Chapitre 32 : Où te caches-tu ? 3/3

Note : le numéro de la chambre 160 fait référence au mois (janvier) et à l'année (1960) de naissance de Mlle Parker et sans doute de Jarod.

Aéroport JFK, NY, New-York

Jarod récupéra ses bagages, les serrant aussi fermement que possible dans ses mains, il sortit de l'aéroport JFK. Ses gestes, ses pas étaient rapides et impatients. Chaque seconde semblait lui peser sur ses épaules. Son visage était tendu. Le jeune homme se dirigea vers un taxi libre, un chauffeur bienveillant lui fit remarquer avec politesse qu'une navette gratuite et ponctuelle était à la disposition des touristes s'il le souhaitait. Mais ces mots semblaient tomber dans l'oreille d'un Jarod tracassé et exaspéré. Ce à quoi, le caméléon rétorqua sèchement avec un rire qui sonnait faux s'échappant de ses lèvres, balayant la proposition qui lui avait été faite comme si cela était insignifiant, et lança d'un ton cynique que cela n'avait strictement aucune importance pour lui. L'argent n'était pas un problème, du moins, il essayait de s'en convaincre. Mais derrière ses paroles acerbes, on pouvait discerner une frustration perpétuelle. Les récents événements l'avaient plongé dans un état d'anxiété permanente. Il lui secoua un gros billet sous le regard envieux de l'homme, lui demandant de le conduire à l'adresse indiquée. Là où se situait probablement Margaret, c'est-à-dire, dans un motel à une dizaine de minutes en voiture. D'ordinaire, Jarod aurait fait le trajet à pied, il adorait prendre le temps de se balader, mais aujourd'hui, le caméléon n'en avait pas la force. Installé dans la voiture, il se découvrit, défaisant les deux premiers boutons de sa chemise. Apparemment, ce chauffeur ne savait pas ce que c'était l'air conditionné ! « Quelle horrible chaleur ! » Il ferma les yeux un bref instant.

INN-Hotel - JFK Airport Queens, NY

Une fois sur place, il pria le réceptionniste de l'hôtel de le laisser entrer dans la chambre de la femme aux longs cheveux écarlates, il lui montra une photo récente de sa mère précisant qu'il était bel et bien son fils et qu'elle l'attendait. Dans un premier temps, ce dernier hésita puis en voyant l'expression désemparée du caméléon se décida à lui ouvrir la porte. Celle-ci portait le numéro 160. Après tout, ce gars-là lui inspirait de la confiance. Et puis il paraissait être si fatigué par le voyage. Il le laissa seul dans la chambre. Sérieusement, c'était quoi cet hôtel miteux ? Certes, ce n'était pas du luxe et vu de l'extérieur, cela semblait être un peu ancien, mais avec beaucoup de charme. L'intérieur, lui, avait l'air glauque. D'abord, il n'y avait pas d'ascenseur. Les escaliers craquaient à chaque pas. Sur les carreaux des fenêtres, on pouvait distinguer les traces de doigts et les rideaux troués avaient surtout étaient rongés par les mites. Les tapis étaient tous usés. Toutes les pièces étaient délabrées. La salle de bain était dans un état déplorable, même le lavabo ne fonctionnait pas. Les tuyauteries fuyaient à grand jet d'eau. Les murs étaient aussi fins que du papier à cigarette à tel point que l'on entendait les querelles des clients. Seul point positif de cet endroit aussi sordide que malodorant, le lit. Celui-ci paraissait plutôt confortable. Jarod en avait connu des motels pitoyables surtout ceux avec les cafards, et ce, durant les cinq dernières années de sa liberté, mais ce qu'il voyait l'horripiler. Bon sang ! C'était humide et horriblement scandaleux ! Selon les clients, certaines de ces chambres ressembleraient à des scènes de crime. À cette pensée morbide, le jeune homme trembla de terreur de la tête au pied. C'était effrayant. Là, tout de suite, s'il aurait pu, il se serait enfui en sautant par la fenêtre. Comment sa mère pouvait-elle dormir dans un endroit pareil ? La bouche ouverte, la langue légèrement poussée vers l'avant, Jarod, une main posée sur son ventre et l'autre qui couvrait sa bouche, eut comme un haut-le-cœur, prêt à rendre son dernier repas. Le caméléon grimaça de dégoût. Cette odeur était si nauséabonde qu'il avait failli tomber dans les pommes. Sa mère ne pouvait pas rester dans ce vieux taudis ! Rien que cette idée lui donnait un goût amer dans la bouche. Soudain, il entendit la poignée de la porte s'ouvrir…

