Yo les gens ! Je vous propose cette semaine un chapitre qui se permet une rapide infidélité au couple emblématique de mes histoires, pour basculer vers un point de vue que je devrais exploiter plus souvent.

Esperluette : Effectivement, j'ai voulu un début un peu plus langoureux, pour marquer un changement et laisser un peu d'espoir dans cette histoire très épileptique. Je me positionne rarement sur Shawn, alors que je l'adore, parce que je maîtrise mal son côté tout le temps dans la Lune, et je trouve d'ailleurs que je l'exploite assez mal. Pour la voix de Samford, effectivement, on retrouve bien sa VF qui m'a toujours fait rire, d'autant plus qu'elle change entre la saison 1 et la 3, il me semble. Encore un perso que j'adore et que je ne sais pas exploiter ! Merci pour ta constance dans la lecture, c'est vraiment chouette d'avoir un retour !

Coco : J'espère que le plaisir restera encore pour les prochains chapitres, parce que je réserve pas mal de rebondissements... Encore merci de prendre le temps d'écrire une review, ça fait un bien fou !


Même lieu

Beaucoup trop tard, beaucoup trop tôt

Tout le monde commence à partir, ou est parti, et Caleb se dit qu'il serait temps que tout le monde se décide vraiment à partir. Il visualise cependant quelques problèmes :

- alcool ingurgité

- manque de voitures

- arrêt des métros

Comme certains s'éternisent sur la piste de danse, il comprend doucement qu'il va devoir héberger ceux qui vivent le plus loin. Ça, c'est le problème de la banlieue. Passé Minuit, il n'y a plus moyen de se déplacer avec un spiritueux dans les veines. Où va-t-il pouvoir caser des matelas ?

Shawn le regarde en souriant, comme pour lui souhaiter bonne chance. Il a un chauffeur, et s'est proposé de ramener deux invités parmi les derniers, et son hôte le remercie. Parmi les restants à caser, il y a ceux qui résident aussi en banlieue, pas la même que celle de Caleb, et ceux qui vivent au Nord de la Capitale et qui n'auront pas de métro avant quatre heures, enfin ceux qui avaient prévu la voiture en oubliant leur incapacité à encaisser le vin. Caleb soupire, parce qu'il va donc devoir loger le couple parfait Love/Che, mais aussi Célia et Darren (écroulé sur le canapé pour cause d'excès de liqueur)(donc Jude), ainsi que Mark, Axel et Julia. Il résout très vite le problème Jude/Julia. Darren étant déjà avachi sur le canapé, il décide qu'il l'y laissera, en compagnie de Célia. Aitor se tourne vers lui.

- On fait quoi pour les quatre autres ?

- Tu veux pas prendre ton beau-frère dans ta chambre ?

- C'est pas mon beau-frère, et comme c'est ton nouveau meilleur ami et que ta chambre est plus grande, c'est à toi de le récupérer !

- Hors de question ! On peut les caser dans le couloir, non ? L'espace entre le mur de ma chambre et la balustrade…

- Ok, ça peut le faire. Et Love et Che, on aurait la place dans le débarras près de ma chambre ? Si je vire mes cartons ?

- Parfait. Y a deux matelas gonflables dans le garage, tu peux sortir en même temps ton vieux futon. Je m'occupe de trouver des draps. Dis à Julia et son frère de s'occuper du canapé. Tu peux aussi sortir des T-shirts, des joggings, pour dormir.

- Blaze va jamais rentrer dans un de mes T-shirts.

- Je vais filer un truc à Axel et à Chang Su, occupe-toi des autres.

