Chapitre 31 : Où te caches-tu ? 2/3

Maison Bellcrest Drive, Avon, Ohio 36772

Jarod, isolé dans la cuisine, son ordinateur portable, posé sur la table, hésita à envoyer un message à Mlle Parker ou encore à Sydney. Il avait essayé de joindre la Miss toute une partie de la nuit, mais celle-ci n'avait pas décroché. Il n'avait aucune nouvelle d'elle et cela l'inquiétait. Elle avait cette fâcheuse habitude de se mettre dans des situations impossibles. Il ressortit de la poche intérieure de sa veste la petite carte qu'elle lui avait laissée pour la relire une énième fois. Comme il était impatient de la revoir. En revanche, ce qui le préoccupait pour l'heure, c'était de n'avoir aucune information sur sa mère. De plus, il s'était brouillé avec Emily et pour ne pas envenimer la situation, il était resté à l'écart de sa famille. Jarod se sentait incompris et seul. Personne ne se rendait compte de ses sentiments à l'égard de la Miss. Personne ne semblait véritablement saisir l'importance de ses sentiments envers la jeune femme. Comment pouvait-il exprimer avec force ce qu'il éprouvait, leur faire comprendre que ce lien qu'il partageait avec elle était authentique et que ce qu'il vivait avec elle était bien réel ? Et qu'en aucune manière, il ne lui ferait courir le moindre risque. Il sortit de ses songes. Il allait retrouver sa mère, et ce, sans avoir recours aux services du Centre. Après tout, c'était un caméléon ! Un caméléon capable d'assumer n'importe quelle identité. Et il allait agir en tant que tel. Pour ce faire, il devait d'abord avoir la confirmation du retour de Margaret aux États-Unis, si elle était bel et bien rentrée au pays. Il décida de contacter une personne qui serait susceptible de pouvoir l'aider où du moins lui fournir cette précieuse information. La petite sœur du petit génie rentra furtivement par la porte de la cuisine prenant place autour de la table près de Jarod. Son regard s'arrêta sur son frère, visiblement surpris de le voir dans un état si négligé. Elle était étonnée de ne pas le voir habillé ni rasé. Lui qui faisait toujours attention à son aspect physique, à son allure. Emily pouvait voir à quel point son frère était soumis à une angoisse extrême et en proie à des doutes intenses. Le visage de Jarod marqué par des lignes d'une fatigue émotionnelle insoutenable, s'était assombri trahissant sa profonde détresse. Les sourires avaient laissé place à une moue amère, figeant ses lèvres en une expression de désappointement. Les joues autrefois rosées et pleines étaient maintenant creuses, révélant l'emprise de la déception sur son être. Ses gestes d'une lenteur étaient dépourvus de vie, exécutés avec une telle résignation presque automatique. Elle observa avec des yeux de chien battu posant sa main sur la sienne, cherchant à lui demander pardon.

« Jarod, qu'est-ce qui ne va pas ? demanda-t-elle d'une voix douce, et remplie de sollicitude.

- J'ai très peu dormi cette nuit, mais je vais bien. Je vais très bien !

- Je suis navrée, Jarod, pour ce qui est passé depuis ton arrivée. Je n'aurai pas dû te parler comme je l'ai fait, s'excusa-t-elle.

- C'est oublier, n'en parlons plus, lui assura Jarod d'une voix monotone.

- Tu es sûr que ça va ? Tu as l'air morose. Je peux faire quelque chose pour toi ?

- Non. Tu en as assez fait comme ça.

- Oh, je vois. Tu m'en veux encore ?

- Non, Emily. Écoute, je suis très occupé. Je n'ai pas trop de temps à t'accorder.

- Tu ne nous parles jamais d'elle. Pourquoi ?

- C'est trop compliqué.

- C'est compliqué à quel point ?

- C'est une longue histoire. Trop longue pour t'en faire le récit maintenant.

