Chapitre 19 : La séparation

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

« Ce que tu as à me dire a-t-il un rapport avec le retour de notre frère ?

- Et si on allait se promener ?

- Attends ! J'ai des choses importantes à te dire, mais je ne sais pas comment te le dire.

- Qu'est-ce qu'il y a, Parker ?

- Allons, marcher un peu. »

Il prit la jeune femme par la taille, l'entraînant vers l'extérieur. Il hésitait à lui prendre la main. Il jeta un regard futile en sa direction. Elle paraissait plus détendue, plus sereine, plus vivante, moins triste… Amoureuse !

Quartier de l'Upper East Side, NY

En cette fin d'après-midi ensoleillée, la lumière du soleil disparaissait au loin, descendant, dégageant hâtivement, et complètement l'horizon. Enfin, la chaleur était retombée, le vent s'était radouci, et une légère brise dissipait paisiblement les derniers nuages. Le ciel rose devenait incandescent, voire crépusculaire prenant ainsi une couleur de feu flamboyant avant d'évoluer progressivement vers un magnifique dégradé d'indigo et de violet.

Tous deux se promenaient dans l'Upper East Side, situé entre le fleuve Hudson et Central Park, au nord-ouest de Manhattan. C'était l'un des quartiers les plus animés, les plus populaires et les plus huppés de New York, découvrant ainsi élégance, charme et luxe new-yorkais. Dans les rues, on pouvait apercevoir de magnifiques maisons victoriennes, de grandes demeures de style Beaux-Arts, ainsi que de grands immeubles de prestige, abritant des lofts très chics. Ils se baladaient dans l'une des plus grandes rues commerçantes de Madison Avenue. Jarod, lui, était impressionné par le nombre de magasins de grandes marques très luxueux et de boutiques de créateurs de renoms encerclant l'avenue. Il n'avait pas eu l'occasion de visiter beaucoup la ville pendant ces cinq dernières années, et encore moins en présence de la Miss. Autour d'eux, des couples marchaient en se tenant par la main, s'embrassant amoureusement et sous le regard émerveillé et envieux de la jeune femme, il fit de même, serrant ses doigts entre les siens. Il avait l'impression d'être un peu comme tout le monde. Et elle aussi ! Traversant l'Upper East Side, ils arrivèrent juste en face de Central Park.

« Alors, quelle est cette chose que tu voulais m'annoncer qui ne pouvait ni se dire dans une lettre ni par téléphone ?

- Tu ne veux pas d'abord me confier ce qui te préoccupe ?

- Non, toi d'abord. Dis-moi, Jarod.

- D'accord. Avec ce qui s'est passé ces derniers jours, je n'ai pas eu l'occasion de t'en parler avant, mais j'ai une très bonne nouvelle pour nous. Regarde.

- Qu'est-ce que c'est que ce bout de papier ? demanda-t-elle en le regardant du coin de l'œil.

- Ce bout de papier, comme tu dis Parker, c'est notre vérité, notre liberté, notre avenir.

- Je ne comprends pas.

- Parker, je vais devoir m'en aller, mais avant mon départ, je voulais passer cette dernière soirée avec toi.

- Tu t'en vas ?

- Je pars retrouver ma mère ! »

Elle lâcha sa main, s'écartant de lui, la jeune femme était émue et heureuse pour le caméléon, lui qui avait recherché sa mère durant sa vie entière, et aujourd'hui, il allait enfin pouvoir la serrer dans ses bras. Cependant, elle ne put s'empêcher d'éprouver une pointe de jalousie. Elle l'aurait fait n'importe quoi pour pouvoir passer une seconde de plus avec la sienne. La Miss commençait à avoir les oreilles qui bourdonnaient, entendant des voix, à peine perceptibles. Il s'avança vers elle, lui relevant le menton, la forçant à le regarder.

« Je suis très heureuse pour toi, Jarod. Toi qui as attendu ce moment toute ta vie. Tu vas enfin la retrouver, lui parler…

- Je ne serai parti que quelques jours, et une fois ma mère à l'abri, je reviendrai vers toi. Et je te promets qu'on s'occupera de retrouver ton petit frère, toi et moi, ensemble.

- Tu n'as pas besoin de me dire ou de me promettre quoi que ce soit, Jarod, c'est ta mère.

- Et toi, tu es la personne la plus importante pour moi. Ne le sais-tu pas, encore ? Que dois-je faire pour te le prouver ?

- Une preuve ?

