À l'intérieur, la blonde sursauta. Elle fronça les sourcils et délaissa son canapé pour rejoindre l'entrée. Elle ouvrit doucement la porte et laissa afficher un large sourire qui brisa le cœur d'Antoine. Désormais face à elle, il ne pouvait plus reculer… Alors il fit un pas vers elle et entra dans la bâtisse en souriant faussement.

« Oh bah… On devait se voir ? lança-t-elle souriante en reculant pour le laisser entrer. C'est gentil de me faire une surprise… déclara-t-elle mielleuse en enserrant sa taille avant de l'embrasser.

Antoine ne répondit pas à son baiser et se défit de son étreinte.

Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-elle avec étonnement en le suivant au salon.

- Les enfants sont là ? demanda-t-il sans amabilité.

- Non pourquoi ? Tu voulais les voir ?

- Non… En fait… Faut qu'on parle…

- Euh… Ok… lança-t-elle d'une petite voix.

Antoine esquissa un faible sourire avant de fixer le sol devant lui.

- Et faut qu'on parle de quoi ? demanda-t-elle avec anxiété.

- Euh… De ce qu'il se passe avec Louise, de nous…

- Ah parce qu'il se passe quelque chose entre vous ?

- Non c'est pas ce que je voulais dire, excuse-moi…

- Alors je t'écoute… Qu'est-ce qu'il se passe ?

- Tu… Tu sais bien que depuis que Louise est de retour ça me… fin ça me remue quoi… et c'est pas facile à gérer aussi…

- Oui… rétorqua-t-elle d'une évidence implacable.

- Et t'avais raison… Fallait que je l'appelle…

Candice serra ses mâchoires, sentant qu'elle n'allait pas apprécier la suite de son discours.

- Donc on s'est vu avant-hier matin… On a pris un café pour discuter du passé et on a enfin pu mettre des mots sur ce qu'on ressentait… c'était un peu salvateur en fait… J'ai enfin compris certaines choses et… maintenant je peux enfin tourner la page de toute cette histoire… Mais…

- Mais… ? répéta-t-elle en attendant la suite qui avait du mal à sortir.

- J'ai fini par la raccompagner et… J'l'ai pas vu venir et on était tellement paumés qu'on s'est embrassés mais…

- Et bah voilà on y est ! le coupa-t-elle avec tristesse en lui tournant le dos.

- Mais ça veut rien dire… C'était un dérapage, une connerie… Ça a duré deux secondes et voilà… Et je te jure que je m'en veux…

- Deux secondes ou pas… Ça veut tout dire justement… répliqua-t-elle en faisant volte-face les yeux humides.

- Écoute… J'ai fait tout ce que j'ai pu pour éviter de te faire du mal et… là je me rends compte que j'y suis pas arrivé… J'suis complètement paumé… Y a nous, son retour, notre futur…

- Ah… Notre futur maintenant ?! releva-t-elle avec agacement. J'croyais que ça voulait rien dire ?

- Oui ça veut rien dire. J'ai rappelé Louise et je lui ai dit que maintenant c'était chacun de son côté. On se reverra plus. C'est mieux comme ça…

- Mais bien sûr… lança-t-elle en hochant négativement la tête.

- Oui bien sûr. Et maintenant que cette histoire est réglée, j'ai besoin de prendre un peu de recul… de réfléchir à ce que je veux vraiment, pour nous… Je me dis que… peut-être son retour n'était pas anodin et… que je suis arrivé à un stade où je peux plus faire semblant tu vois…

- Ah parce que tu faisais semblant ?! s'indigna-t-elle les larmes aux yeux. C'est sympa de l'apprendre après dix ans, et accessoirement presque deux ans de relation !

- Candice…

- Quoi Candice ?! Ça fait des semaines que tu me baratines à base de je t'aime et là tu débarques pour me dire que c'est fini ?! cria-t-elle à moitié en larmes.

- J'ai pas dit ça ! J'ai juste besoin de réfléchir à tout ça et de me recentrer sur moi-même…

- Mais réfléchir à quoi ? Je comprends pas Antoine… Y a un mois on était encore bien tous les deux, on se posait pas de questions… et là, d'un seul coup, tu doutes ?!