- C'est vrai que tu es tellement plus baraqué que moi…

Caleb lance un oreiller qui atterrit sur le visage de son colocataire et lui demande de se dépêcher. Il est fatigué, il aimerait aller se coucher rapidement. Mark vient lui demander s'il a besoin d'aide et s'occupe de trouver des draps dans l'armoire mal rangée du garage tandis que Jude part à la recherche d'oreillers, ou traversins, ou coussins. Célia a bu mais prend quand même la peine d'aider à débarrasser un peu le salon tandis que les Blaze transforment le canapé en lit et hissent Darren dessus. Après vingt minutes à gonfler les matelas, à ranger et déranger des cartons, à déployer les draps et couettes, les neuf fêtards moins une (Célia est partie rejoindre Darren dans le canapé dix minutes plus tôt, se déshabillant au milieu du salon sans pudeur et enfilant un T-shirt Superman d'Aitor) décident de se souhaiter bonne nuit et de rejoindre leurs lits improvisés respectifs. Caleb leur précise, levez-vous à l'heure que vous voulez, ne réveillez personne, surtout pas moi, ne claquez pas la porte en sortant, n'hésitez pas à passer à la boulangerie pour faire le plein de viennoiseries, les clefs sont sur la porte. Il distribue les joggings, shorts, T-shirts rassemblés pour la nuit, rappelle que la salle de bain a un problème de verrou, qu'il faut lever la poignée lorsqu'on ferme. Aitor en a assez, il prend Julia par l'épaule et monte se coucher, un Tarantino à la main, ce qui signifie qu'ils ont prévu de se faire une after. Jude lui prend la main avant qu'il n'impose une autre recommandation, lui aussi est fatigué, lui aussi voudrait se coucher, alors tout le monde rejoint l'étage, puis son lit de fortune.

Sans allumer la lumière, Caleb retire son accoutrement et se jette à moitié nu dans son lit. Jude prend le temps de retrouver ses vêtements de nuit dans son sac et les enfile en s'assurant que Caleb ne tourne pas la tête. Il vient se coucher à ses côtés, et Caleb le prend aussitôt dans ses bras avant de s'endormir. Jude sourit, et le rejoint.

- Dis-moi, murmure-t-il, tu en as encore beaucoup, des plans de dernière minute pour me garder ?

Mais Caleb s'est déjà endormi.

Quelques mètres plus loin, derrière la cloison, sur un vieux matelas presque défoncé

4 Heures du matin révolues

Axel et Mark se sont vus attribuer le couloir. Leur matelas a été casé assez miraculeusement dans l'espace vacant entre la chambre de leur hôte et la rambarde de l'escalier. Caleb a accepté de fermer la porte au bas de l'escalier, pour leur garantir un minimum d'intimité, ainsi que la promesse que personne ne passerait par le couloir avant neuf heures du matin. Ils se sont donc retrouvés lovés l'un contre l'autre, dans ce couloir, sous un drap rose et jaune et une couverture lourde et pelucheuse, à partager un gros oreiller. Le sommeil a été long à venir pour Mark, qui a donc passé une bonne heure à regarder son compagnon dormir et à réfléchir à une adaptation tangible d'un conte d'Andersen pour le théâtre public. Le sommeil l'a finalement pris, mais l'a quitté presque aussitôt.

Le claquement d'une porte en bois, des rires clairsemés, le grincement plastique contre la peau, et puis des soupirs bien assumés se propagent dans le couloir, et il sent Axel s'agiter aussi, contre son épaule, et ouvrir les yeux. Lui vagabonde encore quelques secondes dans les brumes du rêve, mais Axel se redresse et soupire, achevant de le réveiller. Il commence à comprendre que les soupirs lascifs ne font, eux, pas partie du rêve, et qu'ils sont bien réels, expulsés par une gorge à quelques mètres d'eux. Lui aussi se redresse, et regarde son compagnon, passablement agacé d'avoir vu son sommeil s'échapper.

- Ils sont sérieux, là ?

- Ils ont l'air, en tout cas. Comment on va dormir avec ce bordel ?

- Ben je vais aller leur dire de la fermer !

- Tu vas vraiment interrompre celui qui te loge (et qui fait donc ce qu'il veut chez lui) en plein ébat ?

- Tu crois que c'est Caleb et Jude ?

- Ben ça me semble plutôt logique, et on entend vraiment très bien…

- J'ai des doutes. Je reconnais pas la voix de Jude.

- Ou alors, ce sont Julia et…

- Ah non, stop, tais-toi !

Mark soupire, mais sourit en se rallongeant, les mains sous la tête. Axel soupire également, et le rejoint, en le regardant, comme pour lui demander « que fait-on ? » Mark lui répond qu'il faut attendre, que faire d'autre ? Et Axel lui signale que cela risque d'être long, très long. Et que fait-on si les préliminaires prennent une heure ?

- Tu connais Jude mieux que moi sur ce plan-là, signale Mark.

- Je vais pas tarder à péter un câble, à entendre leurs gémissements !

