Chapitre 29 : La fin d'un week-end
Le Centre, Blue Cove, Delaware
Broots était arrivé au Centre assez de bonne heure. Suite à sa conversation de la veille avec Sydney, il s'était rendu compte qu'il faisait fausse route et qu'il ne cherchait pas du tout au bon endroit. C'était comme si dans la nuit, pendant son sommeil, il avait eu une révélation. Et ce qu'il avait découvert le rendait extrêmement fier de lui. Enfin, les choses bougeaient, ce n'était pas trop tôt ! Il avait essayé de joindre Mlle Parker, mais celle-ci avait éteint son téléphone portable. Il avait donc demandé à Sydney de le retrouver à l'endroit habituel. Il était là debout comme un piquet, un dossier contenant des feuilles et une photo dans une main et de l'autre, il retroussa la manche de sa chemise pour regarder l'heure à sa montre tapotant sur le cadran comme pour faire avancer les minutes beaucoup plus vite. Son sourire joyeux avait laissé place à une expression d'impatience. Il tapa du pied en rythme, montrant que l'attente devenait de plus en plus insupportable. Sydney arriva, le pas relativement pressé. Il serra amicalement la main de Broots.
« Alors qu'est-ce qu'il se passe, Broots ? Vous aviez l'air paniqué au téléphone.
- Non Sydney, je n'étais pas paniqué, mais j'ai enfin trouvé quelque chose.
- Qu'est-ce que vous avez trouvé ?
- Ceci ! C'est l'endroit exact où le petit garçon a été emmené. » Il lui donna les documents qu'il avait en sa possession.
Suite 88, Le Mark Hôtel, NY
Jarod était légèrement redressé, le dos bien droit et adossé contre un coussin épais, il regardait la Miss dormir paisiblement, elle avait un petit sourire qui illuminait son joli visage. À quoi ou à qui rêvait-elle ? On aurait dit un ange. Et pour une fois, M. Parker avait dit la vérité, sa fille était un ange. Il remonta le drap sur sa silhouette parfaitement galbée sans se hâter de manière à ne pas la réveiller. Il faut dire que leur nuit avait été torride et autant l'un que l'autre avait été insatiable de leurs corps mutuels. Son ordinateur portable sur ses genoux, il vérifia ses emails une dernière fois avant de le refermer et de le poser sur une chaise. Il se tourna sur le côté, juste en face d'elle s'accoudant sur l'un des coussins, il se tenait la tête avec sa main. Elle ouvrit un œil. Il l'embrassa avant qu'elle ne puisse dire quoi que ce soit.
« Bonjour, toi.
- Salut. Depuis quand tu me regardes dormir ?
- Ça fait un petit moment. J'ai fait monter le petit-déjeuner si tu as faim.
- Non, pas pour l'instant.
- Comment tu vas, Parker ? Tu n'es pas trop fatiguée ?
- Je le suis un peu, mais je récupère assez vite.
- Je dois te dire, mon amour que cette nuit, tu m'as vraiment surprise.
- Oh, Jarod, je n'ai fait que me montrer réceptive à ta demande.
- Eh bien, tu sais quoi, j'adore quand tu te montres réceptive. Ça ne me déplairait pas si tu l'étais à nouveau.
- C'est fou comme tu peux être charmant le matin. Est-ce là ta façon de me dire que tu as encore envie de moi ?
- Toujours !
- Mais qu'est-ce que tu fais ?
- J'adore sentir ton odeur et…
- Non, non, non, je t'en prie ne me regarde pas, Jarod ! Je suis horriblement affreuse le matin.
- Oh oui ! Tu es affreuse. Affreusement belle.
- Jarod ! Comment peux-tu me trouver belle ? Regarde-moi. Tu as vu dans quel état je suis ? Je ne suis même pas coiffée, ni habillée ni maquillée. Et j'ai besoin d'une bonne douche !
