feu était passé au vert. Elle sursauta lorsqu'on klaxonna derrière elle alors qu'Antoine venait de prendre dans ses bras la femme avec qui il la trompait. Complètement abasourdie, elle accéléra brusquement jurant contre son ignorance et sa naïveté…

Un quart d'heure plus tard, la commandante arrivait enfin dans la cour de sa maison. Elle gara le véhicule et s'observa dans le rétroviseur central. Ses joues étaient remplies de mascara, ses yeux rouges et humides… Et sur son front semblait paraître l'inscription « cocue » en taille majuscule. Elle jura à nouveau avant de plonger sa tête sur son volant qu'elle frappa violemment. Le désespoir s'emparait désormais d'elle… Tenace, féroce… Il s'accrochait et parvint simplement à la guider jusqu'à son téléphone. Elle chercha dans ses contacts et cliqua avant de le coller à son oreille.

« Candice ?

- Salut Nath…

- Ça va ?

- Euh… je sais pas trop en fait… Marquez est là ?

- Oui il est rentré tout à l'heure pourquoi ?

- Donc y a pas de réunion ce soir… réfléchit-elle la gorge nouée.

- Bah non… Pourquoi ?

- Antoine me trompe… Je l'ai vu avec cette… blondasse là !

- Hein ? s'époumonna la responsable de l'IJ avant d'éclater de rire. Mais de quoi tu parles ?

- J'ai compris pourquoi il arrêtait pas de me trouver des excuses… C'était pour la retrouver !

- Mais qui ?

- Mais j'en sais rien ! Elle est blonde, très, TRÈS fine et mesure 1m70, à vue de nez parce qu'en plus elle avait des talons…

- Tu l'as suivi ? demanda-t-elle pleine de reproches.

- Non… Enfin j'suis allée au commissariat… ! Il venait de me trouver une excuse encore…

- Mais tu les as vu ou c'est simplement une supposition ?

- Mais je te dis, je les ai vu ! s'emporta-t-elle dans un sanglot. Ils sortaient du café au bout de la rue… Il l'a prise dans ses bras Nath… tu te rends compte… La honte ! Mais quelle conne quoi…

- Non mais c'est pas possible chérie doit y avoir une explication… tenta-t-elle d'une voix douce. On parle d'Antoine là… Il t'aime. Il t'a pas attendu toutes ces années pour faire ça après…

- Eh bah faut croire que je me suis trompée sur lui… rétorqua-t-elle déçue.

- Qu'est-ce que tu comptes faire ?

- À ton avis ?!

- Ouais… »

. . . . .

20h30. Alors que la commandante tentait tant bien que mal d'effacer l'image de son esprit, un coup retentit contre la porte d'entrée. Elle reposa sa tasse de thé sur le comptoir et alla l'ouvrir. La porte ne tarda pas à laisser apparaître un commissaire souriant qui se dépêcha d'entrer et d'approcher d'elle. Consternée par son comportement, elle écarquilla les yeux alors qu'Antoine venait de la saisir à la taille.

« Bonsoir… lâcha-t-il mielleux en plongeant sa tête dans son cou.

- Lâche-moi ! ordonna-t-elle en le repoussant violemment.

- Bah ? s'étonna-t-il en la voyant se reculer.

Candice le fixa le regard noir.

Ok… T'es fâchée… Écoute je suis désolé, j'avais zappé cette réunion et… moi aussi ça m'a fait chier…

Candice éclata de rire nerveusement avant de claquer la porte derrière lui.

- Tu comptes me prendre pour une conne encore combien de temps ? s'indigna-t-elle.

- Hein ? Je…

- Des semaines que tu me trouves des excuses bidon ! Des semaines que tu te fous de moi… ouvertement… et là encore ! Tu me mens ! Ah… ce soir je vais bosser tard… ah je suis fatigué… ah j'ai un dossier compliqué… ah j'ai une réunion… Réunion mon cul oui ! cria-t-elle de nerfs.