- Jarod, depuis que tu es ici, tu nous évites. Tu es toujours sur tes gardes. En aucun cas, tu ne te confies à nous. Tu es là, ton corps est là, mais ton esprit lui est toujours ailleurs. Quand on s'était retrouvés, il y a quelques mois de cela, je pensais que l'on passerait du temps ensemble et que l'on apprendrait à mieux se connaître, mais tu es sans cesse occupé. Tu t'absentes, faisant des allers-retours aussi souvent que tu le peux. Tu nous fuis, Jarod. En fin de compte, c'est comme si tu nous rejetais. C'est l'impression que tu me donnes.

- Non, Emily, ne crois pas ça. Je ne vous rejette pas, seulement, j'ai un peu de mal en ce moment. Ces temps-ci, tout s'enchaîne. Et le fait que maman reste introuvable n'arrange pas la situation. Je fais de mon mieux et toi, tu devrais te ménager.

- C'est tout nouveau pour moi aussi, Jarod. J'aimerais qu'on prenne le temps de discuter tous les deux. J'ai envie d'apprendre à mieux te connaître. En savoir plus sur toi, sur mon frère.

- Il n'y a rien à dire sur moi. Tu sais, je ne suis pas sûr de pouvoir répondre aux nombreuses questions que tu te poses. Si je peux être honnête avec toi, je ne suis pas sûr d'en avoir envie… Pour le moment.

- Je comprends. Ethan m'a un peu parlé d'elle. J'aurais préféré que ce soit toi qui le fasses.

- Elle s'appelle Parker. Mlle Parker !

- Oui. C'est cérémonieux dis donc. Et que peux-tu me dire d'autres à son sujet ?

- Emily, je n'ai pas le temps de satisfaire ta curiosité. À présent, je voudrais que tu me laisses seul. J'ai des appels à passer.

- J'ai compris ! Je te laisse. » se vexa-t-elle.

Elle se leva de sa chaise. Il lui prit la main, lui donnant un sourire. « Plus tard. » Jarod se leva à son tour, alla vers sa sœur, la serra dans ses bras. Une sonnerie se faisait entendre. Elle se libéra de son frère attrapant son téléphone. C'était le détective qu'elle avait chargé de retrouver la trace de leur mère. Emily était sous le choc. Après tout ce temps, elle avait enfin une piste sérieuse sur leur mère. Après avoir noté toutes les informations nécessaires, elle raccrocha et se tourna vers son frère. « C'était le détective privé que j'ai engagé. Il a retrouvé maman. » Selon lui, elle aurait été vue dans l'un des aéroports de New-York, et apparemment elle paraissait aller bien. Emily ne put contenir ses larmes.

Maison Bedford, Virginie, 24523

Une berline noire était garée bien à l'écart d'une grande maison, et ce, depuis plusieurs heures maintenant. Et pour cause, il valait mieux ne pas se faire surprendre. Sydney, Broots et Mlle Parker se relayaient à tour de rôle pour garder un œil sur la maisonnée. La jeune femme, les jumelles à la main, regardait jusqu'à l'intérieur de la demeure. Cela faisait maintenant un bout de temps qu'ils étaient ici, bloqués dans cette voiture à surveiller les allées-venues et il n'y avait aucun signe de vie. Aucun bruit. Aucune personne qui entrait ou qui sortait. La rue semblait également déserte. Pas un chat ! Broots remuait dans tous les sens sur le siège arrière. Il lui fallait un vrai petit-déjeuner. Un vrai café et non ce jus de chaussette ! Il avait horreur d'attendre dans une voiture. Il s'ennuyait. Mlle Parker le rappela à l'ordre. Elle était agacée et pressée d'en finir. La jeune femme avait toujours été d'une nature impatiente. Elle était constamment en mouvement, vérifiant l'heure à sa montre tout en soupirant d'exaspération lorsque les minutes semblaient s'écouler trop lentement. Tapotant du pied ou passant fréquemment ses doigts dans ses cheveux. Son attitude reflétait l'agitation intérieure qui la poussait toujours à vouloir que les choses se passent le plus rapidement possible. Elle avait également la mauvaise habitude d'interrompre les autres, finissant souvent leurs phrases avant qu'ils n'aient le temps de les terminer. Elle était également connue pour ses réactions impulsives, n'hésitant pas à prendre des décisions rapides et radicales sans jamais prendre un moment pour réfléchir aux répercussions… En général. Malgré cela, c'était une personne tout aussi énergique que déterminée. Sa passion et son sens de l'urgence lui permettaient d'accomplir beaucoup de choses en peu de temps. Elle était souvent perçue comme quelqu'un d'efficace, mais aussi de légèrement stressé, ce qui lui avait valu, un grave ulcère à l'estomac. L'attente était interminable et la petite étincelle d'impatience qui était toujours en elle, était prête à s'enflammer à tout moment ! Sydney, dont le regard vif et inquiet balayait constamment les environs, avait cru apercevoir une silhouette bouger à l'intérieur, il en informa immédiatement les autres membres de la petite équipe. C'était peut-être leur chance. Mlle Parker se mit aussitôt à élaborer un plan d'attaque. Ils allaient devoir agir rapidement et efficacement. Quand tout à coup une jolie petite musique d'un téléphone les interrompit. C'était celui de la jeune Miss.