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Elle déposa ses sacs dans la chambre, ayant pris le premier vol, elle croyait le retrouver ici, et lui, il n'était pas là. Mlle Parker s'était renseignée à la réception de l'hôtel et Jarod avait effectivement bien réservé la suite. Il repasserait par-là, c'était certain ! La jeune femme préoccupée vérifia son téléphone portable. Elle n'avait pas reçu d'appel ni de message de Jarod, pas plus que d'Ethan. Sydney avait contacté la Miss à son arrivée à New-York. Il lui avait confirmé avoir envoyé un e-mail sur la messagerie privée de Jarod. Celle qui répondait au nom de Refuge, afin de le prévenir, mais il n'avait eu aucune nouvelle de la part de son protégé, ce qui l'inquiéta. Debout, au milieu de la pièce de vie, elle essayait de réfléchir, en vain, il fallait qu'elle s'occupe l'esprit en attendant le retour du caméléon. Elle gigotait sans cesse, marchant vivement de long en large. Cela faisait plusieurs heures que Mlle Parker n'avait pas mangé, elle ne pouvait rien avaler de toute manière. Elle regardait sa montre à mainte reprise. Où était-il ? Que faisait-il ? Quand reviendrait-il ? Reviendrait-il, un jour ? Elle pria pour qu'il ne lui soit rien arrivé de grave. Elle le voyait déjà allongé là sur une civière tout recouvert de son sang. Elle secoua la tête. Elle renifla, sentant des sanglots venir remplir ses yeux. Non, Jarod n'était pas du genre à se livrer à de tels actes. Il était lucide et plein de bon sens, mais le petit génie était si sensible et si Sydney disait vrai ? Elle se remémora sa conversation avec le psychiatre.

Flashback

« C'est la honte. L'émotion la plus douloureuse et la plus dévastatrice qui soit. Un mélange de peur et de colère.

- Je ne comprends pas Sydney. De quoi Jarod aurait-il honte ?

- Parker, essayez de comprendre ! Il a honte de lui-même, de ses émotions, de ses distinctions, de ses difficultés et de ses échecs. Il va avoir peur des jugements, des critiques, des exigences des autres, de sa famille, de vous, de moi. Il finira par en vouloir à tous ceux qui le traiteront comme un être à part. »

« Il va d'abord commencer par ressentir des symptômes tels que de la fatigue, des vertiges, des maux de tête, de la sensibilité accrue à la douleur, au bruit ou à la lumière. Ensuite, viendra l'anxiété, la paranoïa, la dépression, éventuellement la violence ou bien encore l'automutilation, et dans le pire des cas, le suicide.

- Suicide ? Non, non. Jarod ne ferait jamais ça. Il aime bien trop la vie pour mettre fin à la sienne. »

« Dites-moi seulement comment l'aider !

- Je comprends votre désir sincère de soutenir Jarod. Seulement, je ne suis pas sûr que vous devriez affronter ça toute seule. Il est en train de traverser une période particulièrement difficile, et il a besoin de notre soutien à tous. Cependant, je vais vous donner quelques conseils pour l'aider à faire face à cette crise. Cela dit, il faudrait que je puisse le voir afin d'évaluer son état général, c'est primordial, Parker. Tout d'abord, il est essentiel qu'il soit dans un environnement où il se sent en sécurité. Ensuite, il faut que vous restiez à son écoute, sans jugement ni critique. Laissez-le exprimer ses pensées et ses émotions, même si elles vous semblent confuses ou contradictoires. Il a besoin de se sentir entendu et compris.

- Je dois vous avouer, Sydney que je ne sais pas toujours comment réagir à ce qu'il me dit. Parfois, ses propos sont si sombres et si déroutants.

- Il est vrai que les dires de Jarod peuvent être troublants, mais il est important de garder à l'esprit que cela fait partie des étapes de son rétablissement. Encouragez-le à explorer ses émotions et à trouver un sens à sa vie.