- Eh bah justement, peut-être qu'il faudrait que tu les poses ces questions que tu veux pas poser…

- Ah ok… lâcha-t-elle en riant jaune avant de se retourner. Donc maintenant c'est de ma faute… Tu vas embrasser ton ex ! Tu viens ici me larguer et… et c'est de ma faute ? hurla-t-elle en faisant volte-face.

- Mais arrête ! J'suis en train de te dire que ça comptait pas ! Il est pas là le fond du problème ! s'emporta-t-il à son tour.

- Eh bah il est où alors ? cracha-t-elle.

- Y a que j'en ai marre de vivre comme des clandestins comme si on avait 16 ans ! Que j'en ai marre d'attendre que tu aies envie de me voir ! Que tu parles de liberté, d'union libre… C'est pas ça que je veux… Mais toi, tu veux pas d'autre chose… »

Candice ravala sa salive, choquée de ces aveux qu'elle pensait à des années lumières de leur situation actuelle. Oui elle le savait, Antoine avait fait un gros effort en acceptant ce « non-mariage » et à cet instant précis, la commandante ne s'attendait pas à prendre ces reproches en pleine figure. Bouche bée, elle resta mutique quelques secondes, contenant ses larmes qui menaçaient de dévaler ses joues.

« C'est elle qui t'a mis ça dans la tête ?

- Mais arrête avec elle… Je suis encore capable de penser par moi-même… Ça fait des mois que je t'en parle… et à chaque fois t'esquives !

- Et bah t'aurais dû me quitter plus tôt alors…

Antoine souffla, agacé de sa mauvaise foi.

- Non… Parce que j'avais l'espoir qu'un jour tu changes d'avis… Mais visiblement… Ce jour est pas arrivé…

- Et bah d'accord alors… Amène tes affaires ici et on se marie ! Si c'est ce que tu veux…

- Non… Ce que je veux c'est que tu te poses les bonnes questions. Pas que tu te forces. On a fait pareil avec moi y a 12 ans et ça s'est mal terminé.

- Ah non… Me compare pas à elle hein ! s'énerva-t-elle en le pointant du doigt.

- C'est pas mon intention.

Le silence s'installa doucement. Candice laissa couler une larme avant de le fixer tristement.

Je… J'vais partir… Quelques temps… Loin d'ici… J'ai besoin de temps pour digérer ce qu'il s'est passé avec Louise… Maintenant qu'on a pu discuter, j'veux passer à autre chose mais… j'vais le faire tout seul. Et ça me permettra de réfléchir à nous aussi…

- Ok… se contenta-t-elle de répondre dans l'incapacité d'aller plus loin.

- Je te demande juste de pas essayer de me contacter pour l'instant…

Candice baissa la tête, incapable de répondre.

Je m'excuse encore pour ce qu'il s'est passé avec Louise et… je regrette tellement que j'avais pas envie de te mentir...

Elle acquiesça en fixant le sol, les yeux embués par les larmes.

Prends soin de toi… »

Stoïque, Candice supporta difficilement le claquement de sa porte d'entrée. Antoine était parti et elle se retrouvait désormais seule au beau milieu de son salon. Oui, elle avait conscience que ces derniers temps étaient compliqués… Oui elle avait conscience que son couple n'était pas au meilleur point… mais non elle ne pensait pas avoir atteint ce point de non-retour… La commandante ravala sa salive et releva la tête avant de fixer la baie vitrée qui laissait afficher un coucher de soleil estival. Les mots d'Antoine résonnaient dans sa tête. Ses maux à elle se multipliaient, la rongeaient… Il était parti. Sans elle. Mais peut-être un peu à cause d'elle... Elle laissa dévaler un flot de larmes sur ses joues, pleurant sans silence cette fois. Et dans un accès de rage, elle poussa le vase qui trônait sur sa table. Il glissa sur le bois et chuta sur le sol, délivrant les quelques fleurs du bouquet qu'Antoine lui avait offert quelques jours plus tôt. Elle le fixa, avant de joindre ses mains à sa bouche pour contenir ses pleurs, désormais seule avec son malheur.

