Chapitre 36 : Le bébé Parker

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

« C'est quoi cette sonnerie ? Qu'est-ce qui se passe ?

- J'ai du nouveau, j'ai pénétré le réseau du Centre. Il y a du mouvement. Jarod ouvrit un document. Sur celui-ci, s'affichait une photo d'un bébé souriant.

- C'est-à-dire ? Tu as trouvé quelque chose ?

- Tu vas être contente mon amour.

- Dis-moi. Ne me fais pas attendre !

- J'ai trouvé une information de taille.

- Jarod, est-ce que c'est bien ce que je crois que c'est ? Oh toi, tu es un vrai petit génie !

- Parker, tu reconnais ces numéros de téléphone ? il lui montra l'écran avec ses doigts. Celui-là, c'est celui de Lyle ! Et celui-ci, c'est celui de ton… De Raines. Tiens, regarde cette adresse. Il semblerait que le Centre ait emmené le bébé dans une famille d'accueil. Dans cette femme à Oxford, en Pennsylvanie.

- Oui bien sûr. C'est comme ça que Raines à contrôlé puis manipulé Ethan et Lyle.

- Cette fois-ci, on ne le laissera pas faire. Il est mignon. C'est un beau petit garçon.

- Comme il a changé. J'ai l'impression qu'il a grandi si vite.

- Parker, prépare tes bagages, on quitte New-York ! Je note les coordonnées et ensuite, on met les voiles ! il pris un stylo et une petite feuille de papier sur laquelle il écrivit l'adresse. Tu vas bientôt pouvoir le serrer dans tes bras.

- J'espère. Merci, Jarod, mais je vais y aller toute seule. Tu devrais rester ici et te…

- Ah non, je t'arrête tout de suite ! Tu ne vas pas te débarrasser de moi aussi facilement. Je viens avec toi. »

Aéroport JFK, New-York

Dans l'immense aéroport JFK de New York, Mlle Parker et Jarod attendaient leur vol avec une certaine fébrilité. Ils s'étaient donné rendez-vous près des grandes baies vitrées donnant une vue imprenable sur les pistes d'atterrissage. Les annonces résonnaient en arrière-plan, mêlées aux bruits des valises roulant sur le sol et aux discussions assez mouvementées des passagers. Mlle Parker se tenait près de la vitre, le regard perdu dans le va-et-vient des avions. Celui-ci se posait sur chaque appareil qui décollait, s'élevant dans le ciel avec grâce, emportant des touristes vers des horizons lointains. Elle passa ses mains dans ses cheveux de façon répétée. Jarod, à ses côtés, les yeux rivés sur elle percevait son désir de retrouver le petit garçon, mais aussi la douleur qui se cachait derrière son masque de mépris qu'elle revêtait dès qu'elle se sentait faiblir. Il était là pour la soutenir, pour l'accompagner jusqu'au bout. Il passa un bras autour de sa hanche, l'autre caché derrière son dos.

« Ça va ? Tu as besoin de quelque chose ?

- Jarod, je veux juste que cette histoire se termine, elle se tourna vers lui.

- Tiens, c'est un petit cadeau, tout sourire, il lui tendit délicatement un petit coffret enveloppé dans un ruban bleu pâle. Je voulais te le donner dans la soirée, quand on aurait récupéré le bébé, mais je préfère te l'offrir maintenant.

- Un cadeau pour moi ?

- Non, en fait, c'est pour le petit, pour lui montrer que même s'il est loin, nous ne l'oublions pas. Ouvre-le !

- Oh, d'accord, elle ouvrit la boîte et en sortit un petit livret relié, élégant et soigneusement décoré. Chaque page était remplie d'illustrations colorées et d'histoires captivantes.

- C'est un livre de contes personnalisé, expliqua-t-il avec fierté. J'ai passé des heures à le créer spécialement pour lui. Chaque histoire est unique et raconte les aventures d'un héros qui surmonte les obstacles avec courage et détermination. Voilà, comme ça, ce soir, tu pourras lui en lire une pour l'endormir.

- Jarod, c'est merveilleux, avait-elle dit, les yeux brillants et pleins de larmes, observant attentivement l'objet, touchée par le geste attentionné de Jarod. Ce livre sera un trésor pour lui, une source d'inspiration et d'imagination. Merci, mon amour, elle passa ses bras autour de son cou et l'embrassa.

- Dis-moi, tu lui as trouvé un prénom ?

- Non. Je n'ai pas encore eu le temps de me pencher sur le sujet.

- N'y en a-t-il pas un qui te plairait ? Un plus qu'un autre ?