- Et s'il se ferme complètement ? S'il refuse de partager ce qu'il ressent ?

- Dans ce cas, soyez patiente. Le chemin vers la guérison est différent pour chacun, et Jarod a ses propres mécanismes de défense. Continuez à lui apporter votre soutien, même s'il semble le repousser. Vous savez, votre présence à ses côtés vaut bien plus que de longs discours. Toutefois, je crois que ça ne suffira pas, le mal qui le ronge a déjà bien trop fait de dégâts sur lui. Parker, si jamais il manifeste des pensées suicidaires, ne le laissez pas seul. Sous aucun prétexte ! J'ai bien peur que l'on doive avoir recours à des moyens plus radicaux pour le sortir de cette spirale. Si vous avez besoin, appelez-moi ! »

Les larmes venaient mouiller ses pommettes alors que le doute s'installait, Jarod se suicider ? Non ! Sa bouche se crispa, se mordillant la lèvre si durement qu'elle saigna légèrement. Elle ne pouvait pas l'admettre. Une telle pensée était insupportable, impensable. La jeune femme ne pouvait pas l'accepter, refusant coûte que coûte, que cela se reproduisait une seconde fois. L'inquiétude et la terreur se peignaient sur son beau visage. Son corps était en ébullition, tourmenté par une seule obsession. Blême et tremblante, elle quitta la suite. Il fallait qu'elle le retrouve !

INN-Hotel - JFK Airport Queens, NY

Soudain, il entendit le son de la poignée s'ouvrir. Surexcité, mais restant tout de même sur ses gardes, il avait son cœur qui était en alerte. Lorsqu'une femme avec un châle sur les cheveux entra dans la chambre fermant la porte derrière elle. D'abord, Jarod sidéré fut rassuré quand il aperçut une de ses mèches écarlate. « Bonjour maman. » Margaret releva la tête. Soulagée de voir son fils sain et sauf, elle le prit dans ses bras le serrant très fort, l'embrassant. Elle se saisit doucement du visage de son fils, le regardant avec tendresse. Sa poitrine s'écrasa sous le poids des secrets et des choix qu'elle était obligée de faire pour le protéger. Elle espérait ardemment, un jour, lui offrir les réponses qu'il cherchait, depuis toutes ces années. Elle lui prit les mains, s'asseyant tous les deux sur le bord du lit. Jarod bouleversé et sous le coup d'une grande émotion demanda d'une voix faible et bredouillante :

« Tu… Tu ne veux pas que… Que l'on aille ailleurs ? Cet endroit… Me donne la nausée.

- Oh, Jarod. Je ne pensais pas te revoir ici. Comment est-ce possible ? Comment as-tu su où me rejoindre ?

- Emily a engagé un détective privé. C'est lui, maman qui a su ou tu te cachais. Moi, je n'en ai pas été capable.

- Oh Jarod, mon petit garçon. Tu ne peux pas réaliser tous les exploits du monde. Tu es très intelligent, personne n'en doute, mais tu n'es qu'un être humain, avait-elle dit en riant.

- Je sais. Un être humain qui est supposé posséder une intelligence supranormale. En fait, je ne suis rien.

- Non, ne crois pas ça. Tu es mon adorable petit garçon. Comme je suis si heureuse. Après ce qui s'est passé à Paris, j'avais peur qu'il te soit arrivé quelque chose. Je suis rassurée de savoir que tu vas bien. Tu vas bien, n'est-ce pas, Jarod ?

- Oui. C'est incroyable que tu sois là. Je n'en reviens pas. J'étais désespéré de ne pas te revoir.

- Je te l'ai promis. Je t'ai promis que l'on se retrouverait toujours.

- La dernière fois, nous avons eu très peu de temps pour parler. Mais aujourd'hui, j'ai besoin de savoir.

- Jarod, je sais que tu attends des réponses de ma part. Et je te promets d'y répondre, mais pas aujourd'hui. Je ne peux pas tout t'expliquer maintenant. Un jour, le moment venu, tu comprendras.

- Viens maman, on s'en va de ce taudis. Ça me rend dingue de te savoir ici. Je t'emmène dans un vrai hôtel. Suis-moi !

