Le week-end arriva rapidement et à nouveau Candice n'avait aucune envie de sortir. Sa fille désespérait de la voir se renfermer et chaque tentative de sortie demeurait vaine. Pourtant, aujourd'hui elle accepta. Et la jeune brune, fière d'elle, l'accompagna sur la promenade de la plage.

Le silence régnait. Emma n'osait pas parler et Candice préférait laisser divaguer son esprit et profiter du bruit des vagues. Elle fixa avec émotion un couple qui se tenait la main au bord de l'eau, ne pouvant s'empêcher de songer à son compagnon. Antoine lui manquait terriblement… Mais elle ne pouvait pas le blâmer... Puisque visiblement tout était de sa faute... et de celle d'une belle blonde tout droit revenue du passé... Et comme un signe du destin, la blonde allait peut-être enfin avoir le moyen d'évacuer sa haine…

Elle quitta des yeux le couple et fixa devant elle, stoppant brusquement sa marche sous les yeux ébahis de sa fille.

« Putain… bredouilla-t-elle énervée.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? s'étonna Emma.

- C'est elle ! cracha-t-elle les bras croisés.

- Elle qui ?

- J'y vais.

- Nan ! MAMAN ! tenta-t-elle de la retenir en ayant compris.

- Attends moi là !

La blonde accéléra et fonça droit devant sa proie avant de se planter devant.

- Tiens… Bonjour… lâcha gentiment Louise.

- C'est ça oui… Bonjour…

- Bon… Écoutez je suis désolée.

- Vous êtes désolée ? répéta-t-elle dans un rire jaune. Mais on rêve là ! Ça vous a pas suffi de gâcher sa vie y a 12 ans ? Fallait revenir remettre votre grain de sel ?!

- Oh… Alors déjà on va commencer par se calmer d'accord.

- Se calmer ? s'emporta-t-elle. Et voilà qu'elle tente de me censurer maintenant…

Louise souffla en croisant ses bras sur sa poitrine.

- En même temps j'aurais de quoi me venger après les coups de la dernière fois… la provoqua-t-elle d'un air hautain.

- Et allez… Faites-donc la maligne ! Vous vous croyez au-dessus de tout le monde… Alors que vous avez même pas été capable d'assumer y a douze ans.

- C'est pour ça que j'ai essayé de me rattraper…

- Ah bah ça ! On peut dire que c'est une réussite ! Vous vous êtes tellement bien rattrapé qu'il a disparu de la circulation… Non top ! lâcha-t-elle piquante.

- Mais j'ai jamais demandé à le revoir moi Antoine ! se défendit-elle en s'emportant à son tour. J'étais aussi surprise et aussi perturbée que lui hein.

- Nan mais en tout cas, bien joué. Vous avez bien réussi votre coup !

- Ça fait combien de temps qu'il est parti ?

- Qu'est-ce que ça peut vous faire ?

- J'essaye juste de le comprendre…

- C'est vrai… parce que moi j'en suis pas capable c'est ça ?!

- J'ai pas dit ça. C'est juste qu'on a longuement discuté de vous et…

- De moi ?! s'offusqua-t-elle en riant jaune à nouveau. Supeeer ! Donc vous aussi vous savez qu'il me déteste maintenant…

- Mais non… vous y êtes pas du tout… Antoine vous aime… tenta-t-elle en se radoucissant pour apaiser la tension qui régnait.

- Ah oui ?! Et il vous a dit ça quand ? Avant ou après que vous lui ayez sauté dessus ?

- Bon ok ! J'ai fait une connerie. C'était n'importe quoi…. D'ailleurs on a regretté tout de suite. Mais… au moins… ça nous a permis de nous rendre compte qu'on ressentait plus rien l'un pour l'autre…

- Oui… ironisa-t-elle. Et c'est exactement pour ça qu'il est venu m'annoncer qu'il partait…

- L'engagement…

- Quoi l'engagement ?

- Le mariage, la vie de famille… Vous en voulez pas...

- Et alors ? C'est pas ça qui fait un couple nan ?