- Eh bien, puisque tu en parles, Jarod, oui. En fait, il n'y a qu'un prénom qui me vient à l'esprit... Et c'est le tien.

- Vraiment ? Après tout pourquoi pas, c'est un joli prénom. C'est très flatteur. Mais pourquoi celui-là ? Pourquoi pas un autre ?

- Vois-tu, je l'ai toujours trouvé très beau. Et aussi stupide soit-il, j'ai toujours pensé que si j'avais un garçon…

- Si tu avais quoi ? il cligna des yeux rapidement. Ai-je bien entendu ?

- Non, ce n'est pas ce que je voulais dire ! Bref. Je ne peux pas imaginer donner un autre prénom à cet enfant. Ton nom représente tant de choses. Il est synonyme de force, de courage, de générosité, de justice. C'est le prénom qui s'impose naturellement à mon esprit lorsque je pense à lui. Je ne sais pas pourquoi. Sans doute, une intuition.

- Eh bien, je suis honoré, Parker. Honoré et reconnaissant que tu aies choisi mon prénom pour cet enfant. »

L'ambiance frénétique dans l'aéroport était tout feu, tout flamme. Des familles se hâtaient vers les portes d'embarquement, des couples s'étreignaient avant de se séparer, tandis que des voyageurs solitaires se perdaient dans leurs songes. Les haut-parleurs diffusaient une symphonie de langues, mélangeant des conversations en anglais, en espagnol, en français et bien d'autres encore. Parmi toute cette agitation, Mlle Parker et Jarod s'étaient enfermés dans une bulle de silence relatif. Ils se parlaient à voix basse qui s'élevait à peine. La jeune femme tenta de sourire, mais sa bouche tremblait légèrement. Alors qu'il l'embrassa, ils furent interrompus par les annonces qui reprenaient de plus belle. Il était temps pour eux de se préparer à embarquer. Ils appréhendaient leur arrivée là-bas, ce qu'ils allaient y trouver, ce que leur destin allait leur réserver.

Le moteur de l'appareil vrombissait dans les oreilles du couple alors qu'ils s'envolaient vers Oxford, une petite ville de Pennsylvanie. Assis côte à côte, les regards dans le vide, ils étaient envahis par de la nervosité combinée à de l'inquiétude. L'air confiné de la cabine semblait suffoquer leurs pensées. Jarod observait par le hublot le paysage en contrebas, son esprit errait entre les multiples possibilités qui les attendaient sur place. Après de nombreuses recherches épuisantes, ils avaient enfin trouvé une piste solide sur l'endroit où avait été emmené le bébé Parker, mais rien n'était jamais simple avec le Centre et vu les circonstances, il s'attendait au pire. Près de lui, la Miss essayait de canaliser ses émotions, des questions qui tourbillonnaient sans relâche dans sa tête. Que trouveraient-ils une fois arrivés ? Le garçon, serait-il toujours là ? Et s'ils découvraient quelque chose de bouleversant ? La perspective d'en savoir davantage la tenaillait au plus haut point. Le bruit monotone des moteurs se brassait au battement de leur cœur, tandis que l'avion fendait les nuages, les rapprochant un peu plus de leur objectif. Sans un mot, tous les deux, se plongeaient dans des réflexions, ressassant les souvenirs du passé, les espoirs et les déceptions qui avaient jalonné leur chemin jusqu'ici. Mlle Parker se demanda si elle était vraiment prête à affronter ce qui les attendrait. « Qu'est-ce que tu comptes faire du petit quand tu l'auras retrouvé ? Tu comptes le garder auprès de toi ? Ou que sais-je, le donner à l'adoption ? »

Mlle Parker, les yeux fixés sur l'horizon, hésita à répondre. La question de Jarod était parfaitement légitime, seulement, elle n'avait pas encore eu l'occasion d'y penser sérieusement. Tout ce qu'elle savait, c'était que cet enfant était une victime du Centre, un projet, un cobaye issu de leurs expériences. Sans compter que le fait de devenir mère ne l'enchantait pas vraiment. À vrai dire, ça ne l'emballait pas du tout. Ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait considérer. Enfin, plus depuis qu'elle travaillait dans la maison des horreurs. Les couches sales, les biberons, les insomnies, les pleurs, les cris et les caprices, sans oublier qu'elle n'aurait plus de vie à elle. Adieu les massages aux SPA et surtout adieu le sexe ! Non, la maternité n'était pas faite pour elle. D'ailleurs, elle remercia, dans son fort intérieur, le ciel. Une chance pour elle que les contraceptions aient vue le jour, sans quoi, elle serait dans de beaux draps. Il était hors de question pour la jeune femme de renoncer à faire l'amour à cause d'un petit accident de parcours. Mais le bébé Parker, c'était différent. Il était différent.

