Chapitre 23 : Le revenant
Résidence de M. Parker. Londres, Angleterre
Quelques heures s'étaient écoulées depuis la terrible nouvelle de Broots. Celle qui l'avait complètement terrassée. Repliée sur elle-même, la jeune femme recouverte d'une petite couverture était allongée sur le canapé du salon, une légère douleur à la poitrine s'était emparée d'elle. Le téléphone serré dans sa main, elle espérait qu'il sonnerait, que ce soit Jarod qui l'appelait, ne serait-ce que pour la tourmenter. Mais il ne sonnait pas. Et plus elle espérait, plus elle attendait, et plus elle souffrait. Les yeux rouges et gonflés, elle essuya les larmes qui étaient en train de couler grossièrement sur ses pommettes. Elle était tellement furieuse et si blessée, qu'elle avait l'impression que jamais elle n'arriverait à surmonter la peine dans laquelle elle s'engouffrait tout comme l'absence du caméléon qu'elle n'arriverait guère à apprivoiser. Le ton de sa voix qu'elle n'entendrait plus. L'expression de son visage qu'elle craignait d'oublier. Ses cadeaux qu'elle ne recevrait plus. Ses bras, dans lesquels elle adorait se réfugier, l'avaient abandonné. Fini, ses baisers qu'elle avait la joie de savourer. Son odeur, qui la rassurait, s'évaporer. Toutes ces petites manies, qui l'agaçaient, lui manquer. Accaparée par de tristes pensées qui allaient et venaient dans son esprit, la jeune femme embrumée par la culpabilité se sentait devenir totalement folle. Elle était prise d'un désir si douloureux. Le désir de vouloir le prendre dans ses bras, de le toucher, de l'embrasser que de ne pas l'avoir à ses côtés la détruisait à petit feu.
Tandis qu'Ethan essayait désespérément de la joindre, Mlle Parker ne décrocha pas. Elle n'arrivait plus à réfléchir et prendre des décisions, non, elle en était incapable comme elle était incapable de rentrer à Blue Cove pour faire face aux regards des autres alors que le sien était si vide. Elle semblait avoir perdu tout espoir et tout rêve qu'elle avait un jour de réaliser avec lui. Tout s'était envolé. En plein désespoir, elle n'avait plus aucun repère, ils avaient disparus tout comme lui. Inlassablement, la jeune femme rejouait le déroulement de la scène tel que Broots le lui avait décrit. S'imaginant Lyle abattre de sang-froid le caméléon. Comment Sydney prenait la nouvelle ? Alors qu'elle se remémorait sa dernière conversation avec le jeune homme, ses doigts serraient le collier que Jarod lui avait offert, le dernier cadeau. C'était tout ce qu'il lui restait de lui. Elle faisait des efforts insurmontables pour ne pas pleurer, et sans qu'elle puisse y faire quoi que ce soit, ses grands yeux bleus se remplissaient automatiquement de goutte d'eau salée, mais alors qu'ils se fermaient lentement, un torrent de larmes venait se poser sur ses joues…
En ouvrant ses paupières, Mlle Parker crut apercevoir une hallucination. La plus belle des hallucinations. Une ombre était là, baissée juste au-dessus d'elle. Elle sentait son regard se promener sur son corps encore tout tremblant, sur son visage baigné par de grosses larmes remontant vers ses lèvres si roses et si douces jusqu'à croiser ses iris bleutés. Elle tendit le bras vers lui et avec le dos de sa main, elle frôla la joue du jeune homme. Elle ne pouvait croire un seul instant ce qu'elle voyait. Elle devait certainement rêver. Sa conscience lui jouait des tours. De bien mauvais tours. Pourtant, il semblait si vrai. « Jarod ! »
« Bonjour, toi ! avait-il dit le sourire aux lèvres.
- C'est toi, Jarod ?
- Tu attendais quelqu'un d'autre, peut-être ?
- Non. Je… Jarod… Mais je…. elle avait du mal à trouver ses mots. Suis-je en train de rêver ?