- Parker, tu es d'une beauté naturelle, nul besoin de te maquiller… Peut-être qu'en arrangeant tes cheveux comme ça… Oui, voilà, c'est un petit peu mieux… Quant à te vêtir, pour ce qu'on va faire là, tout de suite, crois-moi tu n'auras certainement pas besoin de tes vêtements !
- À quoi tu penses ?
- Laisse-moi te montrer. » au-dessus d'elle, il l'embrassa avec une telle fougue…
Peu après lui avoir fait l'amour furieusement, Jarod chérissait le moment présent en prenant le temps de lui exprimer toute son affection envers elle à travers des gestes tendres. Il lui donna un petit bisou de satisfaction. La jeune femme arbora un large sourire sur lequel Jarod s'attarda, elle adorait obtenir de sa part des câlins et des mots doux. Il était parfait ! Tout était parfait.
« Je tiens encore à m'excuser, pour ce qui s'est passé au parc.
- Jarod, on a dit qu'on en parlait plus alors cesse de t'excuser. Et puis tu t'es largement fait pardonner, depuis cette nuit.
- Eh bien, j'arrête si toi de ton côté, tu fais l'effort d'avouer ce que tu m'as dit hier soir. Un échange de bons procédés !
- Jarod, je n'ai rien à dire qui vaille la peine d'être avoué. Je n'ai rien à ajouter de plus.
- Tu sais, je pourrais me vexer, Parker, à un tel point, mon amour, que je serai prêt à ne plus succomber à tes charmes. Terminer le sexe entre nous !
- Oh, plus de sexe ? Ça veut-il dire que tu renoncerais à me faire l'amour ?
- Tu as très bien compris, Parker. Bon, je sais que ce sera dur surtout les premiers jours, mais tu t'y feras. Tu verras !
- Ah oui vraiment ? Dis-moi combien de temps, penses-tu que ça va durer ? Combien de temps crois-tu que tu vas tenir ? Sans m'embrasser. Sans me toucher. Sans me faire l'amour. Alors Jarod, combien de temps ?
- Hum… Hum… Aussi, longtemps qu'il le faudra. Parker, contrairement à toi, je sais parfaitement contrôler mes pulsions.
- Je n'y crois pas une seule seconde, Jarod. Depuis qu'on est ici, je ne t'ai pas vu faire preuve de beaucoup de maîtrise. Il faut dire que je ne me suis pas opposé à tes avances. Il suffit que je me trouve à quelques centimètres de toi pour que tu me fasses l'amour. Tu ne peux pas te passer de moi. En fait, Jarod, c'est très simple. Tu es accro à moi comme un junky à sa drogue.
- Tu veux parier ? Attention Mlle Parker. Une fois, habillé, et le seuil de la porte franchie, tu ne me verras plus !
- Eh bien, j'attends de voir ça.
- Tu veux prendre le risque de me voir partir ? Soit, je vais me préparer et ensuite, je m'en irai. C'est dommage. C'était chouette ! il récupéra son pantalon et sa chemise.
- Tiens, n'oublie pas ça en partant ! elle lui tendit du bout de ses doigts son boxer.
- D'accord, tu as gagné ! Il lança ses vêtements en l'air.
- Je ne pensais pas que tu y avais prêté attention. Dis-moi rien ne t'échappe à toi. Comme je suis de bonne humeur, je vais me montrer gentille avec toi. Alors oui, c'est vrai, je l'ai dit hier soir. Je suis folle de toi. Tu me rends complètement dingue. Ça te va ? Tu es content ?
- Oui, très content. Eh bien, tu vois, ce n'était pas si difficile. En fait, c'est toi qui es accro à moi. Tu ne peux pas te passer de moi ni de mon corps d'Apollon. Tu es folle de moi !
- Tu es ma drogue Jarod !
- Oh ! C'est une des plus belles paroles que tu aies jamais dites.
- N'en demande pas trop ! Je peux te poser une question ? Qu'est-ce que tu faisais tout à l'heure sur ton ordinateur ?
