Chapitre 8 : Les flammes de la passion
Maison de Mlle Parker 431 Mountain Spring Drive, Blue Cove, Delaware, 01991
Pointant son arme en direction de l'entrée, la Miss s'avança prudemment, saisissant la poignée. Soudainement, la porte s'ouvrit…
« C'est toi ? Qu'est-ce que tu fais là ? a-t-elle demandé, soulagée.
L'homme la désarma, s'emparant ainsi de son arme. Immobile, consternée, elle se sentit, transpercée par le regard qu'il lui lança. Elle frissonna rien qu'en le voyant. Mlle Parker n'en revenait pas, il était là, il était revenu de New York, mais pourquoi ?
- Tu sais, qu'un jour, tu vas finir par blesser quelqu'un avec ça ?
- Que fais-tu là ?
- J'ai appris pour ton petit frère.
- Comment se fait-il que tu saches toujours tout, toi ?
- C'est Sydney qui me l'a dit.
- Et tu t'es dit que ce soir, tu allais venir chez moi ?
- Je peux ?
- Depuis quand tu me demandes ma permission d'entrer chez moi ? »
La Miss avait raison. Le caméléon rentrait chez elle à sa guise, à chaque fois que l'envie le prenait. En quoi serait-ce différent aujourd'hui ? Elle poussa la porte pour le laisser entrer. Il lui rendit son arme qu'elle rangea dans son étui, enfermé dans un tiroir sous clé. La jeune femme, debout, au centre de la pièce, se surpris à admirer le caméléon, laissant son esprit vagabonder. Son imagination commençait à prendre une tout autre tournure.
« Quel bel homme ! » pensa-t-elle. Cet homme, son seul ami, son idéal, l'homme de sa vie, si irrésistiblement attirant. Elle le détestait. Elle l'aimait… Et elle le voulait !
Jarod se tourna vers elle, la tirant de ses pensées, la bouteille de whisky à la main. Les yeux braqués sur lui, elle le dévisagea longuement sans rien dire.
« Tu sais, Parker, que l'alcool est mauvais pour ton ulcère. Pourquoi tu continues à boire ?
- Jarod, ne me dis pas que tu es venu jusqu'ici pour me faire la morale ? Mais si tu veux savoir, non, je n'ai pas bu une seule goutte… Enfin pas encore !
- C'est que je suis inquiet.
- Pour moi ? Tu ne devrais pas. Pourquoi es-tu là ?
- Ne t'avais-je pas promis d'être là si tu avais besoin de moi ?
- Jarod, je n'ai pas besoin de toi !
- Allons, Parker, ne fait pas ta mauvaise tête ! la taquina-t-il.
- Je ne suis pas d'humeur à jouer ce soir. Je préférerais que tu t'en ailles.
- Je m'en irai si c'est vraiment ce que tu veux.
Jarod s'avança vers la Miss, la frôlant au passage, elle lui tourna le dos sans croiser son regard. Il posa ses mains sur les épaules de la jeune femme, la retournant vers lui.
- Est-ce vraiment ce que tu veux ?
- Non ! »
Alors qu'il se trouvait juste devant elle. En cet instant précis, il avait du mal à la cerner. Elle était distante, froide, voire méprisante, mais effrayée et tourmentée. Elle était si différente de la jeune femme qui avait passé la soirée avec lui, hier soir, à l'hôtel. Cependant, il savait que la Miss avait besoin de lui, et pour lui, c'était tout ce qui comptait. Les sourcils froncés, la bouche pincée, elle lui adressa son regard froid, mais tellement froid qu'il avait l'impression qu'elle le gelait sur place.
« La reine des glaces avait encore frappé. »
Petit à petit, Mlle Parker se rapprocha de lui. Ses yeux étaient remplis de larmes qu'elle peinait à refouler. Jarod l'agrippa par les poignées, la faisant venir à lui, la serrant dans ses bras. Éprouvant un sentiment de solitude, elle avait cette impression de n'être comprise ou soutenue que par lui-même. N'était-ce pas ça la malédiction des Parker ? Être condamnée à vivre une solitude et une souffrance éternelle ? Et bien qu'elle avait l'air forte en apparence, elle restait néanmoins fragile intérieurement, à tel point qu'il pouvait ressentir tout son mal-être, et il l'aurait donné n'importe quoi pour qu'elle puisse enfin retrouver la paix, pour qu'elle puisse enfin retrouver cet éclat, ce feu qui l'animait autrefois. Ils restaient un long moment sans bouger, sans dire quoi que ce soit. Enfin, elle se dégagea de son étreinte, Jarod la questionna :
« Alors tu vas me dire ce qu'il se passe ?