- Non, ce n'est pas un rêve. C'est moi, Parker ! Je suis revenu de Paris.
- Je vais me réveiller !
- Moi, je te trouve très éveillée.
- Non, non, non, ce n'est pas possible. Tu n'es pas réel ! s'écria la jeune femme secouant sa tête, fermant les yeux.
Assis auprès d'elle, il se pencha un peu plus en avant sur les lèvres de la jeune femme scellant leur retrouvaille par un long baiser. Repoussant avec sa main une des mèches de sa chevelure, il avait recommencé à l'embrasser encore et encore.
- Et ça, était-ce assez réel pour toi ?
- C'est vrai que tu parais réel pour un homme mort. Je ne comprends pas. Pourtant, Broots m'a dit que tu étais...
- Mort ? Je t'en prie Parker accorde-moi un peu de crédit, mais si tu veux mon avis, Broots devrait vérifier ses informations auprès de sources sûres.
- Mais alors, tu n'es pas mort ?
- Non, pas plus que toi.
- Espèce d'idiot ! »
Elle se redressa. Alors qu'elle le contemplait avec une stupeur étonnante, Jarod, lui goûtait à la chaleur de son énorme souffle contre sa peau. À travers son masque de tristesse, il pouvait y lire dans ses grands yeux encore inondés, la peur, le chagrin et la confusion qu'elle peinait à dissimuler constamment, irrémédiablement. Prenant dans ses bras la jeune femme, Jarod essaya de la rassurer. Elle pleura. Mais cette fois-ci, ce n'était que des larmes de soulagement et de joie. Elle se leva du canapé, furieuse mais néanmoins ravie de le savoir de retour.
« Je le savais ! Je le savais ! Tu ne vis que pour me tourmenter ! Comment ça se fait que tu sois là, Jarod ? Et comment ça se fait que tu sois toujours en vie ? interrogea-t-elle.
- La belle au bois dormant s'est réveillée à ce que je vois. Tu n'es pas ravie de me revoir ?
- Qu'est-ce que tu fais ici alors que tout le monde te croyait mort ?
- Je croyais que ma visite te ferait plaisir. Je savais que tu étais là. Je suis venu jusqu'ici pour te rejoindre. J'ai vu la porte entrouverte, soucieux, je me suis permis d'entrer. Et si on laissait de côté les questions pour plus tard ? Viens, Parker. Laisse-moi te serrer dans mes bras, il l'attira à lui, mais elle refusa son étreinte.
- Non, Jarod, non. Arrête ! J'exige des réponses de ta part… Tu sais, Ethan, notre frère, à qui tu n'as pas donné de nouvelles, est très inquiet pour toi… J'ai essayé de le rassurer. Je lui ai dit que tu allais bien et que tu savais ce que tu faisais. Et… Et… Moi… bafouilla Mlle Parker.
- Et toi, Parker ? Tu étais inquiète pour moi ?
- Non, bien sûr que non. Je savais que tu allais bien.
- J'ai failli presque te croire.
- Moi être inquiète pour toi ? Non !
- Tu étais inquiète. Tu as les yeux rouges. Tu as pleuré. Rassure-toi. J'ai appelé notre frère et je lui ai assuré que tout allait bien. Il est vrai que j'ai eu quelques petits soucis. Lyle m'est tombé dessus. Comme tu le sais, il est plus tenace qu'un pitbull.
- Tu es blessé ? demanda-t-elle affolée.
- Tu ne m'as pas répondu. Tu étais inquiète ?