Là encore, Mark sourit, et n'apporte aucune réponse. Ceci dit, lui aussi commence à se sentir mal à l'aise à l'idée d'écouter ses amis se donner corps et âme, l'un à l'autre, et faire l'amour dans un lieu intime, qui ne l'est plus du tout. Il étend alors sa main derrière sa tête et attrape un sac en bandoulière informe qui date de son lycée. A l'intérieur, il y a son vieux walkman, cadeau de son grand-père et symbole d'une époque à laquelle il n'a jamais appartenu. Le walkman, rattaché à un petit casque orange des années 80, renferme une compil' de vieux titres rocks, usés et indémodables. Avec habitude et précision, il enclenche la machine, et Axel le regarde effectuer un geste professionnel (issu de sa dernière mise en scène) et intime en souriant, parce qu'il commence à comprendre ce qu'il veut faire. Pourtant, il s'étonne lorsque son compagnon écarte les branches du petit casque et les places sur les oreilles d'Axel, délicatement, en repoussant ses cheveux longs en arrière. Les premières notes de guitare laissent deviner la balade dissonante des 4 non blondes, et il embrasse Mark, qui pense à l'homme qu'il aime avant. Pour donner le change, Axel attrape lui aussi son portable et ses écouteurs ultra high tech ultra chers ultra petits et les glisse dans les oreilles de son compagnon, avant de faire défiler sur son portable ses playlists et de s'arrêter sur un thème langoureux et mélancolique en hébreux.

Il est si rare de voir Mark se montrer attentif, démonstratif envers lui qu'Axel se dit que cela vaut bien un baiser, puis deux, puis quinze. Il ne sait plus s'arrêter, il ne sait plus se séparer de ce corps, étroitement serré contre lui, absolument certain que personne ne viendra les surprendre. Mark se tend, comme le prévoyait Axel, parce que Mark est un homme de l'intime, et qu'il n'aime pas les démonstrations d'amour ailleurs que dans le calme et la sécurité de sa chambre. Ici, il n'est pas à l'abri, il est à nu, soumis à quelque chose qu'il ne maîtrise pas. Et le metteur en scène qui gronde au fond de lui lui hurle que c'est insupportable. Il décale alors le casque de l'oreille gauche d'Axel, et lui murmure :

- A quoi tu joues ?

Axel lui répond, en retirant lui aussi l'écouteur gauche de Mark.

- J'ai très envie de faire l'amour avec toi.

- On n'est pas à la maison, on n'est même pas dans une chambre.

- Personne ne viendra, Mark. Fais-moi confiance, on ne craint rien. Et puisqu'on est éveillés tous les deux et qu'on ne va pas pouvoir se rendormir tout de suite, tu ne veux pas en profiter ? Et profiter pour prouver à notre petit couple favori qu'il n'est pas le seul à optimiser la nuit ?

Mark soupire, il ne sait pas. Pourtant, il n'arrête pas Axel qui l'embrasse de nouveau, en passant une main sous son T-shirt. Lorsque la balade hébraïque se meut en titre électro à la mode, il se dit qu'Axel a raison, qu'il ne risque rien ici, que tout le monde dort, ou est occupé, et qu'après tout, il a très envie de serrer son compagnon dans ses bras et de l'entendre lui dire qu'il l'aime. Alors à son tour, il retire le T-shirt d'Axel, et son jogging prêté par Caleb, et il embrasse sa peau hâlée. Il lui a intimé l'ordre de ne pas faire de bruit, mais l'avantage des écouteurs et de la musique diffusée directement dans l'oreille interne, c'est que peu importe les cris et les soupirs d'Axel, Mark ne les percevra pas. Il s'approche malgré tout de son oreille, de temps à autre, pour lui rappeler comme il l'aime, et imprimer les mots sur sa peau, avec ses lèvres, avec sa langue. Et lorsqu'il prend tout à fait possession du corps du jeune homme, il ne se concentre plus sur sa propre voix, ses propres râles. Il ne se concentre que sur le corps d'Axel, brûlant contre le sien, au rythme intense du rap américain diffusé dans sa tête depuis une minute et qui lui impose une cadence soutenue et régulière. Il en oublie qu'il n'est pas seul, qu'il y a des parois fines, que son propre désir, son propre plaisir, son propre amour peuvent les traverser, et que le lendemain, il s'en inquiètera. Le lendemain.

Autre côté de la paroi

A peu près cette heure-ci

- C'est pas possible, c'est une épidémie ?

