« Candice ? s'étonna-t-il en osant s'approcher d'elle. Qu'est-ce que tu fais là ?

- Euh je…. J'ai cru comprendre que tu rentrais aujourd'hui et… fin je me suis dit que t'aurais rien à manger après 15 jours alors… expliqua-t-elle en montrant une glacière sans doute remplie de provisions.

- Mais tu attends là depuis combien de temps ?

- Je sais pas… J'ai pas compté… Puis j'ai pas osé rentrer… Comme c'est plus vraiment chez moi… »

Candice le vit acquiescer durement. La chaleur de l'air ne parvenait définitivement pas à briser la glace entre eux. Et elle affrontait un iceberg. Ses mâchoires étaient serrées. Ses yeux verts n'avaient aucune expression… La commandante s'en trouvait affreusement déroutée. Pourtant, il fallait réussir à parler. Et… face à la situation, Candice perdait ses mots. Elle hésita quelques instants et finit par se lancer.

« T'as eu beau temps non ? T'es tout bronzé… T'es beau… chuchota-t-elle en fixant ses yeux impassibles.

- Candice…. Finit-il par lâcher durement.

- Quoi ?

Antoine souffla avant d'amorcer le sujet.

- C'est pas parce que je suis rentré que tout va redevenir comme avant…

- Ça veut dire quoi ça ? demanda-t-elle tristement.

- Bah que c'est pas 15 jours de vacances qui vont changer les choses…

- Et mes appels… mes sms… ? tenta-t-elle.

- Je les ai lus… mais quand je te demande de pas me contacter, c'est pas pour rien…

- Alors c'est pour ça que tu décrochais pas non plus…

Il tiqua et dévia le regard vers le fond de son jardin.

Donc ça t'as rien fait ? demanda-t-elle les yeux embués par les larmes. Je t'ai pas manqué ?

- La question n'est pas là…

- Mais je sais pas… Tu me dis que t'as besoin de te recentrer sur toi… Tu pars sans rien me dire… Tu me donnes plus de nouvelles… J'ai besoin de savoir moi…

- Alors excuse-moi. J'aurais peut-être dû être plus clair.

Candice ravala sa salive et le fixa durement.

- Donc c'est vraiment fini c'est ça ?

- Écoute je… pour l'instant j'ai pas l'impression que nos problèmes soient réglés…

- Nos problèmes… répéta-t-elle en baissant la tête avant de laisser le silence s'installer. T'as rencontré quelqu'un ? osa-t-elle demander.

- Bien sûr que non ! s'offusqua-t-il surpris de sa question.

- Arrête… J'ai vu ta vidéo…

- Quelle vidéo ?

- Celle de la soirée avec le champagne…

- T'as fouillé ?! s'indigna-t-il.

- Mais non ! C'est les enfants, ils m'en ont parlé…

- Et donc ? continua-t-il avec agacement.

- Bah rien… mais… fin t'étais pas tout seul quoi…

- Bah non… Figure toi que 15 jours tout seul c'est un peu long alors si quelques personnes sont aimables et sympathiques… oui je vais aller discuter avec, oui…

- Ok… Donc… T'as pas pensé à moi là-bas…

Il souffla en détournant le regard.

- Si ! Mais c'est pas parce qu'on est séparés que j'ai plus le droit de m'amuser…

- Ok… encaissa-t-elle. Donc c'est officiel, toi et moi on est séparés…

- Mais Candice ! On allait droit dans le mur… Fallait faire quelque chose !

- Sauf que moi je l'ai pas vu venir. J'ai encaissé le retour de ton ex, ça d'accord. T'as passé des semaines à me dire que t'en avais rien à faire, que y avait que moi… Et un jour tu débarques en m'annonçant que tu pars alors que deux jours avant tu me disais encore je t'aime ?! continua-t-elle en s'agaçant.

- Et je t'ai jamais menti. J'ai toujours pensé tout ce que j'ai dit !

- Tu m'aimes, mais tu me quittes donc ?

- Non Candice. Je te quitte parce que toi tu m'aimes pas assez pour vouloir construire quelque chose avec moi. Je te quitte parce que j'ai besoin de me protéger. Je te quitte parce que j'ai déjà assez souffert de ça y a douze ans et que je veux pas revivre la même chose. Répondit-il durement.