- J'envoyais un email à Ethan.
- Tu as eu des nouvelles ? Comment va-t-il ?
- Il va bien, il est en sécurité avec mon père.
- Tant mieux. Je m'inquiète pour lui et le fait de le savoir avec ton père me rassure un peu. Au moins, il ne sera pas tout seul et ton père saura faire attention à lui, j'en suis sûre. En ce qui me concerne, j'ai vraiment l'impression d'être en dessous de tout avec lui.
- Eh ! Je ne veux pas t'entendre dire ça. Ethan m'a raconté comment tu avais géré la situation quand il t'a mis au courant de ce qui m'était arrivé. Parker, tu n'es pas en dessous de tout, au contraire. Et notre frère t'adore et il te trouve génial.
- Oui, sans doute. Enfin, je me suis effondrée alors que j'aurais dû agir d'une autre manière et me montrer beaucoup plus forte.
- Moi, je préfère quand tu te laisses aller à tes émotions.
- J'essaye de faire de mon mieux. Tu comptes partir quand ?
- Je ne sais pas encore, Parker. J'attends une confirmation de notre frère, mais peut-être que je partirai en fin de journée, en début de soirée ou demain dans la matinée.
- D'accord. Je vais prendre ma douche.
- Je consulte mes e-mails et je te rejoins dans deux petites minutes.
- Non Jarod, je préfère être seule. »
La tête baissée, elle rompit le contact visuel avec le caméléon. Elle se couvrit le corps avec l'un des draps du lit et s'éclipsa vers la salle d'eau, clôturant ainsi la conversation. Jarod, étonné de sa réponse, avait perçu de la désolation combinée à de la déception dans l'intonation de sa voix. Il voulut la rejoindre, mais il préféra s'abstenir d'aller à l'encontre de ses propos ou encore de ses décisions. Et puis il savait qu'elle n'était pas du genre à montrer ses émotions à qui que ce soit y compris lui. De son côté, Mlle Parker entra dans la pièce avec une démarche lente et lourde, les épaules voûtées, le regard sombre. Ses yeux, si vifs et pétillants, s'étaient tout à coup voilés par la tristesse. Son visage, tantôt souriant et épanoui, était marqué par la douleur. Ses mains tremblaient légèrement, témoignant de la tension nerveuse qui la tenaillait. Elle semblait perdue. Le dos appuyé contre la porte, séparant la chambre de la salle de bain, ses doigts sur sa poitrine, elle versa une larme. Elle laissa tomber le drap s'apprêtant à prendre sa douche.
Le Centre, Blue Cove, Delaware
Soudainement, le visage de Sydney s'illumina d'un sourire éclatant, ses yeux s'élargissaient et sa bouche s'ouvrait de surprise. Il se tenait là, stupéfait, sans pouvoir croire ce qu'il venait d'entendre ou de voir. C'était une nouvelle inattendue, mais tellement positive que cela lui procura une grande joie. Sydney, les documents en main, regarda la photo un peu plus en détail. Alors le petit était là depuis tout ce temps. Il félicita l'informaticien pour sa ténacité dans cette affaire. C'était vraiment du bon boulot ! Il fallait en informer Mlle Parker au plus vite. Broots lui rétorqua que c'était déjà ce qu'il avait fait à mainte reprise, mais il tombait sans cesse sur le répondeur de la jeune femme. Elle avait sûrement décidé de ne pas répondre au téléphone. Elle avait tort de ne pas décrocher. Sydney assura qu'il réessaierait plus tard, mais Broots insista bien sur le fait qu'il fallait se presser de se rendre là-bas pour récupérer au plus tôt le bébé.
« On va attendre Mlle Parker. De toute façon, le petit ne craint rien pour l'instant. Inutile de jouer aux héros.
- Mais Sydney, je ne suis pas sûr qu'il faille attendre.
