. . . .
« J'suis contente qu'on se soit trouvées un créneau pour déjeuner toute les trois… Ça faisait un bail… s'enthousiasma Candice en piquant dans son assiette.
Nathalie acquiesça.
- En ce moment on croule sous le boulot… expliqua Sylvie.
- Mais de toute façon faut qu'on vous invite avec Armand… On a déménagé et on a toujours pas fait de crémaillère…
- Ah mais oui… Faut que tu nous donnes une date !
Candice baissa la tête, visiblement peu concernée par la discussion.
- T'es dispo quand toi Candice ? lui demanda Nath en souriant.
- Bah…. Rétorqua-t-elle en faisant les gros yeux.
Face à elle, les deux l'observèrent, perplexes.
- Quoi ? força Nathalie sans comprendre.
- Euh… commença-t-elle timidement. Non mais… Invite-les. Moi je passerai voir chez vous plus tard… concilia-t-elle en souriant faussement.
- Bah c'est ridicule… Ça faisait une occas' de se revoir tous ensemble ! Comme avant quoi… »
La blonde tourna la tête et fixa le paysage maritime derrière la fenêtre. « Comme avant… » venait-elle de lui sortir. Cela ne pouvait pas être comme avant… Rien n'était plus comme avant depuis qu'il était parti de chez elle. Et en plus, Candice avait également quitté la BSU… en partie pour lui… et finalement elle se retrouvait sans lui et devait éviter ses amis. Alors elle avait fait une croix sur leurs soirées, leurs apéros, leurs brimades, leurs rigolades… Mais… les voir sans lui restait compliqué… Ils formaient un groupe après tout et Antoine demeurait leur chef… Candice n'était plus qu'une pièce rapportée… Mais visiblement, Nathalie ne l'avait pas compris…
La responsable de l'IJ l'observa pensive et jeta un regard à sa voisine qui venait d'interpeller Candice. Ils la virent sursauter et replonger la tête dans son assiette.
« Ah… commença Sylvie en réalisant. C'est Antoine c'est ça ?
- Bah… oui… Fin… c'est super gênant… balbutia-t-elle meurtrie.
- Vous vous êtes reparlés depuis ?
Candice hocha négativement la tête.
- Tu lui as même pas dit pour ta thérapie ? s'indigna Nath.
- Ça fait combien de temps que t'y vas ?
- Bah ça va faire un mois bientôt…
- Donc c'est vraiment terminé en fait ? demanda Sylvie pour mettre les pieds dans le plat.
- Bah oui… Je vais pas vous refaire l'histoire hein…
- Oui enfin bon… nuança la brune. C'est pas la première fois non plus que vous vous « séparez » … lança-t-elle en mimant les guillemets.
- Mais là c'est pas pareil… Avant on se voyait tous les jours au bureau et… même si c'était tendu bah… je savais qu'il était pas loin… Là, on se parle plus… Et on se voit plus…
- Ouais… marmonna Nathalie consciente que la situation était compliquée.
- Donc t'es censée passer à autre chose… Te remettre sur le marché quoi… lança Sylvie avec malice.
- Bah non… lâcha-t-elle vivement pour réfuter son affirmation.
- Quoi ? Tu comptes finir ta vie toute seule ?
- Bah non… Mais peut-être qu'un jour…
- Qu'un jour ? répéta Nathalie pour la faire cracher le morceau.
- Il reviendra… lâcha-t-elle tout bas.
- Mais ? S'il attend que tu changes… et que tu lui dis pas que t'y travailles… comment veux-tu qu'il t'attende ?
- Mais je sais pas… peut-être qu'au fond de lui, il m'attend déjà plus… mais c'est pas grave hein…
- Ah c'est pas grave ? intervint malicieusement Sylvie.
- Non… confirma-t-elle en croquant dans sa tomate cerise.
- Tant mieux alors… Ça veut dire que la voix est libre pour ta remplaçante….
Candice releva subitement la tête, paniquée.