- Jarod. Tu sais bien que je tiens à toi. Oui, j'étais très inquiète pour toi. Je te l'ai dit, s'il t'arrivait quoi que ce soit, je ne le supporterai pas. Et toi Jarod, tu m'avais fait une promesse, tu l'as déjà oublié ? Que crois-tu que j'ai ressenti quand Broots m'a annoncé ta mort ? As-tu une seule idée de ce que je viens de vivre ? Oui, j'ai pleuré. J'ai pleuré en pensant que je ne te reverrai jamais. Je savais qu'un jour ça se produirait, mais... Tu m'as laissé m'attacher à toi, je ne voulais rien éprouver pour toi parce que je refusais de souffrir à nouveau et toi, tu m'avais promis qu'il ne t'arriverait rien… Tu te rappelles ce soir-là, dans le parc ? Te souviens-tu de ce que tu m'as dit ? Que tu n'avais pas l'intention de mourir parce que tu tenais à moi et que tu voulais être avec moi. Mais tu m'as menti. Tu as promis Jarod, qu'il ne t'arriverait rien… Tu as promis Jarod… Tu as promis, et tu m'as menti ! répéta-t-elle, alors qu'il entendait des sanglots tremblants dans sa voix. Regarde Jarod. Regarde ce que tu as fait de moi !
- Je suis désolé. Regarde-moi, Parker. Je vais bien. Je vais très bien. Pardonne-moi. » avait-t-il imploré.
Il couvrit son visage de doux petits baisers. Elle avait les paupières gonflées et bordées de rouge. Avec un mouchoir qu'il prit soin d'humidifier du bout de ses lèvres, Jarod, lui nettoya sa peau marquée par des tâches décolorées, enlevant ainsi toutes traces de son maquillage. Voilà, elle était beaucoup plus belle. Son regard s'adoucissait. Pour le remercier, elle lui fit un large sourire.
Ils étaient assis tous les deux sur le canapé. Sous les doigts exquis de la jeune femme, Jarod, torse-nu, se laissa panser ses blessures. À chaque touché, il ressentait comme une décharge électrique. Il faut dire que la Miss était très électrique dans son genre. Et il adorait ça, à un tel point, que ses poils se dressaient sur ses bras. Elle commençait à l'aide de compresses et de désinfectant, à soigner ses multiples plaies. Celle de son arcade sourcilière gauche, juste sous le sourcil, elle était si près de lui qu'il pouvait sentir l'air si purement fraîche qu'elle rejetait de sa séduisante bouche, semblable au vent qui balayait tout sur son passage. Puis vint le tour de sa lèvre inférieure. Elle profita de cette occasion pour l'embrasser, un baiser médicamenteux auquel Jarod avait réagi avantageusement. Alors qu'elle continuait à lui prodiguer ses meilleurs soins, elle lui demanda avec une curiosité sans borne des nouvelles de Margaret. Comment s'était passée sa rencontre avec sa mère ? Comment était-elle ? Avait-elle parlé de Catherine ? Elle voulait tout savoir. Ses sentiments, ses impressions. Tout ! Jarod, étonné qu'elle s'intéressait autant à lui, commença à faire le récit de ses retrouvailles avec Margaret.
« Comme tu sais, j'ai retrouvé ma mère en France. Je n'y étais encore jamais allé. Enfin, ce n'est pas exactement vrai. C'est vraiment un très beau pays. J'espère, un jour, t'y emmener. Parker, imagine-nous, là-bas, toi et moi, à Paris, s'embrassant au pied de la Tour Eiffel, marchant côte à côte, main dans la main dans les plus beaux parcs de la ville. On visiterait les plus beaux endroits. On dînerait dans les meilleurs restaurants, on dormirait dans les plus fabuleux hôtels… Ce serait merveilleux. Je comprends mieux maintenant, pourquoi on l'appelle la ville de l'amour. Oh, je me doute bien que tu y sois déjà allée, mais tu vois, c'est une des nombreuses choses que j'ai envie de vivre avec toi.
- Ça me plairait beaucoup, oui. Disons qu'on fera ce voyage ensemble, une fois que toute cette histoire sera derrière nous. Jusque-là, ça restera notre rêve.
- Eh bien, c'est un très joli rêve.
- Mais dis-moi, qu'est-ce que tu veux dire par "Ce n'est pas exactement vrai ?" Tu es déjà allé à Paris ?