- Il vaut mieux ne pas se précipiter tête baissée. Ce plan de sauvetage nécessite une certaine préparation. Des précautions à prendre.
- Quelle préparation ? Quelle précaution ? Non, Sydney, nous n'avons pas le temps d'élaborer des plans, allons-y, tout de suite. Prenez votre arme et mettons nous en route. On appellera Mlle Parker en chemin !
- Et que croyez-vous que l'on fera tous les deux. On se fera descendre comme des lapins avant même d'avoir franchi le pas de la porte.
- Non, on ne va pas aller se jeter directement dans la gueule du loup, il vaut mieux attendre dans la voiture et surveiller leurs faits et gestes… Ce serait plus sage et surtout moins dangereux pour nous. Je ne veux pas que ma petite Debbie se retrouve orpheline, elle est si jeune encore et elle a besoin de son père.
- Je crois que Mlle Parker n'apprécierait pas si on la mettait à l'écart. Vous allez continuer à l'appeler jusqu'à qu'elle décroche. Ensuite, nous aviserons.
- Vous avez raison. En ce moment, enfin, quand elle daigne venir au bureau, elle n'est pas comme d'habitude. Et ça m'inquiète.
- Elle a besoin qu'on la laisse souffler un peu. Vous ne m'avez pas dit. Comment avez-vous trouvé ces informations ? Pourtant, hier, vous étiez prêt à y renoncer. Alors comment ? »
Suite 88, Le Mark Hôtel, NY
En sortant de la salle de bain, Mlle Parker se sentait nettement plus détendue qu'à son entrée. Elle était enveloppée dans une serviette de bain qui la couvrait partiellement, de la base de sa poitrine jusqu'au niveau de ses genoux. Dans ses mains, elle tenait une seconde serviette avec laquelle elle essorait sa chevelure mouillée, laissant chaque petite goutte d'eau s'écouler habilement le long de son corps encore humide. Sa peau avait un éclat lumineux, comme si elle avait été récemment exfoliée et hydratée. Ses cheveux dégoulinants avaient l'air doux et soyeux. La serviette de bain blanche soulignait la teinte chaude de sa peau et mettait en valeur la courbe de ses épaules. Elle avait l'air d'une déesse grecque sortant d'un bain purificateur. Elle souriait, se sentant à la fois belle et heureuse. Le regard du caméléon se posa intensément sur la jeune femme, fasciné par la perfection de sa silhouette majestueuse. Tout à coup, Jarod arriva derrière elle pour la surprendre par ses innombrables baisers. Elle sursauta, pris au dépourvu. Ses mains caressant avec douceur les courbes de la Miss. Elle interrompit son geste lorsqu'elle sentit ses doigts effleurer subtilement le long de sa cuisse. Elle se retourna vers lui, plongeant ses yeux dans les siens avec un mélange de désir et de réserve acquiesçant d'un signe de tête, comprenant parfaitement son message. Il se contenta de lui sourire, lui offrant un regard rempli de tendresse.
« Jarod, qu'est-ce qui te prend ?
- Il me prend que je veux de te faire l'amour.
- Ah oui ? C'est bien ce que je disais tout à l'heure, tu as du mal à te maîtriser en ma présence.
- Qu'est-ce que tu veux. Je ne suis qu'un simple mortel. J'ai besoin d'affection et d'amour que toi seule peux me donner.
- On ne peut pas faire ça, Jarod.
- Pourquoi pas ? Tu as envie de moi, j'ai envie de toi alors oui, on peut ! On a du temps devant nous. Tu sais, je peux faire en sorte que tout soit encore plus parfait entre nous.
- Je viens de prendre ma douche.
- Et tu sens merveilleusement bon. Tu vas mieux ? demanda le caméléon.
- Je n'aurai pas dû réagir comme ça.
- Parker, moi non plus, je n'ai pas envie de te quitter. Ça me fait mal rien que d'y penser.
- Je sais, Jarod. Après tout, c'est bien mieux comme ça. Tu ne crois pas ?