- Hein ? Ma remplaçante ?! s'offusqua-t-elle. Qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
- Bah la nouvelle qu'on vient d'accueillir ! expliqua fièrement Nathalie.
- Ah bon ? Mais je suis pas au courant de ça ! C'est qui ?
- Antoine l'a recruté y a une dizaine de jours je crois… Val et Mehdi se sentaient pas de reprendre ton poste. Marquez encore moins… et Ismaël a encore les stigmates des conséquences de l'IGPN alors il a préféré s'abstenir…
- Et du coup il a recruté une nouvelle… c'est quoi son nom ?
- Elodie Vasseur. Elle vient de Toulouse.
- Elle a quel âge ?
- J'en sais rien… la quarantaine… a peine…
- Et elle est comment ?
- Bah plutôt sympa… un peu timide mais elle vient d'arriver… le courant a l'air de bien passer avec tout le monde…
- Ouais… Aussi vite partie, aussi vite oubliée quoi… pesta-t-elle en boudant.
Nathalie leva les yeux au ciel en regardant Sylvie, complice.
Et Antoine… il en dit quoi ?
La brune haussa les épaules.
Arrête Sylvie ! Je sais très bien que vous gérez ça tous les deux… donc tu sais forcément ce qu'il en pense…
- Mais qu'est-ce que ça change ?
- Mais je… j'ai… j'ai besoin de savoir si je dois m'inquiéter !
- T'inquiéter de ? Je croyais que vous étiez plus ensemble…
- Mais oui mais…
- Mais quoi ?
- Mais j'veux pas qu'il oublie que je suis là…
- Bah pour ça faudrait peut-être lui parler, ma grande ! »
La dernière réplique de Nathalie lui cloua le bec. Démunie, Candice choisit la carte de l'ignorance et se contenta de lui tirer la langue. Mais au fond… elle savait que son ex-collègue avait raison. Sauf que la tâche était plus facile à imaginer qu'à réaliser… et mine de rien, la commandante était tétanisée de devoir l'affronter après tous ses reproches. Heureusement, sa journée se terminait en entretien avec Froissart et peut-être allaient se dessiner quelques perspectives évolutives dans ses nuages…
. . . . .
Assise sur une petite chaise bleue Candice patientait. L'heure arrivait à grands pas et les quelques magazines éparpillés sur la table devant elle ne lui donnaient guère l'envie de se distraire. Faut dire que ses pensées étaient orientées vers une tout autre chose… Alors elle laissa son esprit divaguer au son de la petite musique d'ambiance censée camoufler les paroles qui se tenaient derrière la porte d'à côté. Et malgré sa douceur, l'ambiance restait tendue. La blonde tapotait le parquet de son pied gauche, signe évident d'une appréhension tenace. Et si cette séance se passait mal ? Et si elle se mettait à pleurer ? Et si les réponses à ses questions n'étaient pas celles qu'elle espérait ? Et si ? Et si ? … La commandante se torturait, refusant d'exprimer son ressenti et d'exposer sa vulnérabilité. Pourtant, il le fallait… Pour elle, comme pour lui. Alors elle inspira et entra soudainement en apnée. Souvenirs des petites séances de yoga maison, songea-t-elle. Puis elle expira doucement, espérant récupérer toute sa contenance. Elle réitéra son geste. Cette fois-ci elle ferma ses yeux, peut-être pour oublier sa localisation. Elle s'imagina sur une place de sable fin, la peau réchauffée par les doux rayons du soleil. Puis elle avança, jusqu'au bord de l'eau… avant de paniquer face à un bruit sourd. Candice sursauta et ouvrit les yeux. La porte face à elle s'ouvrait désormais laissant le patricien approcher. Elle ravala sa salive et se leva difficilement de sa chaise.
« C'est à nous ! lâcha-t-il volontairement sympathique.
- Bonjour…
- Allez-y ! Installez-vous…
- Euh oui… balbutia-t-elle gênée en prenant place sur le fauteuil rouge.