- Tu crois qu'on va réussir à dormir plus d'une heure ?

- Ca dépend. Tu crois que c'est contagieux ? On pourrait attendre qu'ils se rendorment, et ensuite s'y mettre…

- C'est très tentant Caleb, mais non.

- Depuis quand on baise chez quelqu'un qui vous invite à dormir chez lui ?

Sur le modèle non volontaire de son ami, Caleb se lève et part à la recherche de son casque et de son Mp3, offert par sa grand-mère qui n'a pas encore assimilé la nouvelle technologie. Lorsqu'il revient se coucher contre Jude, il étend la branche principale du casque au maximum, tourne les coques et plaque la droite contre l'oreille de Jude en lui indiquant d'enfoncer l'autre oreille dans l'oreiller, pour atténuer la bande son de la nuit d'amour de leurs amis. Il plaque la coque gauche contre sa propre oreille, et enclenche la voix grave et douce d'Etienne Daho. Caleb constate que l'extase, à quelques mètres de lui, s'est faite engloutir par la musique. Cependant, la position est trop inconfortable pour la maintenir tout en s'endormant, et Jude et lui se résolvent à profiter de la musique, un temps raisonnable, de se concentrer sur leurs respirations respectives, et d'attendre. Lorsqu'une dizaine de chansons sont passées, alors que Caleb somnole, la tête dodelinant dans la nuque de son ami, Jude retire le casque, le réveillant tout à fait. Ils se tournent tous les deux, pour détendre leurs corps crispés.

- Demain, je les défonce tous les quatre…

Il n'a pas le temps d'entendre la réponse de Jude, et replonge immédiatement.

Quelques heures, quelques rêves, plus tard

Même lieu

Il a pris l'habitude de se lever avant Jude (habitude de cinq nuits, donc), de le réveiller légèrement en quittant le lit (sommeil léger, hanté aussi) et de lui conseiller de dormir encore un peu. Jude est un homme rangé du monde, un fonctionnaire, il a l'habitude de se coucher tôt et de se lever tôt. Avait. Au contraire, Caleb est un petit rebelle qui n'aime pas que le monde tourne toujours dans le même sens, ou plutôt si, mais n'aime pas tourner dans ce même sens. Mais depuis quelques temps, comme si ses nuits se faisaient plus profondes, il parvient à se coucher tard et se lever tôt. Mais au rythme que lui imposent les (trop) nombreuses soirées organisées depuis l'arrivée du Jude, il va lâcher.

Il s'extirpe du lit et enfile un large pull et un jean qui traînent. Il se fiche de l'heure qu'il est, il se fiche de sa promesse à Mark de ne pas pénétrer le couloir avant neuf heures. Pieds nus, il fait grincer le plancher, ne regarde pas si quelqu'un dort encore sur le matelas de fortune, mais entend un léger ronflement, et se précipite dans les escaliers. Une fois la porte refermée derrière lui, il sent l'odeur du café, des croissants. Dans le salon, il remarque que Célia est toujours endormie, Darren à ses côtés. Il prend donc une tasse de café et un croissant, et rejoint le rez-de-chaussée où se situe son jardin. Là, en plein soleil, étendu sur sa chaise en fer forgé, il y a Axel Blaze, qui a dû l'entendre arriver, parce que la porte est assez bruyante. Caleb regrette d'avoir pris un pull en voyant le jeune homme en T-shirt, une veste posée sur le dossier de la chaise.

- T'es allé chercher des croissants ?

- Non, ils étaient déjà là quand je me suis levé. Je pensais que c'était toi.

Caleb ne prend pas la peine de secouer la tête. Il suppose que c'est le compagnon de Byron qui s'est levé tôt (c'est en se levant tôt qu'on forge les révolutions !) et a tenté de remercier son hôte. Il apprécie le geste, mais reste toujours très mécontent.

- Bien dormi ?

- Oh ferme ta gueule ! Ne me parle pas de cette nuit de merde.

- Ca avait plutôt l'air de bien se passer, pourtant…

- De bien se passer de quoi ? J'ai cru que j'allais vous buter, tous les deux !

- Merde, tu as entendu ? Je pensais qu'on était discrets.

- Faut vraiment retravailler ta définition, alors…

- M'engueule pas, on n'aurait pas fait l'amour si vous ne nous aviez pas réveillés !