- Attends, on va en parler. Quand je suis arrivé au lieu du rendez-vous, dans ce très joli parc. Elle était là, ma mère m'attendait. Et au moment où elle me tenait serrée dans ses bras, ce que j'ai ressenti à ce moment-là, était si profond, je ne crois pas que je puisse l'expliquer. Tu comprends ce que je veux dire, Parker, n'est-ce pas ? C'est une sensation très étrange.
- C'est une sensation impossible à décrire, Jarod. C'est normal, tu as été privé de ta mère depuis si longtemps. Tu étais ému.
- Ont été tous les deux émus, bouleversés. Et bien que j'aie été très heureux de la revoir, toutes les années où on a été éloignés les uns des autres, nous ont plongés dans une sorte d'abîme. Toute cette distance. Cette séparation a détruit ma mère, ma famille… Et moi.
- Je suis tellement désolée, Jarod.
- Non, ne le sois pas. Tu n'y es pour rien.
- Et qu'avez-vous fait ? Je suppose que vous avez discuté ? Jarod, ne me fais pas attendre plus longtemps ! Tu sais que je déteste ça.
- Oui. Enfin, ce n'est pas vraiment ce que tu crois. Elle voulait apprendre à connaître son fils, ce que j'étais devenu pendant toutes ces années.
- Et tu ne lui as pas demandé des informations sur toi ? Sur ton identité ? Sur le Centre ? Sur ma mère ? Jarod ? interrogea-t-elle.
- Elle allait tout me raconter, Parker, toute mon histoire. Mais à ce moment-là, ton frère est arrivé avec toute une armée de nettoyeurs à nos trousses. Avec ma mère, on a dû se séparer encore une fois. Et aujourd'hui, je ne sais pas où elle est.
- Oh Jarod. Excuse-moi. Je n'aurai pas dû t'accuser de…
- Non, c'est moi qui suis désolé, tu as raison, elle était là avec moi, et au lieu de chercher à en savoir plus sur ce que je suis, sur nous, je l'ai laissé s'en aller. Et je ne sais pas si un jour, je la reverrai.
- Tu la reverras, j'en suis sûre. Qu'est-ce qu'il s'est passé exactement avec Lyle ?
- Je n'ai pas compris moi-même. Un moment, j'étais avec ma mère, tout se passait bien et l'instant d'après ton frère pointait son arme sur moi. Je sais qu'il aurait tiré. Il l'aurait fait si Broots n'était pas intervenu. Il m'a sauvé la vie.
- Alors heureusement que Broots était là, répondit-elle. C'est fini, maintenant ! » elle l'embrassa.
Toujours sur le canapé, Jarod continuait son histoire. De Margaret, la façon dont elle parlait de sa famille, de ses enfants, de son mari, prouvait à quel point c'était une femme qui malgré les épreuves subit au cours de sa vie faisait toujours preuve de tendresse et de compassion à l'égard des autres. C'était des qualités qu'elle avait en commun avec Catherine. Et il y avait, bien sûr, cette amitié entre leurs deux mères. Une amitié qui selon Margaret datait bien avant la naissance de leurs enfants.
« Et si je te disais que notre rencontre remonte avant l'âge de tes dix ans ?
- Tu m'intrigues. Raconte-moi !
- Selon ma mère, il n'est pas étonnant que toi et moi, nous soyons devenus très amis. En y réfléchissant bien, elle n'a pas tout à fait tort. En considérant le fait que nos deux mères se connaissaient bien avant notre naissance…
- Oui, ça pourrait l'expliquer, mais pourquoi arranger notre rencontre lors d'une simulation, puisqu'apparemment, on se connaissait déjà ?
- Parker, tu te souviens de tes un an ? Je t'avoue que même si j'ai une excellente mémoire, j'ai du mal à me souvenir de cette période-là. Je le regrette d'ailleurs. Selon toujours ma mère, nos deux familles y compris toi et moi, nous aurions séjourné quelques jours à Paris. D'après ce que j'ai compris, Catherine se sentait seule, enfin pas totalement puisque tu étais là, mais ton père la négligeait...