- Alors, dites-moi… Comment allez-vous depuis la semaine dernière ?
- Euh… Ça va… J'ai beaucoup réfléchi à certaines choses et… J'ai même l'impression de réussir à relativiser certaines situations…
- C'est encourageant tout ça !
Candice acquiesça.
- Oui… Et je ressors progressivement…
- Tant mieux ! Avec des amis ?
- Pas forcément… Parfois je sors seule boire un verre… J'essaye de me changer les idées.
- Mais vous avez raison. Il faut savoir se faire plaisir dans la vie.
- J'ai même accepté un déjeuner avec deux de mes anciennes collègues… Ça m'a fait du bien…
- Bien ! C'est une bonne chose. Vous dites « collègues » donc vous ne les considérez pas comme vos « amies » ?
- Hum… Si bien sûr mais c'est différent depuis… depuis qu'il est parti.
- C'est-à-dire ?
- Avant… On avait l'habitude de se retrouver tous ensemble pour des repas, des apéros, des sorties… Mais… maintenant que je ne travaille plus avec eux et qu'avec Antoine on ne se parle plus… J'ai l'impression de plus avoir ma place avec eux…
- C'est ce que vous avez ressenti lors de votre déjeuner ?
La commandante haussa les épaules.
- Elles savent que c'est compliqué… Puis maintenant que je suis remplacée… Tout va changer aussi…
- Vous voulez dire que quelqu'un prend votre place à votre ancien travail c'est ça ?
- Oui… confirma-t-elle en acquiesçant.
- Et qu'est-ce que vous ressentez face à ça ?
Elle haussa les épaules en baissant la tête.
- Elles m'ont dit qu'ils s'entendaient bien et qu'elle bossait bien… Alors que moi… J'ai mis du temps à me faire accepter…
- Ça vous blesse ?
- Un peu… Quand je suis arrivée, je revenais de 10 ans de mise en disponibilité… Je prenais la place de mon adjoint aussi… Alors j'ai pas été accueillie avec les éloges…
- Ça peut s'entendre. Vous revenez avec une légitimité à construire. Puis en prenant son poste, une rivalité s'est imposée. Accueillir quelqu'un dans ces circonstances reste difficile à accepter. Repensez à vous lorsque vous avez dû accueillir certains collègues. Il faut que la confiance s'installe.
- C'est vrai… Mais en 10 jours quand même… Il m'a fallu un an moi pour qu'il m'accepte…
- Il ?
- Antoine… C'est lui qui l'a choisi… Et j'ai pas pu m'empêcher de faire des recherches sur elle… Il a pas choisi la plus moche hein ! laissa-t-elle sortir presque énervée. Pardon je…
- Non mais vous avez raison. Si vous venez d'évoquer ça, c'est que vous en ressentez le besoin. Ça vous fait mal ?
- De ?
- Qu'il ait choisi cette femme plutôt qu'une autre personne.
- Si ça avait été un homme ça aurait pas été pareil… Là, ils seront tout le temps ensemble. Les réunions le soir… Les debrief en tête à tête… Je connais bien hein, j'étais à sa place avant… bouda-t-elle.
- De quoi avez-vous peur ?
Candice baissa la tête, hésitant à sortir le morceau.
- Bah… Qu'il me remplace dans sa vie aussi… Mais bon en même temps… Il aurait pas de mal… Il pourrait avoir toutes les filles à ses pieds…
- Pourquoi dites-vous cela ?
- Parce qu'il est parfait...
- Sur quel plan ?
- Je sais pas je... Tout le monde rêverait d'un homme doux, intelligent, attentionné, drôle aussi... Et puis physiquement... il est pas moche...
- Pas moche ? C'est à dire ?
- Bah... Il a un corps super musclé...
- Et qu'est-ce que ça change ?
- Bah que je suis pas la première à l'admirer...
- Pourtant c'est vous qu'il a choisi…
- Et on se demande encore pourquoi… marmonna-t-elle.
