Liam avait passé une nuit… Passable. Ni bonne, ni mauvaise, tout juste passable. Entre sa peur perpétuelle et la douleur qui l'engloutissait de temps à autres… Il avait bien pris des cachetons avant de se coucher – sur ordre de Stiles, qui y avait veillé ! – mais ce n'était pas suffisant.

Néanmoins, il n'avait rien dit, ne s'était pas plaint et avait profité de chaque temps de sommeil qu'il avait pu grapiller. Le plus embêtant pour lui avait été de se forcer à bouger le moins possible pour garder la douleur à un niveau supportable et ainsi tenter de se reposer autant qu'il le pouvait. Parce que tout son corps le tiraillait et même si le temps passait doucement sans qu'aucun nouveau coup ne lui ait été porté, il ressentait chacun des précédents. Chaque bleu lui faisait mal. Chaque croûte lui donnait l'impression qu'elle allait bientôt laisser couler son sang.

De plus, Liam continuait d'avoir peur. Sa liberté était pourtant réelle et Stiles faisait tout ce qui était en son pouvoir pour le mettre à l'aise – il l'avait d'ailleurs rassuré sur le sujet. Cependant… Il n'y avait qu'avec le temps que le jeune homme comprendrait que son enfer était terminé. En attendant, il continuait d'imaginer Brett débarquer à l'improviste et déchaîner sa fureur sur lui.

Il en trembla.

De légers coups portés à la porte le firent sursauter mais la voix de Stiles, qui lui demanda s'il pouvait entrer, le rassura instantanément. Si Liam avait peur que la violence finisse par déferler à nouveau sur lui, il savait qu'elle ne viendrait pas du jeune homme qui l'hébergeait. L'ange qui débarqua dans la pièce avec lui donna instantanément du baume au cœur.

- Et salut la compagnie ! Comment tu te sens ?

La présence de Stiles était agréable, oui, mais il avait beaucoup trop d'énergie pour lui de bon matin – il parlait un peu fort, aussi. Semblant se rendre compte de cela, le serveur s'excusa et l'aida à se lever. Liam grimaça et s'accrocha douloureusement à l'hyperactif en retenant le plus possible d'exprimer plus clairement sa douleur. De son côté, Stiles, désireux de le faire souffrir le moins possible, y alla doucement.

Une éternité plus tard, Liam souffla, assis à la table de la cuisine. Devant lui, un verre, un cachet et de quoi déjeuner. Stiles le gâtait : il y avait de tout et sans doute de quoi lui faire exploser le ventre – sans doute avait-il vidé l'intégralité de ses placards pour lui permettre de manger ce qu'il voulait.

- Euh, je…

- Mange ce que tu veux, petit loup ! Sourit Stiles, devant l'hésitation claire de son invité. Enfin, d'abord tu me prends ce truc.

Liam obéit de bonne grâce et avala le cacheton tout en se demandant s'il allait réellement faire effet. Son corps le tiraillait tellement qu'il se demandait si la quantité de médicaments qu'il prenait était suffisante… Bien évidemment, il n'allait pas se plaindre : Stiles était adorable de prendre ainsi soin de lui et sans doute lui donnait-il ce qu'il avait. Rien que pour cela, Liam se promit de lui rendre la pareille – si Brett ne le retrouvait pas et ne le tuait pas non plus d'ici là. Le châtain était un ange comme il en existait peu… Exactement le genre de personne dont le blond aurait besoin pour s'en sortir.

- Je vais aller préparer le matos, lui indiqua Stiles avec cette même énergie qui continuait de le surprendre. Quand tu auras fini de manger, je te changerai tes pansements !

Liam rougit instantanément de gêne.

- Non mais c'est pas la peine tu sais, je… C'est bon, fit-il précipitamment.

Sa voix était toujours particulièrement basse, à un volume peu élevé, comme s'il avait peur de déranger. De parler trop fort. D'être « trop » tout court. Puis… Stiles n'avait pas besoin de s'occuper de ça : c'était une tâche ingrate qui n'avait pas besoin d'être réalisée aussi souvent qu'il le faisait. D'un autre côté, Liam avait atrocement honte de le laisser voir son corps. Il savait que Stiles connaissait son état, mais… Il restait un presque inconnu. Et même si ce n'était pas le cas, le blondinet n'aimait pas que l'on puisse voir ce qu'il avait subi. Cependant, il ne refusa pas complètement pour autant, d'autant plus que Stiles insista, arguant que de toute manière, il ne lui laissait pas vraiment le choix.

- Si on veut que tout ça laisse le moins de traces possibles, il faut s'en occuper, argumenta Stiles. Et je n'ai pas l'intention de te laisser te négliger. Tu dois devenir ta priorité.