- Quand est-ce que ça s'est arrivé ?
- Avant mon enlèvement.
- Tu vois Jarod, je me rends compte que finalement, je ne connais pas ma famille aussi bien que je le croyais.
- Attends, ce n'est pas tout. Avant de nous séparer, ma mère m'a dit qu'elle voulait te voir. Qu'elle devait impérativement te parler.
- Est-ce qu'elle t'a dit de quoi il s'agissait ? Est-ce à propos de ma mère. Jarod, ma mère, est-elle toujours en vie ? Jarod ?
- Je l'ignore Parker, mais on fera tout pour le découvrir. Sois-en sûre !
- Quoiqu'il en soit, je suis très heureuse pour toi, tu as enfin pu revoir ta mère après toutes ces années. Et ne t'inquiètes pas, je sais… Non, j'en suis sûre, vous vous retrouverez très bientôt. »
Face à lui, Mlle Parker croisa son regard si expressif, si chaleureux, si humain. Elle avait l'impression d'avoir déjà rencontré ces yeux d'un brun étincelant qu'elle connaissait par cœur. Mais où avait-elle pu le voir ailleurs, autre que sur le visage de son caméléon ? Friand des lèvres si voluptueuses de la jeune femme, il s'avança pour lui donner sans plus attendre un baiser fiévreux. Sans hésiter une seule seconde, elle s'empressa de répondre favorablement à celui-ci jusqu'à essoufflement total, les obligeant ainsi se détacher l'un de l'autre. Tout à coup, il eut le plaisir de voir la Miss s'asseoir sur ses genoux positionnant une jambe de chaque côté. Elle avait les joues luisantes. Lorsqu'il lui attrapa le visage s'agrippant à ses cheveux, il aperçut des larmes de bonheur dans ses yeux. Elle rejeta sa tête en arrière levant son menton pour exposer son cou. Elle sentit quelque chose lui chatouiller sa peau, c'étaient les lèvres de Jarod. Sa bouche, qui était d'une suavité monstrueuse, mais terriblement agréable, se promenait sur le long cou de la jeune femme, descendant vers son décolleté, pour aller lentement, plus bas. « J'ai envie de toi, Parker. » lui avoua-t-il le cœur tambourinant dans sa poitrine. Elle émit un son qui jusqu'ici, il n'avait jamais entendu. Elle voulait se rapprocher de lui, elle avait envie d'être touchée et désirée que par lui et par lui seul. Tandis que ses doigts s'accrochaient à la silhouette bien charpentée du jeune homme, elle ressentait cette vague de chaleur se diffuser dans tout son corps. Et lorsqu'elle entrevit les mains de Jarod sur ses cuisses remonter nonchalamment vers ses hanches pour se faufiler sous sa chemise, elle le soupçonnait de vouloir caresser sa peau nue sous le vêtement. Soudain, Mlle Parker releva la tête alors que le caméléon allait l'embrasser, elle remarqua le portrait de son défunt père, en face d'elle, accroché au mur juste au-dessus de la cheminée. Elle se leva des genoux du jeune homme pour se rasseoir sur le canapé près de lui, elle cacha sa gêne derrière ses mains.
« Je suis désolée, Jarod.
- Eh, ce n'est pas grave. Parker, ce n'est rien. Tu n'as pas à être désolé. Tu veux m'en parler ?
- Je suis désolée, je n'y arrive pas. Enfin, regarde où on est, Jarod ! On est dans la maison de mon père. Dans sa maison ! Et toi et moi, on s'apprêtait à… À…
- À faire l'amour. Tu peux le dire. Mais je comprends.
- Ce n'est pas le fait de faire l'amour ici qui m'ennuie le plus, c'est le fait de le faire avec toi, dans cette maison, avec tout ce que mon père t'a fait subir… Avouons-le ! Il n'y a rien de romantique là-dedans.
- Nous, Parker ! Je ne suis pas le seul à avoir subi les atrocités de ta famille. Si tu veux tout savoir, moi aussi, ça me met mal à l'aise.