« Je ne sais pas encore, Jarod. C'est une question à laquelle je n'ai pas eu le temps de réfléchir. Je n'ai pas encore pensé à toutes les implications que cela engendrerait si je me décidais à le garder avec moi. Tout est si compliqué. C'est une décision difficile à prendre, qui ne peut malheureusement être prise sur l'instant. Tout ce que je veux pour le moment, c'est le sortir de cet enfer et lui donner une chance de vivre une vie normale.

Jarod, désappointé, avait ressenti comme une pointe d'amertume face à cette réponse. La tête baissée, il poussa un gros soupir. Il avait l'impression d'avoir le cœur qui rétrécissait. Il cherchait peut-être inconsciemment à se projeter dans l'avenir, à envisager une vie de famille avec Mlle Parker à ses côtés. Il décida de lui faire part de ses sentiments.

- Tu as un cœur si plein d'amour à donner, je suis convaincu que tu serais une merveilleuse mère pour ce petit garçon.

- Voilà Jarod, que tu recommences à dire n'importe quoi !

- Tu sais, Parker, je n'ai jamais pensé à la paternité auparavant, mais cette idée de devenir père un jour me remplit d'un immense bonheur, les mots de Jarod furent interrompus par le regard étonné et sévère de Mlle Parker. Ses sourcils remuaient dans tous les sens tandis que son visage devenait plus sérieux. Elle le coupa net, recadrant la conversation avec fermeté.

- Je suis ravi pour toi Jarod, vraiment, je suis heureuse de savoir ce qu'il te trotte dans la tête. En ce qui me concerne, je ne peux pas me permettre de parler de l'avenir, encore moins envisager d'avoir des enfants. Je préfère vivre au jour le jour. La vie de famille, ce n'est pas pour moi. Je ne me vois pas mariée avec quatre enfants sur les bras.

- Parker, ce n'est qu'un rêve. Il n'y a aucun mal à imaginer un avenir rempli de petits bébés.

- Non, non et non ! Ce rêve-là, tu te le gardes dans un coin de ton esprit ou tu l'oublies, mais je ne veux plus en entendre parler ! Jarod, je croyais avoir été clair sur le sujet, je refuse, tu m'entends ? Je refuse de penser à l'avenir et je n'ai aucunement l'intention de changer d'avis. Nous vivons déjà une relation assez complexe dans des circonstances qui ne sont pas forcément idéales, qui malgré tout est déjà un privilège en soi. Je préfère profiter du moment présent et ne pas me projeter dans un futur incertain. Non, Jarod, tu me vois avoir un bébé alors que je laisse mourir mes plantes vertes ?!

- Calme-toi, Parker. Je ne vais pas te faire un enfant, là tout de suite ! avait-il rétorqué sur le ton de la plaisanterie. Cependant, il n'en pensait pas moins. Nous en reparlerons plus tard. »

Jarod, le visage décomposé, réalisa alors que leurs visions de l'avenir étaient peut-être incompatibles. Toutefois, il savait qu'il devait respecter les limites qu'elle imposait s'il voulait poursuivre leur idylle. Et puis elle avait raison, leur relation quoique passionnée était déjà bien trop compliquée comme ça. Il ferma les paupières, soupira lorsqu'il sentit les lèvres de la jeune femme sur les siennes. « Peut-être, un jour, changera-t-elle d'avis ? »

Ferme d'Oxford, Pennsylvanie

La petite ville d'Oxford s'étendait devant eux, avec ses rues paisibles bordées de maisons pittoresques. L'atmosphère qui y régnait était marquée par de la sérénité, comme si le temps lui-même avait décidé de ralentir son cours pour souhaiter la bienvenue aux tourtereaux. Ils avaient quitté l'aéroport, loué une voiture pour se diriger vers la petite demeure où le couple détenait le bébé. Le chemin de campagne, longeait par de gigantesques arbres, les conduisait jusqu'à une modeste maison de bois presque isolée du monde.

« Est-ce tu vas bien, Parker ? On y va quand tu te sentiras prête.

- J'appréhende un peu.

- Tu es nerveuse ? Ça va aller, je suis là.

- Je suis prête, Jarod. Je veux le voir. Je veux le prendre dans mes bras.

