Yo les gens ! Voici enfin ce chapitre, encore désolée pour le temps que je mets à publier ces temps-ci. Et rebelotte pour la semaine prochaine, je vais faire mon possible, mais pas sûre de pouvoir publier.
J'espère que ce chapitre vous plaira !
Toujours chez Caleb
Milieu d'après-midi (une heure où on ne dort pas)
- J'te dérange ?
Non, pas vraiment. Caleb invite Shawn à rentrer, même s'il n'est pas vraiment habillé, et qu'il porte son jogging d'intérieur, dédié aux séances d'écriture intensives. Il explique rapidement à son ami qu'il était en train de corriger une nouvelle, que son éditrice ne l'aime pas beaucoup… Shawn ne fait même pas semblant de s'intéresser à ce que raconte Caleb. Il s'assied sur l'un des fauteuils, accepte le verre de jus d'orange proposé par son hôte, et regarde Caleb s'installer devant son ordinateur portable et relire son paragraphe, en lui présentant ses excuses, en lui disant qu'il se libère tout de suite. Shawn croise les jambes, sourit en buvant lentement son jus.
- T'as une bonne nouvelle à m'annoncer ? demande Caleb en regardant par-dessus son écran.
- Non. Kevin a décidé de revenir à la Capitale, le temps du procès.
- Cool. Tu vas pouvoir déménager de chez Axel. C'est bien qu'il te laisse pas seul.
- J'espère qu'il revient plutôt parce que je lui manque.
- Oui, excuse-moi. C'était sous-entendu.
- Je sais. Jude est à la fac ?
- Un samedi ? Non, il est à l'étage, il dort.
- A 16h ?
- Il s'est couché tard. Tôt. Peu importe.
- Ça lui arrive souvent en ce moment.
- Shawn, t'es pas sa mère.
- Je suis passé en début de semaine, et deux fois la semaine passée. A chaque fois, tu me sors la même chose.
- Il dort beaucoup en ce moment, c'est tout.
Il ne relève pas, laisse Caleb faire semblant de se replonger dans sa correction. Lorsqu'il lui parait suffisamment absorbé par son travail, Shawn se lève lentement, et décide de rejoindre la chambre. Il ouvre la porte, et constate que son ami n'a pas menti. Jude est bien couché dans le lit, au-dessus des draps, vêtu d'un pantalon en toile, masqué par la pénombre qui crée des ombres le long de son dos. Shawn murmure son prénom, mais n'obtient aucun résultat. Il sent alors Caleb arriver derrière lui, rester en arrière. Le jeune homme soupire, parce qu'il reconnait la situation, et qu'il s'en veut. C'est un peu de sa faute.
- Ça fait combien de jours ?
- Presque deux semaines.
- Tu sais ce qu'il prend ?
- Non. Enfin, si, les boîtes sont dans la salle de bain, mais je connais pas. Je pensais que c'était juste des somnifères.
- Mais ?
- Il est complètement détraqué. Il dort toute la journée, il est réveillé à cinq heures du tam', et il zone jusqu'à dix heures. J'ai prévenu la fac, j'ai dit qu'il avait besoin d'un break.
- Il respecte les doses ?
- Je sais pas, je pars du principe qu'il est assez grand pour lire une notice.
- Jude Sharp, assez grand pour prendre soin de lui ?
- Shawn, c'est pas drôle. Son psy m'a dit qu'il lui fallait du temps pour s'habituer, mais ça commence à m'inquiéter.
- Pourquoi tu planques pas les somnifères ?
- Parce qu'il a l'air apaisé. Il a plus de crises de panique, il se repose…
- Il fait même que ça. Le procès est dans cinq jours.
- Je sais, je sais ! Je fais quoi, je le sèvre d'un coup ?
- Si proche du procès ? Il reprend jamais conscience ?
- Si, ça arrive. Mais, il est un peu en mode « maniaque ». Comme s'il avait trop d'énergie à dépenser en trop peu de temps. Il carbure à 1000. C'est flippant.
- Essaie de lui parler dans ses phases de lucidité, si tu les trouves. Et gère ses doses. Réduis-les de moitié. Son corps est pas fait pour dormir autant, force-le à bouger. Et fais gaffe aux phases ultras, elles le fatiguent beaucoup. Et toi aussi, j'imagine.
- Je vois. T'es passé par là.
Il hausse les épaules, mais Caleb a déjà sa réponse, parce que le sous-entendu de Shawn n'en est pas un. Ce n'est arrivé que deux fois. Jude s'est réveillé en plein milieu de la nuit, et a eu besoin de dépenser beaucoup d'énergie d'un coup, et puisque Caleb était à côté, il a tenu à rattraper les jours d'abstinence. Caleb n'a jamais si peu apprécié de faire l'amour avec Jude. Avec n'importe qui, en fait.