« Vous ne répondez pas, Mlle Parker ?

- De quoi je me mêle ? avait-elle répondu. Elle sortait du véhicule. Et tout en marchant elle décrocha. Bonjour, Jarod !

- Quelle intuition, Parker !

- J'imagine que si tu m'appelles ce n'est pas pour me parler de mon intuition, je me trompe ? Que veux-tu Jarod ?

- Où est donc la merveilleuse femme avec qui j'ai eu le plaisir de passer le week-end ? Rendez-la-moi !

- Jarod, je suis très occupée. Rappelle-moi plus tard !

- Comment s'est passé ton retour dans la maison des horreurs ?

- Si tu veux tout savoir, je ne suis pas à Blue Cove pour l'instant.

- Je m'en doutais un peu. Comment vas-tu ?

- Bien. Toi, en revanche, tu m'as l'air exténué.

- Je vais beaucoup mieux depuis que j'entends le son de ta voix.

- Tu es avec Ethan ? Comment va-t-il ? Il ne fait pas trop de bêtises au moins ?

- Non. Il devient raisonnable.

- Ça me soulage de le savoir avec toi.

- Je parie que tu es avec Broots et Sydney. Et que tu as passé une bonne partie de la nuit ou de la journée dans ta voiture à surveiller une petite maison dans un coin perdu.

- Comment tu le sais ? Tu me fais suivre ?

- Non, je ne me permettrai jamais. Allez, dis-moi, dans quelle ville vous êtes ?

- Pourquoi tu veux venir nous rejoindre ?

- C'est assez tentant malheureusement, je ne peux pas. Alors où êtes-vous ?

- À Bedford, en Virginie.

- Hmmm. C'est un très joli coin. Très coquet. Ça me donne quelques petites idées. Tu vois de quoi je veux parler ?

- Jarod, je ne suis pas ici pour faire du tourisme, c'est très sérieux, je suis sur une piste toute chaude, mais je vois ce que tu veux dire.

- Et qu'en penses-tu ?

- Je pense que tu devrais te concentrer sur ta mère. As-tu des nouvelles de Margaret ?

- Eh bien, c'est un peu léger, mais on a tout de même un indice. Un indice qui me ramène là où j'étais il n'y a pas si longtemps que ça.

- À New-York ? Quelle coïncidence !

- Oui. Comme la vie nous joue de drôles de tours, n'est-ce pas ? Je dois y aller, mais avant, je voulais te remercier pour la carte. Tu sais, je pense beaucoup à toi, à nous. Puis-je oser espérer te revoir là-bas ? Avec un peu de chance, ma mère sera avec nous ! Dis-moi, tu seras là ?

- Je dois y aller, Jarod. On se rappelle !