- Tu plaisantes, c'est vous qui nous avez réveillés.

- Attends, t'as pas couché avec Jude, cette nuit ?

- Ben non. Mais c'est pas vrai, vous êtes débiles ! C'était Byron et son mec.

- Putain. Je me disais aussi, j'ai dit à Mark que je reconnaissais pas la voix de Jude.

- Ah, ferme-la, je veux pas savoir !

- Excuse-moi, rit Axel. Dis, ce serait cool si tu gardais ça pour toi. Fais genre t'as rien entendu. Mark serait mal à l'aise.

- Moi aussi, j'étais mal à l'aise !

Le jeune homme rit toujours, et Caleb comprend bien qu'il ne parviendra pas à lui enlever ce rire qui a pour but de montrer qu'il est heureux. Caleb se tait, et se dit qu'il est un peu jaloux, que lui aussi aimerait prouver son bonheur à tout le monde, et que pour l'instant, il le suspend, en attendant les décisions de Jude.

Axel lui sert une tasse de café, froid. Ce n'est pas une bonne idée, il est déjà sur les nerfs, mais il boit quand même, et mord son croissant trop gras. Le temps est au beau fixe, cela ressemble presque à un signe. Mais Caleb n'est pas superstitieux, alors il ne comprend pas ce signe. Il sait juste que Célia va enlever Jude et le parquer dans son appartement de la Capitale, dans quelques heures, et que lui va devoir réapprendre à passer ses soirées seul, à dormir seul. Et va pouvoir enfin respirer, réfléchir, loin de cet objet de curiosité, de désir.

La porte émet un grincement strident et désagréable pour laisser passer Byron, cheveux attachés, jogging bien trop grand sur les hanches, pieds nus, nimbé d'une aura que personne ne saisit tout à fait. Il sourit, prend une chaise en fer, accepte la tasse de café proposée par Axel (il a vraiment emporté des tasses d'avance dans le jardin ?) et picore la croûte de la viennoiserie sur la table, parce qu'il n'est pas passé par la cuisine. Il leur confirme aussi, et personne n'a rien demandé, que Chang Su est déjà parti, qu'il a rejoint un groupe de journalistes d'extrême gauche pour écrire… blablabla. Il se permet aussi de remercier Caleb, parce qu'il a passé une nuit fantastique, provoquant un nouveau rire de la part d'Axel, et Caleb l'invite de nouveau à la fermer. Devant le regard mi-perdu, mi-amusé de Byron, Caleb décide de lui expliquer (il n'attend que ça !).

- Tu as été d'une discrétion fantastique cette nuit.

- Mais vous dormez jamais ?!

- Ah si, on dormait ! Etonnamment, tes gémissements ont transpercé les murs !

- Merde, pardon, je pensais… Bon, après, te plains pas non plus, on n'était pas tous seuls, vous vous êtes aussi bien amusés !

- C'était pas moi…

- Evite d'en parler à Mark, demande Axel.

- Sérieux ? Putain, je pensais que Mark, en public… Et du coup, Caleb, ça t'a pas donné envie.

- Mais vous êtes hyper tordus. Non, ça me donne pas envie, de rien, de vous entendre baiser !

Il préfère cette réponse, elle est plus acceptable, dans son monde de petite racaille borderline, mais virile malgré tout, que d'avouer que ce n'est pas lui qui n'en avait pas envie. Même si, quelque part, quelque chose le titille, lui soumet l'idée de parler. Après tout, ces deux anges blonds face à lui connaissent Jude, peut-être mieux que lui. Différemment, autrement. Oui, c'est peut-être ça. Puisque lui n'a pas la solution, sans doute faut-il aller la chercher ailleurs. Comme il aimerait retrouver le lui d'il y a six ans, à son arrivée à la Capitale, lui dire « Hey ! Dans quelques années, le bel ange dramaturge et le sensuel romancier bagarreur deviendront tes confidents ». Juste pour voir.

