« Dans l'openspace de la BSU, l'équipe était réunie pour un débrief.
- Bon de toute façon je me suis entretenu avec le maire… on a fait fermer l'esplanade. A 10 jours de noël, il était pas content que j'ordonne la fermeture du marché de noël mais… l'argument d'éviter un troisième cadavre a eu l'air de faire mouche…
- Tu m'étonnes…. Répondit Nathalie en haussant les sourcils.
- Bon en attendant plus d'infos… On va en discuter autour d'un morceau ? Je meurs de faim là… proposa Antoine en regardant sa montre.
- Mais c'est une très bonne initiative ça commissaire ! lança une voix féminine depuis l'encadrement de la porte.
- Candice ? S'étonna Mehdi en concomitance avec Val.
La blonde les réceptionna dans ses bras avant d'approcher le reste de l'équipe qu'elle salua chaleureusement.
- Salut… lâcha-t-elle tout bas avant d'embrasser furtivement son compagnon.
- Euh Candice j'te présente Claire, lança Antoine en pointant la jeune brune accolée au bureau.
- Ta stagiaire donc ?
- Exactement ! Et donc Claire, j'te présente Candice. Notre ancienne commandante…
- Préférée ! Rajouta-t-elle pour plaisanter.
- Et accessoirement toujours ma femme… précisa-t-il en souriant.
- Oui enfin on est pas totalement mariés hein… précisa-t-elle en rigolant. Enchantée ! s'enthousiasma-t-elle.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Demanda Nathalie.
- Eh bien je crois qu'on va pouvoir s'entendre…. À Montpellier aussi les pères noël de rue tombent comme des mouches. Le chef m'a envoyé en éclaireur ici récolter quelques infos.
- Cooooool ! Donc tu viens rebosser avec nous ? s'enthousiasma Mehdi. Non parce que moi au moins je l'avoue mais tu me manques grave !
- Oh…. Lâcha-t-elle attendrie. Mais tu sais que je t'aime toi !
- Je sais ! Répondit-il avec fierté en fixant Ismaël par provocation avant de poser ses yeux sur Antoine. Ah non mais elle disait ça comme ça hein. Enfin c'est toi que… moi je… c'est pas…
Toute l'équipe éclata de rire face à Mehdi qui tentait de justifier les propos de son ex-supérieure à son chef. Ce dernier, partagé entre amusement et agacement mît fin aux hostilités et décréta aller éteindre son ordinateur pendant que le reste de la troupe était chargé d'aller réserver une table au restaurant habituel. Candice suivit Antoine dans son bureau et se mit à sourire en recevant un flot de souvenirs de ses moments passés ici.
« T'aurais pu me prévenir que tu venais… lâcha Antoine.
- Bah y aurait pas eu l'effet de surprise après… expliqua-t-elle en s'approchant de lui alors qu'il rangeait des dossiers dans l'étagère.
- Hum…
- Ça me fait trop plaisir de tous vous retrouver comme ça…
- Surtout mon brigadier visiblement… lâcha-t-il amer sans la regarder.
- De quoi tu parles ? S'étonna-t-elle avant de comprendre. Nan !? Tout ça parce que je lui ai dit que je l'aimais ? T'es pas jaloux quand même ? continua-t-elle dans un éclat de rire.
- Bah je sais pas… Moi tu me le dis jamais…
- N'importe quoi… sourit-elle. Puis tu sais bien que c'est pas pareil…
- Ouais ! Bon on y va. On nous attend. »
Perplexe la blonde le suivit. C'était la première fois qu'Antoine lui reprochait l'absence de ce genre de mots. Alors elle suivit un homme muet et visiblement agacé jusqu'à l'extérieur de la bâtisse. Gênée de l'avoir mis dans un tel état, Candice tenta de se rattraper en entrelaçant ses doigts dans les siens le temps de marcher jusqu'au restaurant. Elle sentit son compagnon se décontracter et oser esquisser un sourire.
« Tu m'avais pas dit qu'elle était si jolie…
- Qui ?
- Bah Claire…
- Ah… bah tu vois j'avais même pas remarqué.
- Menteur….
- C'est vrai que comme tu viens de lui rappeler qu'on était pas mariés… Elle va peut-être essayer de me sauter dessus maintenant…
- Même pas en rêve ! conclut-elle en se stoppant juste avant les fenêtres du restaurant habituel.
- Quoi ?