- Je t'aime pas assez ?! s'indigna-t-elle en laissant couler ses larmes. C'est vraiment ça que tu penses de moi ?!

- Ok. Alors je t'écoute, la dernière fois que tu m'as dit que tu m'aimais, c'était quand ? »

Candice resta bouche bée, médusée par ces accusations et cette dernière question qui venait sonner le glas de leur relation. D'accord, elle n'était pas très expressive sur ses sentiments… Et d'accord, peut-être qu'avec lui c'était pire qu'avec les autres… mais tout simplement parce qu'avec lui c'était sincère… Alors elle encaissa et se contenta de baisser la tête. Bien sûr qu'elle l'aimait. C'était même plus que ça… Quelque chose d'ineffable qu'elle s'était contentée d'exprimer par les gestes. Mais paradoxalement, Candice comprenait son reproche. Alors le mutisme demeurait…

« Voilà ! » s'exclama-t-il pour lui prouver ses torts.

Instantanément Candice releva la tête, sonnée par ce ton si dur et si vivace qu'il venait d'employer. Et stratégie candicienne oblige, elle répondit par une attaque.

« Tu dis ça mais… si tu m'aimais vraiment… T'aurais pas été l'embrasser, elle… »

Antoine ricana, dérouté par son comportement et son manque criant de lucidité. Il dévia le regard vers le fond de son jardin en hochant la tête avant de venir reposer les yeux sur elle.

« Et voilà… Comme d'habitude… Candice Renoir remet toujours la faute sur les autres. Lâcha-t-il avec sarcasme.

- Et oui… C'est vrai… Tout est entièrement de ma faute. Je gâche toujours tout… Alors désolée de t'avoir poussé à faire semblant pendant deux ans. Et excuse-moi aussi de t'avoir rendu malheureux. Bon appétit et bonne continuation. »

La blonde tourna les talons, contenant tant bien que mal le flot de larmes qui menaçait de dévaler ses joues. Ses deux dernières répliques lui donnaient presque l'impression que c'était elle qui venait de le larguer… Oubliant presque qu'il l'avait fui trois semaines durant et qu'il venait de l'accuser de leur rupture. Antoine l'observa disparaître au loin et s'empêcha de répondre, ne voulant créer une énième dispute. Visiblement elle l'avait compris et c'était désormais terminé. Il souffla avant de récupérer sa valise et de l'entraîner à l'intérieur de son domicile, accompagnée de la glacière bleue enfin heureuse de retrouver l'air frais intérieur.

Mais dans cette situation, l'un comme l'autre souffrait. Parce que l'un comme l'autre savait que vivre l'un sans l'autre n'était pas envisageable. Alors Antoine venait de se prendre une claque. Parce que oui, avec son départ précipité à l'autre bout du globe il avait eu espoir… Espoir de retrouver une autre Candice, prête à faire des efforts et à changer… pour eux… Et Candice elle, avait pensé que cette distance lui ferait comprendre que la séparation n'était pas la solution… Mais son manque de lucidité l'avait finalement conduite à creuser davantage le fond du trou qu'elle avait commencé à percer.

Alors Candice était rentrée chez elle. Non elle n'avait plus envie de pleurer… Au contraire, elle s'était chargée d'une haine inexplicable qui l'avait menée à claquer la porte de sa maison. Dans le canapé, Emma sursauta, signe que sa tranquillité venait d'être perturbée par une furie qu'elle aperçut rapidement débarquer dans le salon.

« Alors ? Tu l'as vu ?

- Oui !

- Et donc ?

- C'est officiellement terminé !

- Il te l'a dit ?

- Bah oui ! Mais c'est pas grave hein… mentit-elle. Il trouvera sûrement mille fois mieux ailleurs !

- Maman… chuchota Emma par compassion en se levant pour s'approcher d'elle.

- Mais tu sais ce que c'est le pire ? s'emporta Candice dans une furie noire.

- Nan…

- C'est que ça faisait trois semaines qu'il était parti ! Trois semaines qu'on s'était pas vus, qu'on s'était pas parlé… Et… Et… Et j'ai l'impression qu'il s'en fout quoi… on dirait que nous deux ça n'a jamais compté pour lui…

- Mais tu sais comment il est… il montre jamais rien Antoine… bien sûr que ça le touche…

- Bah on dirait pas ! S'énerva-t-elle en partant en furie dans sa chambre.