- Alors là, je ne te suis plus.
- Oui. Tu vois, comment te dire, notre relation à prit un nouveau tournant, toi et moi, nous avons décidé de franchir le pas, et c'est merveilleux, je suis contente de ce qui nous arrive, mais pour l'instant, notre relation reste toujours fragile. Je n'ai pas envie que tout s'arrête parce qu'on n'aura pas su la préserver. Jarod, est-ce que tu comprends ce que je veux te dire ? Tu comprends ?
- Je n'ai pas tout compris, j'ai décroché au moment où tu as dit que tu étais contente de ce qui nous arrivait. Tu l'es réellement ?
- Oui, évidemment.
- Et tu crois que le fait d'être séparé l'un de l'autre nous permettra de mieux protéger notre relation ?
- Je le crois, oui.
- Rassure-toi, on fera tout pour la préserver.
- Je voulais aussi te parler d'une chose qui me tient à cœur. En fait, j'aurais dû le faire avant ton départ pour Paris, seulement, je n'en avais pas eu le courage. Je crois que je n'étais pas prête. Cependant, tu as le droit de savoir.
- Viens, on va s'asseoir.
La jeune femme s'installa sur le sofa, Jarod avant de se joindre à elle, servit deux petites tasses remplies de café. Il en posa une sur le bord de la table pour Mlle Parker. Celle-ci se leva brusquement et partit précipitamment dans la chambre, fouillant dans l'un de ses sacs. Elle revint aussitôt pour reprendre place aux côtés de Jarod. La boîte contenant le stock d'enveloppes encore fermées reposait sur ses genoux. Elle lui remit le tas de lettres dans ses mains.
- Waouh. Qu'est-ce que c'est que tout ça ? Tu as décidé de jouer les rédactrices du courrier pour la section cœur brisé ?
- Non. Ce sont tes lettres, Jarod.
- Mes lettres ? Eh, attends ! C'est ton écriture. Qu'est-ce que ça veut dire, Parker ?
- Tu vois Jarod, dans cette boîte, il n'y avait pas que la lettre de mon père. Il y avait celle de ma mère. Mes lettres et les tiennes. Celles que tu m'avais écrites après mon départ pour l'Europe. Tu t'en souviens ? Celles que tu tiens entre tes mains, ce sont les miennes, celles que moi, j'avais écrites, pour toi, pendant toutes ces années. Tout ce temps, où l'on croyait que chacun de nous avait oublié l'autre, n'était en réalité, encore qu'une énième manipulation du Centre. Moi, je n'ai jamais cessé de penser à toi tout comme toi, tu n'as jamais cessé de penser à moi.
- Ce sont tes lettres ? Alors, tout ce temps, tu pensais à moi ?
- Oui, Jarod. Je t'écrivais chaque jour, même plusieurs fois par jour. Tu étais mon meilleur ami et tu le seras toujours. Je n'ai jamais reçu de tes nouvelles parce qu'encore une fois, mon père et le Centre s'en sont mêlés. Les années ont passé, et finalement, j'ai arrêté d'y croire. Cet état de fait, n'a fait que renforcer à l'époque, ma haine pour toi parce que je pensais que toi, tu m'avais oublié. J'espère qu'un jour, tu pourras me regarder sans me détester et que tu pourras me pardonner.
- Parker, je ne te déteste pas. Et tu n'as pas à me demander pardon pour quoi que ce soit. Comment se fait-il que ces lettres étaient en possession de ton père ?
- Mon père avait trompé tout le monde une fois de plus. C'était lui qui les avait détournés. D'après lui, on se rapprochait beaucoup trop vite et notre relation nuisait au projet caméléon. Il ne pouvait pas laisser cela se produire. Il nous a éloignés l'un de l'autre. Comme tu l'as dit sur Carthis, on a tissé des liens qui ont échappé à leur contrôle.
- Et la lettre de ta mère ?