Et même si Liam comprit ses mots, il eut du mal à les intégrer. Parce que ce concept-là lui était plus qu'étranger. Durant quelques années, il n'avait rien fait d'autre que servir Brett et endurer chacun de ses sévices en silence. Impossible pour lui d'alerter, d'appeler à l'aide. Aucun contact avec l'extérieur, rien. Ses priorités à lui, ç'avait toujours été de garder la maison clean et se faire suffisamment discret pour subir le moins possible. Penser à lui, ça n'était jamais vraiment arrivé, à part ce jour où il avait eu le cran d'essayer de sortir de cet enfer.

Et au final, il avait réussi. Par un fabuleux enchaînement de chance, de différents hasards et surtout… Il était tombé sur le bon endroit, les bonnes personnes.

Alors oui, il allait falloir qu'il apprenne à changer sa façon de pensée pour que celle-ci redevienne comme elle était autrefois, avant Brett. Mais cela prendrait du temps. Peut-être un peu trop. Était-ce seulement faisable ? Liam savait qu'il se devait de penser positif même si ce n'était pas facile. Encore fallait-il qu'il réalise vraiment qu'il était libre… Ce qui n'était pas encore complètement fait.

Stiles le laissa seul quelques secondes, le temps d'aller effectivement chercher son matériel pour s'occuper de lui et le bichonner comme il le méritait. Et Liam se sentit étrange. Un peu vaseux. Pas vraiment là. Des moments de ce genre, il en avait régulièrement depuis qu'il était ici, comme si tout ce qui se passait n'avait pas réellement lieu. Comme s'il voguait tranquillement au milieu d'un rêve. Néanmoins, la douleur qui continuait d'irradier – un peu moins violemment – dans tout son corps lui prouvait le contraire. Aussi difficile à croire soit-elle, cette réalité existait bel et bien. Sa liberté aussi. Toutefois, Liam en avait tant rêvé que se retrouver face à cela aussi abruptement après des années de souffrance lui était difficile. Il ne savait pas quoi faire, comment agir. Tout – ou presque – était à réapprendre.

Une sonnerie un peu stridente retentit, faisant sursauter Liam dont le cœur se mit à battre la chamade durant quelques secondes. Stiles déboula dans la cuisine, déposa tout son matériel sur la table à l'opposé du blondinet et se précipita vers l'entrée en grimaçant : lui aussi trouvait cette sonnette horrible et tenait à l'arrêter le plus vite possible.

Alors, il ouvrit la porte – toujours sans hésiter, sans prendre aucune précaution.

De son côté, Liam se fit l'effet d'un indésirable, tant et si bien qu'il désira s'isoler au plus vite. Si Stiles recevait de la visite… Il ne devait tout naturellement pas être vu. A nouveau, l'idée que le visiteur de Stiles ne soit personne d'autre que Brett lui traversa l'esprit. La première fois, c'était le collègue de son hôte. Et si cette fois, c'était différent ? Liam se figea et réussit tout juste à se lever. Il grimaça à nouveau tant la douleur irradiait en lui à cet instant précis. Ce fut tel qu'il dut même prendre appui sur la table un instant. Même s'il entendit une voix totalement différente de celle de Brett parlant avec Stiles, Liam voulut s'activer, mais il en fut incapable tant la peur se mêlait à la douleur. Il ne sut comment la dépasser tant elle le submergeait rapidement.

- Non mais Raeken arrête de prendre tes aises t'es pas chez toi ! Entendit Liam.

Aucune réponse, mais le blondinet s'en ficha. Il s'ordonna de bouger, de sortir d'ici. Il entendit des pas qui se rapprochèrent. Lent et précipités à la fois.

- J'ai besoin de prendre un café, je sais que t'en as et…

Silence. Liam, toujours figé et les mains posées à plat sur la table, ne leva pas la tête. Le visiteur de Stiles était là, il entrevoyait ses baskets sur le seuil de la cuisine. Liam en eut des sueurs froides qu'il sentit un peu trop bien couler dans son dos. Et maintenant qu'il n'avait pas été assez rapide… Qu'est-ce qu'il pouvait faire ? S'excuser ? Essayer de s'en aller sans la discrétion qu'il aurait voulue ? Attendre un ordre de Stiles, ou peut-être de cet inconnu ? Qu'est-ce que…

- Hé, joli cœur, tout va bien, je suis là ! Voilà, appuie-toi sur moi.

Liam sentit à peine le bras de Stiles l'entourer, encore moins la pression connue de son corps familier. Sa voix ? Elle devint doucement floue, tout autant que sa vue. Il sentit ses jambes cesser de le porter et il gémit. Il gémit parce qu'il ne réussit pas à se retenir. Autour de lui, son monde sembla se briser à mesure qu'il cédait à la panique et que son corps lâchait. Il ferma les yeux. Ne parvint plus à respirer. En lui, la douleur atteignit son paroxysme.

- Liam ? Liam, écoute-moi. Liam ! Li…

Il sombra.