- Au revoir Parker, sois… »

Elle avait déjà raccroché. Elle sortit l'arme de son étui tapant sur la vitre faisant signe à Broots pour qu'il se taise et sorte de la voiture avec Sydney. Ils la rejoignirent. « Allez les cow-boys en selle, il est temps de voir ce qui se trame dans cette maison. »

Maison Bellcrest Drive, Avon, Ohio 36772

Depuis sa conversation téléphonique avec Mlle Parker, Jarod avait retrouvé un peu le sourire. Disons qu'il était moins colérique, moins nerveux. Plus posé. Enfin, du moins, en apparence. En ce moment, il se sentait chamboulé tout comme ses émotions. Était-ce à cause de sa mère ? Emily, Ethan, J.C et le Major Charles étaient tous réunis dans le salon, attendant anxieusement que le caméléon les rejoigne. L'atmosphère était tendue alors qu'ils échangeaient des regards et essayaient de contenir leur impatience.

« Qu'est-ce qu'il se passe ici ?

- Margaret, a été repérée dans un hôtel près de l'aéroport JFK dans le Queens. Papa à l'adresse, annonça Ethan.

- Et j'ai décidé de partir là-bas, ajouta le père.

- On s'était tous mis d'accord pour que ce soit moi qui la ramène. Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous avez changé d'avis ?

- Mon fils, en ce moment, on te sent un peu perdu. Ça fait des mois que tu cherches ta mère. Reste ici. Prends le temps de te reposer et de prendre soin de toi. C'est à mon tour, maintenant. Et toi, pour une fois, tu vas penser un peu à toi.

- Non, ça fait des années que je vous cherche tous et aujourd'hui, alors que je suis le point de réunir ma famille, vous me mettez à l'écart ? Non. Je partirai comme convenu !

- Jarod ! Je t'en prie, ne le prends pas comme ça. C'est vrai regarde-toi, tu ne tiens plus debout. Si tu ne prends pas un peu plus soin de toi, tu vas finir par t'écrouler.

- Merci de t'inquiéter pour moi Emily. Je me sens parfaitement bien. Oh, et puis après tout, faites comme vous voulez, mais en ce qui me concerne, je partirai pour New-York. Je ne changerais pas d'avis.

- Attends ! Tu n'y penses pas. Ce n'est pas sérieux Jarod. Papa à raison, tu devrais rester ici, conseilla le jeune frère.

- Qu'est-ce qu'il t'arrive mon fils. J'ai du mal à te reconnaître.

- Tu ne peux pas me reconnaître puisque tu ne me connais pas. Je vais préparer mes affaires.

- Jarod ! »

Tous se lançaient des regards. Il était évident que Jarod n'était pas dans son état normal. Quelque chose ne tournait pas rond chez lui. Le major Charles était désemparé. Le fait de ne pas savoir comment aider son fils à faire face à ses problèmes le rendait fou colère. Tandis que le caméléon rapatriait ses affaires laissées un peu partout dans la maison, il retourna voir son père pour s'excuser de son comportement depuis son arrivée. Il tenta de lui expliquer ce qui le perturbait. Mais il ne trouvait pas ces mots, tout simplement parce qu'il ne le savait pas lui-même. Seulement, il avait ce besoin de partir chercher sa mère. C'était vital pour lui. Mais surtout, il devait prendre le large, ici, il étouffait. Le major acquiesça. Il comprenait et lui donna son accord. Il lui glissa à l'intérieur de la poche de sa veste, l'adresse de l'hôtel. Emily profitant que son frère aîné était occupé à converser, rentra dans la chambre de ce dernier. Elle y découvrit sur le lit, des documents, des lettres encore fermées, et de nombreux DSA, et bien plus encore. Elle prit un des petits disques dans sa main le faisant tournoyer à la lumière du jour. Quand tout à coup, elle vit le visage du jeune homme refléter sur le DSA. Le caméléon entra.

« Qu'est-ce que tu faisais ?

- Je ne fouillais pas, Jarod, je…

- Ça n'a pas d'importance. Je dois y aller de toute façon. J'ai déjà dit au revoir à tout le monde.

- Où vas-tu ? Tu pars retrouver maman où la rejoindre, elle ?

- D'abord notre mère…

- Ensuite, elle ?

- Je suis désolé Emily si je me suis montré désagréable avec toi, ces deux derniers jours. Pour l'instant, je suis, comment te dire, un peu désorienté. Je ne me sens pas à ma place ici. Est-ce que tu peux comprendre ?