- Mais calme toi je…

- Que je me calme ? QUE JE ME CALME ?! Mais bien sûr que je vais pas me calmer !

- Arrête…

- En tout cas j'ai hâte de savoir ce que tu vas m'inventer demain… mais je te comprends en même temps ce genre de dossier c'est… comment dire… excitant, non ?

- De quoi tu parles Candice ? demanda-t-il perplexe.

- Mais de ton dossier blond d'1m70 perché sur talons que t'avais dans les bras tout à l'heure, mon chéri… lâcha-t-elle dans un rire jaune.

- Ok… Alors viens, je vais t'expliquer… tenta-t-il en attrapant sa main.

Elle retira sa main de la sienne violemment.

- Non ! Tu vas rien m'expliquer du tout. Va-t'en !

- Arrête Candice… C'est ridicule je…

- Mais c'est TOI qu'est ridicule Antoine ! cracha-t-elle enragée les larmes aux yeux. Ça fait des jours que tu joues un double jeu. Des jours que je m'inquiète pour toi ! Que je me remets en question… Alors qu'en fait, c'est toi qui veut pas assumer ta connerie !

- Mais quelle connerie ?! Je te jure que j'ai rien fait. Ok… d'accord… j'admets ce soir je t'ai menti mais y a une bonne raison… Et c'est pas ce que tu crois… J'te jure ! tenta-t-il en s'approchant d'elle.

- Arrête de jurer…

- Candice s'te plaît… j'te demande juste deux minutes… Je t'explique tout et après tu décides si je m'en vais…

- Mais j'ai pas envie de t'écouter ! Va-t'en je te dis ! força-t-elle en essayant de le pousser vers la porte.

- Eh bah ok ! J'm'en vais et quand tu seras prête à m'écouter et à discuter comme des adultes tu me feras signe ! cracha-t-il à son tour avant d'ouvrir la porte et la claquer.

- C'est ça ! Bon vent ! hurla-t-elle.

- Putain ! laissa-t-il sortir de nerfs. »

Candice ravala sa salive, partagée entre énervement et déception. Elle tenta de contrôler les larmes qui menaçaient de dévaler ses joues et se rendit en cuisine comme si de rien. Elle se sentait salie, humiliée, trahie… et avait tout bonnement l'impression de revivre l'enfer qu'elle avait vécue avec le père de ses enfants.

Deux heures plus tard, la jeune brune passa le pas de la porte d'entrée et s'étonna de trouver la maison silencieuse. La table du salon n'avait pas bougé… Le plat était toujours dans le four… Elle fronça les sourcils et se dirigea vers la chambre de sa mère. Elle toqua et attendit que Candice lui réponde. En vain… Étonnée, elle finit par coulisser la porte en entendant sa mère sangloter.

« Bah maman… qu'est-ce qu'il se passe ? osa-t-elle en s'approchant sur le lit.

Candice essuya et ses yeux.

- Rien… se contenta-t-elle de répondre sans bouger.

- Bah si tu pleures… Eh… j'aime pas te voir comme ça…

La blonde renifla en essuyant ses larmes qui dévalaient désormais ses joues.

C'est Antoine c'est ça ?

- J'aurais pas dû y aller…

- Pourquoi ?

- Je l'ai vu avec elle…

- Avec qui ?

- Avec cette femme, là… dans ses bras…

- Mais il t'a dit qui c'était ?

- J'ai même pas envie de savoir… J'veux juste qu'il sorte de ma vie !

- Maman… Viens… lâcha sa fille pleine de compassion en lui faisant un câlin. Je suis là moi, ok ? »

Candice acquiesça en serrant sa fille contre elle. Tout lui rappelait sa présence. L'odeur des draps, leur photo posée au-dessus du lit, ses deux chemises accrochées sur le portique… Tout lui rappelait qu'elle avait été salement trompée comme personne ne voudrait l'être. Tout lui rappelait que c'était terminé.