- Je te la ferai lire un autre jour si tu veux bien. Pour l'instant, je veux la garder encore un peu pour moi. Enfin, voilà, 20 ans après, elles sont là. Elles sont là et elles sont à toi.
- Et je suppose que toi, tu as les miennes ? Tu les as lus, Parker ?
- Oui. Et cette nuit-là, j'ai versé toutes les larmes de mon corps. C'est drôle parce que ces derniers temps, j'ai versé beaucoup de larmes. C'est à ce moment-là que j'ai compris que j'étais dans l'erreur. J'ai trahi la personne qui m'a le plus apporté dans ma vie, toi. Comme je regrette si tu savais. Jarod, je ne te demanderai qu'une seule chose. Si tu veux lire tes lettres, attends d'être seul. Je ne veux pas être là quand tu les ouvriras. »
Le Centre, Blue Cove, Delaware
Broots toussota. Comment expliquer à ce vieux grincheux… Vieux grincheux ? Voilà que maintenant, il se surprenait à parler comme la jeune femme. Pas si étonnant, après toutes ces années à travailler auprès d'elle, il avait subi aussi bien sa mauvaise humeur que son influence. Il se reprit, récupérant ainsi le dossier des mains de Sydney.
« Je vous écoute Broots.
- Sydney. Quand j'y réfléchis, je me demande comment j'ai pu passer à côté. Comment ai-je fait pour ne pas y penser avant. Et c'est ce que j'ai fait une bonne partie de la nuit. C'était évident. Angelo, le clone de Jarod, Kyle, et sans doute Ethan, non lui, c'est une autre histoire… Ils ont tous été faire un petit tour à l'extérieur du Centre. Emmener dans des lieux plutôt isolés. Angel Manor à Charleston, dans la Caroline du Sud. La Maison du Dragon à Delphi Shore, dans le New Jersey. Et n'oublions pas Donoterase, là aussi, c'était situé dans un coin paumé.
- Oui, jusqu'à là, je vous suis. Mais comment avez-vous trouvé l'adresse ?
- Attendez ! Attendez, Sydney ! Tous ces endroits ont un point commun, ce sont tous des annexes du Centre. Et là, j'ai commencé à fouiller. Il fallait que ce soit un endroit assez éloigné sûrement pour mener à bien leur expérience, mais relativement assez proche pour que le Centre ait le contrôle total sur l'enfant. J'ai donc cherché les annexes les plus isolées et les plus près du Centre, vous rappelez de l'entrepôt ? Eh bien, on n'était pas loin…
- Oui, je m'en souviens. Je crois savoir que ça n'avait rien donné.
- Je n'en suis pas aussi sûr que vous. Et j'avais raison. Voyez-vous, je suis tombé sur ce charmant petit endroit.
- C'est vraiment du très bon travail, Broots ! Avez-vous réussi à joindre Mlle Parker ?
- Je lui ai laissé un message, j'espère qu'elle répondra.
- Je l'espère aussi, Broots. Le temps nous est compté ! » avait déclaré Sydney, il regardait la photo. Espérons qu'ils n'y arriveront pas trop tard.
Suite 88, Le Mark Hôtel, NY
Mlle Parker, habillée attendait le retour du caméléon, celui-ci s'était absenté depuis près d'un quart d'heure. Mais bon sang qu'est-ce qu'il fabriquait ? Elle regarda son téléphone. Elle ne pouvait pas s'en aller sans lui dire au revoir. Jarod rentra au moment où elle tentait de le joindre. Son visage se décomposa aussitôt, en voyant les sacs de la jeune femme devant l'entrée. Elle n'avait pas vu le caméléon surgir devant elle alors qu'il lui offrait un joli bouquet de fleurs. Elle sourit.
« Ouah ! Elles sont magnifiques. Merci !
- Tu essayais de me joindre ?
- Oui. J'ai reçu un message de Broots. Il a du nouveau.
- C'est une bonne nouvelle. Je savais qu'il finirait par découvrir quelque chose.