- C'est toi qui avais raison, ce n'est pas mon petit frère.
- En es-tu sûre, Parker ? Et qu'est-ce que ça changerait pour toi ? Dis-moi, est-ce que tu l'aimeras moins ?
- Non, bien sûr que non.
- As-tu une idée de l'endroit où il peut être ?
- Non, mais Lyle le sait, c'est certain. Et ce sale rat n'a pas craché le morceau si tu veux savoir. Et ce n'est pas tout Jarod, Sydney pense que ce petit garçon pourrait être un caméléon. Cette histoire est tellement absurde que j'ai du mal à y croire.
- C'est le Centre Parker, rien n'est absurde. Rappelle-toi, il n'y a pas si longtemps que ça, on a appris l'existence d'un clone, de mon clone et d'Ethan. Plus rien ne me surprend de leur part.
- Tiens, regarde ça ! »
La jeune femme lui tendit le dossier truffé de données médicales, d'évaluation, de lettres, de notifications et autres documents. S'asseyant sur le sofa, Jarod, feuilleta le contenu qu'il avait entre les mains. Il n'y avait pas de doute pour Jarod, ils avaient recommencé, ils avaient créé un autre caméléon humain, du moins c'était ce qu'il pensait. Rester à savoir où le Centre l'avait emmené.
Mlle Parker expliqua la situation, lui annonçant que Lyle manigançait quelque chose au sein du Triumvirat et qu'elle l'avait fait mettre sur table d'écoute, que Raines avait disparu de la circulation et que maintenant elle ne savait plus quoi faire. C'était la première fois qu'il la voyait aussi désemparée et si peu sûre d'elle, elle qui d'habitude avait une si grande confiance en elle. Jarod se releva, prenant le visage de la jeune Miss entre ses mains. Il déposa sur son front un tendre baiser, comme celui que l'on donne à un enfant, lorsque l'on veut le rassurer.
« Parker, on va le retrouver, je te le promets.
- Et comment, Jarod ? Comment va-t-on s'y prendre ?
- Tu as oublié qui tu as en face de toi ? Fais-nous confiance. À nous deux, on y arrivera. N'a-t-on pas déjà prouvé à mainte reprise que toi et moi, nous formions une très bonne équipe ?
- Oui très bonne.
- Alors fais-moi confiance.
- J'ai confiance… J'ai toujours eu confiance en toi.
- Je ne le savais pas.
- Et pourquoi crois-tu que je suivais tes jeux de pistes, les yeux fermés ?
- Je pensais que c'était juste pour trouver la vérité, c'était le but ! Pour m'amuser, aussi. Mais je pensais que mes jeux de pistes t'énervaient.
- C'est vrai, tes jeux m'énervaient, mais ça ne m'a jamais empêchée d'avoir plus confiance en toi qu'en ma propre famille.
- Tu sais, Parker, ça signifie beaucoup pour moi. Et que tu me fasses confiance, c'est l'une des plus belles preuves d'amour que tu puisses me donner.
- Jarod… Et maintenant ?
- Pour le retrouver, il nous faudra de l'aide de l'intérieur et je sais que l'on peut compter sur le soutien de Sydney et Broots. Ne baisse jamais les bras parce que si tu abandonnes maintenant, tu ne trouveras jamais les réponses que tu cherches.
- Merci, Jarod.
- Pourquoi ?
- D'être là. À chaque fois que j'ai besoin de toi. À chaque fois que je traverse une épreuve difficile. À chaque instant de ma vie… Tu es toujours là. Pourquoi ?
- Je pensais que tu le savais. Parker, tu ne pourras jamais te débarrasser de moi, quoique tu dises, quoique tu fasses. Je serai toujours là quoiqu'il arrive.
- Je suis contente que tu sois là. Avec toi, je me sens rassurée, protégée et en sécurité, lui a-t-elle avouée d'une voix toute douce avant de lui demander, tu restes ?
- Je suis heureux que tu me le demandes et si c'est ce que tu veux, alors oui, je resterai.
- Reste, je te le demande ! »
Sous le regard attentif de la Miss, Jarod alluma quelques bougies parfumées créant une atmosphère relaxante. Tendue comme elle était, elle en avait bien besoin ! Mlle Parker était assise, là sur le canapé, l'observant au loin. Comment pouvait-il être si parfait, si doué, et si crédule à la fois ? Et pourtant, c'était ce qui faisait tout son charme.