- Bisou… réclama-t-elle en tendant ses lèvres. Hum t'as remis ton parfum que j'aime bien… »
En réponse Antoine embrassa sa joue, déclenchant un éclat de rire chez sa compagne qu'il tira par la main pour l'entraîner vers l'entrée du restaurant. Ils y entrèrent le sourire aux lèvres et s'installèrent à table, subissant sans surprise quelques brimades de la part de leurs camarades.
« Bon Candice tu nous as pas dit… Ça se passe comment à la Crim' ?
- Ça va… Même si j'ai toujours un peu de mal à m'intégrer…
- C'est normal… C'est encore super récent !
- Ouais… Mais je dois dire que je suis assez fière de moi parce que je suis entourée quasiment que d'hommes… et ils m'écoutent à la baguette! continua-t-elle avec fierté.
- Si déjà ils arrivent à te suivre c'est l'essentiel ! plaisanta Nathalie qui déclencha un éclat de rire chez ses camarades. »
L'équipe au complet réceptionna leurs commandes et les discussions allèrent de bon cœur. Tous étaient ravis de retrouver leur ancienne commandante qui se montrait enjouée et particulièrement de bonne humeur. Le repas se déroula sans encombre jusqu'à ce que Nathalie aborde un sujet qu'elle n'aurait jamais imaginé épineux…
« Avec Marquez on va se faire un week-end romantique en roulotte pour le 31 ! Il était pas très enjoué mais force de persuasion… je l'ai convaincue ! expliqua-t-elle face à Candice qui rigolait aux côtés d'Antoine.
- C'est sympa en même temps… Ça change ! répondit le commissaire en souriant.
- Vous allez faire quoi vous ?
- Oh bah tu sais c'est dans 15 jours. Je sais toujours pas ce que je fais moi… tu me connais je prévois tout à la dernière minute hein…
Surprise qu'elle ne le compte pas dans son projet, Antoine la fixa les mâchoires serrées avant d'avaler son verre de vin d'une traite. Nathalie le vit et n'osa rien répondre.
- Candice d'ailleurs faudra que tu viennes voir notre nouvel appart avec Justine!
- Mais avec plaisir ! Antoine m'a dit que vous veniez de terminer les travaux.
- Ouais ! Franchement ça rend trop bien !
- On essayera de trouver un moment alors ! déclara-t-elle en souriant.
- Ouais… Bon et vous ? Quand est-ce que vous comptez emménager ensemble ?
Candice lâcha un rire gêné.
- Quand madame aura décidé… répliqua Antoine en riant faussement aux côtés de Candice qui faisait la moue.
- Mais ça fait combien de temps que vous êtes ensemble ? osa demander la stagiaire.
- Euh bah quasiment un an, je crois… répondit le commissaire.
- Et c'est un record ! plaisanta Nathalie.
- Bon ça va oui ! la gronda Candice qui déclencha un éclat de rire chez ses amis. »
Seul Antoine ne riait pas, l'esprit bien trop occupé par toutes les déclarations de Candice qui semblait montrer à nouveau tout son désintéressement vis à vis de leur relation. Le reste du repas se déroula rapidement et les collègues désertèrent le lieu en riant. Antoine ferma la marche et fut rapidement rejoint par sa compagne qui s'empressa de lui prendre la main.
« Merci pour le restaurant mon amour…
- Candice… lança-t-il gêné d'être à quelques mètres de ses collègues.
- Mais ça va… ils sont loin puis ils vont rien dire… on s'en fout…
- Ah parce que t'assumes maintenant ? Maugréa-t-il
- Hein ?
- Rien… fulmina-t-il.
- En plus ça fait trois jours qu'on s'est pas vus…
- Bah oui parce que t'as refusé mes deux propositions de rendez-vous… lâcha-t-il avec amertume.
- Hum… Et justement je me disais que ce soir on aurait pu passer une petite soirée tous les deux, non ?
Antoine rigola brièvement.
Quoi ? s'étonna-t-elle alors qu'il venait de lâcher sa main.
- Évidemment… donc là juste parce que toi t'as envie qu'on se voit, je dois accepter c'est ça ? S'indigna-t-il.
- Ça va… je propose juste hein… mais si t'as pas envie c'est pas grave… répondit-elle faussement agacée.
- Non…. J'ai juste envie que tu fasses preuve d'un peu plus de considération à mon égard. C'est tout ! Lui reprocha-t-il sèchement en la fixant avant de passer la porte de la BSU sans un mot.