- Vous lui avez déjà posé la question ?
- Bah oui… Mais j'ai jamais été convaincue par ses réponses… Même s'il me dit qu'il m'aime comme je suis… J'ai toujours l'impression que c'est faux…
- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
- Bah c'est évident non ? répliqua-t-elle en montrant son corps.
- Qu'est-ce qui est évident ?
- Bah… Je suis pas la plus fine du catalogue si vous voyez ce que je veux dire…
- Votre morphologie vous complexe donc ?
Elle acquiesça en silence.
Il vous a déjà fait des remarques sur votre physique ?
- Nooon ! Enfin… Une fois y a quelque chose qui m'a vexé… C'était un soir, on regardait les photos de famille avec les enfants… »
. . . . .
Assis à la table du salon, Emma venait de ressortir les albums photos de la famille au grand damne de Candice qui hésitait à les montrer...
« Tu sais que personne d'autre à part nous n'a eu accès à ces photos… lâcha Léo en souriant. T'es le premier corps étranger à les approcher…
- Oui bah après qu'il les aura vu… Faudra pas s'étonner s'il revient plus hein… ironisa Candice en s'accrochant à son bras.
- N'importe quoi ! répondit-il en rigolant.
- Non mais vous êtes sûrs que vous voulez les regarder ces photos ? Elles datent de vieux…
- Mais non, l'album rouge c'est le plus récent ! expliqua Emma en le récupérant dans le tas.
- Pourquoi ? demanda Antoine suspicieux. T'as peur que je vois des choses qui faut pas ?
- Non c'est pas ça… bouda-t-elle. C'est juste que ça me rappelle que j'ai vieilli…
- Mais c'est le but de la vie Candice !
- Hum… répondit-elle avec peu de conviction.
- Promis je ne dirai rien… jura-t-il en embrassant sa joue. »
Candice fit la moue, gênée d'exhiber ses souvenirs du passé. Pourtant, le reste de la tribu semblait déjà s'enjouer face aux clichés. Les rires ne tardèrent pas à fuser et chacun allait de son explication pour justifier les photographies qui défilaient devant les yeux du commissaire. Candice finit par les délaisser, s'isolant en cuisine pour se servir une tisane. Elle les entendait rigoler lorsqu'Antoine poussa un cri de surprise.
« Qu'est-ce que c'est que ça ? s'étonna-t-il en explosant de rire.
- De quoi ? demanda Candice anxieuse en se rapprochant de la table.
- Mais là ! La dame en jaune !? On dirait un gros bourdon, c'est quoi cet accoutrement … ? déclara-t-il en rigolant. »
Rapidement, les enfants perdirent leur sourire, fixant leur mère qui avait perdu le sien. Antoine stoppa son rire, comprenant que personne ne le suivait dans son jugement. Il releva la tête vers eux et fronça les sourcils.
« Fais-voir ! ordonna Candice en s'emparant de la photo. C'est moi !
- Hein ?! Mais non… la contredit-il en rigolant.
- Si ! Je surveillais les enfants qui s'amusaient dans l'eau quand Laurent m'a prise en photo…
- Mais t'as jamais mis cette combinaison jaune ? s'étonna-t-il.
- Pourtant elle est dans mon placard…
- Non mais pour le défendre, c'est vrai qu'avec l'ombre on te reconnaît pas ! balbutia Léo.
- Mais oui ! C'est le cliché qui est mauvais… rajouta Emma.
- Bah oui… continua-t-il. De loin ça fait une grosse tâche jaune…
- Sympa… marmonna-t-elle vexée.
- Mais non mais, c'est pas ce que je voulais dire… C'est parce que la couleur est vive que je dis ça… tenta-t-il pour se rattraper.
- Bien sûr… répondit-elle vexée en retournant s'isoler en cuisine.
Les enfants grimacèrent en regardant Antoine.
- Chaud… lâcha Martin.
- Mais non mais je savais pas aussi… chuchota Antoine.