- Tu dis que tu ne veux pas avoir d'enfants, mais regardes-toi comme tu te comportes, la taquina-t-il gentiment en déposant un baiser sur le bout de son nez.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? elle arqua un sourcil, intriguée. Où veux-tu en venir ?

- Ce que je veux dire Parker, c'est que lorsqu'il s'agit de ce bébé, ton instinct maternel semble prendre le dessus. Tu te montres si attentionnée, si protectrice. Je trouve ça touchant, charmant. Ça ne te fait pas réfléchir à l'envie d'en avoir un toi-même ?

- Jarod, les circonstances ont fait en sorte que je me sois fermée à cette possibilité alors non.

- Tu ne me sembles pas très convaincue. Enfin, allons-y !

- Attends ! Est-ce que tu crois qu'il va me reconnaître ?

- Je ne sais pas. Allons le chercher. »

Ils s'approchèrent de la porte d'entrée, sentant une lueur d'espoir en eux. Elle inspira profondément pour tranquilliser son cœur qui battait à toute vitesse. Le caméléon appuya sur la sonnette, qui ne tenait plus qu'à un fil, ce qui le faisait rire énormément. Mlle Parker souriait face à son amusement. Elle ferma les poings, beaucoup trop excitée rien qu'en s'imaginant voir sa jolie petite frimousse. Jarod lui prit la main, la serrant fort dans la sienne. Un homme d'âge mûr, le visage marqué par les années, leur ouvrit la porte. Son regard était d'une certaine méfiance, cependant, il reçut les deux visiteurs avec courtoisie.

« Bonjour, nous sommes désolés de vous déranger. Je vais me montrer direct avec vous. Nous sommes des agents de l'entreprise qui vous a permis d'accueillir un bébé chez vous. Celui-ci. Elle lui afficha la photo du petit sous les yeux. Il vous a été confié par le Centre. Nous sommes venus jusqu'ici pour le récupérer.

- Oui, il était bien ici. Malheureusement, vous arrivez trop tard. Nous l'avons pris sous notre aile pendant un certain temps, mais il est reparti, il y a quelques jours de cela… C'est un certain Monsieur Lyle, qui est venu le chercher. Vous n'étiez pas au courant ?

- Si. Bien sûr maintenant que vous le dites.

- Comment allait-il ? demanda Jarod.

- On s'est très bien occupé de lui. Il est en parfaite santé. Si M. Lyle souhaite nous confier d'autres enfants, nous sommes à son entière disposition.

- On vous tiendra au courant.

- Tenez, remettez-lui cette petite peluche, ma femme l'avait offerte pour le petit gars, il ne s'en séparait jamais. Excusez-moi, je dois vous demander de partir, maintenant, il regarda son téléphone portable.

- Bien sûr. Bonne journée. »

Dépités, ils s'apprêtaient à reprendre la route, lorsqu'ils aperçurent une silhouette féminine leur faisant signe de s'approcher. Cette dernière émue par leur désarroi prit la parole à son tour. Un échange de regards significatifs entre Jarod et Mlle Parker se produisit, conscients que chaque indice, chaque témoignage, ne devaient surtout pas être négligés. Ils devaient saisir cette opportunité et poursuivre leurs investigations.

« Mon mari ne vous a pas tout dit. J'ai une information qui pourrait vous être utile.

- Quelle information ? Qu'est-ce que vous savez ? s'informa Jarod.

- Il y a quelques jours, avant que M. Lyle ne vienne reprendre l'enfant, un homme très étrange, et assez effrayant, est passé par ici. Il est venu apporter une enveloppe à mon mari.

- Cette enveloppe contenait de l'argent ?

- Oui. Si vous saviez à quel point, j'ai honte.

- Cet homme, quel est son nom ? Comment est-il ? interrogea Jarod.

- Je ne sais pas son nom, mais il traînait derrière lui une bouteille d'oxygène. Peu avant son départ, il a reçu un coup de téléphone. Je l'ai entendu ordonner de transférer le bébé ailleurs. Qu'il était hors de question pour lui de céder l'enfant au… Trium...

- Le Triumvirat ? Tout devient clair, Parker. Le Centre veut s'approprier le petit pour leur sale besogne !

- Où est l'enfant ? Où est-il ? Répondez-moi ! s'énerva Mlle Parker et tout en saisissant la femme par les avant-bras, elle exerça une forte pression sur ses membres.

- Parker, je t'en prie, lâche-la, tu lui fais mal. Ressaisis-toi, voyons.

- Jarod, elle sait où il est ! C'est évident ! elle lâcha la fermière.

- Jarod ? Vous… Vous êtes… Jarod ? Mais alors le bébé, c'est… ?