- Comme tu es gentil. Tu l'as toujours été. Jarod, il faut que je te dise…

- Attends une minute, dis-moi. Pourquoi es-tu venu ici, maman ? Pourquoi ne pas être allé à l'adresse que je t'avais indiquée ?

- Jarod, j'ai l'intention de m'y rendre, mais pas tout de suite. J'ai quelque chose de très important à faire avant.

- Qu'est-ce que c'est ? Peu importe, si c'est très important pour toi alors allons-y ! Et puis demain je te ramènerai auprès de ta famille.

- Notre famille ! Tu en fais partie toi aussi. Ne l'oublie jamais.

- Oui. Mettons-nous en route !

- Non, Jarod. Tu ne peux malheureusement pas venir avec moi. J'ai un avion à prendre. Je suis juste revenu pour récupérer mes affaires.

- Non, non, non ! Cette fois-ci, je ne vais pas te laisser t'en aller. Alors soit tu me dis ce qu'il se passe soit je viens avec toi ! C'est toi qui choisis. »

Quelque part dans les rues de New-York

Mlle Parker, à la recherche du caméléon, parcourait seule la longue avenue de New-York. Elle marchait sans savoir exactement où aller. Une photo de Jarod à la main, elle demanda aux passants si quelqu'un reconnaissait cet homme. Il semblerait que personne ne l'avait aperçu. En-tout-cas, pas par ici. Cela faisait presque trois bornes heures qu'elle arpentait rue après rue, sans succès. La jeune femme avait commencé tout d'abord par Central Park. Il adorait se promener par là-bas. Elle était montée jusqu'au Summit Rock. Ensuite, elle avait enchaîné avec les rues commerçantes et les allées avoisinantes. Elle n'en pouvait plus. Ses chaussures à talons lui faisaient atrocement souffrir. Son estomac gargouillait, sa bouche était sèche. Sous la chaleur, la Miss se désaltérait peu à peu. Elle avait besoin de faire une petite pause, le temps de quelques minutes. Son intuition la poussa à prendre un taxi qui la déposa à sa demande devant un restaurant situé entre l'aéroport JFK et un petit hôtel. Elle s'y arrêta.

Dans un restaurant, proche de l'aéroport JFK, New-York

Mlle Parker rentra à l'intérieur et s'y attabla. Un serveur, qui n'en avait pas l'apparence, mais à l'aspect bien sympathique, venait prendre sa commande. Elle ne désirait qu'une boisson, de quoi humidifier ses lèvres. Désappointée, elle soupira. Elle ne pouvait se permettre d'abandonner ses recherches. Si seulement elle avait une piste. Peu importe laquelle, juste de quoi, lui redonner un peu d'espoir et de confiance en elle. Le serveur lui apporta rapidement sa consommation, elle se renseigna auprès de lui.

« Auriez-vous vu cet homme ici ou dans les parages ? elle lui afficha la photo de Jarod sous le nez.

- Non, je regrette.

- Regardez-le bien, je vous en prie. C'est très important. Regardez-le ! L'avez-vous vu ? S'il vous plaît, avait-elle imploré tout comme ses grands yeux bleus.

- Mademoiselle, par ici, il y a beaucoup de passages. Pour beaucoup, certains viennent de l'aéroport. Je ne saurais pas vous dire si je l'aurais vu même s'il avait été là en face de moi !

- Merci quand même pour votre aide.

- Je peux faire quelque chose d'autre pour vous ? avait-il demandé avec le sourire.

- Je ne crois pas que votre patron apprécierait votre démarche.

- Vous n'avez probablement pas tort. Sauf que le patron, ici, c'est moi !

- Vous n'êtes pas serveur ?

- L'une des serveuses, ma femme, a décidé de prendre sa journée pour faire les boutiques avec ses amies alors je la remplace. D'habitude, à ces heures perdues, je prête une oreille attentive aux âmes errantes. Écoutez, j'ignore votre histoire, mais sachez que je ne laisse jamais une jolie femme en pleine détresse. Je peux peut-être vous aider.

- Comment ?

- Vous allez voir ! Mais avant, vous allez me faire le plaisir de manger quelque chose. Le bruit de votre estomac perturbe mes clients. C'est insoutenable. Vous allez finir par tous les faires fuir. Et séchez vos larmes, je suis sûr que tout finira par s'arranger. Vous verrez ! » il lui tendit un mouchoir propre.