- T'es dans la merde là… rajouta Emma dramatique. »
Gêné, Antoine se réinstalla sur sa chaise. Plus personne n'osait rien dire. Emma referma l'album et le déposa en haut de la pile dans un silence de plomb. Candice ressortit de la cuisine et s'empara de la vaisselle posée sur la table avant de faire demi-tour.
« Qu'est-ce que tu fais ? osa-t-il pour briser la glace.
- Le gros bourdon débarrasse le salon ! répondit-elle froidement.
- Chaton… rétorqua-t-il mielleusement en se levant pour la suivre. Tu fais la gueule ? osa-t-il alors qu'elle était contre l'évier.
- Non…
- Excuse-moi… Je savais pas que c'était toi dessus… sinon j'aurais jamais dit ça… expliqua-t-il en s'approchant d'elle.
- Dans tous les cas… Ça veut dire que tu l'as pensé…
- D'accord peut-être que la tenue n'était pas très avantageuse mais on te reconnaît à peine ! Puis c'était y a longtemps…
- Oui bah justement…
- Justement quoi ?
- J'étais encore plutôt mince à l'époque…
- Ah ? s'étonna-t-il faussement. Bah moi je préfère comme t'es maintenant…
- C'est-à-dire ?
- Hum… commença-t-il en l'enserrant à la taille. Avec des formes… Juste comme il faut… Là où il faut…
- Désolée de ne pas avoir une taille mannequin… lâcha-t-elle froidement en se détachant de lui.
- Mais je ne t'ai jamais demandé ça… T'es très bien comme ça…
- Un gros bourdon quand même… répéta-t-elle boudeuse.
Antoine rigola doucement avant de l'attraper par la taille.
- Ma petite abeille si tu préfères…
- Hum…
- Excuse-moi chérie… répéta-t-il en l'enserrant dans ses bras. »
. . . . .
« Et comment avez-vous réagi à ses mots ?
- J'ai fait croire que ça me touchait pas mais… le soir, quand j'suis allée me doucher je me regardais dans le miroir et… ses mots me sont revenus en pleine face. J'avais honte…
- Vous diriez qu'il n'est pas assez rassurant ?
- Si bien sûr… Il est toujours super attentionné… J'ai tout le temps le droit à des compliments mais physiquement je me sens pas à la hauteur…
- Vous en avez déjà parlé avec lui de ces doutes ? De ce ressenti ?
- Oui… Il sait très bien que j'ai pas confiance en moi et il fait ce qu'il peut pour me montrer que j'ai tort mais… j'ai du mal à l'entendre.
- Et vous diriez que ces problématiques ont des conséquences directes sur votre vie ?
- Oui… se contenta-t-elle de répondre.
- Je vous écoute.
- La jalousie… Un peu trop parfois…
- Il vous l'a déjà reproché ?
- Disons que c'est parfois source de tensions entre nous... Mais j'ai fait des efforts et maintenant j'évite de l'exprimer.
- Et vous pensez qu'intérioriser c'est la solution ?
- Non… Mais ça évite des disputes… Comme pendant notre voyage de non-noces…
- De non-noces ?
- Oui… J'ai fait une non-demande en mariage… Donc on a fait un voyage de non-noces…
- Bien… C'est original… C'est une semi marque d'engagement finalement…
- Oui... Ça me permettait de refuser le mariage tout en montrant que je voulais passer ma vie avec lui...
- Bien... Et que s'est-il passé pendant ce voyage de non-noces ?
. . . . .
Installée sur son transat, Candice observait son amoureux marcher en direction de l'eau. Elle réhaussa ses lunettes sur son nez et esquissa un large sourire en le voyant grimacer face à la température de la Méditerranée. « Il est beau gosse quand même… » songeait-elle en scrutant ses traits sculptés. Et visiblement, elle n'était pas la seule à le penser… Les transats situés à ses côtés ne tardèrent à se remplir de deux jeunes femmes qui saluèrent Candice d'un geste de la tête. Elles fixèrent leurs lunettes à leur tour et observèrent devant elle, se laissant aller à quelques commentaires.