- Vous me connaissez ?

- Non. Mais c'est une drôle de coïncidence. Écoutez tous les deux, je crois que vous devriez partir d'ici. J'en ai déjà beaucoup trop dit. Cette affaire n'est pas claire tout comme cette société pour laquelle vous dîtes travailler. Je ne veux plus rien avoir à faire avec vous. Et laisser mon mari tranquille !

- Non ! On n'ira nulle part tant que nous n'aurons pas nos réponses. Où est-il ? elle sortit son arme la pointant dans sa direction. Où est-il ? insista-t-elle en articulant chacun de ses mots. Vous trouvez l'homme à la bouteille d'oxygène effrayant ? Vous ne m'avez pas encore vu !

- En Caroline… Du sud… Où peut-être bien du nord, terrorisée par le Smith & Wesson, elle décida de dire ce qu'elle savait, c'est-à-dire pas grand-chose. Il a parlé d'une maison près d'un lac. Enfin, je crois. Je ne suis pas sûr qu'ils y soient encore vous savez. C'est tout ce que je sais. Je dois absolument rentrer. Mon mari va se demander ce que je fais. Allez-vous-en !

- Viens, Jarod, nous n'avons plus rien à faire ici. Sachez Madame, que dorénavant, on sait où vous habitez.

- Un conseil, débarrassez-vous de ça ! avait dit la femme en faisant un mouvement de tête avant de tourner les talons.

- Merci pour votre aide. Bonne journée. Et voilà Parker. Encore une fois, il s'est évanoui dans la nature... Comment est-ce possible ?

- Nous étions si proches. J'ai l'impression, Jarod, de courir après un fantôme. »

Jarod et Mlle Parker se tenaient près de leur voiture, s'apprêtant à partir. La désillusion se lisait sur leurs visages. La jeune femme serrait la peluche tout contre elle, sentant comme une connexion particulière avec cet objet, ou plutôt, avec l'enfant. Soudain, Jarod eut une intuition, une petite voix lui murmurant à l'oreille de vérifier le jouet. Il prit le doudou des mains de la Miss, suscitant une légère interrogation de sa part, examinant attentivement chaque couture, chaque recoin, jusqu'à ce qu'il toucha quelque chose de suspect. Avec précaution, il glissa sa main à l'intérieur et découvrit un petit micro caché. Ses yeux s'élargissaient tandis qu'il retirait l'appareil dissimulé habilement. Les deux jeunes gens échangèrent un regard inquiet.

« Un micro ? Qu'est-ce que ça signifie ?

- Lyle, ce serait bien son genre ! Cela signifie que quelqu'un veut à tout prix nous écarter de la vérité.

- Et de nous empêcher de retrouver le bébé ! » termina Jarod.

Avant de monter dans le véhicule, elle jeta le micro par terre et l'écrasa avec le talon de sa chaussure. Jarod, lui, se débarrassa du jouet. Leurs yeux se croisèrent, les mots semblaient être, à ce moment-là, superflus alors qu'ils étaient confrontés à cette cruelle réalité, celle de ne jamais revoir le petit caméléon. Contrariés, ils quittèrent les lieux, le cœur lourd, à la recherche d'un refuge pour la nuit.

Hôtel bord de route, Oxford, Pennsylvanie

Ils trouvèrent un petit hôtel sur le bord de la route, mais néanmoins, tout à fait convenable. Un endroit tranquille où ils pourraient reprendre leurs esprits et réfléchir posément à la situation. Les chambres étaient plus ou moins modestes, cela leur importait peu à ce stade. L'urgence dépassait tout le reste. Assis au bord du lit, Jarod passa ses doigts d'un geste précis dans ses cheveux, lançant un coup d'œil furtif à la Miss. La jeune femme, complètement anéanti, les yeux bloqués sur le sol, releva la tête vers lui.

« Nous ne pouvons pas baisser les bras, Parker. Peu importe les obstacles qui se dressent devant nous, nous trouverons cet enfant. Nous avons déjà traversé tant d'épreuves, tant de mensonges que…

- Je n'en peux plus, Jarod, elle se releva brusquement du lit. On va de surprise en déception. J'ai l'impression que chaque pas en avant qu'on fait est suivi de trois pas en arrière. Je me demande si tout cela en vaut vraiment la peine. Les vérités que nous avons découvertes jusqu'à présent, nous ont brisés. Les chemins qu'on a pris jusqu'ici, nous ont menés nulle part. Et aujourd'hui, cet enfant continue de nous échapper. Comment pouvons-nous être certains que nous ne nous enfonçons pas dans un abîme sans fin ?