Il lui apporta une assiette remplie de frites accompagnée d'une omelette et d'une petite salade, en dessert une part de tarte aux pommes. « Cadeau de la maison ! » s'écria l'homme en déposant le plateau devant ses yeux, qui n'avaient que la seule envie, celle de tout dévorer ! Elle le remercia bien gentiment, sa voix était chaleureuse et reconnaissante. Il prit la photo de Jarod qui reposait sur la table, puis la fixa soigneusement sur un tableau d'affichage bien à la vue de tous. Il fit une annonce publique, demandant à tous ceux présents de prendre connaissance de cette photographie et de fournir toute information pertinente concernant le jeune homme. Des informations qui, bien évidemment, seraient susceptibles d'intéresser la demoiselle assise à sa table. Les clients, curieux et captivés, se tournèrent tour à tour vers la photo, scrutant chaque détail avec intérêt, chacun se demandant qui était cet énigmatique individu. Le patron du petit restaurant, avec courtoisie, prit place en face de la Miss. Le tableau d'affichage trônait maintenant en toile de fond, attirant l'attention des passants et des habitués.

« Veuillez pardonner mes mauvaises manières. J'ai oublié de me présenter, ici mes amis m'appellent Bernie. Et est-ce que ce visage d'ange à un nom ?

- Oui, mes amis m'appellent Mlle Parker !

- Eh bien, Chère Mlle Parker, vous pourrez récupérer votre photo quand vous vous sentirez prête à partir. Rien ne presse. Vous pouvez finir votre repas tranquillement.

- Je ne sais pas quoi dire. Je n'ai pas vraiment l'habitude que l'on se montre aussi aimable avec moi. Votre gentillesse, votre aide, le repas, ça me touche énormément. Merci.

- Ah ! Ça me fait plaisir. J'ai l'impression d'être un peu utile.

- Vous n'y étiez pas obligé !

- Eh, mais je l'ai vu ! » cria un homme.

INN-Hotel - JFK Airport Queens, NY

Elle lâcha la main de son fils qu'elle tenait encore tendrement dans les siennes. Margaret ne s'attendait pas à subir l'entêtement de son grand garçon ni à lui faire front. Elle n'avait pas le temps pour ça. Elle n'avait pas non plus le temps de partir en explication. Il allait devoir lui faire confiance. Malheureusement, ces temps-ci, il avait du mal. Elle se leva du lit, et prépara toutes ces affaires.

« Jarod, il faut que tu croies en moi. Et que tu apprennes à écouter un peu plus les personnes qui t'entourent. C'est pour ton avenir que je fais ça. Pour ton avenir et celui de ton amie.

- Je ne comprends rien.

- Tu n'as pas besoin de comprendre. Ais confiance.

- Tu ne veux pas me dire où tu vas ?

- Non, Jarod, tu n'as pas besoin de le savoir.

- Quand est-ce que l'on se reverra ?

- Très vite, Jarod. Ce n'est que l'histoire de quelques jours, une semaine tout au plus et je te retrouverai là-bas aussitôt. Nous serons tous réunis à nouveau comme une vraie famille. Je te le promets. Je dois partir, à présent.

- Laisse-moi au moins t'accompagner jusqu'à l'aéroport. Tu ne vas pas refuser cette requête à ton fils ?

Sans crier gare, le caméléon, le teint pâle, recula de trois pas, s'éloignant de sa mère. Ne tenant pas sur ses pieds, le jeune homme vacilla. Il baissa la tête, la prenant entre ses mains. Depuis quelques heures, Jarod supportait, avec peine, de douloureux maux de tête. Pris de vertige, les genoux légèrement pliés, assit, sur ses talons, il s'appuya contre le mur. Alarmée, Margaret accourra vers lui, caressant ses cheveux. Il se redressa, se remettant debout sur ses pieds.

- Jarod, que t'arrive-t-il ? Est-ce que tu vas bien ? Viens, je t'emmène à l'hôpital.

- Non ! Ce n'est rien. C'est fini.

- Jarod, je m'inquiète pour toi. Je ne peux pas m'en aller en sachant que toi tu…

- Maman, je vais bien. Je vais très bien. En ce moment, je ne dors pas beaucoup. Je suis fatigué. Une bonne nuit de sommeil et tout rentrera dans l'ordre.