Avant de parvenir à articuler le moindre mot, Caleb se fait ramener sur Terre par la voix profonde d'Axel, qui lui demande ce qu'il va faire, maintenant. Caleb soupire, et Byron fronce les sourcils, en terminant sa tasse. Pour l'absolue totalité de l'Iléveune moins un (le petit romancier imbécile, auto-désigné meilleur ami de Jude, blessé à l'œil en randonnée), il était évident que Jude retomberait dans les bras de Caleb, que Caleb succomberait de nouveau aux beaux yeux de Jude. Mais Caleb s'est tellement évertué à répéter à Byron que rien ne s'était passé avec Jude que Byron a choisi de le croire, et s'est tenu à cette version (s'y est raccroché chaque fois que Caleb l'exigeait). Alors bien sûr, il est un peu paumé, et Axel ne s'en rend pas compte, parce qu'Axel ne peut pas vraiment assimiler qu'il est le seul à qui Caleb a confié son intimité sentimentale.

- Ben, y a l'émission, demain, et les papiers de Célia qui vont sortir, alors on verra.

- Il t'en a parlé ? Je crois que Mark et lui ont un peu discuté, mais je crois que c'est surtout Mark qui a discuté.

- Ca m'aurait étonné. En fait, Jude parle pas de Dark. A tel point que je pense que chaque seconde de sa vie est focalisée sur lui.

- Et comment tu le vis ? demande Byron, qui a enfin raccroché les wagons.

- Mal. Vraiment mal. Mais c'est pas vraiment mon mal être qui compte, pour l'instant. J'amasse toute ma rancune, ma frustration dans un tiroir. Et quand il sera de nouveau derrière les barreaux, j'ouvrirai ce tiroir devant Jude. Et on redémarrera.

Le soleil vient à leur rencontre, douloureusement. Caleb a trop chaud en pull, et ses yeux clairs ne supportent pas les tons brûlants et lumineux. Byron lui adresse un regard attendri, parce qu'il sait ce que ça fait, d'attendre et d'accumuler. Axel, lui, l'accroche de son regard noir et pénétrant, comme pour lui faire comprendre que quelque chose lui échappe, et il ne saisit pas quoi. Au-dessus d'eux, l'air vibre et bourdonne, il s'anime, il s'emplit comme une poitrine s'emplit d'air. Les dormeurs s'éveillent. Il est temps pour le départ. Sans doute qu'une ombre atteint le visage de Caleb, et lui donne un air soucieux, puisque Byron tend sa main sur la table en faïence et serre son poignet, comme pour l'encourager.

- C'est une question de jours. Et puis, Célia ne vit pas loin.

Comme une créature démoniaque, la jeune femme apparait lorsqu'on prononce son nom. Sur le pas de la porte, elle a revêtu sa robe bleue de la veille, et tient ses sandales à talon à la main. Elle s'excuse, doit absolument rentrer, elle a du travail. Derrière elle apparaissent Darren, complètement dans le gaz, et Jude, son sac de voyage dans la main. Caleb soupire lorsque Jude lui sourit, lui aussi pour le rassurer. Byron se lève et embrasse Caleb, il va profiter de la voiture de Darren pour s'avancer. Caleb enlace Célia, sincèrement, et embrasse la joue de Jude, moins sincèrement, en lui faisant promettre de ne pas trop s'habituer à la Capitale, de revenir en banlieue, de temps en temps. Jude promet. Il ne les regarde pas s'éloigner.

Sans doute alerté par le bruit, Mark s'est levé aussi, épuisé. Caleb rit, et lui dit qu'il peut aller se recoucher, s'il le souhaite. Quelqu'un crie de joie, et Caleb se dit qu'il s'agit d'Aitor, puisqu'il n'y a pas d'autre enfant sous ce toit. A la fenêtre, le jeune homme entraîne sa nouvelle amie dans une discussion qu'ils ne sont pas parvenus à terminer, après cinq heures de débat. Axel écarte les bras, en signe d'impuissance amusée.

- Si je vous garde à déjeuner, je vous garde à ranger aussi.

- On te doit bien ça, rit Axel.


Rockcollection : Il s'agit du titre de Laurent Voulzy, où il reprend plusieurs chansons qui l'ont marqué. Je trouvais ça assez approprié, étant donné que les personnages passent leur temps à écouter et changer de titres de chanson.

Tarantino : Il s'agissait de Once upon a time in Hollywood, que j'ai pas ailleurs franchement pas aimé.

Etienne Daho : Bleu comme toi. A la fois ma chanson préférée de Daho, et (je pense ?) une référence à un poème de Eluard (qui était surréaliste, sachant que j'ai imaginé Caleb en surréaliste)

4 non blondes : What's up. Au-delà de la chanson, ce titre me rappelle Sense8, qui est sans doute ma série préférée.