- Tu ne veux pas être avec nous, c'est ça ? Tu n'as pas besoin de nous !

- Je suis désolé, mais aujourd'hui, c'est d'elle dont j'ai besoin.

- Va-t'en, Jarod ! Va la retrouver !

- Je vous appellerai plus tard. Prends soin de toi. On se revoit très vite, c'est promis. À très bientôt Emily. »

Maison Bedford, Virginie, 24523

Mlle Parker, Sydney et Broots, tous les trois, ensemble, s'approchèrent discrètement de la maison en question, tout en restant à couvert. Une fois à proximité de la porte d'entrée, la jeune femme, la main sur la poignée, poussa la porte, celle-ci bizarrement n'était pas fermée. Elle se faufila à l'intérieur, l'arme pointée vers l'inconnu. Leur mission, récupérer le bébé et neutraliser Lyle et les quelques Nettoyeurs qui s'y trouveraient sur leur chemin. Suivie de Sydney et Broots, elle avança à petit pas et avec une certaine prudence, non pas pour elle, mais pour celui qu'elle risquerait de blesser ou de tuer. Malgré les volets à moitié ouverts, ils ne voyaient rien. Les rayons du soleil éclairaient à peine la pièce de vie. Tout était sombre, sinistre et quoique bien trop calme. Broots derrière le psychiatre hésita avant de se déplacer dans les différentes parties du foyer. Mlle Parker avait bien raison, il était vraiment froussard ! Il redoutait de se faire surprendre par les nettoyeurs, par Lyle ou bien pire encore par Raines. Il se voyait déjà enfermé dans l'un des niveaux souterrains du Centre, affamé et dévoré par les rats. Sydney leur faisait remarquer de manière assez pertinente que la demeure était vide. C'était un fait, il n'y avait plus personne. Pas plus que l'enfant d'ailleurs. Mlle Parker insista tout de même pour visiter l'endroit. En réalité, la jeune femme voulait voir où le petit avait dormi. S'il avait été bien traité et s'il n'avait manqué de rien. Arrivée à l'étage, devant une petite pièce ressemblant à une chambre d'enfant, elle se pencha au-dessus du lit. Elle y découvrit près d'un joli petit ourson en peluche un mot adressé à son attention. « Cherche encore, petite sœur ! » Non, c'en était trop ! Il l'avait encore devancé ! Le problème avec son psychopathe de jumeau, c'était qu'il prenait un malin plaisir à jouer avec elle. C'était un Jarod puissance mille ! Cela ne servait plus à rien de rester ici. Broots rouspéta. Et dire que cela faisait des heures qu'ils étaient bloqués dans cette voiture croyant que le bébé serait là. Et qui de retour au Centre allait devoir reprendre les investigations ? « C'était Bibi ! » Le brave Sydney donna une légère tape amicale dans le dos du geek.

« Quel salopard ! Il m'a eu. Je vais finir par tuer ce sale petit serpent venimeux ! s'écria-t-elle en serrant la peluche dans ses mains.

- Au moins, nous avons la certitude que Lyle n'est pas étranger à toute cette affaire. J'ai demandé à Sam de suivre votre frère. J'attends son appel d'un instant à l'autre.

- C'était un piège. Il était déjà au courant de notre plan. Il nous manipule depuis le début.

- Ce n'est pas étonnant, on a retrouvé un micro dans le bureau.

- Ce rat nous espionnait ! Sydney, je voudrais m'assurer que le petit aille bien.

- Parker, je suis sûr qu'il va très bien et apparemment, il ne lui a été fait aucun mal. C'est déjà ça. Nous n'avons plus rien à faire ici, partons.

- Peut-être vit-il dans une famille adoptive. Cela ressemble à une pratique assez courante au Centre, supposa Broots.

- Vous voulez parler des enfants qui posséderaient des dons et qui seraient enlevés et élevés dans des environnements contrôlés pour maximiser leur potentiel ?

- Oui, bien sûr comme ça été le cas pour Lyle et Ethan. Souvenez-vous. C'est par là qu'il faudra chercher.