- Maman ? Qu'est-ce que tu fais ?

- Le ménage ! Hurla-t-elle en ouvrant un carton avant de se saisir de leur photo et de mettre le cadre dedans.

- Tu fais n'importe quoi là… et après tu vas regretter…

- Et une chemise ! Et de deux ! Caleçon… très moche en plus! Pull…

- C'est pas celui que tu portais dehors hier soir ?

- Il m'allait beaucoup mieux à moi c'est vrai… »

Emma hocha négativement la tête en observant sa mère retourner sa chambre pour dénicher les moindres objets d'Antoine avant de les balancer dans le carton. Elle finit par quitter la chambre, laissant la furie finir son tri. Rapidement Candice referma le carton et s'affaissa sur son lit, laissant finalement ses larmes dévaler ses joues.

Une heure plus tard, Candice n'avait toujours pas bougé. Le coup était dur à encaisser… Surtout qu'elle avait eu espoir que cette petite attention apaise les tensions entre eux. Mais encore une fois elle s'était heurtée à un mur… Et considérer qu'Antoine, après trois semaines de distance, soit toujours dans le refoulement, était tout bonnement impossible à ses yeux. Lui qui avait toujours été derrière elle. Lui qui l'avait toujours attendu. Lui qui s'était toujours montré aux petits soins… Là… Candice prenait conscience que c'était différent… Et que ce n'était peut-être finalement pas qu'à cause du retour de Louise…

« Je te quitte parce que toi tu m'aimes pas assez pour vouloir construire quelque chose avec moi » répéta-t-elle dans sa tête indéfiniment.

Antoine était dingue de penser ça… Bien sûr qu'elle l'aimait. C'était tout le contraire… En fait, c'était ce trop d'amour qui l'effrayait et qui l'empêchait de construire quelque chose avec lui… Mais elle ne parvenait pas à l'exprimer.. Alors Candice ruminait, plongée dans son passé. Pourquoi diable n'arrivait-elle pas à passer au-dessus de cette peur de l'engagement ? Parce qu'elle avait déjà été déçue ? Parce que la blessure qu'avait provoqué la mort de son père n'était toujours pas cicatrisée ? Ou peut-être parce qu'elle manquait cruellement de confiance en elle ?

Candice souffla, fatiguée de se torturer l'esprit. Un état des lieux de sa situation personnelle s'imposait…

Laurent l'avait trahie alors qu'elle l'aimait encore profondément. Il l'avait trompé, sans scrupule, alors qu'elle avait tout sacrifié pour lui. Il avait en quelque sorte, détruit sa famille et l'avait aussi détruite elle.

Hervé était parti parce qu'elle ne voulait pas s'engager dans quelque chose de sérieux… Ironie du sort… songea-t-elle en hochant la tête avant de se convaincre qu'elle ne pouvait pas comparer. Après tout c'est vrai… On dit toujours que la première relation après une déception n'est jamais gage de bonne chose… Elle tiqua. Finalement, grâce à lui elle s'était retrouvée en tant que femme et avait réaffirmé son pouvoir de séduction… Et puis… après 20 ans de mariage… Le sérieux n'avait peut-être pas été sa priorité…

Puis il y avait eu David… Un mec aux antipodes de ceux qui l'attiraient. C'était à l'origine, pas son genre… Et pourtant… Ils avaient vécu plus de deux ans ensemble… Toujours sans trop s'engager… Alors oui, elle avait été heureuse avec lui mais… il lui manquait ce quelque chose qu'elle n'avait retrouvé qu'avec Antoine… Cette petite étincelle qu'elle avait tant voulu nier… Pourtant elle le savait… Entre eux c'était une évidence… lâcha-t-elle à voix mi- haute. Et même son mariage avec Max n'avait pas réussi à l'éteindre. Et jusqu'au bout elle avait cru qu'il débarquerait pour la supplier de dire « non » devant monsieur le maire. Mais Antoine n'était pas venu… Et tout s'était enchaîné… Bref, elle avait fait n'importe quoi… Et même à ses côtés, elle avait fait n'importe quoi… Et même pendant leur voyage de non-noces elle avait fait n'importe quoi… En fait, Antoine avait raison… Candice Renoir gâchait toujours tout…

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