- Non mais lui… il a d'autres attentes. Je le connais et… ce principe de liberté, c'est pas lui… alors oui au début sûrement que ça devait lui convenir mais… plus maintenant…

- Mais qu'est-ce que vous en savez en fait ? En douze ans les gens changent j'vous signale. Et vous savez rien de ce qu'on a vécu ! Vous savez rien de ce qui s'est passé dans sa vie pendant ces douze ans ! Vous vous êtes barrée du jour au lendemain. Vous l'avez laissé comme une merde… En fait... Vous l'avez détruit... Et je pèse mes mots hein ! Non parce que le Antoine d'aujourd'hui c'est pas le Antoine d'avant votre retour, ok ? Sans vous… On en serait probablement pas là ! Alors gardez vos leçons de morale. J'ai peut-être un souci avec l'engagement, mais moi en attendant j'suis pas lâche comme vous. »

Louise encaissa les mots de Candice avec difficulté. La scène ressemblait drôlement à un ring de boxe mais cette fois, les deux femmes n'étaient pas équipées pour un combat physique. Alors Candice s'était emparée de la seule arme qui lui restait, les mots. Face à elle, Louise se sentait faillir. Elle comprenait chacune de ses accusations. Et à cet instant précis, elle prenait conscience des conséquences de sa fuite. Elle sentit ses yeux s'embuer et lutta intérieurement pour rester de marbre. Le silence s'installa avant que l'avocate ne fixe sa rivale durement.

« Vous savez rien sur moi…

- J'en sais assez pour comprendre que vous êtes quelqu'un de toxique pour lui. Si vous l'aviez vraiment aimé…. Vous auriez jamais fait ça… »

Louise encaissa à nouveau. Mais cette fois, elle ne pouvait pas laisser passer cette accusation. Bien sûr qu'elle l'avait aimé. C'était peut-être même le seul qu'elle avait réussi à aimer à ce point. Mais pourtant elle avait décidé de partir…

« Vous avez pas le droit de dire ça… laissa-t-elle sortir affaiblie.

- Y a que la vérité qui blesse…

- La vérité ? s'emporta-t-elle. Mais vous la voulez vraiment la vérité ? Putain…

Elle rigola sarcastique.

- Allez-y… Inventez moi une petite excuse bien minable que j'en rigole…

Louise acquiesça, silencieuse.

- Vous voyez finalement on a un point commun toutes les deux…

- Un point commun ? Je crois pas non…

- Attendez… C'est pas vous qu'il a largué parce que vous vouliez pas d'enfants ?

Candice encaissa en perdant son sourire hautain.

- Ça me regarde !

- Non mais… C'est dommage parce que c'est la chose qu'il voulait le plus… Et moi non plus je pouvais pas lui offrir… mais contrairement à vous, moi j'en voulais… et j'en aurai jamais.

- Ça veut dire quoi ça ?

- Alors à vous de juger si elle est minable mon excuse… »

Louise avait craché sa dernière réplique avant de déserter le champ de vision de la commandante restée pantoise. Ses derniers mots la rendaient perplexe. Et Candice avait peur de comprendre…

« T'as entendu ? demanda-t-elle à sa fille.

- Oui… Ça fait cinq minutes que vous vous hurlez dessus… souffla-t-elle gênée d'avoir attiré les regards des promeneurs.

- Elle est où ? s'écria-t-elle vivement en faisant volte-face. »

Candice laissa sa fille en plan et s'empressa de rattraper sa rivale qui fonçait à vive allure. Essoufflée, la blonde parvint à son niveau avant de l'interpeller.

« Attendez ! s'écria-t-elle. Louise !

- Quoi ? s'emporta-t-elle en se retournant les yeux pleins de larmes.

- Il est au courant ?

- Non. Et il le saura pas puisque vous n'allez rien lui dire.

- Vous savez… En fait j'crois qu'on a pas qu'un seul point commun toutes les deux…

- Ah bon ?

- Non… Maintenant que j'ai compris je… Fin… En fait… Vous aussi vous l'avez aimé… Alors, comme moi, vous savez qu'il mérite pas ça… Vous devez lui dire la vérité…

- Qu'est-ce que ça va changer ?

- Vous pensez pas que cette excuse de l'engagement est un petit peu trop facile ?

- Rien n'est facile quand à 30 ans on vous apprend que vous aurez jamais de gosse...

- J'entends bien mais... cette excuse de l'engagement...

- Mais j'étais pas prête pour la vie à deux... J'étais pas prête à m'engager avec ce secret... Il l'aurait jamais accepté... J'ai préféré partir pour éviter de souffrir...

- Et ça a réussi?

Louise détourna le regard et fixa ses pieds.

- Y a qu'en lui disant la vérité que la souffrance s'apaisera...

- J'ai encaissé et j'me suis faite à l'idée que j'en aurais jamais. La vie est injuste… C'est comme ça…

- La vie est injuste, d'accord… Et croyez-moi je suis sincèrement désolée pour vous. Alors je sais qu'on est pas amies toutes les deux, loin de là… Mais je peux pas vous laisser lui mentir comme ça… Ça fait douze ans qu'il vit dans l'incompréhension. Douze ans qu'il pense que si vous êtes partie c'est à cause de lui… Vous croyez pas qu'il faudrait remettre les choses à leur place ?