- Alors rentrez à Blue Cove, Broots et reprenez vos recherches ! Excusez-moi. »

Elle se retira à l'écart, dans une pièce voisine, pour répondre à un appel, sans doute celui de Jarod, garantissant ainsi la confidentialité de leur conversation. Elle respira profondément. Les deux hommes restèrent silencieux, leurs regards inquisiteurs ne quittaient pas la jeune femme des yeux.

« Jarod ! Deux fois en moins d'une heure ! Tu ne peux vraiment pas te passer de moi, hein ?

- Ce n'est que moi, Parker, désolé de te décevoir.

- Hum… Ethan ! Comment vas-tu ?

- Mieux que Jarod. C'est pour lui que je m'inquiète. C'est pour ça que je t'appelle.

- Ah non, Ethan, ça ne va pas recommencer !

- Parker, écoute-moi. Jarod ne va pas bien.

- Je l'ai eu au téléphone tout à l'heure, il était égal à lui-même. J'avoue qu'il paraissait un peu fatigué et tendu, mais il allait bien.

- Je ne suis pas aussi sûr que toi.

- Où est-il ? Passe-le-moi !

- Il n'est pas ici. Il vient de partir.

- À New-York ?

- Oui, afin de retrouver sa mère. Enfin, c'est ce qu'il a prétendu. Je ne suis pas sûr. Je pense qu'il voulait s'éloigner de la famille.

- Ça n'a pas de sens, ce que tu dis. Il a recherché sa famille, sa vie entière, pourquoi voudrait-il s'en éloigner ?

- D'après lui, il ne se sentait pas à sa place.

- Pourquoi tu ne l'as pas empêché de quitter la maison ? Pourquoi n'es-tu pas parti avec lui ? Pourquoi l'avoir laissé seul ? Ethan ?

- Parker, on a essayé, mais il n'a rien voulu entendre. Crois-moi, Parker, il ne va pas bien. Il… Il s'est jeté sur moi et m'a cassé la figure. N'as-tu pas remarqué un changement dans son comportement ces derniers temps ? Comme de l'irritabilité, de l'angoisse, de la colère.

- Il était un peu nerveux et craintif… Je te laisse, on se tient au courant. »

Elle raccrocha, rejoignant les deux autres. Tous les trois sortirent de la maison. Elle s'arrêta et se retourna vers cette dernière. Elle essuya une larme qui coula le long de sa joue « Où es-tu ? » Sydney voyant l'expression du visage de la Miss, la questionna sur le coup de fil qu'elle venait de recevoir. C'était Ethan. D'après lui, Jarod était complètement à côté de la plaque. Il agirait de façon étrange. Elle se demandait si Ethan n'exagérait pas un petit peu. Il avait tendance à dramatiser la situation quelle qu'elle soit. Tout comme elle. Constata Broots. La jeune femme demanda à Sydney de la déposer dans un aéroport le plus proche.

« Attendez, Parker ? Que se passe-t-il avec Jarod, s'inquiéta le psychiatre.

- Je ne sais pas. Ethan m'a juste dit que le comportement de Jarod avait changé depuis qu'il était retourné voir sa famille. Qu'il était irritable, angoissé, et en colère.

- Oh non, non, non. C'est ce que je craignais. Ce flux d'émotions.

- Sydney, je déteste quand vous parlez de façon énigmatique alors expliquez-vous !

- Jarod est très sensible, je ne vous apprends rien. Et plus encore au vu de ce qu'il est. Toutes ses émotions et ses sentiments qu'il a réprimés durant toutes ces années, refont surfaces. Ce n'est pas bon signe.

- Et d'après vous à quoi serait dû ce flux d'émotions, Docteur Freud ?

- Il y a beaucoup de raisons. Les retrouvailles avec sa mère et les autres membres de sa famille, en sont une. Il y a eu aussi vos découvertes de ces derniers mois, et puis récemment, vos sentiments respectifs. Sans oublier, une nouvelle séparation avec sa mère. Pour lui, c'est beaucoup trop. Trop d'un coup.

- Vous pensez que Jarod péterait les plombs ? Je veux dire qu'il ferait une dépression ?