- Ok… »
Candice resta pantoise quelques secondes sur le trottoir. Elle hocha la tête et se décida finalement à entrer à l'intérieur de la BSU à son tour. Pris par une succession de rendez-vous, Antoine déserta la brigade le reste de la journée. Bien décidée à se faire pardonner, Candice organisa méticuleusement sa surprise. Elle s'assura que sa maison de ville était déserte et y pénétra. Elle grimpa à l'étage revêtir une tenue bien plus légère et séduisante avant de redescendre et de s'affairer en cuisine. Elle sursauta lorsque la porte s'ouvrit subitement.
« Ah c'est toi ... enfin c'est vous je… bégaya-t-elle en refermant son kimono.
- Salut Candice ! lâcha la petite en accourant contre ses jambes.
- Bonjour… lui sourit-elle timidement.
- Qu'est-ce que tu fais là ? S'agaça-t-il en s'approchant d'elle.
- Je… j'voulais te faire une surprise pour m'excuser pour ce matin mais je savais pas que… que tu serais pas seul… expliqua-t-elle gênée.
- C'était pas prévu. Se contenta-t-il de répondre. Tout comme toi ici.
- T'as pas froid habillée comme ça ? demanda la petite à sa belle-mère qui tenait son kimono fermé.
- Euh… Si ! Je vais aller me changer… C'est une bonne idée ça. Oui… répondit-elle en s'éclipsant à l'étage.
- J'aime bien quand on est tous les trois… lâcha Suzanne en s'accrochant au cou de son père désormais assis dans le canapé. »
Candice disparut à l'étage les larmes aux yeux. Visiblement sa surprise venait de tomber à l'eau et Antoine n'avait clairement pas l'air ravi de la voir chez lui. Elle ôta son kimono qu'elle rangea dans le tiroir et revêtit son pull et son jean avec amertume. Elle redescendit une dizaine de minutes plus tard et constata qu'Antoine avait dressé la table pour trois. Déjà installée, la petite patientait l'arrivée de Candice visiblement affamée. Amusée, la blonde prit place à ses côtés et attendit d'être servie par Antoine.
« C'est chaud… se plaignit Suzanne. Mais ça a l'air bon… rajouta-t-elle en regardant Candice en souriant.
- Ah oui c'est super bon ! continua son père pour détendre l'atmosphère.
- Tant mieux alors… répondit Candice timidement.
- T'as pris tes médicaments ?
Surprise Candice fixa la petite qui souriait face à son père également surpris par sa question. La commandante se mit à sourire avant de se diriger vers la boîte de médicaments qu'Antoine gardait dans son placard.
- Merci… répondit-elle en se réinstallant à table.
- Papa a raison… il faut qu'on te surveille pour pas que tu aies mal au cœur.
- C'est bien comme ça avec vous je suis en sécurité…. répliqua-t-elle en souriant avant de caresser doucement la joue d'Antoine qui esquissa un faux sourire à son tour.
- T'as vu ça pique… lâcha Suzanne provoquant l'éclat de rire du couple.
- Hum. Moi j'aime bien quand ça pique…
- Tu devrais demander un rasoir au père noël papa…
Candice éclata de rire.
- Et toi tu as demandé quoi au père noël ?
- J'ai fait ma liste ce matin avec ma copine. D'ailleurs j'ai mis deux fois plus de cadeaux parce qu'il passe chez papa et chez maman…
- Ah bah oui c'est malin ça ! Mais ça dépend de si tu as été sage…
- Je suis toujours super sage. Mamie elle dit que je suis tout le contraire de papa. Apparemment il faisait plein de bêtises quand il était petit.
- Ah oui ? Répondit-elle amusée en fixant son compagnon.
Antoine sourit doucement sans renchérir la remarque de sa fille.
- On va faire noël tous ensemble cette année ? demanda la petite à son père.
- Tous ensemble comment ça ?
- Bah avec Candice et ses enfants…
- Ah ! Euh… Je sais pas on en a pas encore parlé…
- Moi je trouve que ce serait trop bien…
- Oui on verra bien… peut-être… lâcha-t-elle sans engouement.
- Cache ta joie… marmonna-t-il en se levant. »
Candice l'entendît mais ne rétorqua pas, préférant changer de sujet pour ne pas remettre le feu aux poudres. Le reste du repas fut animé par la petite, particulièrement loquace en cette fin de soirée de décembre. Rapidement le repas s'acheva et Antoine s'isola dans la chambre avec sa fille pendant que Candice s'occupait de ranger le salon. Il referma doucement la porte et s'approcha du salon où Candice venait de se lever. Elle encercla son cou en souriant, sans se rendre compte de sa froideur.