- Oui, une preuve de ce que je ressens pour toi.

- C'est une chose que malheureusement, tu ne pourras jamais me donner.

Elle avait cette sensation de fatigue et de chaleur intense envahissant son corps, elle enleva sa veste malgré la fraîcheur du temps.

- Il fait chaud, tu ne trouves pas Jarod ?

- Parker, tu vas bien ?

- Quand est-ce que tu t'en vas ?

- Demain, dans la journée. »

À cette annonce, Mlle Parker se sentit blêmir, ressentant des nausées, ses jambes se dérobaient sous elle. Jarod, voyant la pâleur sur le visage de la jeune femme, lui suggéra de rentrer, mais la Miss n'avait même pas fait trois pas que son regard se voila. Elle s'arrêta. Le caméléon la rattrapa, la souleva, la prenant dans ses bras pour la ramener à l'hôtel.

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Arrivée à l'hôtel, il allongea la jeune Miss sur le lit, fatiguée, elle s'endormit rapidement…

Plus tard, Mlle Parker refaisait surface, confuse, ses yeux s'ouvraient petit à petit, ses gestes étaient d'une lenteur extrême. Elle découvrit une silhouette, assise sur une chaise endormie près d'elle, tenant sa main dans la sienne. Jarod n'avait pas quitté le chevet de la demoiselle. Elle tendit son autre main vers lui, passant ses doigts dans les cheveux bruns du jeune homme, le réveillant doucement. Il releva la tête vers elle.

« Salut, avait-elle dit d'une voix faible, mais le sourire aux lèvres.

- Comment tu te sens ?

- Épuisée. Qu'est-ce que je fais là ?

- Tu ne te souviens pas ? On était à Central Park, on discutait.

- Oui, je me souviens. Mais ça n'explique pas pourquoi je me retrouve dans ce lit.

- J'ai dû te ramener à l'hôtel.

- Tu veux dire que tu m'as porté jusqu'ici ?

- Eh bien, c'est une chance que l'hôtel se trouve être situé à moins de cinq minutes de Central Park. C'est peut-être ton ulcère. On devrait appeler un médecin.

- Ce n'est pas toi, le médecin ?

- Pas aujourd'hui ! Mais je peux te dire que ton pouls et ta respiration semblent réguliers. Tu reprends également de jolies couleurs ! Tu m'as fait peur, tu sais.

- Jarod, c'est juste de la fatigue accumulée à une forte émotion. De plus, ces derniers jours, j'ai très peu dormi.

- Tu as faim ? Tu devrais manger quelque chose. Je vais appeler le service d'étage.

- Non, Jarod ! Je n'ai pas faim. Dis-moi, j'ai dormi combien de temps ?

- Un peu plus de deux heures. Tu avais besoin de te reposer. Je me fais beaucoup de soucis pour toi.

- Tu ne devrais pas, je vais très bien… Tu l'as dit toi-même. Je crois que l'annonce de ton départ m'a beaucoup plus perturbée que je ne le pensais.

- Alors pars avec moi. »

Sa proposition l'avait touchée, peut-être même qu'elle serait partie avec lui si elle-même de son côté n'avait pas à quitter Blue Cove. Elle avait l'intention de lui parler de ses dernières découvertes, mais elle ne se sentait pas la force ou encore le courage de le lui dire. Elle se devait de le laisser s'en aller. C'était quelque chose qu'il devait faire sans elle. Le visage grave, l'air sérieux, Jarod prit place sur le lit, en face de la jeune femme, il l'embrassa tendrement.

« Je suis sérieux Parker, je veux que tu viennes avec moi, après tout ça te concerne toi aussi.

- Non, Jarod, cette-fois-ci, ça ne concerne que toi. Ce sont les retrouvailles que tu as attendues toute ta vie. Je n'ai pas le droit de m'imposer et d'ailleurs, je ne le ferai pas.

- Après ce qui vient de t'arriver, je m'en voudrais de te laisser là, derrière moi. Parker, je tiens beaucoup à toi et je veux que tu saches que je…

- Jarod, non, ne me le dis pas. Pas encore ! Dans quelques heures, tu vas prendre l'avion pour aller la retrouver et moi, je ferai ce que j'ai à faire !

- Donne-moi une bonne raison qui te pousse à refuser de venir avec moi ?

- Toi, Jarod ! J'ai consacré cinq années de ma vie à te courir après, à faire de ta vie un véritable enfer. Laisse-moi au moins faire ça pour toi. Et puis moi aussi, je dois m'en aller. Je pars pour Londres, elle se demanda si elle devait lui parler de la boîte, des lettres, du projet Genius. Non, elle lui en parlera plus tard.