- Eh, je comprends ta résignation, Parker, crois-moi, mais renoncer maintenant, ce serait comme l'abandonner à son propre sort. Nous n'avons pas le droit de faire ça, il la rejoignit près de la fenêtre.

- Jarod, on est venu dans cette ville parce qu'on avait l'espoir de le récupérer. C'était une illusion, encore une fois. Peut-être qu'il y a une raison à ces échecs. Peut-être que nous ne sommes pas censés le retrouver, mais le laisser là où il est.

- Tu penses réellement ce que tu dis, Parker ?

- Je... Je ne sais plus, Jarod. Je suis à bout.

- Je sais que tu es déçu. Je le suis aussi.

- Je veux tellement y croire, mais chaque fois que nous semblons nous rapprocher de lui, il disparaît à nouveau. Je ne sais plus si nous sommes destinés à le ramener. Peut-être que nous devrions nous éloigner de tout cela, reconstruire nos vies, loin de cette agitation incessante, elle lui faisait face.

- Reconstruire nos vies ? Est-ce que ça veut dire… Que tu es prête à quitter le Centre ?

- Ça veut dire que j'en ai assez ! Je n'ai plus le courage. C'est trop dur.

- Parker, tu es la personne la plus forte et la plus courageuse qui m'ait été donnée de rencontrer. Je sais que tu vas surmonter tout ça et faire ce qu'il faut... Pour lui, il sécha les larmes qui commençaient à jaillir de ses yeux.

- Je n'ai plus envie d'être forte, elle haussa les épaules, presque résigné.

- Ça va aller. Tout finira par s'arranger, tu verras. Dès demain matin, Parker. Nous vérifierons et suivrons chaque piste, chaque indice que nous avons, jusqu'à ce que nous trouvions ce que nous cherchons. Je ne laisserai personne nous barrer la route. Je te le promets.

- Sans toi, je n'ai pas la force de continuer de me battre.

- Regarde-moi, Parker, il lui saisit le visage plantant ses yeux dans les siens. Si tu te bats, je me battrai à tes côtés, quoi qu'il arrive, ne l'oublie jamais. »

Alors que la fatigue s'emparait d'eux, ils se laissèrent glisser sous les draps encore frais, s'engouffrant dans un sommeil tumultueux. Leurs mauvais songes étaient peuplés de visages familiers, amis, ennemis, famille, d'ombres terrifiantes, menaçantes, voire insaisissables et de fragments d'indices qui pourrait avec un peu de chance les guider vers leur objectif réel. Le soleil s'était réveillé en même temps que le caméléon, éclairant la chambre d'hôtel de sa douce lueur éclatante. Jarod, déjà debout et habillé, une tasse de café à la main, s'approcha de Mlle Parker, qui paraissait être toujours en proie aux vestiges de ses rêves troublés. Il agita la tasse sous le nez de la Miss, celle-ci attirée par l'odeur, ouvra l'œil.

« Bonjour, toi. Bien dormi ? il s'assit près d'elle. J'ai fait monter du café.

- Jarod, pourquoi m'avoir laissé dormir aussi longtemps ? As-tu de nouvelles pistes ?

- Tu sais, j'ai repassé un nombre incalculable de fois, la discussion avec cette femme dans ma tête et…

- Je sais à quoi tu penses. Et tu as raison. J'ai l'intuition qu'il n'est pas en Caroline ! elle se redressa. J'ignore pourquoi elle nous a dit ça, mais si tu veux mon avis, c'est sans doute une diversion ! elle prit la tasse encore chaude que Jarod lui avait tendue. Merci.

- C'est une possibilité, cela dit, on ne peut pas exclure le fait qu'il soit peut-être là-bas.

- Il n'est pas là-bas, fais-moi confiance, Jarod.

- Je te fais confiance, tu le sais. Tu as vu comme elle avait l'air surprise en entendant mon prénom.

- Cette femme, sait des choses, c'est certain. Voilà comment on va procéder, petit génie, on va retourner la voir et la menacer de tout nous raconter. Elle finira bien par craquer sous la pression.

- D'accord, mais si on revient les mains vides, je te préviens, on utilisera ma méthode !

- Quelle méthode ?

- Tu verras ! On fait une sacrée bonne équipe, toi et moi, non ? Qu'en penses-tu, Parker ?

