Trois jours plus tard

Étonnés, tous les membres du groupe crime se regardaient sans oser parler. Tous avaient été convoqués dans le bureau du commissaire sans aucune justification. Chacun attendait l'arrivée d'Antoine qui s'était éclipsé pour téléphoner. Tous finirent par lâcher un sourire lorsqu'il fit réapparition dans la pièce.

« Vous êtes tous là ?

- Euh… Oui ! déclara Mehdi.

- Voilà alors… Déjà je voulais m'excuser pour mon comportement des derniers jours… J'ai pas été très agréable et… je sais que vous y êtes pour rien.

L'équipe acquiesça.

En fait je vous ai convoqué parce que je vais partir quelques temps. J'ai besoin d'air. De me recentrer sur moi. J'avais des RTT à poser…

- Et tu pars quand ?

- Lundi ! Je pars quinze jours. Mais je serai joignable. Donc en cas de problèmes, faudra pas hésiter. En attendant, c'est Marquez qui prendra en charge les opérations.

- Ok donc on se retrouve tout seul à tout gérer quoi… grommela Val.

- Le major est au courant. Il va aussi aider pour gérer l'administratif.

- Ouais enfin déjà qu'on était en sous-effectif… rajouta la blonde.

- Je sais… Mais faut que je pense à moi aussi… Puis j'peux pas vous imposer mes états d'âmes comme ça… Je pars quinze jours et je serai de retour, comme avant…

- Donc on te demande pas pourquoi ça va pas ? lança Mehdi.

Antoine baissa la tête, hésitant à être honnête.

- J'ai… J'ai besoin de prendre mes distances avec Candice.

- Tu l'as quitté ? demanda Mehdi sous le choc.

- On va dire ça comme ça… Donc j'ai besoin de prendre l'air.

- Vous inquiétez pas boss ! On va gérer… lâcha Ismaël avec un sourire de compassion.

- Oui puis si ça va pas… Tu sais qu'on est là ! renchérit le brigadier-chef.

- Merci ! lâcha-t-il en souriant sincèrement.

Tous répondirent à son sourire avant de déserter la pièce. Seul Marquez resta dans le bureau.

- Ça va ?

Antoine haussa les épaules.

- On fait aller hein…

- Ouais puis de son côté ça doit pas être mieux…

- J'suis étonnée qu'elle ait rien dit à Nathalie…

- Non… Enfin si elle lui en a parlé, moi j'ai rien su… Mais bon… Si t'es plus heureux comme ça…

Il esquissa un faux sourire.

- J'vois pas comment je peux être heureux en ayant quitté la femme que j'aime mais bon…

- C'est pas facile hein… Allez ! C'est peut-être juste une mauvaise passe. Et puis si t'as besoin… J'suis là. Pour un verre ou autre…

- Merci Marquez ! Et pas un mot à Candice pour mes « vacances ». Je compte sur vous ! »

. . . . .

Alors que Martin et Léo se jetaient des grossièretés au visage, Emma tentait de temporiser la situation en montrant la présence de sa fille. Pourtant, cela ne semblait pas gêner Léo qui provoqua son frère en poussant son épaule.

« Mais sérieux les gars vous avez quel âge ?! s'indigna l'aînée.

- C'est lui qui veut pas me rendre la bouteille ! s'accusèrent-ils mutuellement.

- Vous êtes ridicules… souffla-t-elle en croquant dans sa tartine de confiture.

- Nianiania… répondirent-ils agacés avant de regarder leur mère débarquer dans le salon.

- Tu vas où comme ça ? s'étonna Emma en fixant sa mère.

- Quoi ? paniqua-t-elle. C'est trop ?

- Bah… »

La jeune brune dévisagea Candice. Elle décortiqua son maquillage, distingué par une couleur rouge vif sur ses lèvres. Ses yeux descendirent ensuite sur sa tenue. Robe rose, jugée trop chic par les enfants. Et surtout inapproprié à son travail vu le décolleté qu'elle offrait à la vue de tous…

« Tu comptes vraiment aller bosser comme ça ? s'étonna Martin.

- Non mais c'est parce que j'ai un truc à faire avant…

- Un… truc… ? releva Emma en fronçant les sourcils.

- Oui… répondit Candice sans davantage d'explications.

- 10 euros qu'elle va chez Antoine… lâcha Léo à voix basse.

- Oh ! Je t'ai entendu hein…

- Vous vous êtes déjà réconciliés ?

- Mais non…

- C'est sa technique… Elle sait très bien jouer de ses atouts pour l'amadouer… expliqua Martin à son frère.

- Mais ça suffit oui !

- Donc tu crois qu'en te pointant comme ça devant lui ça va changer les choses ? s'étonna Emma.