« Ah je crois qu'on est enfin tranquilles…
Antoine lâcha un rire jaune.
- T'as vraiment rien compris en fait ?! rétorqua-t-il durement.
- Quoi ? Je t'ai dit que j'étais désolée… Je pensais pas que t'allais rentrer avec elle…
- Je t'avais dit non pour ce soir Candice. Mais évidemment t'en as fait qu'à ta tête et t'es venue quand même.
- Je pensais que ça t'aurait fait plaisir…
- Alors que tu me calcules pas depuis trois jours ?! Et que là comme par hasard juste parce t'as envie, je dois être là et acquiescer ta bonne volonté. J'suis pas ton chien Candice ! J'suis ton mec ! Enfin et encore je sais même pas si tu me considères comme ça…
- C'est nul de dire ça… lâcha-t-elle blessée.
- Nan… Ce qui est nul Candice, c'est que tu sois égoïste. Tu penses qu'à toi. Tout le temps. Tout le monde doit être à tes pieds et forcément quand ça marche pas… et bah ça va pas… donc tu fais ton cinéma. Exactement comme ce soir.
- C'est vraiment ça que tu penses de moi ?
- A ton avis ?! s'emporta-t-il partagé entre colère et déception.
- Ok… J'aurais pas dû venir. Salut… lâcha-t-elle en récupérant ses affaires. »
Antoine encaissa le bruit de claquement de la porte d'entrée. Ok, là le commissaire y était allé un peu fort mais il espérait que ses propos lui fassent prendre conscience de ses agissements déplacés. Il dormit peu cette nuit-là, ressassant les mots qu'il avait laissé sortir. Et conscient qu'il était allé trop loin, se décida à aller s'excuser. Il toqua contre la grande porte en bois et ne tarda pas à voir apparaître sa compagne qui croisa ses bras en le fixant.
« Tu viens voir le monstre d'égoïsme ? demanda-t-elle blessée.
- Oui… Pour m'excuser. Je peux entrer ?
- Ok…
- J'ai été un peu trop loin hier soir… J'aurais pas dû m'emporter comme ça… Je suis désolé, en plus je le pensais pas…
- Bien sûr que si tu le pensais… mais t'as raison en même temps… j'pense qu'à moi… je suis égoïste… t'as dit que la vérité… rétorqua-t-elle en baissant la tête.
- C'est juste que j'ai l'impression d'être le seul à faire des efforts pour que nous deux ça marche et ça me saoule…
- Pourtant moi aussi j'ai vraiment envie que ça marche tous les deux… j'aurais pas dû refuser tes rendez-vous… j'aurais pas dû passer à l'improviste, je suis désolée…
- C'est pas si grave… On a quand même passé un bon moment… tous les trois… Suzanne était contente de sa soirée…
Candice esquissa un sourire en osant encercler sa taille.
Tu vois… Même si tu veux pas la voir, elle t'adore et… comme son père elle aime bien quand t'es là…
- J'ai jamais dit que je voulais pas la voir…
- Arrête Candice… j'ai bien compris que ça t'embête quand elle est là parce que tu voudrais profiter comme tu veux mais que tu peux pas… regarde la dernière fois tu m'as fais la gueule parce que je gardais Suzanne et que je pouvais pas aller avec toi à ton expo…
- Je sais… j'ai été bête de réagir comme ça… c'est ta fille c'est ta priorité c'est normal.
- Mais toi aussi t'es ma priorité Candice… et je fais ce que je peux pour concilier les deux.
- Je sais… je te reproche rien… chuchota-t-elle en encerclant son cou. On fait la paix ?
- Hum… confirma-t-il en l'embrassant tendrement.
- P'tit dej ? proposa-t-elle après l'avoir embrassé à nouveau
- J'ai ramené des croissants exprès… répondit-il pour accepter. »
Satisfaite, Candice l'entraîna vers la table de la cuisine ou la vaisselle n'attendait que la venue de ses enfants. Antoine prit place à ses côtés et n'eut pas le temps de s'emparer d'un croissant, qu'une bande de morfales débarqua à son tour.
« Ah salut Antoine ! lança Sacha. Oh y a des croissants ?! Coooool ! déclara-t-il en chopant une viennoiserie avant de tendre le sachet à Léo.
- Mais t'as dormi la ? s'étonna l'un des jumeaux en croquant dans le croissant.
- Non… j'ai juste rapporté le petit-dej…
- Ah cool ! Merci… Enfin quelqu'un de sensé ici… plaisanta-t-il en fixant sa mère.
