Salut les gens ! Toujours fidèle au poste, vous finirez bien par l'avoir la fin de cette histoire ! Je pense qu'il reste 2 ou 3 chapitres (je dois recalibrer, mais on devrait pas aller au delà, courage !)
Merci encore à tous ceux qui prennent le temps de reviewer, c'et tellement gratifiant !
Bonne lecture !
Chambre de Caleb
Pleine nuit
- Tu dors ?
- Plus vraiment… Qu'est-ce qu'y se passe ? Un problème ?
- Tu sais, j'ai réfléchi… Je crois que tu devrais prendre un amant.
- Un… quoi ? Attends… Putain, Jude, il est… Putain, il est quatre heures du tam' !
- Je suis sérieux.
- Non, t'es pas sérieux. Mais t'as dormi ? Réponds pas. Pour me balancer une connerie comme ça, t'as pas dormi.
- C'est pas… Caleb, je veux juste trouver une solution.
- Mais une solution à quoi ? Jude, merde, j'ai pas envie de prendre… Putain, mais pourquoi on parle de ça ? Une solution à quoi ?
Il n'a plus que l'air épuisé. Jude ne dort presque plus la nuit. Il reste collé à son compagnon, les yeux rivés au mur, au plafond, à cogiter. Sauf que le procès a privé Jude de toute logique, de toute cohérence. Jude devient un corps vidé, hanté par une ombre trop grande qui lui souffle son enfance déformée au visage. Alors forcément, parfois, il a des réflexions à la con.
Il ne veut pas répondre, et Caleb sait pourquoi. Parce que tous deux voient parfaitement de quoi il parle, que Caleb refuse d'en parler, qu'il ne comprend pas le besoin de Jude d'en parler. Caleb non plus n'a pas beaucoup dormi, ses gestes, ses idées sont un peu ralenties. Il n'anticipe pas tout à fait son compagnon qui repousse les draps et se couche sur lui, en l'embrassant, un peu trop ardemment pour l'heure matinale. Par réflexe, il pose ses mains sur son dos, empoigne son T-shirt. Il sent le corps tendu, rigide de Jude, qui ne parvient pas à se mouvoir, qui délègue tout à sa bouche, sa langue qui se dépose, et lèche un peu précipitamment, son souffle un peu forcé. Caleb ouvre les yeux, regarde le visage de Jude, figé, son sourire faux, ses dents qui mordent la langue, dans une parodie de désir.
- Jude. Arrête.
- T'as pas envie ? demande Jude en faisant vibrer sa voix grave au creux de son oreille. Caleb, je suis couché sur ton corps, je sens très bien que t'as envie.
Ce sourire, cette voix… Bon sang, comme il peut l'angoisser en ce moment. Caleb a la sensation d'être en perpétuel combat entre son désir à lui et le non-désir total de son compagnon qu'il semble ignorer.
- On va pas avoir cette conversation tous les jours… Jude, arrête ! Arrête.
Il arrête de sourire, se redresse, en se mordant encore la lèvre, mais cette fois-ci en signe d'humiliation. Jude n'a toujours pas compris qu'il n'y a pas de mal à ne pas avoir envie de faire l'amour. Et Caleb doit le lui réapprendre tous les jours, et constater tous les jours comme l'éducation qu'il a reçue enfant a bousillé son système névralgique. Et comme il sent que Jude va revenir à l'attaque avec sa question, il l'embrasse, répond.
- Je veux pas de quelqu'un d'autre, d'accord. Je te veux toi. Toi, toi. Mais putain, Jude… Va dormir, pitié. Je suis trop tendu, trop fatigué.
- Si je t'excite plus…
- Merde, Jude, ok ?! Je veux juste dormir, et terminer ce procès, et aussi flinguer le mec qui t'as fait croire qu'on pouvait disposer de ton corps sans ton avis. Et après ça, quand t'auras réussi à dormir plus de cinq heures d'affilée, après ça, on passera le nuit entière à baiser. Si t'en a envie.
- Et si ça revient jamais ? Tu vas faire vœu de chasteté ? demande amèrement son compagnon.
- Ouais… Je sais pas. Ecoute, on fait un deal. Si t'arrives à dormir plus de quatre heures cette nuit, promis, je demande à Axel de devenir mon amant dès que je le vois.