- Avant de partir, je voudrais m'assurer que tu sois hors de danger.

- Ne t'inquiète pas, je vais beaucoup mieux, avait-il menti. Alors allons-y, avant que tu ne rates ton avion. Ce serait dommage pour mon avenir ! »

Prenant son sac, ils quittaient ensemble la chambre 160.

Dans un restaurant, proche de l'aéroport JFK, New-York

C'était un client habituel, sans histoire, un peu simplet mais assez cool et ses informations se révélaient le plus souvent exactes, d'après Bernie. Mais rien n'était moins sûr, selon elle. Tous deux s'avançaient vers l'homme. Mlle Parker reprit la photo.

« Où l'avez-vous vu ?

- Je quittais l'hôtel. Celui-ci, juste en face, vous voyez ? Il était à la recherche de sa mère d'après ce que j'ai compris. Il était monté dans la chambre… Euh… Attendez que je me souvienne… La 160, oui, c'est bien ça. Il doit y être encore.

- Vous êtes sûr que c'était lui ?

- Aussi sûr que je vous vois Bernie, confirma le client.

- Il faut que j'y aille. Merci à vous tous, avait dit la Miss posant sa main sur le bras de Bernie en guise de remerciement.

- Ah, non Mademoiselle Parker. Je ne vous laisse pas partir comme ça !

- Pardon ?

- Je vous accompagne. À cette heure-là, c'est un peu risqué de traîner toute seule dans les environs.

- Et votre restaurant ?

- J'ai des employés, vous savez. Et puis on est à quelques minutes. »

Il enleva son tablier et le jeta sur la table la plus proche. Faisant signe à un de ses employés de prendre la relève en son absence. La Miss, pressée de retrouver Jarod, sortie rapidement suivi de Bernie. Sur le chemin, il essaya d'en savoir un peu plus sur l'homme qu'elle cherchait.

« Alors qui c'est ? Votre ami ? Un petit ami ?

- Un très bon ami.

- C'est un peu plus que ça, sinon vous ne seriez pas dans cet état-là. Je sais que ça ne me regarde pas, mais que lui est-il arrivé ? Il n'a quand même pas… Enfin, vous voyez ce que je veux dire ?

- Non, non. C'est quelqu'un de très bien. Il n'a rien fait de mal.

- J'ai cru comprendre qu'il recherchait sa mère… Ah nous y voilà… Eh, attendez ! »

INN-Hotel - JFK Airport Queens, NY

Elle entra en coup de vent et fila directement dans la chambre 160 sans même prendre le temps de saluer l'ambassadeur de l'hôtel. Elle grimpa les marches des escaliers deux par deux. Arrivée devant la structure en bois, elle cessa tout mouvement. Bernie à ses côtés, jeta un coup d'œil rapide en direction de la Miss qui, anxieuse, prit une petite minute pour s'arranger. La jeune femme soupira. La main sur la poignée, il ouvrit, poussant la porte en grand. Il n'y avait plus personne. Elle était arrivée trop tard. Ils n'avaient rien laissé. Elle redescendait d'un pas lent, sa tête inclinée vers l'avant, ses yeux fixés le sol. Elle faillit capituler lorsque l'homme à la réception alla à son encontre, les sourcils froncés elle lui lança son regard noir.

« Bernie m'a dit pour votre ami.

- Vous vous connaissez tous les deux ?

- C'est lui qui m'envoie la plupart des clients qui cherchent un endroit pour passer la nuit. En ce qui concerne votre ami, il est déjà reparti avec une femme. Sa mère.

- Et savez-vous où ils sont allés ?

- Évidemment que je le sais, Mademoiselle ! À l'aéroport, bien sûr. Ils avaient un avion à prendre. Ils sont partis, il n'y a pas très longtemps. En vous dépêchant, vous pourrez peut-être les rattraper s'il n'est pas trop tard. »

Aéroport JFK, NY, New-York

Arrivée à l'aéroport elle remercia une énième fois Bernie pour son aide, mais maintenant elle devait rattraper son ami.