- La meilleure qui soit ! »

Alors qu'il se penchait sur Mlle Parker pour l'embrasser, on frappa à la porte à petit coups. Jarod se leva avec hésitation et alla ouvrir se demandant qui pouvait bien venir les chercher ici. Personne n'était au courant de leur petite visite dans cette ville. La Miss se dirigea dans la salle de bain. À la grande stupéfaction, de Jarod, c'était la femme de la ferme. Comment avait-elle su où les trouver ? Intrigué, il l'invita à entrer. Mlle Parker, pieds nus et vêtue d'un peignoir, les rejoignit s'installant sur le petit fauteuil situé dans le coin de la pièce. Le caméléon pour détendre l'atmosphère proposa une tasse de café à ces dames espérant que cela briserait la glace et ouvrirait la voie à une conversation un peu plus cordiale. La fermière, rougissante, resta debout, le regard fuyant, tentant de dissimuler quelque chose. La Miss, quant à elle, était avide de réponses, intéressée et agitée, elle croisa les bras, tapotant du pied tout en l'observant avant de la harceler de questions. Voyant le malaise de cette dernière, Jarod interrompit son amante, qui obstinée, celle-ci, insista lourdement. Elle répéta sa phrase.

« Dites-moi, comment saviez-vous que nous étions ici ? Et pourquoi êtes-vous venu ? demanda Mlle Parker d'un ton appuyé, ne cachant pas son impatience.

- Mlle Parker, je pense que nous devrions peut-être laisser à notre invitée le temps de trouver ses mots.

- Je... Je suis désolée d'avoir débarqué ainsi, balbutia-t-elle d'une toute petite voix. Je vous ai suivi, hier. J'ai réalisé que j'avais commis une terrible erreur.

- Laissez-moi deviner, vous nous avez menti !

- Comment vous savez, Mademoiselle ? C'est cet homme quand il est venu à la maison, il nous a menacé de son arme, on était obligé de se taire. J'ai eu peur et j'ai agi de la seule façon qui m'ait été possible de faire.

- Alors pourquoi être venu ici ? Pourquoi nous avoir mis sur une fausse piste ? souffla la jeune Miss.

- Si je suis ici, c'est à cause du petit.

- Comment ça ?

- D'habitude, voyez-vous, quand on accueille un enfant, on nous informe au préalable, de son état actuel, de son nom, de son âge, ses origines, s'il est porteur d'une maladie, vous savez, ce genre de choses. Mais là, il n'y avait rien, aucun dossier. Aucune question. Aucune réponse. J'ai failli appeler la police croyant que c'était un bébé qui avait été enlevé à sa famille. Mon mari, pour lui, seul l'argent compte. Moi, c'est différent. J'ai voulu en savoir plus, c'est là que j'ai entendu la conversation. Je me souviens de ces mots, ça m'a glacé. Cet homme, c'est vrai, il a vraiment parlé d'une maison près d'un lac, mais j'ignore où, il disait à son interlocuteur que Jarod était très spécial, qu'il était l'avenir. Que d'ici quelques mois, tout serait terminé, qu'aussitôt le projet en route, le Centre ne serait plus sous la direction ni sous l'influence du Triumvirat ! Je n'ai pas réalisé tout de suite. Quand hier, j'ai entendu votre prénom, j'ai cru d'abord qu'il parlait de vous. Mais ensuite, j'ai compris qu'il s'agissait du bébé.

- Et le micro ?

- Monsieur Lyle, s'en est chargé.

- Oui, c'est tout lui. Il n'est pas très imaginatif comme garçon ! Et dire que cet idiot est mon jumeau !

- Que va-t-il se passer pour le petit ?

- Merci, beaucoup de vos informations. Avec mon ami, nous devons discuter.

- Attendez, avant de partir, je voudrais vous remettre ceci, elle sortit d'un grand sac une petite couverture bleue. C'était au petit, M. Lyle l'a oublié. Vous finirez bientôt par comprendre ! Bonne journée. »

Après le départ de la femme, Jarod et Mlle Parker, ne savaient plus trop quoi penser. Alors que le caméléon, assis sur le lit, la tête entre ses mains, réfléchissait. Il se redressa et regarda la Miss qui tournait en rond, la couverture dans les mains, rouspétant que tout compte fait, ils n'étaient pas plus avancés que tout à l'heure. Au moins, cela leur avait épargné le trajet jusqu'en Caroline ! C'était encore une impasse. Tout à coup, une pensée lui traversa l'esprit. Une pensée qu'elle soumit bien volontiers à un Jarod absent. « Enlever Lyle, l'attacher à une chaise et s'amuser à le torturer jusqu'à ce qu'il avoue ses manigances ! » Elle jubilait à l'avance de ce petit plaisir qu'elle méritait largement de s'octroyer sur le compte de son pathétique de frère. Elle avait hâte de lui sectionner l'autre pouce, et pourquoi pas tous les autres doigts de ses deux mains ? Sa langue fourchue, et puis aussi…

« Jarod, tu m'écoutes ?