Shawn lui dit au revoir en l'embrassant, et lui souhaite bonne chance. Caleb soupire. Ça fait dix jours, il est épuisé. Décidément, il n'avait pas prévu tout ça. Et Aitor l'avait bien prévenu, que ce procès le foutrait sur les rotules. Et il avait anticipé : les rendez-vous au tribunal, les coups de fil de l'avocate, le harcèlement des journalistes. Il avait prévu une course de fond, à bosser son souffle pour maintenir son rythme. Et finalement, ce n'est pas ça. C'est une course en montagne, avec ses pleins et ses creux, ses montées et ses dénivelés. Caleb n'a pas suivi le bon entraînement. Il claque son ordinateur, sans enregistrer le travail en cours, et monte les escaliers, se dirige vers la salle de bain. Il ne fait pas attention au bruit qu'il fait, parce que Jude est complètement shooté. Depuis deux semaines, un petit flacon en plastique transparent trône sur l'évier, avec une grosse écriture bleue. Caleb a voulu, au début, compter les cachets. Il s'en est empêché. C'est la santé de Jude. Il renverse le contenu du flacon dans sa main, la remplit de sept pilules souples et blanches. Il se dit aussi que c'est fou ce que cette toute petite pilule peut faire de dégâts dans le corps de son compagnon. Il essaie de se souvenir du nombre de boîtes déjà vidées. Il en ouvre une neuve pour compter le nombre de pilules. De tête, il additionne le nombre de jours depuis le début du traitement avec la prescription, additionne le contenu des boîtes vides et celle de la boîte entamée, soustrait son premier résultat au second.
- Putain, Jude…
Evidemment. Evidemment. Il s'attendait à quoi ?
Il repose le flacon. Il est presque dix-sept heures, il est trop tôt pour se coucher, pourtant il aimerait. Mais il doit téléphoner à Célia, l'aider à mettre au point l'entrevue qu'il donne à un journal local du Nord pour la page nationale. Il entre dans sa chambre, où Jude est toujours couché. Il n'a pas menti à Shawn, Jude semble paisible. Aussi paisible qu'un mort-vivant. Par contre, rien à faire, il est toujours aussi beau. Il se couche à ses côtés, contre lui, contre sa peau qui n'en finit plus de brûler des affres du sommeil chimique. Comme toutes les nuits, pendant quelques minutes, il le prend dans ses bras, comprime sa poitrine entre ses bras dans l'espoir de lui couper la respiration et le forcer à se débattre. Il impose ses lèvres à la nuque de son compagnon, pour lui provoquer un frisson, il enserre ses hanches pour s'y écorcher. Mais rien. Il veut lui parler, mais sa voix est intimidée par le silence pesant et poisseux de la chambre. Sa voix est grave, éraillée.
- Je sais que c'est difficile pour toi. Tu voudrais ne penser à rien, endormir ton corps pour l'empêcher de penser. Mais Jude, là, j'ai besoin de toi. De ta voix, de tes mots, de tes pleurs, de ton cœur. Je vais pas tenir, sinon.
Rien. Toujours la respiration régulière de son compagnon. Rien. Caleb soupire, et se relève, quitte la chambre. Il a besoin d'air, il va appeler Célia dans le jardin. Il va terminer ses écrits. Il va encore dîner seul. Il va regarder Hugh Grant faire du gringue à Charlie Hunnam pendant deux heures. Et il va se coucher dans son lit où Jude n'aura pas bougé.
Le lendemain, il croise Aitor qui se lève pour rejoindre Mark. Il reprend une nouvelle en déjeunant, il répond à l'entrevue téléphonique pour le journal du Nord. Vers quinze heures, alors qu'il vient de raccrocher d'une longue conversation avec Hurley, il se prépare un thé brûlant, le pose sur la table basse en attendant qu'il infuse, et décide de se plonger dans un roman de Erik Eagle, grand écrivain américain que Sue lui a conseillé. Affalé dans le canapé, happé par l'écriture incisive et nerveuse d'Eagle, il ne remarque rien. Et le rien devient une présence bien réelle. Il baisse le livre, et se tait lorsqu'il aperçoit la silhouette de Jude, debout. Il semble calme, mais épuisé. Ses cernes ne se sont pas résorbés, il recommence à nager dans ses vêtements. Caleb pose son livre, et Jude prend cela pour une invitation. Il vient s'asseoir à côté de lui.
- Shawn est venu hier, n'est-ce pas ?
Il acquiesce. Jude détourne les yeux. De la honte, Monsieur Sharp ?
- Je suis désolé. C'est comme si mon corps ne supportait plus le moindre choc, comme si mon esprit ne pouvait plus revivre le passé.