« Bonne chance à vous Chère Mlle Parker. J'espère que tout s'arrangera pour vous et votre ami. Et n'hésitez pas à venir me voir, si un jour, vous passez dans le coin.

- Merci pour tout. »

Elle lui donna un baiser sur la joue et s'en alla. Le souffle court, elle courait à vive allure vers la salle d'embarquement. Partant à la recherche du caméléon, son cœur battait à la chamade rien qu'à la simple idée de le voir. Au milieu de la foule, la jeune femme sentait comme une tension dans l'air, les gens d'une grande diversité et de cultures différentes se bousculaient se préparant à voyager, à retrouver des proches ou encore à découvrir de nouveaux endroits. Les annonces régulières des départs et des arrivées, les appels de dernière minute pour les passagers manquants et les annonces de sécurité contribuaient à créer une ambiance animée et bruyante avec un mélange d'excitation, d'anticipation. Certaines personnes étaient vêtues de manière soit décontractée soit élégante, tout dépendait de leur destination et de leur style de voyage. Les voyageurs subissaient des moments de stress notamment lors des contrôles de sécurité, des retards de vol, des annulations ou des pertes de bagages. Les files d'attente étaient longues et frustrantes, et la plupart des passagers étaient à bout. En somme, c'était la folie. Tout à coup, elle s'arrêta brusquement.

Quelque part dans les rues de New-York.

Jarod erra dans les rues, il était totalement désorienté, perdu. Il souffrait. Les lumières étincelantes, les bruits assourdissants et l'effervescence constante de la ville semblaient hurler dans ses oreilles. Sa mère avait fait le choix de partir sans lui encore une fois. Il se sentait littéralement abandonné. En fin de compte, Sydney avait peut-être raison. C'était comme s'il était un étranger dans cette foule grouillante. Les visages anonymes qui passaient à côté de lui accentuaient sa solitude, il avait l'impression de tomber dans un gouffre émotionnel. Il marchait sans but précis, cherchant un ancrage, un signe qui pourrait le guider. Tout cela semblait flou, indistinct, comme s'il était pris au piège d'un cauchemar éveillé. Sur un coup de tête, il décida de retourner dans le seul endroit où il pouvait encore se sentir un peu heureux.

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Elle était revenue à l'hôtel. Il n'était toujours pas là. Elle l'avait raté à l'aéroport. La jeune femme avait réalisé qu'elle ne connaissait pas sa destination. Elle était si fatiguée. Cette journée l'avait achevée et elle avait besoin de se relaxer dans un bon bain chaud. Malgré cela, elle se demandait si Jarod allait bien. « Où es-tu, Jarod ? » Tournée vers la fenêtre du salon, elle admirait les étoiles. De petites gouttes d'eau salées coulaient de ses yeux alors qu'elle se retournait doucement, elle le vit là, sur le seuil, prenant appui sur l'encadrement de la porte. Elle se jeta dans ses bras, embrassant ses lèvres. Elle le caressa, le sentant tremblant, fiévreux, épuisé. Il était dans un état second. Son rythme cardiaque et sa respiration étaient irréguliers. Il avait des sueurs. Ses maux de tête reprenaient de plus belle. Alors que Jarod balbutia quelques mots incohérents, ses yeux, eux, devenaient sombres et hagards. Sa vue se brouillait. Il avait du mal à distinguer les contours du visage de la jeune femme, malgré tout, il savait que c'était elle qui était à ses côtés. Il respirait son parfum, et entendait sa voix, cela le rassurait. Elle posa ses mains sur les joues du jeune homme.

« C'est moi, Jarod, je suis là ! Ça va aller, maintenant.

- Parker, tu… Tu… ? bafouilla-t-il, le corps de Jarod était agité de spasmes, et il gémissait de douleur.

- Je suis là, mon amour. Je suis là. Je suis là, Jarod, répéta-t-elle.

- Je... Parker, je ne me sens… Pas très bien… Je crois que…

- Viens, ne restons pas là, rentrons à l'intérieur. Tu peux marcher ?

- Parker… Je… Le caméléon s'effondra dans le couloir de l'hôtel.

- Jarod ? Jarod ? Jarod ! Au secours ! Je vous en prie, aidez-moi, j'ai besoin d'aide ! » hurla Mlle Parker complètement affolée, paniquée et terrifiée.