- J'y arriverai pas… Lui avouer en face je… J'ai essayé et j'peux pas…

- Y a d'autres moyens…

- Mais j'en ai déjà écrit des centaines de lettres… Mais j'ai jamais eu la force de les envoyer… Et si je le fais… Je pars à nouveau…

- Alors faites-le ! Et partez si vous en avez l'envie. Mais il peut pas rester dans le déni comme ça… C'est pas possible…

- Je vais réfléchir…

Candice soupira de soulagement avant de lui adresser un sourire sincère.

Vous savez… J'ai pas réussi à le garder y a douze ans et quand je vous vois comme ça… J'me dis que vous faites une belle connerie…

- C'est notre histoire… se contenta-t-elle de répondre.

- C'est vrai… Mais faites attention… Parce que vous risqueriez de le perdre…»

Louise fit volte-face et rebroussa chemin remuée par la discussion qu'elles venaient d'avoir. Et la blonde n'en était pas moins soucieuse. Elle sentit sa fille s'approcher d'elle et caresser doucement son dos.

« Ça va ? osa-t-elle timidement.

- Je sais pas …

- Allez viens… On rentre… Ça fait beaucoup d'émotions tout ça…

- Ouais… »

. . . . .

De l'autre côté du globe, le commissaire flânait sur les plages de sable blanc. L'ambiance était calme, presque désertique. Coupé du monde, Antoine profitait d'une déconnexion quasi-totale avec la réalité… Chaque jour semblait similaire au précédent. Des plages à perte de vue… Une eau turquoise laissant apparaître une faune sous-marine en ébullition… Des cocktails aux couleurs orangées et à l'alcool arrangé… Bref… Cela aurait pu laisser penser au paradis, s'il n'y avait pas ses pensées qui l'envahissaient à longueur de journée… Et parfois, la réalité le rattrapait et sa lucidité le poussait à reprendre les choses en main...

Antoine regarda sa montre qui affichait 19h, six heures de plus qu'en métropole donc… Son équipe devait être en pause déjeuner et il se décida à remettre sa casquette de commissaire le temps d'un appel. Il tapota sur son clavier et joignit le téléphone à son oreille. Son capitaine décrocha rapidement.

« Alors ? Comment ça va sans moi ?

- Tout roule ! répondit jovialement Marquez. Avec le major on gère l'administratif et les p'tits jeunes bossent bien.

- Bon tant mieux… Et pas d'enquête difficile ?

- On a juste eu un noyé y a trois jours mais Nathalie a tout de suite compris que c'était pas une mort naturelle… Crime passionnel. Ismaël à fait avouer la femme en quelques heures ! expliqua-t-il fièrement.

- Ah oui donc vous avez vraiment plus besoin de moi ! plaisanta-t-il.

- Quand même… Il manque une pierre à l'édifice !

- Ouais… lâcha-t-il en rigolant doucement.

- Et toi ? Ça va ?

- Écoute on fait aller ! Y a 30 degrés là… Ce matin j'ai fait un tour en bateau… J'me repose…

- T'as bien raison ! Profite ! Avant le retour à la réalité…

- Hum…

- Candice est venue faire un esclandre en début de semaine… annonça-t-il sérieusement.

- Merde… Et… Qu'est-ce qu'elle voulait ?

- Te voir visiblement… mais elle a compris que t'étais parti et… elle est venue nous gueuler dessus parce qu'on l'avait pas prévenu…

- J'suis désolé… J'voulais pas vous mêler à ça…

- Ça va… On la connait maintenant…

- Hum… Bon… J'vous laisse bosser. Et vous hésitez pas en cas de problèmes hein…

- Mais oui ! T'inquiète on gère ! »

Antoine raccrocha et rangea son téléphone dans sa poche. Il souffla, repensant aux explications de son capitaine. Candice n'avait pas pu s'en empêcher… Il avait fallu qu'elle se donne en spectacle devant ses collègues. En même temps… il s'y attendait… Elle était vive, impulsive et la blonde n'avait pas sa langue dans sa poche. Alors il s'était imaginé la scène d'une blonde furieuse débarquant en hurlant à la trahison, s'octroyant même un petit sourire en songeant à ses excès. Peut-être que ça lui manquait un peu finalement…

Le policier finit par quitter le tronc du cocotier sur lequel il s'était assis et termina sa marche côtière jusqu'à l'hôtel. La soirée s'annonçait similaire aux précédentes. Un repas les pieds dans le sable, un cocktail revigorant et un fond musical relaxant. Et comme il s'en doutait, les jours qui suivirent ressemblèrent eux aussi aux précédents. Oui, le repos était de mise mais… le manque de ses proches se ressentait de plus en plus… Heureusement, il ne lui restait plus que cinq jours de vacances…

. . . . .