La blonde tenta de reprendre ses esprits. Vu l'heure, sa fille allait bientôt rentrer et elle ne voulait pas qu'elle la trouve dans cet état. Alors elle accourut dans la salle de bain et frotta ses yeux. Puis elle redescendit, l'air de rien. Elle se planta devant les bris de verre et s'attela à les ramasser. S'étonnant à penser métaphoriquement que le vase représentait leur relation. Mais ce n'était pas nouveau ça, non… Mais cette fois c'était peut-être plus grave… Peut-être parce qu'elle s'était convaincue que c'était enfin pour la vie… Et que visiblement la vie en avait décidé autrement…

Et comme elle l'avait prédit, sa fille ne tarda pas à passer le pas de la porte, et d'une insouciance évidente, elle débarqua en cuisine l'air enjoué. Stratégie d'évitement oblige, Candice se retourna et fit mine de laver un saladier dans l'évier. Là au moins, elle pouvait éviter tout regard…

« Saluuuuut ! lâcha vigoureusement Emma en déposant ses sacs sur la table.

- Ça va ? se contenta-t-elle de répondre sans déroger à sa tâche.

- Ouais ! Bah pourquoi y a de l'eau partout ? s'étonna la brune.

- Euh j'ai fait tomber le vase, c'est rien…

- Ah ! Et tu veux de l'aide ?

- Non ça va…

- Bon vous allez être fière de nous ! commença Sacha en souriant. On a ramené le repas…. On est passés chez le traiteur.

- C'est gentil ça…

- On a pris pour 4… comme on savait pas si Antoine serait là…

- Ouais… murmura-t-elle en essayant de contenir ses larmes.

Face à la réaction de sa mère, Emma fixa son dos en fronçant les sourcils avant de s'approcher doucement.

- Maman ? Ça va ?

Elle acquiesça, la tête toujours plongée dans l'évier.

Oh… mais tu pleures ? Qu'est-ce qui se passe ?

- Rien ça va…

- Bah non ça va pas… t'as vu dans quel état tu es ? Viens… chuchota-t-elle doucement en l'attirant dans ses bras. Qu'est-ce qui se passe ?

- Il est parti.

- Qui ça ?

- Antoine…

- Hein ? Mais il est parti où ?

- Je sais pas…. Il est venu me dire que c'était fini et il est parti….

- Oh maman… répondit-elle en pinçant les lèvres. Ça va aller… hein…

- Mais non ça va pas aller ! Bien sûr que ça va pas aller… s'offusqua-t-elle en haussant le ton avant de se détacher d'elle. J'ai besoin d'être seule.

Perplexe, Emma l'observa déserter la pièce alors que son compagnon la rejoignait le bébé dans les bras.

« Bah qu'est-ce qu'elle a ? s'étonna le jeune homme.

- J'crois qu'Antoine l'a largué…

- Sérieux ?!

- Ouais…

- Nan mais ils ont dû s'embrouiller… Comme d'hab… Faut pas s'inquiéter! Lâcha-t-il en riant à moitié.

- J'suis pas sûre…

- Fais chier ! Je voulais lui montrer un truc en plus…

- A qui ?!

- Bah Antoine !

- Oui bon… J'vais la laisser un peu et… J'irai la voir tout à l'heure.»

Comme promis, Emma laissa passer la soirée et se décida à rejoindre sa mère dans sa chambre. Elle trouva la pièce plongée dans le noir et l'aperçut recroquevillée dans son lit.

« Tiens maman… je t'ai fait un thé… ça va te faire du bien…

- J'en veux pas… cracha-t-elle en ravalant ses larmes.

- Maman…. Lâcha-t-elle de compassion. Tu me racontes ? osa-t-elle demander en se glissant derrière elle.

- Y a rien à raconter… il m'a quitté c'est tout…

- Comme ça ? Sans raison ?

Elle haussa les épaules.

- C'est depuis qu'elle est revenue…

- De quoi tu parles ?

- Écoute Emma j'ai pas envie d'en parler d'accord ?

- Mais ça peut pas se terminer comme ça c'est ridicule…. Vous vous aimez nan ?

- Apparemment non…

- T'es sûre que tu veux pas manger un morceau ? Ça te ferait du bien…

- Nan j'ai juste envie de dormir là…

- Ok… j'te laisse tranquille alors… si besoin tu m'appelles… »