- Tu ne m'en veux pas ?
- Non. Bien sûr que non. C'est mieux comme ça. J'aurais l'impression d'avoir les yeux de ton père braqués sur moi à chacun de nos baisers, à chacune de nos caresses, à chaque regard ou encore à chaque parole échangée. Parker, j'ai très envie de passer la nuit avec toi, mais dans ces conditions, ce serait très perturbant.
- Moi aussi, j'ai très envie de passer la nuit avec toi, dans tes bras. Mais pas ici, j'aurais l'impression d'entendre les reproches de mon père au moment où toi et moi, on fera l'amour.
- On devrait envisager de passer notre toute première nuit ensemble dans un endroit neutre, ailleurs que chez toi ou encore chez ton père.
- Comme quoi ? Un hôtel ?
- Oui, mais pas n'importe lequel. Retournons à New-York, tous les deux. Dans notre hôtel. Ce sera beaucoup plus romantique qu'ici. Qu'en dis-tu ? Passe le week-end avec moi.
- Notre hôtel ?
- Oui Parker, notre hôtel. C'est le seul endroit, aujourd'hui, où l'on peut être encore vraiment nous-mêmes et seuls.
- Rien que nous deux ? Tout un week-end ? Mais Jarod, qu'est-ce qu'on fera pendant deux longues journées ? Est-ce qu'on va arriver à se supporter aussi longtemps ? Je… Je ne sais pas si c'est une bonne idée… Je ne sais pas si je me sens prête à passer autant de temps avec toi. On devrait peut-être prendre le temps d'y réfléchir. Tu ne crois pas ?
- Qu'est-ce que tu racontes ? Ce n'est pas la première fois, que l'on passe du temps ensemble.
- Jarod, les circonstances n'étaient pas les mêmes. Il y a encore moins d'un an, on se tolérait. Aujourd'hui, les choses ont changé. Crois-tu réellement qu'on arrivera à se comporter de manière aussi civilisée l'un avec l'autre ?
- Parker, si on n'essaie pas, on ne le saura probablement jamais. Et puis on ne sera rien que tous les deux enfermés dans la suite de l'hôtel, j'imagine qu'on saura s'occuper. En ce qui me concerne, j'ai déjà ma petite idée.
- Ah oui ? Donne-moi un aperçu de ton idée.
- Tu oublies ton père, regarde-le ! Je l'entends déjà me sermonner. « Non, toi le caméléon, je t'interdis de toucher à mon ange ! » Il paraît que les pères seraient très protecteurs avec leur fille.
- Comment tu sais ça, toi ?
- J'ai fait quelques recherches sur le sujet. Alors que veux-tu faire Parker ? Ça te dit de retourner à New-York ? Ça ne coûte rien d'essayer.
- Tu risques d'en avoir marre de moi. À la fin du week-end, tu pourrais même finir par ne plus me supporter.
- Ça ne risque pas, non !
- D'accord, oui ! On peut toujours faire un essai. Retournons là-bas. Rien que toi et moi.
- Je m'occupe de faire la réservation. Au fait, avec tout ça, je ne t'ai pas demandé. Tu as trouvé ce que tu es venu chercher ici ? Tu as pu t'occuper des affaires de ton père ?
Le sourire aux lèvres, elle soutenait son regard, à ce moment-là, elle savait qu'il était venu le temps pour elle de lui parler de la boîte, de la lettre de son paternel, de ses révélations, du projet Genius. Et pourquoi elle était revenue ici, dans cette vielle maison, là où elle n'avait plus mis les pieds depuis le décès de sa mère.
- Jarod, j'ai quelque chose à t'annoncer. C'est très important. Ce qu'il y a, c'est que je ne sais pas par où commencer. Tu vois, il y a tellement à dire que…
- Dis-le-moi simplement. De quoi s'agit-il ? De ton petit frère ?
- Mon petit frère ? Non, Jarod, il n'est pas mon petit frère.
- Mais alors qui est-il, Parker ? »