- Que vas-tu faire à Londres ?

- Mettre de l'ordre dans les affaires de mon père.

- Voilà ce que je te propose, puisque tu dois partir tout comme moi, faisons le voyage ensemble, d'abord, on retrouvera ma mère et ensuite toi et moi, on s'envolera pour Londres. Qu'en penses-tu… ? Je te laisse y réfléchir. On devrait dormir tous les deux, il commence à se faire tard. On en reparlera avant notre départ.

- Notre départ ? C'est inutile Jarod. Je ne partirai pas avec toi. N'insiste pas.

- Je te laisse la chambre, je prends le canapé. Bonne nuit, Parker. » avait-il déclaré en l'embrassant.

En sortant, il referma la porte de la chambre derrière lui.

Au beau milieu de la nuit, Mlle Parker, fût réveillée par des cris, la jeune femme se leva pour aller voir d'où cela provenait lorsqu'elle vit Jarod s'agiter sur le canapé, il était en proie à des cauchemars « Non, laissez-moi tranquille. » répéta-il. S'asseyant à ses côtés, elle posa sa main sur sa poitrine, sentant son cœur battre anormalement vite, sa respiration devenait plus rapide. Alors que ses membres tremblaient autant de froid que de terreur, elle le recouvrit avec une couverture posée près de lui, frôlant son visage, embrassant doucement ses lèvres. Les yeux ouverts, il l'empoigna, la fixant intensément de son regard.

« C'est moi, Jarod !

- Qu'est-ce que tu faisais ? Ai-je bien senti tes lèvres sur les miennes ?

- Tu as fait un cauchemar.

- Alors quoi, tu me réconfortais ? Ou était-ce ta façon de me réveiller ?

- Non, je… Ce n'est pas ce que tu crois.

- Tes baisers sont si agréables. Tu sais, Parker, que tu pourrais me réveiller comme ça tous les matins si tu venais avec moi.

- Jarod, on en a déjà parlé.

- Non. Comme d'habitude, c'est toi qui as prise cette décision, et je n'ai pas eu mon mot à dire. Je veux que tu m'accompagnes, Parker. Comment veux-tu qu'entre nous ça puisse fonctionner si à chaque pas que je fais vers toi ça t'éloigne, chaque jour, un peu plus de moi ?

- Crois-moi, Jarod. Je ne cherche pas à fuir ce que je ressens ou à te fuir, toi. Je pense sincèrement que c'est…

- Une chose que je dois faire seul, je sais !

- Ne sommes-nous pas censés prendre tout notre temps ? N'est-ce pas ce que tu as dit ?

- Oui, mais rien ne t'empêche de venir avec moi. Je vois que ça te met mal à l'aise, alors il vaut mieux qu'on arrête d'en parler, pour l'instant. »

Elle posa sa tête sur le torse du jeune homme. Comment pouvait-elle lui faire comprendre ou même lui dire qu'elle avait d'autres projets en tête ? Celui de retrouver notamment le petit garçon, de découvrir son identité et plus précisément le projet dans lequel il était impliqué. Mais n'avait-elle pas dit aussi qu'elle avait besoin de son aide ? Il l'entoura de ses bras, il avait toujours su comment la calmer et la rassurer. Il lui faisait du bien. Les lèvres scellaient, elle se tut, profitant de ce moment de bien-être. Il la serra tellement fort qu'elle se sentait oppressée alors qu'il enfonçait ses doigts dans la chevelure lisse de la jeune femme, elle se dégagea de lui. Elle voulait savoir son cauchemar. Se levant du canapé, Jarod fut surpris de sa demande. Debout, devant la grande fenêtre du salon, il observait les allers-venus des passants. D'abord réticent, à l'idée de lui en parler, Jarod hésita, mais face à son insistance, il céda.

« Ce n'est rien, Parker.

- Ce n'était pas rien, Jarod, tu hurlais dans ton sommeil. Je t'entendais crier de l'autre côté du mur. Ça t'arrive très souvent, n'est-ce pas ?

- Comment tu le sais ? Tu en fais toi aussi ?

- Je suppose que ça fait partie des nombreuses conséquences de notre vie au Centre…

- Tu sais, en ce qui me concerne, ça m'arrive si souvent que par moment, je n'y prête plus attention.

- Sur quoi portait ton cauchemar ?