- Effectivement Broots, c'est une façon de voir les choses.

- Je croyais qu'il savait gérer ses émotions.

- Moi aussi, Parker, moi aussi. Je crois surtout qu'il les a refoulées. Jarod a une sensibilité intense, exacerbée, et très développée. Une sensibilité bien plus haute que celle de la moyenne. Comme il ressent les choses plus profondément, il réagit de façon plus intense aux stimuli qui l'entourent. Ah ! Tout ça, c'est ma faute. Oui, Parker, c'est ma faute s'il en est arrivé à ce stade.

- Comment cela pourrait-il être votre faute ?

- Enfant, je ne lui ai jamais appris à gérer ses émotions. Au contraire. On les a exploités. Je les ai exploités. Et au fil des ans, il a enfoui, endormi, ce qu'il éprouvait au fond de lui.

- Que croyez-vous qu'il lui arrive ?

- C'est la honte. L'émotion la plus douloureuse et la plus dévastatrice qui soit. Un mélange de peur et de colère.

- Je ne comprends pas Sydney. De quoi Jarod aurait-il honte ?

- Parker, essayez de comprendre ! Il a honte de lui-même, de ses émotions, de ses distinctions, de ses difficultés et de ses échecs. Il va avoir peur des jugements, des critiques, des exigences des autres, de sa famille, de vous, de moi. Il finira par en vouloir à tous ceux qui le traiteront comme un être à part.

- N'est-ce pas déjà ce qu'il est, Sydney, un être à part ? C'est un caméléon, ne l'oublions pas ! affirma Broots.

- Je vous en prie Sydney, continuez, dites-moi en plus, je veux savoir, supplia Mlle Parker.

- Il va être en colère contre lui-même, de ne pas être à la hauteur, d'être si différent malgré ses efforts. Il repoussera alors tout le monde. Vous et moi y compris. Il tombera dans une profonde solitude. Ah. Je suis très inquiet pour lui, Parker.

- En somme, ce que vous me dites, c'est que Jarod devient vulnérable ?

- Ce dont j'ai peur, c'est que Jarod finisse par sombrer définitivement si nous ne l'aidons pas.

- Qu'entendez-vous par sombrer, Sydney ? Vous croyez qu'il serait capable de faire une bêtise ? s'informa Broots.

- Sydney, quels sont les symptômes d'une crise émotionnelle ?

- Il va d'abord commencer, si ce n'est déjà fait, par ressentir des symptômes tels que de la fatigue, des vertiges, des maux de tête, de la sensibilité accrue à la douleur, au bruit ou à la lumière. Ensuite, viendra l'anxiété, la paranoïa, la dépression, éventuellement la violence ou bien encore l'automutilation, et dans le pire des cas le suicide.

- Suicide ? Non, non. Jarod ne ferait jamais ça. Il aime bien trop la vie pour mettre fin à la sienne.

- Parker, il est fort possible qu'il ne soit pas conscient de son état. C'est pour cette raison que je dois absolument le voir. Je peux l'aider.

- Je pars. Je m'en vais le retrouver !

- Vous savez où il est ? demanda Broots.

- Je sais où le trouver.

- Alors je viens avec vous.

- Non, Sydney. C'est de moi dont il a besoin ! Je sens qu'il est perdu et qu'il a besoin de moi.

- Mais vous ne pourrez pas y faire face toute seule.

- Si jamais j'ai besoin de vous, je vous appellerai. Dites-moi seulement comment l'aider ! »

Maison Bellcrest Drive, Avon, Ohio 36772

Dans l'Ohio, on apercevait Jarod totalement épuisé marcher lentement le long d'une allée en pierre. Ses cheveux flottaient dans le vent. Son corps s'affaiblissait, ses muscles étaient endoloris. Il avait l'esprit si tourmenté. Ses pensées, ses émotions, ses sentiments obscurcissaient son jugement. Les yeux larmoyants, il essayait de comprendre comment il avait pu en arriver là, remettant en question ses capacités de Caméléon, ses croyances quel qu'elles soient et ses relations. Ses relations avec sa famille, son mentor et ami. Sa relation avec Mlle Parker…