Palais de justice
Deux jours plus tard, matin
Il a la vague impression de ne plus appartenir à sa maison, et d'appartenir à ce perron blanc à colonnes, à ces escaliers, cette rambarde où toute la Capitale se succède. Sa maison ne lui sert plus qu'à dormir, à souffler. Mais la quasi-totalité de ses journées s'effectue ici, sur ce perron, ces escaliers, cette rambarde, attendant tranquillement qu'on vienne le chercher, attendant tranquillement Jude. Il a prévenu son éditrice, il n'écrit plus vraiment en ce moment, alors elle lui confie de petites missions de correction, de réécriture, et une petite biographie d'actrice non-passée à la postérité. Elle a eu l'air compréhensif, alors Caleb ne lui a pas donné d'explications plus poussées. De toute façon, toute la Capitale a les yeux fixés sur le procès de Jude, alors pas d'explications. Il n'a pas besoin d'allumer la télé pour le journal de 20H, il sait qu'il y aura une minute consacrée à ce qui se trame en ce moment dans les salles de justice. Alors bon, maintenant que tout le monde connait tous les détails de sa vie, il estime n'avoir pas de comptes à rendre à son éditrice. Ou à qui que ce soit.
Au bas de l'escalier, dans un costume approximatif (vraiment, j'ai fait un effort les premières semaines, là je lâche du leste) et sombre apparaît Axel, qui monte les marches lentement. Tous les jours de procès, c'est ici qu'ils se retrouvent, parfois accompagnés de Byron ou de Shawn. Célia, Mark et David sont avec Jude, les autres ne viennent pas toujours, c'est en fonction des emplois du temps. De toute façon, Jude préfère que l'Iléveune ne vienne pas au complet, et Mark aimerait mieux. Et Ricardo est toujours interdit de tribunal.
- Encore une nuit blanche ?
- Axel, j'ai un truc important à te demander, parce que j'ai promis.
- Ok. Moi aussi, j'ai truc important à te dire, mais ça attendra.
- Tu vas trouver ça absurde. C'est absurde, en fait. Axel, tu veux qu'on couche ensemble ?
Il penche la tête et regarde son ami, anticipe sa réaction. Axel, bien sûr, plisse les yeux, le temps d'assimiler l'information. Et puis il éclate de rire, ce qui rassure Caleb, ce qui lui fait du bien. Axel a un rire franc, chaud, grave, et surtout chaleureux. Ça fait du bien. Un juge passe à ce moment, il regarde les deux écrivains, puis s'engouffre dans le palais. Axel s'approche de la rambarde, pose ses bras, et regarde Caleb.
- Ca veut dire non ?
- Ca veut dire non.
- Ok. Merci. J'avais promis.
- Faut que tu dormes, Caleb.
- Oui, oui, je suis assez d'accord. Mais tu vois, j'ai un mec qui me réveille la nuit pour me donner des conseils à la con.
- Il t'a demandé de coucher avec moi ?
- Non. Il m'a demandé de prendre un amant.
- Donc ça va pas mieux ?
- Non, ça va pas mieux. Et je trouve ça normal. Pas que ça aille pas, mais, enfin… Avec ce qu'il vit, avec tous ces souvenirs… Je trouve ça normal que ce soit trop dur pour lui. Et ça me va.
- Et lui, pas.
- Non. Lui, pas. Il m'entend pas.
- Ouais. Ça m'étonne pas. Jude a toujours fonctionné comme ça. Il est très égocentré lorsqu'il panique. Lorsqu'il panique pas aussi. Il n'arrive pas à penser à autre chose qu'à lui, il a l'impression qu'il est le seul à souffrir.