- Tu sais ce que ça signifie pour nous, n'est-ce pas ?
- Oui. C'est la fin de notre petit week-end en amoureux ! Toi, tu vas retourner au Centre et moi, je vais partir de mon côté. J'ai reçu moi aussi un message d'Ethan. Je dois m'en aller. Le souci, c'est que je n'ai pas envie de te laisser partir.
- Jarod, ce qu'on vient de vivre toi et moi, ces dernières 48 heures, était un rêve fabuleux.
- Alors si c'est un rêve, je ne veux pas me réveiller. Je veux rester auprès de toi parce que tu es la femme de mes rêves.
- Jarod, tu sais bien que c'est impossible. Imagine si le Centre venait à découvrir notre relation, j'y perdrai la tête !
- Je suis heureux de constater que tu as gardé ton sens de la répartie. Mais dois-je te rappeler qu'on a déjà perdu la tête tous les deux.
- Oui et c'était incroyablement merveilleux. Mais il est préférable pour nous deux que je parte, je ne veux pas éveiller les soupçons qui pèsent déjà sur nous. Et il y a le petit.
- Tu ne crois pas qu'il serait temps de lui donner un prénom ?
- Je n'y ai encore jamais pensé.
- Alors penses-y Parker ! On ne va pas passer notre temps à l'appeler le bébé, le petit ou le garçon. Il doit avoir un prénom. Je sais que tu en trouveras un qui lui conviendra. Eh bien nous voilà sur le point de nous séparer à nouveau. Tu ne veux pas que je t'accompagne à l'aéroport ?
- Non, je préfère qu'on se dise au revoir maintenant. Tu vois, Jarod. Je savais que la réalité finirait par nous rattraper, seulement, je ne pensais pas que ce serait aussi rapide.
- Tu veux venir avec moi ?
- Non, je ne peux pas. Prends bien soin de notre frère, Jarod, il agit sans réfléchir.
- Comme sa charmante sœur. Je ferais attention à lui. Ne t'inquiète pas. Je te promets de t'appeler.
- Oui, et cette fois-ci, tu as intérêt.
- Tu vas me manquer mon amour. Rien qu'à l'idée de ne pas me réveiller à tes côtés demain matin est la pire des tortures.
- Merci Jarod pour ce week-end. Tout était parfait. Tu as été parfait. Je ne pouvais pas rêver mieux.
- Il y en aura d'autres. Des week-ends et des soirées romantiques, des cadeaux. Et plus encore. Ce n'est que le début, Parker. Je reviendrai ! Dis-moi, seras-tu là ? Est-ce que tu m'attendras ?
- Je dois vraiment partir maintenant ou je vais finir par rater mon vol. Fais bien attention à toi. Sois très prudent. Au revoir, Jarod. »
Il l'avait transformée, métamorphosée, elle avait l'impression de n'être plus celle qu'elle était encore ces derniers jours. Non, tout avait changé bien avant ça. Et même si Mlle Parker savait que tous ces maux n'étaient pas résolus, elle pouvait toujours compter sur l'amour et le soutien de son caméléon. Elle avait pris conscience que le seul homme qu'elle aimait était peut-être l'unique amour qu'elle n'aurait jamais totalement. C'était comme si elle l'avait depuis toujours, mais sans l'avoir réellement. Elle l'avait aimée dès le moment où elle avait posé ses yeux sur lui, mais elle ne s'était jamais vraiment autorisée à l'aimer avant aujourd'hui… Ou plutôt avant leur première nuit. Et grâce à lui, elle l'avait recommencé à apprendre à aimer et à être aimée en retour. Il lui avait redonné l'espoir. L'espoir de retrouver sa liberté, sa vie, son amour. Et comme à chacune de leur séparation, elle se retenait de pleurer, relevant sa tête pour arborer son plus beau sourire. Ils s'embrassaient une dernière fois jusqu'à leurs prochaines rencontres, leurs lèvres se séparant à contrecœur mettant fin à leur étreinte. Mlle Parker recula lentement. Il avait les yeux fixés sur sa bien-aimée, la regardant s'éloigner de lui, le cœur lourd tandis qu'elle se dirigeait vers la sortie, la main sur la poignée, s'apprêtant à ouvrir la porte, le caméléon l'interpella, la suppliant de rester encore un peu, de prendre le prochain vol. Sans se retourner, elle lui dit : « À bientôt, Jarod. » Le sourire aux lèvres, elle s'en alla. Jarod seul, au milieu de la pièce, était face à sa peine.