- Euh quoi ? Tu disais ?

- Je proposais… Non, laisse tomber. C'est une mauvaise idée de toute façon. Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu es ailleurs.

- C'est ce qu'elle a dit qui me préoccupe.

- Honnêtement, Jarod, elle ne nous a rien appris de plus. Je pense qu'elle voulait aller à la pêche aux informations.

- Non, elle était inquiète pour lui. Mais maintenant je comprends mieux pourquoi elle était si étonnée hier, il se leva marchant à vive allure à travers la chambre.

- Au vu de la situation, on ne peut pas se fier aux dires de qui que ce soit. Et pourquoi… ? Tiens qu'est-ce que c'est que ça ? Regarde ça Jarod. Là, tu vois la lettre, elle lui montra la couverture.

- J ?

- J comme Jarod ! C'est étonnant que le Centre ait pris le temps de coudre l'initiale du prénom du petit. J'ignorais qu'ils avaient étendu leurs activités jusqu'à la confection de couverture ou de vêtements en tout genre !

- Non, non, non ! C'est impossible ! Ils n'ont pas recommencés. Il s'écroula sur le lit.

- Et si ! Et ça, c'est une preuve !

- Parker, tu crois sincèrement que ce bébé serait encore un clone. Mon clone ?

- À moins qu'il ne soit ton fils. Oui, Jarod, c'est possible. Avec le Centre, il faut s'attendre à tout ! Cela expliquerait le fait qu'il porterait le même prénom que toi. Mais si tu as raison, cela nous donne une raison de plus pour le retrouver.

- On n'a aucune piste sérieuse. Une maison près d'un lac. Quel lac ? Quelle ville ? On n'a rien. Absolument rien ! C'est toi qui avais raison, jamais on ne le retrouvera ce petit.

- Eh, tu doutes ? elle s'allongea près de lui, caressant sa joue. As-tu déjà oublié ce que tu m'as dit hier soir ? Que si je me battais, tu serais toujours à mes côtés. Ne me laisse pas seule dans cette bataille, j'ai besoin de toi, Jarod. Je n'y arriverai pas toute seule.

- Non, je ne doute pas, peut-être un petit peu. Parker, rassure-toi, cette bataille, on la mènera à deux.

- Tu sais, c'est ce que mon père me disait à propos du bébé, qu'il était important pour l'avenir du Centre, qu'il était la clé. C'est ce qu'il disait de toi aussi.

- L'avenir du Centre ? La clé ? Qu'est-ce que ça signifie ?

- Je ne sais pas. Les mots de mon père n'ont jamais eu de sens pour moi.

- Des interrogations, des énigmes qui ne nous conduira nulle part.

- Comment peut-on se servir d'un être si innocent pour assouvir sa soif de pouvoir ? ils fixèrent tous les deux le plafond.

- Pose la question à Raines.

- Je ne suis même pas sûr qu'il y connaisse la réponse, Jarod !

- Si seulement, on savait qui il est et où il est !

- Il est assez important et spécial pour que le Centre veuille l'utiliser à ses fins.

- Et ainsi se débarrasser du Triumvirat !

- On sait également que son prénom commence par un J.

- Et qu'il est certainement mon clone !

- Jarod, que faisons-nous, maintenant ? » elle le regarda, ses yeux était rempli d'interrogation.

Les dernières paroles de la jeune femme retentissaient tandis que le calme s'installa dans la chambre. Ces quelques découvertes, pourraient-elles changer la donne et les rapprocher davantage de la vérité tant recherchée ? Les pièces manquantes se rassemblaient peu à peu, laissant entrevoir un tableau bien plus sombre que ce qu'ils avaient imaginé jusqu'ici. Ils pouvaient presque apercevoir les secrets qui planaient juste au-dessus de leur tête. Les épreuves qu'ils devraient affronter seraient bien plus grandes encore, leurs résolutions bien plus difficiles à atteindre. Au cœur de leur incertitude et de leur volonté, ils étaient prêts à tout pour sauver cet enfant, clone ou pas, et ce, même si cela devait les conduire sur des chemins inattendus et dangereux. Les mystères qui les entouraient étaient sur le point de se dévoiler, les révélations à venir ne feraient que soulever de nouvelles questions. Étaient-ils prêts à y faire face ?