- Je te signale quand même que tu es nourri, logé et blanchi ici…
- Il en a de la chance lui… lâcha Antoine tout bas en s'adressant à sa compagne.
- T'es bête… rétorqua-t-elle en attrapant sa main.
- Emma tu veux un croissant ? Proposa Sacha en lui tendant le sachet.
- Merci…
- Si j'avais su… j'aurais ramené toute la boulangerie… plaisanta le commissaire en fixant le sachet vide.
- Hum… c'est vrai qu'ils sont très bons tes croissants chéri… rajouta Candice en dévorant le sien.
- Mais t'en as eu Antoine ? s'étonna Emma.
- Non… mais t'inquiète, mange !
- Oh pardon… J'avais pas vu que t'en avais pas eu… s'excusa Candice soudainement gênée.
- T'es sûr ? Força Emma.
- Mais oui… de toute façon je vais y aller moi. J'ai rendez-vous à la mairie, faut pas que je sois en retard.
- Ok… Répondit Candice en l'observant se lever.
- À tout à l'heure ?! lâcha-t-il avant de l'embrasser.
- Ouais… répondit elle d'une voix enfantine avant de répondre à son baiser.
- Bonne journée ! »
Candice fixa son compagnon quitter la pièce le sourire aux lèvres. Elle attrapa sa tasse encore bouillante et prit le soin de souffler sur le liquide. Toujours dans sa bulle, elle ne tarda pas à pester contre sa fille qui décida, à son tour, de mettre sur le tapis un sujet épineux…
« Au fait du coup t'as eu des nouvelles de mamie pour noël ?
Candice leva les yeux au ciel avant de rejoindre sa fille en cuisine.
- Euh oui… normalement elle doit venir.
- Ah trop bien ! Pour une fois qu'on va passer noël avec elle….
- Ah bah c'est elle qui a insisté pour venir.
- Et elle arrive quand ?
- J'en ai aucune idée…
- Eh bah… Ça a pas l'air de te réjouir de la voir…
- Emma… tu sais bien que c'est pas facile… On se voit jamais et quand on se voit j'ai le droit à des reproches…
- Mais peut-être qu'elle a changé !
- Ça m'étonnerait…
- Puis elle vieillit… ce serait con de regretter plus tard de pas avoir partagé tous ces moments avec elle…
- Ouais…
- D'ailleurs j'ai oublié de lui demander si elle aimait le saumon. Jules m'a dit qu'il comptait faire ça au repas de noël… J'suis bête j'ai oublié de demander à Antoine aussi. Tu verras avec lui si ça lui va… il vient avec Suzanne d'ailleurs ?
Candice détourna le regard et glissa sa tête dans le placard.
Maman ? S'étonna Emma.
- Hum ?
- Elle sera là ou pas ?
- Bah oui je t'ai dit qu'elle avait insisté pour venir.
- Mais je te parle pas de mamie! Je te parle de la fille d'Antoine là…
- Ah…. Euh… oui…. Je sais pas… bégaya-t-elle.
- Rassure-moi t'as invité son père quand même ? Plaisanta-t-elle en avalant quelques grains de raisin.
Elle entendit sa mère souffler.
Attend… me dis pas que tu l'as pas invité ?! S'indigna-t-elle.
- Disons que… qu'on en a pas encore vraiment parlé…
- Mais c'est dans une semaine…
- Je sais… Mais maintenant que ta grand-mère débarque ça change tout…
- Ça va…. Qu'est-ce que tu veux qu'elle dise ?
- Oh bah ça se voit que tu la connais pas hein…
- Puis ce sera l'occasion de faire les présentations comme ça… lâcha-t-elle enjouée.
- Ah bah non ! La coupa-t-elle rapidement.
Emma éclata de rire.
- Bah tu vas pas le cacher dans le placard toute la soirée quand même… t'as honte de lui ou quoi ?
- Mais non… c'est juste que… mine de rien c'est une étape et je suis pas sure d'être prête à rendre la chose si… officielle… finit elle par avouer à demi-mots.
- Attend mais je comprends pas… Tu veux pas de sérieux avec lui ?
- Mais si bien sûr… j'ai juste pas envie de m'enfermer dans une routine planplan...
- Alors que lui ne rêve que de ça…
- Oui… bah tu vois justement c'est ça le problème…
- Et donc juste parce que vous avez pas la même vision des choses tu vas le laisser tout seul à noël ?! Mais tu sais que c'est super égoïste ça ?!