- Écoute Emma, laisse-moi gérer ma vie d'accord ?

- Ah mais je te laisse… Je dis rien…

- N'empêche que ce serait bien que vous vous réconciliiez… rajouta Martin. Non parce que c'est quand même le meilleur de tous ceux que tu as eu…

Attendrie, Candice s'approcha de la table en souriant.

- Puis c'est surtout le seul avec qui t'étais vraiment bien… renchérit son double.

- Je sais… lâcha-t-elle émue. Antoine c'est… Antoine…

- Ouais… confirmèrent-ils en chœur.

- Ça manque un peu en vrai… les soirées tous ensemble…

- Les matchs de fooooot… rajouta Martin.

Emma jeta un coup de pied dans la jambe de son frère pour le faire taire.

- Pardon… s'excusèrent les jumeaux en chœur.

- C'est rien… Puis vous avez raison… Mais du coup vous m'avez pas dit… Je suis bien comme ça ? demanda-t-elle inquiète.

- Mais oui… Toute façon tu pourrais y aller n'importe comment… Il te trouverait top alors…

Candice lâcha un rire nerveux.

- C'est vous qui êtes tops… mes amouuuuurs… s'enthousiasma-t-elle en les embrassant chaleureusement tour à tour. J'y vais… »

. . . . .

Candice venait de stationner son véhicule devant le domicile de son ex-compagnon. Elle avait passé la nuit à y réfléchir et elle semblait enfin prête à l'affronter. Enfin prête à lui dire ce qu'elle avait sur le cœur. Enfin… maintenant qu'elle était devant chez lui elle ne savait plus trop en fait. Toutes ses certitudes s'envolaient… Elle hésita encore quelques minutes et finit par ouvrir sa portière. Il était encore bien tôt mais le soleil cognait déjà sur le bitume et la chaleur était étouffante. Elle dépassa rapidement sa voiture et aperçut la sienne de garer plus loin. Candice souffla de soulagement. Antoine était donc là. Elle pénétra enfin dans le jardin et se dirigea jusqu'à la porte. L'intérieur paraissait inanimé, pourtant la commandante toqua doucement. Le silence lui répondit. Elle colla son visage à la vitre avant de toquer à nouveau. Sa veste était sur le porte-manteau, signe de sa présence. Elle souffla et comme dans un sentiment de déjà-vu, se décida à parler à un fantôme.

« Antoine ? C'est moi… commença-t-elle doucement. Je sais que t'es là… Je… Ouvre-moi s'te plaît. J'ai besoin de te parler… J'ai besoin de te voir… J'y arrive pas sans toi… lâcha-t-elle en laissant couler ses larmes. Alors c'est vrai, j'ai peut-être pas été un modèle mais je veux pas te perdre… J'ai besoin de toi…

- Il vous répondra pas ! lâcha une voix féminine derrière elle.

Surprise Candice se retourna rapidement.

- Qu'est-ce que vous faites là ?

- Je suis la voisine. Je surveille la maison en son absence.

- En son absence ? répéta-t-elle interrogative.

- Monsieur Dumas est parti quinze jours en vacances.

- Mais… balbutia-t-elle. Il m'a rien dit.

- Ah bah j'en sais rien moi ! Il est part jours. Il m'a laissé les clés et voilà.

Candice acquiesça sous le choc.

- Merci… »

La commandante disparut en un éclair. Antoine était parti et personne ne l'avait prévenu. Ni sa mère, ni même ses amis, enfin ex-collègues visiblement... Elle tourna les talons et sentit la haine l'envahir. Elle grimpa dans sa voiture, claqua la portière et démarra sur les chapeaux de roue.

Rouge de colère, la commandante pénétra dans la grande bâtisse. Elle ne prit même pas la peine de saluer les quelques agents et grimpa les escaliers deux à deux. Elle ne tarda pas à débarquer dans un openspace envahi par le calme.

« Il est où ? cria-t-elle enragée sans les saluer.

- Candice ? s'étonna l'équipe qui venait de sursauter.

- Il est où ? répéta-t-elle toujours énervée.

- De qui tu parles ? demanda Mehdi gêné.

- Oh ça va ! Me prenez pas pour une cruche. Vous savez très bien de qui je parle !

- On sait pas où il est… intervint Val.

Candice lâcha un rire nerveux.

- Donc en fait vous êtes pas mes amis…

- Candice… tenta Mehdi.

- Bah non ! On est pas amis non. Sinon vous m'auriez prévenu qu'il était parti.

- Mais il nous a demandé de rien dire à personne, Candice ! Antoine aussi est notre ami on peut pas le trahir ! s'agaça Val.