« C'est moins bruyant qu'hier avec les gamins en tout cas…
- Tu m'étonnes ! Tu vois, c'est pour ça qu'il faut venir en semaine… Les gosses sont à l'école. On est tranquilles.
- Ouais mais du coup y a que des vieux… souffla la rousse.
- Euh… Pas que… Visiblement… répliqua son amie en fixant droit devant elle avec étonnement.
- Eh bah… On a bien fait de réserver les transats en première ligne…
- Tu m'étonnes… »
Candice ricana, sachant pertinemment l'origine du sous-entendu de sa voisine. Son non-mari était en train de sortir de l'eau et le spectacle qu'il offrait valait très clairement le coup d'œil... Presqu'au ralenti, Antoine remonta doucement sur le sable en fixant Candice qui souriait fièrement. Bouches béantes, les deux femmes suivirent le cheminement du commissaire qui s'orienta ensuite jusqu'aux douches avant de revenir vers sa compagne qui lui tendit sa serviette en souriant.
« Alors, elle est bonne ? demanda-t-elle tout sourire.
- Ouais… Une fois que t'es dedans ça va…
- Hum…
- J'vais chercher à boire. Tu veux un truc ?
- Ouais… accepta-t-elle d'une voix enfantine. »
Antoine acquiesça avant de l'embrasser sous les yeux ébahis de leurs voisines. Il caressa sa joue et fit demi-tour jusqu'au bar. Souriante, la commandante se réinstalla confortablement dans son transat avant de tendre l'oreille vers les murmures voisins.
« C'est du gâchis…
- C'est chaud… T'as vu le mec ? Rien à voir avec son boudin…
- On l'a payé c'est pas possible… chuchota-t-elle avant d'exploser de rire à son tour. »
Blessée, la commandante ravala sa salive et tourna la tête vers la plage. Ses yeux accrochèrent les pédalos qui flottaient à l'horizon, stratégie d'évitement pour ne pas montrer qu'elle venait d'entendre leurs railleries. Elle finit par les observer quitter leurs transats et s'immerger dans la Méditerranée. Évidemment, elles n'avaient rien à voir avec elles. Elles étaient fines, élancées, d'une élégance naturelle… Vous savez ce genre de femme qui rendrait verte de jalousie n'importe qu'elle autre femme... Et bien là, c'était le cas.
Un boudin… répéta-t-elle en boucle dans sa tête. Instinctivement, elle baissa la tête et protégea son ventre avec ses mains, consciente qu'elle était loin de la taille mannequin. Et inévitablement, elle se mit à observer les environs. Et chaque femme sur cette plage lui rappelait ses rondeurs. Peut-être qu'elles avaient raison finalement… C'était du gâchis et Antoine méritait largement mieux… Paniquée, elle réajusta son paréo autour de son corps afin de dissimuler chaque morceau de sa peau derrière un bout de tissu. Là au moins, personne ne pouvait venir critiquer son embonpoint...
Rapidement, Antoine fit à nouveau irruption sur le sable. Il s'approcha fièrement, les mains pleines, et s'installa à côté d'elle.
« Tiens… Y avait plein de trucs à grignoter… J'ai pris des petits gâteaux exprès pour toi...
- Merci mais j'ai pas faim… répondit-elle faiblement.
Il fronça les sourcils, étonné du ton qu'elle venait de prendre.
- Je les pose là quand même… On trinque ? demanda-t-il en levant son verre.
- À quoi ?
- Bah à notre premier jour ici… expliqua-t-il perplexe face à sa passivité.
- Ah oui… accepta-t-elle en souriant avant de trinquer.
Antoine avala une gorgée de son cocktail et s'installa au soleil, prêt pour une séance bronzage. Candice l'observa alors qu'il approchait sa main pour caresser son bras.
- T'as froid ? lui demanda-t-il tendrement. T'as remis ton paréo…
- Euh… oui… un peu… mentit-elle.