- Oh mais tu vas pas t'y mettre toi aussi…
- Bah excuse-moi mais il a raison maman… tu penses qu'à toi….
- Ah oui !? S'emporta-t-elle. Et puis quoi ? Je le laisse venir s'installer ici, je lui passe la bague au doigt et dans 3 mois il me largue parce qu'il supporte plus de vivre avec moi ? Ça va j'ai donné… je vais pas te rappeler comment ça s'est passé avec Max ?
- T'es en train de comparer Antoine à Max là ? S'indigna-t-elle.
- Bah non je sais que c'est pas pareil… mais ça m'empêche pas d'avoir peur.
- Mais tu veux quoi toi concrètement ? osa-t-elle demander.
- Bah… je voudrais que ça reste comme ça… tout le temps… sans prise de tête. Qu'on reste libres de se voir quand on a envie. Que ce soit léger quoi… expliqua-t-elle avec émotion.
- Mais tu sais que ça peut pas durer éternellement ça ?
- Je sais…. Je sais que t'as raison mais… j'ai un blocage et j'arrive pas à le dépasser.
- Ouais… mais si tu continues comme ça tu vas le perdre… alors j'sais pas… essaye de prendre sur toi ou fais une thérapie ! Il paraît que ça marche pour ce genre de choses…
- Une thérapie… répéta-t-elle en éclatant de rire. N'importe quoi… une thérapie…
- Rigole…. Mais le jour où il partira et qu'il reviendra avec une autre nana tu feras moins la maligne.
- Bah euh non c'est moi sa femme… répliqua-t-elle fièrement.
- Ah ?! Bah je croyais que t'avais pas envie de te marier….
- Nia nia nia… grimaça-t-elle alors qu'Emma désertait la cuisine. Une thérapie… répéta-t-elle à voix haute en haussant les yeux au ciel. »
. . . . .
« Et cette altercation… Qu'est-ce que vous en pensez ?
- Même si on s'est rapidement réconciliés… Au fond je savais que ces problèmes allaient refaire surface… Mais j'ai quand même fait des efforts…
- Et ce noël finalement ?
- Il est venu… Avec sa fille aussi…
- Et c'était plutôt une réussite ?
- Oui… songea-t-elle en souriant. C'était un bon moment… Enfin malgré les interventions de ma mère…
- Lesquelles ?
- Je l'avais briefé avant… Mais elle a pas pu s'empêcher de parler mariage…
- Ça vous a angoissé ?
- C'est surtout que j'avais pas envie qu'on se dispute… Mais finalement il l'a pris sur le ton de la rigolade…
- Donc tout est bien qui finit bien… Vous avez passé un moment familial…
- Hum…
- C'est l'emploi du terme « familial » qui vous bloque ?
- Je sais pas… C'est peut-être un peu engageant…
- Hum…
Soudain Candice réalisa ce qu'elle venait de dire. Elle s'excusa et baissa la tête, consciente que son problème était encore bien tenace.
- Vous avez l'air de réfuter l'idée de construire une famille.
- Mais j'ai déjà une famille. J'ai mes enfants. Et… Avec eux, je sais que c'est solide, c'est fiable…
- Donc Antoine incarne à vos yeux l'instabilité ?
- Non… Au contraire… Mais… J'ai juste peur d'adhérer un peu trop à cette famille et que je finisse par être blessée si ça marche pas… Puis si je l'inclus lui, je dois aussi inclure sa fille.
- Ça se passe mal avec elle ?
- Non ça se passe bien… Elle est adorable mais… Elle est petite… Elle a 8 ans… Et… C'est avec son père que je veux profiter… Pas avec elle…
- Qu'est-ce qui vous empêche de profiter avec lui quand elle est là ?
- C'est un peu un papa poule… Alors quand elle est là… Y en a plus que pour elle… Moi, mes enfants sont grands alors c'est différent… Puis… commença-t-elle avant de baisser la tête. Peut-être que sa présence me rappelle qu'il la choisit elle, plutôt que moi…
- Vous voulez parler du moment où Antoine a décidé de mettre un terme à votre relation pour avoir ce bébé ?
- Oui… répliqua-t-elle les larmes aux yeux. Fin' il aurait très bien pu avoir ce bébé tout en restant avec moi…
- Pourquoi n'a-t-il pas fait ce choix, selon vous ?
- J'en sais rien… Puis de toute façon… J'aurais jamais accepté d'avoir l'étiquette de la briseuse de famille…
- Donc… Finalement… On peut dire que c'est un mal pour un bien… Non ?