- Le trahir lui, non… Par contre, moi… Y a pas de problèmes visiblement ! Nan mais en même temps c'est normal… Je fais plus partie de l'équipe maintenant ! Vous faites vos petits trucs en solo…

- Arrête… Tu sais bien que ça n'a rien à voir… lança timidement Marquez.

- Candice ? s'étonna Nathalie en débarquant dans l'openspace les mains pleines de feuilles.

- Toi c'est pareil ! Je pensais que t'étais mon amie. Eh bah je me suis bien trompée !

- Arrête ! s'énerva-t-elle à son tour. Tu sais bien que c'est plus compliqué que ça.

- Bien je vous laisse entre vous. On a plus rien à faire ensemble.

- Candice ! s'emporta Nath alors que la commandante fuyait à grandes enjambées. J'y vais ! déclara-t-elle à ses collègues avant de remettre à Mehdi le dossier. »

Nathalie courut presque jusqu'à la sortie de la BSU pour rattraper son amie. Plongée dans une furie qu'elle ne maîtrisait pas, Candice quitta la bâtisse sans un regard pour ses anciens collègues. Elle longea le trottoir lorsque Nathalie parvint enfin à son niveau.

« Candice ! hurla-t-elle. Ça suffit maintenant ! Tu te calmes.

- Laisse-moi tranquille !

- T'es culottée quand même !

- Ah c'est moi qui suis culottée ? répondit-elle en faisant volte-face.

- Tu me reproches d'avoir rien dit pour Antoine !? Alors que toi t'as même pas été capable de me dire qu'il t'avait largué !

Candice resta bouche bée.

- C'est pas pareil ! se justifia-t-elle. J'avais envie d'être seule c'est tout.

- Exactement comme lui. Et c'est pour ça qu'il a pas voulu qu'on t'en parle. Parce qu'il savait que sinon t'allais tout faire pour l'empêcher de partir.

Elle baissa la tête. Nathalie venait de toucher un point sensible.

- Alors d'accord, t'es énervée. D'accord t'en veut à tout le monde et d'accord t'es malheureuse. Mais eux là-haut, ils ont rien fait. Et ils ont rien demandé tu vois ! Donc c'est pas la peine de débarquer en cow-girl et de les incendier comme ça !

Candice joignit sa main à ses yeux, ne pouvant s'empêcher de craquer.

- T'as raison je fais n'importe quoi… lâcha-t-elle en pleurant.

- Ouais tu fais n'importe quoi. Tu l'as déjà perdu lui et bah continue comme ça… tu vas aussi finir par perdre tes amis, enfin si c'est pas déjà fait ! cracha-t-elle avant de tourner les talons vers le commissariat. »

Honteuse, Candice fit demi-tour et grimpa dans sa voiture. Elle s'installa derrière son volant et lâcha un violent flot de larmes qu'elle contenait depuis bien trop longtemps…

Enfin remise de ses émotions, la blonde gara son véhicule dans son jardin. Il était hors de question qu'elle se rende au boulot dans cet état et elle avait préféré feindre une urgence pour prendre le temps de se changer. Candice savait qu'elle allait devoir affronter ses enfants… elle allait devoir justifier sa déception aussi… et partager la sienne avec la leur… Alors sans aucun enthousiasme, elle ouvrit la porte de sa maison étonnamment silencieuse et se dirigea dans le salon où chacun vaquait à ses occupations. Instinctivement, les jumeaux relevèrent la tête vers elle et rencontrèrent un faux sourire. Emma grimaça, comprenant que les choses ne s'étaient pas déroulées comme elle l'entendait… La blonde les fixa attristée et parvint finalement à balbutier quelques mots.

« Il était pas chez lui… se contenta-t-elle de répondre.

- Bah c'est pas grave ! T'y retourneras ce soir…

- Non…

Emma fronça les sourcils et l'observa perplexe.

- Il est où ?

- Je sais pas… finit-elle par avouer. Il a quitté la BSU y a trois jours pour partir en vacances… Personne m'a prévenu…

- C'est peut-être un mal pour un bien… lança la brune. Il va réfléchir de son côté lui aussi…

- Mais ils ont pas voulu me dire où il était…

- T'as essayé de l'appeler ?

- Messagerie…

- Allez maman ! Te laisse pas abattre… Il va bien finir par revenir de toute façon…

- Ouais… marmonna-t-elle en ravalant ses sanglots. J'vais me changer et je repars direct… mes collègues m'attendent. »

La fratrie acquiesça et l'observa déserter le salon pour s'enfermer dans sa chambre. La descente avait été rude et la pente s'annonçait difficile à remonter pour la commandante qui prenait les choses beaucoup à cœur, surtout lorsqu'il s'agissait de son amoureux…