Le Centre, Blue Cove, Delaware
Environ une heure plus tard au Centre. Le téléphone de Sydney sonna, assis dans son fauteuil derrière son bureau, il se précipita sur le combiné pour répondre et décrocha aussitôt. C'était sans doute la jeune femme. Elle avait sûrement eu vent des nombreux messages de l'informaticien.
« Mlle Parker ?
- Non, c'est moi.
- Jarod !
- Je n'ai pas beaucoup de temps devant moi, Sydney donc je vais être bref. J'aimerais que vous fassiez quelque chose pour moi. Je voudrais que vous veilliez sur Mlle Parker. Elle est vulnérable en ce moment, vous savez, elle a tendance à agir au quart de tour, et elle a cette fâcheuse manie de s'attirer les ennuis. Pouvez-vous faire ça pour moi ?
Sentant un mélange de tristesse, d'inquiétude et d'angoisse dans le ton de la voix du caméléon, Sydney le rassura :
- Je veillerai sur elle. Il ne lui arrivera rien. Tu peux compter sur moi. Dis-moi, Jarod, que vas-tu faire maintenant ?
- Je vais retrouver ma mère, Sydney, et je la ramènerai auprès des siens et rien n'y personne, pas même le Centre ne pourra nous empêcher d'être à nouveau une vraie famille !
- Alors Bonne chance à toi et Jarod, prends soin de toi. »
Suite 88, Le Mark Hôtel, NY
À l'autre bout du téléphone, Jarod le sourire effacé raccrocha. Il quitta la suite de l'hôtel avec regret À la réception alors qu'il régla la note. Le réceptionniste lui tendit alors une carte, accompagnée d'une rose rouge couverte d'épines, rappelant à Jarod à quel point sa relation avec la Miss était compliquée et parsemée d'embûches. En somme une relation assez épineuse.
« Votre amie m'a remis ceci pour vous.
- Merci !
- Vous avez beaucoup de chance. C'est une très belle femme, si je peux me permettre.
- Vous pouvez vous permettre et oui, j'ai beaucoup de chance. Merci encore. Bonne journée.
- Bonne journée, Monsieur. »
Alors qu'il prenait la carte et la rose entre ses doigts, une pointe d'amertume envahissait Jarod. Il se demanda combien de temps encore, il pourrait supporter cette situation difficile et stressante, avec toutes les épreuves qu'il avait déjà traversées. Il serra doucement la rose dans sa main, sentant les épines lui piquer la peau. Jarod, le cœur battant prit la petite carte, la portant instinctivement à ses narines. C'était étrange, ce papier sentait le parfum de Mlle Parker, à moins que son esprit ne lui jouait des tours ou tout simplement qu'il était fou amoureux. Il se mit à la lire avec empressement. « Jarod, quand tu reviendras, tu sauras où me trouver ! Et je serai là. Je t'attendrais ! » Un sourire radieux illumina son visage à la lecture de ces mots, son cœur était empli d'une chaleur douce et familière. Pour la première fois, depuis longtemps, il avait l'impression de vraiment exister. Il était ravi de savoir qu'elle l'attendrait à son retour. Il glissa la carte dans sa poche, sentant la promesse de retrouvailles imminentes dans l'air. Il quitta l'hôtel, déterminé à faire tout son possible pour revenir auprès d'elle.