- Peut-être… Mais ça m'a pas empêché de souffrir en le voyant heureux dans sa nouvelle famille, sans moi.
- Donc à l'époque, vous auriez été prête à former une famille avec lui ?
Candice acquiesça doucement.
- Enfin… J'étais prête à l'intégrer dans ma famille… Mais… Lui voulait des enfants… Je voulais pas qu'il se sacrifie pour moi…
- Vous en aviez discuté ?
- Oui… Et… Il était prêt à y renoncer, au début… Et moi, j'étais prête à quitter David pour lui… J'en avais marre de cette relation cachée… De mentir à tout le monde… J'aurais voulu vivre quelque chose de simple… Et ça aurait été facile parce que mes enfants l'adoraient… avec David ça a été plus compliqué…
- Donc vos enfants ont bien réagi lorsque vous vous êtes mis ensemble ?
- Oui… sourit-elle. Mais bon, ils sont plus grands maintenant… Puis ils l'ont toujours connu… Et… J'crois qu'au fond ils attendaient que ça aussi… osa-t-elle en rigolant doucement. »
. . . . .
Le moteur de la voiture cabriolet rouge gronda jusqu'à l'entrée du portail de la commandante. Le silence signala la fin de cette soirée que Candice jugeait d'absolument parfaite. Une soirée surprise avec son amoureux à observer le calme sétois sur une voiture de collection… Quoi de mieux ? pensait Candice en se tournant vers Antoine.
« Merci… chuchota-t-elle contre ses lèvres en détachant sa ceinture.
- Hum… soupira-t-il de satisfaction.
- Je t'aurais bien dit de venir mais… y a les enfants…
- Ouais…
- Je sais même pas comment je vais justifier mon absence… commença-t-elle en rigolant. Je leur ai dit que j'allais jeter la poubelle…
Antoine éclata de rire.
- Ah oui quand même…
- Ouais… J'vais devoir être inventive…
- Ils doivent bien se douter que… fin qu'on était ensemble quoi…
Candice haussa les épaules.
- Sinon je dirai la vérité….
- Hum… Et laquelle ? chuchota-t-il contre ses lèvres.
Elle rigola doucement.
- Que j'ai passé une très très bonne soirée… avec mon amoureux ? proposa-t-elle en l'embrassant.
- Ça veut dire que… tu veux officialiser ?
- Oui… acquiesça-t-elle. J'ai plus envie qu'on se cache comme avant… La vie est courte et… J'veux qu'on profite… tous ensemble…
- Ça me va… confirma-t-il en souriant. Toute façon Suzanne est déjà au courant…
- Ah bon ? s'étonna-t-elle.
- Ouais… J'avais pas envie de lui cacher… Surtout que y a déjà des affaires à toi qui traînent partout chez moi…
Candice rigola en pinçant ses lèvres.
- Et alors ? Comment elle l'a pris ?
- Bien je crois… Elle m'a déjà demandé quand t'allais venir t'installer chez nous…
- Ah oui quand même ! Mais… On va prendre le temps, c'est mieux…
- Ouais…Et… Au boulot j'préfère qu'on fasse comme si de rien… Pour l'instant… J'ai pas envie que ça crée des problèmes comme dans le passé…
- T'as raison… C'est mieux… accepta-t-elle. Enfin ça va être dur mais…
- Ah ça… confirma-t-il en caressant sa joue.
- Bon… J'y vais…
- Ouais ! acquiesça-t-il en l'embrassant.
- Merci pour la soirée… C'était parfait… »
Antoine acquiesça en souriant, déçu de ne pas terminer la journée en sa compagnie. La blonde l'observa faire demi-tour en rigolant avant de lui envoyer un baiser volant. Elle finit par enclencher la poignée le sourire aux lèvres et débarqua dans sa cour où elle fut accueillie par son chien. Elle ouvrit la grande porte d'entrée et tomba sur ses enfants attablés dans le salon.
« Eh beh ! Elle était super loin cette poubelle, non ? ironisa Emma.
- Non mais… Je suis allée me balader après…
- Ah oui ? Jusqu'à la déchèterie ? plaisanta Martin.
- T'es là toi ?
- Bah oui… Je passais te voir justement, mais t'étais partie… expliqua-t-il malicieux.
Candice rigola doucement avant de l'embrasser pour le saluer.
Hum… sentit-il. En tout cas, tu me donneras l'adresse parce qu'elle sent vachement bon ta poubelle.