- C'est toujours le même qui revient, les mêmes sentiments que j'éprouve. C'est mon enlèvement que je revis sans cesse.

- Tu ne m'en avais jamais parlé avant. Je t'en prie, raconte-moi ton cauchemar.

- Pourquoi ?

- Parce que je ne veux plus être dans l'ignorance, et que je ne veux plus fermer les yeux sur les horreurs commises par ma famille. Jarod, raconte-moi ton enlèvement.

- Il faisait nuit noire… Des hommes en costume sombre dont je n'arrive toujours pas à distinguer leur visage, pénétraient chez moi, m'arrachant à ma famille.

- Ces hommes, tu saurais les reconnaître ?

- Non, il y eut un long silence.

- Jarod ? Tu m'entends ?

- Terrifié et perdu, j'étais d'abord stupéfait, immobile et incapable de réagir. En plein choc, mon corps était dans tous ses états.

- Tu n'étais qu'un petit garçon, Jarod, tu ne pouvais rien faire contre eux.

- Je me revois continuellement me débattre et leur demander de me laisser tranquille, de me lâcher. Il marqua une pause, je peux encore sentir leurs mains me maintenir les bras, me les presser si fort que j'ai toujours cette sensation que mes os quittent mon corps. Il soupira, sa voix devenait hésitante, tremblante. Il faisait si noir, il n'y avait aucune lumière… J'entends encore leur pas… Le claquement de leurs chaussures résonnant sur le plancher… Le tic-tac de leur montre tambourinant dans mes oreilles, leur interminable respiration… La froideur de leur souffle… Les battements de leur cœur s'affolant sous la pression. Je les entends constamment.

- Je suis désolée, Jarod.

- Je me revois encore crier, pleurer, taper avec mes poings, la vitre teintée de la voiture qui m'emmenait à des kilomètres de ma famille. À ce moment-là, j'ignorais que c'était la dernière fois que je voyais ma mère.

- Je sais ce que tu ressens.

- Tu sais, dans chacun de mes cauchemars, elle apparaît, je la vois, elle est là, devant moi.

- Tu parles de ta mère.

- Sa voix est si près de moi que je l'entends m'appeler, elle me tend la main, alors que je m'apprête à la lui prendre pour venir vers elle, peu à peu, ma mère disparaissait au loin, sa voix disparaissait, je criais aussi fort que je pouvais, mais personne ne pouvait m'entendre…

- Je regrette Jarod, je ne savais pas. Je suis vraiment désolée. »

Il se tourna vers Mlle Parker, les yeux remplis de chagrin, elle le prit dans ses bras pour le réconforter. C'était la première fois qu'il se confiait à elle de cette manière-là. Il était si sensible. Il ne lui avait jamais réellement parlé de ce qu'il avait vécu. L'aurait-elle écoutée à l'époque ? Sûrement pas ! Elle s'en voulait, se détester d'avoir été une si mauvaise amie. La jeune femme lui suggéra de prendre la chambre. Dans quelques heures, il allait prendre l'avion qui le mènerait tout droit à sa mère, et il avait besoin de repos, mais pas sur un canapé. Quant à la jeune femme, elle n'arrivait plus à fermer l'œil, il lui proposa alors de venir dormir avec lui, de passer la nuit dans ses bras. Elle refusa prétextant vouloir faire un tour dehors pour se changer les idées, elle avait besoin de réfléchir. Il n'insista pas. Elle l'embrassa, pris son manteau, la clé magnétique de la suite et sortit…

Tôt le matin, dans la salle de bain, Jarod ôta ses vêtements, et fila sous la douche. Il ouvrit le robinet laissant couler un flot de liquide incolore sur lui. Il prit le savon entre ses mains, et commença à recouvrir toute la surface de son torse légèrement poilu, puis toutes les zones de son corps. Il se tenait là, droit, les bras écartés, ses mains étaient appuyées contre les parois de la douche. Il soupira à la fois de soulagement et de satisfaction lorsque le jet d'eau coula d'abord sur ses cheveux, pour finir tout le long de son corps encore enduit d'eau savonneuse. Il ressentait les bienfaits de cette eau chaude. Plus de tension dans les muscles. C'était très agréable, voire relaxant ! Il passa une serviette autour de sa taille. Il quitta la douche plus détendu. En sortant de la salle de bain, Jarod fut étonné de voir une Mlle Parker derrière la porte. Bras croisés, les cheveux ébouriffés, elle n'avait pas l'air très ravie, elle le fusilla du regard.