Fixant la flamme qui prenait vie, la jeune femme absorba la chaleur et la lumière qu'elle produisait, se laissant envahir par les senteurs boisées qui émanaient de la bougie. Le caméléon quitta la pièce pour revenir un instant plus tard, une tasse fumante d'une main, un plaid de l'autre, avec lequel il lui recouvrit les épaules. Et avec un grand sourire, il lui tendit l'infusion de thé préparée par ses soins. C'était vraiment l'homme presque parfait !
« Bois ça ! Ça t'aidera à te détendre. Parker ? Ça ne va pas ?
- Tout ça, c'est de ma faute.
- C'est-à-dire ?
- Je veux parler de la disparition du petit ! Tu ne vois donc rien ? Où fais-tu semblant de ne pas comprendre ? C'est à cause de nous, Jarod, si je ne passais pas mon temps à te traquer, ou si je n'avais pas été aussi préoccupée voir même obsédée par la vérité ou si encore, je n'étais pas partie te retrouver hier soir, peut-être, serait-il encore là !
- Tu plaisantes ? Si ça se trouve ça fait des semaines qu'il n'est plus là. Tu n'as pas à te sentir fautive, Parker. Ce sont eux, les seuls responsables. Pas nous !
- C'est facile à dire pour toi. Tu ne pourras jamais comprendre le lien qui m'unit à lui.
- Je sais parfaitement quel est ce lien qui vous unis tous les deux, et je sais aussi que tu le retrouveras, très bientôt. Je te le promets.
- Jarod, et si on ne le retrouvait pas ?
- C'est lui ? demanda-t-il en lui retirant la photo du garçon qu'elle avait entre ses mains, puis il reprit, il est mignon, il en brisera des cœurs.
- Si on lui en donne l'occasion de le faire !
- Parker, plus je te regarde, plus je regarde cette photo, et plus je remarque que vous deux, vous vous ressemblez plus que je ne le pensais. Tu vois, sur cette photo, il a ton ravissant sourire !
- Je ne suis pas convaincue, Jarod, s'exclama Mlle Parker avec une moue boudeuse.
- Si regarde bien. Parker, ton sourire, je le reconnaîtrais entre mille.
- Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Est-il mon petit frère ?
- Ça, c'est à nous de le découvrir ! Et tu peux compter sur moi, parce que non seulement, on va découvrir qui il est et ce qu'il est, mais aussi, je le ramènerais auprès de toi. Tu verras très bientôt, il vadrouillera dans toutes les pièces de ta maison et toi, tu courras après ce petit monstre !
- J'ai peur Jarod, j'ai peur qu'on ne le retrouve jamais. »
Elle reposa la tasse sur le coin de la table.
S'installant près de la jeune femme, il contemplait la beauté de son joli minois, encadré par la noirceur de sa chevelure. Les traits de son visage étaient délicats d'une finesse similaire à celle d'une Vénus, tout comme les lignes de sa silhouette parfaitement dessinées. Ses yeux azur en forme d'amandes indiquaient un regard tout aussi énigmatique qu'envoûtant, mais qui traduisait autant la souffrance que l'amour. Quant à ses lèvres, elles étaient toutes aussi exquises que sensuellement gourmandes et ne demandaient qu'à être embrassées. Mlle Parker était d'une beauté saisissante.
Elle avait la beauté du diable !
Jarod se rapprocha de la jeune femme, collant son corps au sien, sa beauté naturelle le fascinait. Elle affichait un sourire presque timide. La Miss adorait se lover dans la chaleur de ses bras, et la présence de Jarod l'apaisait, il lui avait redonné un sens à sa vie.
Il se tourna sur le côté, lui faisant face, Jarod ne put résister à l'envie de la toucher, posant sa main sur sa joue, faisant glisser ses doigts jusque derrière sa nuque, descendant vers ses épaules, s'enivrant de son parfum de mystère, qui gênerait en lui plaisir charnel et passion dévorante. Leurs yeux se rencontrèrent, s'arrêtant une fraction de seconde pour se perdre dans le regard l'un de l'autre. Surprise, elle frissonna, lorsque les lèvres du caméléon se promenaient sur son cou délicat, puis sur sa bouche. Jarod sentit sous ses baisers la peau tendre de la Miss. Sa peau qui était d'une douceur si veloutée qu'il ne put en contrôler son impatience.
Le sourire charmeur, l'air coquin, elle le scruta avec insistance, commençant à se montrer de plus en plus pressante, plus brutale à son égard, usant de son pouvoir de séduction envers lui, essayant de toujours garder le contrôle, ce contrôle qui lui permettait de survivre et de rester maître d'elle-même. Elle en avait besoin, tout comme elle avait besoin de se sentir aimée et désirée.