- T'aurais pu lui dire de venir hein… rajouta la jeune brune.
- À qui ? s'étonna Candice.
- Bah à Antoine…
- Ah ! Oui ! Non mais… C'est que… Enfin…
- Ça vaaaaa… On a plus cinq ans hein… Tu crois qu'on a pas compris ? Il est venu quasi tous les jours à l'hôpital…
- Oui puis la nuit… On sait bien que tu pars en cachette… renchérit un des jumeaux.
- Oui donc j'suis démasquée quoi… balbutia-t-elle gênée en s'asseyant à table.
Toute la tablée hocha positivement la tête en l'observant.
- Mais c'était bien tenté le coup de la poubelle… lâcha Emma avant de pouffer.
- Oui bon ! Ok ça va… On est ensemble… Et alors ?
- Bah tant mieux ! Depuis le temps…
- Oui bah c'est compliqué tu sais…
- Et d'ailleurs au boulot… ? Vous allez faire comment ?
- Pour l'instant on va faire comme si de rien… C'est un peu compliqué parce que c'est le chef…
- Non mais en vrai c'est cool… lâcha Léo. Puis il est grave classe…
- Grave classe ? répéta Candice désabusée.
- Bah ouais… Fin j'veux pas être méchant mais… rien à voir avec Max et ses chemises à fleurs…
- Eh ! protesta-t-elle.
- Et encore… je parle pas de David et ses chaussures de cow-boy… Je l'adorais hein… Mais bon…
- En plus il kiffe le sport ! rajouta Martin. Ça veut dire qu'on fera des soirées foot ou des soirées rugby…
- Coooool ! répliqua son double en tapant dans sa main.
- Et tu te rappelles quand on était petits ? Les aprem' bataille d'eau l'été ? Ça virait au cauchemar c'était dingue ! répondit Martin à son frère.
- Antoine prenait carrément le sceau s'te plaît !
- Eh bah… J'sais pas si j'ai bien fait d'en parler moi… soupira Candice en rigolant. »
Elle hoche la tête en écoutant ses jumeaux repartir dans leurs souvenirs. Chacun y participa racontant à Sacha des anecdotes sur les soirées karaoké ou les soirées d'anniversaire. Satisfaite, elle finit par se lever en les observant. Et se posa au comptoir de sa cuisine où elle récupéra son téléphone qui affichait un message de son compagnon. Antoine était bien rentré et… elle lui manquait déjà. Elle sourit en lui répondant qu'à elle aussi, le manque était déjà présent, mais que ses enfants avaient déjà hâte qu'il vienne passer une soirée avec eux. Elle cliqua sur envoyer lorsque sa fille se posa à côté.
« Non puis… depuis le temps que t'attends ça… C'est bien… Tu vas peut-être enfin être vraiment heureuse… »
Candice la fixa le sourire aux lèvres avant de la remercier en l'embrassant sur sa joue. Cette officialisation s'était visiblement mieux passée que ce qu'elle avait imaginé… »
. . . . .
« Donc vos enfants l'ont très bien accepté… C'est positif…
- Oui… Et Suzanne, la fille d'Antoine, s'entend super bien avec eux…
- Donc tout est réuni pour que la famille fonctionne.
- Il manque plus que moi quoi…
- Mais vous savez… Une famille ne se résume pas forcément à un groupe de personnes qui cohabitent ensemble. Simplement, l'amour aussi contribue à former la famille. Puis une famille c'est des personnes sur qui on peut compter, avec qui on se sent bien, avec qui on partage des choses… C'est le cas pour vous non ?
- Oui… affirma-t-elle songeuse. Mais… Avec Max ça n'a pas marché par exemple…
- Pourquoi selon vous ?
- Parce qu'il y avait un manque d'amour ? Puis aussi parce que mes enfants ne s'entendaient pas avec les siens… Et moi aussi j'avais du mal avec eux…
- Donc qu'est-ce qui vous effraie avec Antoine ?
- Que ça se termine un jour… conclut-elle l'air grave. »
Candice fixa la fenêtre à côté d'elle. En fait, c'était de là que venaient toutes ses peurs… La peur de perdre l'autre. La peur de l'abandon. La peur de souffrir également. Finalement, ses plus sombres angoisses remontaient bien plus loin que ce qu'elle avait pu imaginer. Et à cet instant précis, Candice réalisait que le chemin qu'elle devait parcourir pour s'en sortir s'annonçait encore long… Mais peut-être en valait-il la peine ce chemin… ?