« Tu es là ? Je croyais que tu dormais encore.

- Eh bien, tu t'es trompé, petit génie !

- Ça ne va pas ?

- D'après toi, Jarod ? Je pensais que tu aurais eu, au moins la décence de me réveiller ! Dis, tu comptais partir sans même me dire au revoir ?

- Non, mais comme tu dormais, j'ai préféré ne pas te réveiller, dit-il en se rapprochant d'elle, alors qu'il resserrait la serviette autour de ses hanches, il remarqua que la jeune femme rougissait. Il l'enlaça, Parker, jamais je ne serai parti sans te dire au revoir. Tu es très belle, ce matin.

- Belle ? Tu sais, Jarod, je me demande parfois si tu me regardes vraiment.

- Je te regarde, Parker, je te regarde tout le temps. »

Tout près de lui, Mlle Parker respirait son odeur, sa peau si fraîchement parfumée, si douce et entièrement savonnée. Ses doigts glissaient lentement sur ses bras, remontant vers ses épaules, jusqu'à son dos encore mouillé par les gouttes qui ruisselaient de sa chevelure. Les mains de la jeune femme redescendaient plus bas atteignant la taille du caméléon entourée par la serviette de bain. Elle se colla tout contre lui. Et cette fois-ci, il s'abstenait de l'interrompre, préférant savourer ces quelques délicieuses minutes. Dans la salle de bain de la suite, la tension était à son comble. Elle l'embrassa, une fois, une deuxième fois, puis une troisième fois, il sentait si bon. Ses baisers intensifiaient un peu plus leur désir suscitant leur envie d'aller plus loin. Alors qu'il ouvrit ses yeux, il se rendit compte qu'elle aussi avait fermé les siens, appréciant tout autant que lui les caresses auxquelles elle s'adonnait, alors qu'il prit possession de ses lèvres, il la plaqua doucement contre la porte, il murmura presque mielleusement, mais d'une voix chaudes et profonde, avec un rythme plutôt lent et un timbre légèrement rauque. Sa voix la faisait craquer.

« Tu es rentré tard, cette nuit, je me suis inquiété.

- Ah oui ? Je t'ai dit que j'avais besoin de réfléchir, Jarod.

- J'ai l'impression que tu réfléchis beaucoup trop, ces derniers temps. Tu devrais prendre la vie comme elle vient.

- C'est facile pour toi de dire ça ! Toi, tu n'es plus prisonnier du Centre.

- Parker, tu peux retrouver ta liberté si tu le veux vraiment. Je peux t'y aider, tu n'as qu'un seul mot à dire.

- Ce n'est pas aussi simple, Jarod. Mais je me rends compte qu'il n'y a qu'un seul endroit où je me sens réellement libre.

- Où est cet endroit ? Je t'y emmènerai si tu le veux. Parker, je t'emmènerai là où tu voudras.

- Ce n'est pas la peine, Jarod, j'y suis déjà. C'est dans tes bras que je me sens la plus libre. La plus libre et la plus heureuse.

- Alors reste y aussi longtemps que tu le voudras. Dis-moi, pourquoi n'es-tu pas venue dormir dans la chambre, avec moi ?

- Tu dormais, je ne voulais pas te réveiller !

- Non, je ne dormais pas, je t'attendais. Je crois surtout que ça te fait peur.

- Peur ? De quoi ? De toi ? Non, mon petit génie, je n'ai pas peur. D'accord, peut-être un tout petit peu.

- De quoi as-tu peur, Parker ?

-...…

- Tu sais, à un moment donné, il faudra bien que l'on franchisse le pas.

- Je sais, et crois-moi quand je te dis que moi aussi, je veux qu'on passe à l'étape suivante de notre relation.

- Notre relation ? C'est un bien joli mot qui prend tout son sens quand c'est toi qui le dis. Alors ça veut-il dire que toi et moi…

- Oui. Enfin, je suppose. Je crois. Jarod, je ne sais pas exactement comment on pourrait qualifier notre relation pour l'instant. À vrai dire, je n'ai pas trop envie d'y penser. Laissons faire les choses. Tu veux bien ?

- Pour le moment. Dis-moi. Est-ce que tu as peur de moi ? Tu sais pourtant que je ne te ferai jamais de mal.

- Ce n'est pas toi. Enfin Jarod, tu es si parfait. J'ai peur que tu finisses par t'apercevoir que je ne suis pas celle qui te faut.