- Je sais, je sais. Il est complètement immature sur le plan sentimental, j'avais compris. Putain. Je l'aime, mais qu'est-ce qu'il me fait chier…
Il frotte ses yeux. Pour évacuer la fatigue, ou la colère, ou les larmes. Axel lui sourit, comme il le fait souvent, pour le rassurer, pour lui que ça va aller. Ce procès éprouve tout le monde : Jude, Caleb, l'Iléveune, les pro-Sharp, les pro-Dark… On entend la foule qui hurle, la police déployée. Bientôt Schiller arrive, une main sur l'épaule de Jude pour l'enjoindre à avancer, encore. Caleb le regarde ne pas le regarder, dans son manteau long et droit, tête baissée, comme s'il avait peur d'être reconnu alors que tout le monde ne connait plus que lui, les lunettes de soleil qu'il porte tout le temps, oubliant parfois de les retirer à l'intérieur parce que c'est sa nouvelle identité. Quelques minutes plus tard, la voiture de Dark arrive, et le super-vilain en sort, avec son super-charisme et son super-sourire de méchant. Caleb détourne les yeux avant d'avoir des envies de meurtre.
- T'avais pas une nouvelle à m'annoncer ? demande-t-il à Axel, plus pour oublier Dark que pour savoir.
- Je suis pas sûr que ce soit le moment.
- Pourquoi ? T'as peur de rendre le temps plus merdique qu'il l'est ?
Axel soupire et hausse les épaules. Il ne sait pas vraiment. Caleb, à moitié couché sur la barrière, le regarde, l'observe, et essaie de deviner. C'est toujours très difficile avec ce beau romantique. Il en a tellement bavé, il a tellement encaissé, sentimentalement, qu'il a appris à tout retenir, à ne rien dire, ne rien laisser transparaître sous le joli vernis lustré. Jusqu'à exploser, bien sûr. Exploser pour l'homme de sa vie, toujours. Caleb en est persuadé, il n'y a que Mark pour faire exploser Axel, et il rompt son amant à l'exercice, à le cacher, l'aimer, le quitter, le supplier, l'aimer encore, recommencer. A force de les fréquenter, Caleb arrive presque à anticiper leur séparation lorsqu'il prend le temps d'observer.
Observer. Merde.
- Merde. Mark t'a quitté ?
Avec le procès, l'état émotionnel de Jude, le martellement des interviews, le bouleau… Il a oublié d'observer. Caleb s'en veut, terriblement. Pendant deux secondes. Pendant deux secondes où Axel ouvre grand les yeux. Après, il éclate de rire. Puis il sourit, pour rassurer Caleb.
- Non, c'est pas ça. C'est marrant, j'ai cru la même chose, hier soir. J'ai cru qu'il allait me quitter. Mais non. Comme quoi. Ca fait plus de vingt ans que je le connais, et il arrive toujours à me surprendre.
Le vent souffle, ce qui incite Axel à réfugier ses mains à l'intérieur de sa veste, contre sa poitrine. Caleb, qui a l'esprit de contradiction toujours vivace, surtout lorsqu'il est agacé, décide de sortir une cigarette et lutter contre la valse glacée pour l'allumer.
- Allez, raconte. Je suis sûr que t'en meurs d'envie.
- Je voulais attendre la fin du procès. Que tu sois plus…
- Non non, maintenant ! J'ai besoin d'être un peu distrait.
- Ok… Tu veux la version longue ou courte ?
- On a l'audience dans moins de dix minutes, alors courte.
- Mark m'a demandé de l'épouser.
Caleb avale la fumée, sous le choc, et se met à tousser, les larmes montant à ses yeux. Son ami lui demande si tout va bien, il lui tend son gobelet de café froid pour l'apaiser. En crachant les derniers millilitres d'essence de sa gorge, en chassant les larmes qui brouillent sa vision, ses yeux se posent sur ce qui se cachait sous la veste d'Axel, et qui cherche à s'en échapper. Au bout d'une chaîne solidement amarrée à son cou, comme un trophée un peu honteux se balance un anneau fin en or.
- La vache… Je m'y attendais pas… Donc effectivement, il va pas te quitter… Merde ! Pardon, c'est pas…
- T'inquiète, je comprends. Tu veux la version longue, du coup ?
Dark Knight : Film de Christopher Nolan de 2008. Je suis pas entièrement fière du titre, parce que ce film n'est pas au panthéon des films que j'apprécie. Mais j'aime toujours le jeu entre chevalier (qui va bien à Caleb) et nuit (qui correspond bien au début du chapitre) et Batman qui revêt un costume pour se camoufler correspond bien à la métaphore que je propose sur les identités secrètes qui au contraire exposent.