- C'est dommage parce que c'était mieux avant… chuchota-t-il sensuellement proche d'elle.
- Avant ?
- Sans… répondit-il en embrassant sa joue.
- Ah…
Il fronça à nouveau les sourcils, étonné de sa froideur.
- Ça va ? s'étonna-t-il.
- Oui ça va… répliqua-t-elle en souriant pour le rassurer.
Il acquiesça avant de montre l'horizon de la tête.
- T'as vu qu'il y avait du paddle ? Tu veux pas en faire avec moi ?
Pour que je fasse couler la planche ? Non merci… songea-t-elle en silence sans lui répondre.
Oh ! Chaton ?
- Euh…réalisa-t-elle. C'est pas trop mon truc ça… Puis je saurai pas tenir dessus…
- Mais c'est ça qu'est rigolo… Puis regarde, elles… Elles y arrivent bien… rajouta-t-il en montrant leurs deux voisines sur les planches.
- Bah forcément… marmonna-t-elle.
- Hein ?
- T'as qu'à aller en faire avec elles… lâcha-t-elle durement sans s'en rendre compte.
- Pourquoi tu dis ça ?
Candice haussa les épaules en fixant droit devant elle.
- Ça fera moins tache qu'avec moi… chuchota-t-elle tristement.
- Ah non ! Tu vas pas commencer avec ça… C'est pour ça que t'as remis ton truc là ? s'agaça-t-il en se relevant de son transat.
La blonde tiqua en détournant le regard vers l'autre côté de la plage.
Candice ! On va pas revenir sur le sujet. T'es très bien comme tu es… Je te l'ai déjà dit 100 fois… Tu vas quand même pas gâcher tes vacances à cause de ça ?!
- Tu parles… C'est facile pour toi… T'as un corps de rêve…
- J'vois pas le rapport…
- Bah si ! C'est ce que tout le monde pense sur cette plage… surtout nos voisines justement…
- Et alors ?
- Bah moi à côté je suis un boudin…
- N'importe quoi ! Puis on s'en fout des autres… De ce qu'ils pensent… Regarde, elles, elles ont pas de chance, elles sont toute plate !
- Sauf que c'est super blessant… expliqua-t-elle tristement.
- Candice… lança-t-il mielleusement en s'asseyant sur le transat de sa compagne. Tout le monde peut penser ce qu'il veut… On s'en fout, ok ?! Y aura toujours des cons pour rabaisser les autres, c'est pas nouveau. Alors au lieu de te cacher là… Montre que ça t'atteint pas, au contraire…
Candice acquiesça doucement, tentant de se laisser convaincre par Antoine qui caressait sa joue.
Et puis, tu sais quoi ?
- Non…
- C'est toi la plus belle sur cette plage… chuchota-t-il à son oreille avant d'embrasser sa joue. T'es parfaite…
Candice esquissa un sourire.
- T'es con…
- Non ! C'est vrai…
- Vraiment ?
- Bah oui ! Allez ! Viens on va dans l'eau ! ordonna-t-il en se levant avant de la tirer par la main.
- Mais je vais faire le boudin flottant là…
- Candice ! la gronda-t-il faussement sévère.
- Ok… bafouilla-t-elle en se levant à son tour. »
. . . . .
« Donc Antoine s'est montré plutôt rassurant… ?
- Oui ! Comme d'habitude en fait… Mais je peux pas m'empêcher de me dire qu'il pensait pas ce qu'il disait…
- Quel intérêt aurait-il à vous mentir ?
- Je sais pas…
- Est-ce que vous l'avez vu regarder une femme sur cette plage ? S'y intéresser ?
- Non… Fin' je pense pas…
- Bien. Donc pourquoi mentirait-il ?
Elle haussa les épaules en baissant la tête.
- Le problème c'est que... j'peux pas m'empêcher de penser au passé... Peut-être que sans ça... J'arriverai à avoir totalement confiance..."