- Je pourrais dire la même chose de toi.

- Jarod, je ne veux plus en parler.

- On reprendra cette conversation plus tard. Hier, tu disais que tu avais quelque chose d'important à me dire. Qu'est-ce que c'est ?

- On en parlera une autre fois, Jarod, ce qui compte, c'est qu'aujourd'hui, tu pars retrouver ta mère, le reste peut attendre.

- Et je suppose que tu ne veux toujours pas venir avec moi ?

- Non. Je n'ai pas changé d'avis.

- À vrai dire, je m'en doutais un peu.

- Jarod, ce n'est pas que je ne veux pas t'accompagner, c'est que tous les deux…

- Ça va beaucoup trop vite pour toi ? Je savais que tu n'étais pas prête.

- Jarod ! Ça n'à rien avoir. On en reparlera à ton retour. »

Tandis qu'elle retournait dans la pièce principale, elle prit le combiné du téléphone, composa le numéro du service d'étage et commanda de quoi se restaurer. Un instant plus tard, Jarod ébahi, regardait la table garnie de bonne chose. La Miss n'avait pas fait les choses à moitié ! Elle avait commandé tout ce qui se trouvait sur la carte. Assis tous les deux autour d'un bon petit déjeuner, ils profitaient de parler, de manger, et même de rire. Ils passèrent un agréable moment, mais bien trop court à leurs yeux !

L'heure était venue pour le caméléon de s'en aller. Arriva le temps pour eux de se quitter.

« Je vais devoir y aller. Tu sais, il n'est pas trop tard.

- Jarod !

- J'ai compris. Je suppose que ce n'est pas la peine que je te propose de m'accompagner à l'aéroport ?

- Je crois qu'il est préférable que je reste ici.

- Pourquoi faut-il que ça se termine toujours comme ça entre nous ?

- Comment ça ?

- Chacun de nous s'en va chacun de son côté, alors qu'on sait toi et moi que ce n'est clairement pas ce dont on a envie.

- Et toi, Jarod, tu sais ce dont j'ai envie ?

- Bien sûr ! Approche-toi, il lui susurra quelques mots à l'oreille avant d'embrasser les lèvres de la jeune Miss.

- Pars. Va-t'en ! ordonna-t-elle en souriant.

- C'est étrange, j'ai cette impression de laisser une partie de moi, ici.

- Jarod, c'est peut-être mieux ainsi, mais tu n'es pas le seul, moi aussi, je laisse une partie de moi ici, avec toi.

- Parker, je…

- Non, Jarod, ne me le dit pas !

- Parker, il va bien falloir un jour que tu acceptes de l'entendre. Et j'ai très envie de le dire. Laisse-moi te le dire.

- Non, pas maintenant, c'est beaucoup trop tôt. Je ne suis pas prête à l'entendre. Je ne suis pas prête à te le dire.

- Je ne veux pas que tu me le dises, Parker, je veux juste que tu l'entendes. Mais si tu n'es pas prête, j'attendrai que tu le sois. Ai-je au moins le droit de te dire que tu vas me manquer ?

- Non, Jarod ! Je ne veux pas te l'entendre me le dire.

- Tu vas me manquer, ton mauvais caractère va me manquer, tes baisers vont terriblement me manquer, avoua-t-il en lui effleurant la joue, tu pars toujours pour Londres ?

- Oui. Ce que j'ai à faire là-bas est tout aussi important pour moi, que pour toi, de retrouver ta mère. Je sais que pour le moment, tu ne me comprends pas, mais je te promets, dès ton retour, je t'expliquerai tout.

- J'y compte bien ! Je t'appellerais. C'est promis. Alors on se revoit dès mon retour ?

- J'espère, oui ! Et maintenant, Jarod, cours vite retrouver ta mère. Ne la fais pas attendre. »

Les larmes aux yeux, elle l'accompagna jusqu'à la porte, ils s'embrassèrent, se séparant malgré leur volonté de rester l'un avec l'autre. Elle lui souhaita bonne chance avec l'espoir de le revoir très bientôt. Alors qu'elle le regardait s'enfoncer dans le long couloir, il se retourna vers elle. Le cœur serré, elle releva, son bras agitant sa main comme pour lui dire au revoir. La jeune femme était restée là, à observer la silhouette du caméléon, devenir de plus en plus lointaine. Une fois celle-ci disparue, elle rentra dans la suite, refermant la porte derrière elle, avec pour seul regret, celui de ne pas avoir passé la nuit dans ses bras…