Sous l'emprise d'un désir brûlant, la jeune Miss saisit ardemment les lèvres du petit génie. Pris de frénésie, il la renversa en arrière, la projetant sur le canapé, la faisant éclater de rire. C'était le plus beau son qu'il n'avait jamais entendu. Elle posa ses mains sur les hanches du jeune homme, laissant progressivement ses doigts s'agrippaient à ses épaules puis à son dos. Elle l'attira tout contre elle.
« Tu es d'une grande beauté, Parker.
- Qu'est-ce qu'il te prend ?
- Je dis seulement que je te trouve magnifique, merveilleuse…
- Voilà que tu racontes, n'importe quoi, Jarod.
- Tu n'aimes pas les compliments ? Tu sais, Parker, il n'y a rien de mal à complimenter une personne pour laquelle on éprouve de l'adoration.
- Jarod, je ne te connaissais pas ce côté fleur bleue.
- Fleur bleue ?
- Romantique, sensible, rêveur, naïf… Fleur bleue, Jarod !
- Alors je suis fleur bleue et toi, tu es incroyablement séduisante.
- Séduisante ?
- Incroyablement séduisante !
- Jarod, tu es aveugle ? J'ai la mine fatiguée, mes yeux sont encore tout inondés de larmes, et regarde mes cheveux ! Tu as vu dans quel état ils sont… ? Je ne ressemble à rien ! On dirait que je viens à peine de me lever. Ne me dis, pas que tu me trouves séduisante. Parce que je ne te croirais pas !
- Je ne vois pas la même chose que toi.
- Et que vois-tu Jarod ?
- Tout d'abord, tes yeux, ils débordent tellement d'émotion qu'à chaque fois que je les regarde, j'ai l'impression que tu me transperces le cœur. Ton sourire, je n'en ai jamais vu d'aussi beau, c'est une source de joie pour moi. Tes lèvres, si roses ne sont faites que pour recevoir la chaleur et l'amour de mes baisers…
- Tais-toi, Jarod. Ne dis plus rien ! »
Avant qu'il n'ait eu le temps de réagir, elle avait déjà passé ses mains autour du cou du caméléon, le serrant tout contre elle. Penché, juste au-dessus de la jeune femme, il posa un baiser sur sa joue pour revenir vers ses commissures, puis vers sa bouche, pour ensuite redescendre de plus en plus bas…
Elle avait le sentiment de pouvoir revivre à nouveau, et sans hésiter, sans rompre le contact visuel, elle prit l'initiative de défaire, un par un, les boutons de la chemise du caméléon. Ses doigts s'affolaient en des mouvements langoureux, sur le corps musclé du jeune homme, explorant ainsi chacune des courbes majestueuses du torse à moitié dénudé de son compagnon, savourant chaque once de sa peau. Jarod tressaillit sous la pression des caresses et des baisers de la jeune Miss. Ne pouvant se détacher d'elle, son corps en réclamait plus que de raison…
Pourtant, ses yeux trahissaient ses gestes, elle avait le regard si profondément triste alors que la Miss entreprit avec véhémence la continuité de ses actions, jetant, ainsi, au sol, la chemise de Jarod, dans sa hâte, elle fit tomber la tasse vide restée sur le bord de la table. Elle n'y prêta guère attention, pas plus que lui d'ailleurs.
À cet instant, elle voulait tout oublier, n'étant plus dans l'incapacité de réfléchir ou même de raisonner normalement. Ressentant une excitation extrême inassouvie, suscitant chaleur intense et chatouillements dans son bas-ventre, elle ne voulait juste satisfaire le plaisir qui s'emparait d'elle, prenant ainsi possession de tout son être.
Et dans les yeux de son caméléon, elle réalisa qu'elle ne s'était jamais sentie autant désirée que ce soir-là…
Alors qu'il était sur le point de céder à la tentation, Jarod se releva, brusquement de dessus la jeune femme, reprenant ses esprits. Mais qu'allait-il faire ? Bien qu'il avait très envie de lui faire l'amour, il ne pouvait se résoudre à abuser de la situation. Il était conscient que pour lui, leur nuit ne serait pas celle-là. Il se leva du canapé, ramassant sa chemise restée sur le parquet. Alors que Mlle Parker, frustrée, revenait à la charge, il la repoussa doucement de ses mains s'éloignant d'elle. Il s'apprêtait à dire quelque chose lorsque près de lui, elle plaqua ses doigts sur la bouche du caméléon.
Avait-elle vraiment envie de passer la nuit avec lui ou était-ce sa vulnérabilité qui parlait ? Quelles étaient réellement ses intentions ?