- Tu es fort pour l'auto-persuasion.
- T'as pas idée. J'ai peur, tu sais. Le procès est dans sept jours…
- Quatre.
- Quatre. Quatre jours. Je sais pas si…
- Si. T'as plus le choix. Mais ça va aller. Je suis là, ta sœur est là, et toute l'Iléveune te soutient. Mais on a besoin que tu sois là, vraiment.
- Oui. Vraiment. Je vais arrêter.
- Réduis. Si ça te permet de te tranquilliser, je vais pas t'en priver. Mais respecte les doses. T'en es presque au triple, là. Retrouve le rythme. Rends-le moi, cet écrivain que j'admire, cet homme qui me fait vibrer.
Tribunal
Jour du procès
En haut des marches, Axel lui fait de grands signes de la main, alors Caleb se hâte de monter les marches, en évitant autant que possible les caméras. Toutes les chaînes d'info et de non-info de la Capitale sont rassemblées au Palais de Justice, au bas des marches, pour espérer un mot, un geste de l'Iléveune. Caleb remarque même quelques caméras étrangères. Il se dépêche de rejoindre Axel, constate qu'il n'est pas seul. Il a été décidé que toute l'Iléveune ne viendrait pas au procès, pour éviter les émeutes. Shawn est aux côtés d'Axel, Byron est venu accompagné de Chang Su, Xavier a déposé sa sœur plus tôt, et David s'est levé aux aurores. A l'intérieur du Palais, il y a déjà Mark et Célia. Caleb embrasse ses collègues. Tout le monde a fait l'effort du costume. Il repense à Jude, qu'il a laissé à Lina Schiller il y a quelques heures, dans son complet bleu marine qui ne lui va pas du tout, mais qui le fait paraître sage. Nelly Raimon, rentrée il y a six de jours, est passée la veille et a approuvé la couleur. Ils lui ont fait confiance, elle s'y connait en apparences.
- Comment il va ? demande Axel, dans son costume blanc.
- Au top. S'il a réussi à dormir une heure, j'aurai rempli ma mission.
- Ca va le faire, hein, le rassure Byron dans son costume bordeaux. Il est pas coupable.
- Va dire ça aux enfoirés qui refusent de se rebeller contre le roi de la Capitale.
- Lina va pas le lâcher, signale Xavier.
Oui. Oui. Respire.
L'audience va débuter.
Il a été décidé que Célia et Mark resteraient au deuxième rang, derrière Jude. Byron, Axel et Shawn se tiendront au troisième rang. Les accompagnants se placeront dans le fond. Quant à Caleb et David, ils partageront le même banc, au deuxième rang dans la diagonale de Jude, pour que, si celui-ci est amené à se retourner, il ait toujours un visage amical caché quelque part. Caleb et David ses sont promis de ne pas se parler. Riccardo a supplié Jude de le laisser venir, mais son mentor a refusé. Tout le monde sait que, plus le procès avancera, moins Jude acceptera de monde, parce qu'on révèlera ses secrets les plus intimes. Même Célia va devoir se battre pour accompagner son frère.
Tout le monde rentre. Caleb capte immédiatement le regard de Mark et de Célia, mais Jude a le dos droit, résolument tourné vers l'avant. On refoule les journalistes. Le jury a déjà été prévenu : il n'a pas le droit de révéler la moindre information personnelle, pendant et après le procès. Mais bon, qui y croit ?
Le juge pénètre la salle, et tout le monde se lève. Il rappelle les principes de base du procès, explique que le procès opposera Jude Sharp et Ray Dark, ce dernier étant jugé pour abus de faiblesse d'une personne dépositaire de l'autorité, viol sur mineur. Que plaide-t-il ? Non coupable. Caleb sait que rien ne se passera aujourd'hui. Le juge va juste exposer les faits, expliquer à quoi les deux partis s'exposent, présenter les avocats… Le vrai procès débute demain. Jude ne bouge pas. Sa tête est solidement amarrée, elle ne penche pas du côté de Caleb, dans l'espoir d'obtenir un peu de compassion. Par contre, Caleb remarque que, comme lui, Dark ne s'intéresse pas beaucoup au juge. Son regard est accroché à sa victime, avec un acharnement qui donne envie de vomir.
Après dix minutes, le juge lève la séance. Rendez-vous dans deux jours, dix heures. Là, Jude se retourne, évite soigneusement Dark pour regarder son compagnon, et lui sourire.
Courage, mon Prince.
The Gentlemen, Guy Ritchie : Film de gangsters que j'adore, qui prend comme personnage principal un businessman qui fait affaire avec la drogue. Et de fait, on y trouve Charlie Hunnam qui se fait lourdement draguer par Hugh Grant.
