Chapitre 39 : Au-delà des Mensonges

Note : Que pensez-vous de la théorie sur la manipulation génétique ? N'hésitez pas à me donner votre avis. Bonne lecture !

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Leur monde venait de s'effondrer autour d'eux, laissant derrière lui la joie et les rires qui s'étaient répandus dans la pièce une heure auparavant, rompus seulement par les battements frénétiques de leurs cœurs. Dans la suite de l'hôtel de New York, Mlle Parker et Jarod se tenaient là, elle assise, lui débout, encore sous le coup des révélations venant ébranler leur existence. Les mots prononcés par le caméléon tantôt étaient ancrés en elle. Malheureusement, elle était incapable de les assimiler, pire encore, pour elle ce n'était pas réel. Alors pourquoi cherchait-elle à tout prix à comprendre ? Aucun son ne sortait de sa bouche, ses mouvements s'étaient figés tandis que ses iris plein d'incompréhension dévisageaient le jeune homme, espérant que ce qu'il venait de dire n'était qu'une cruelle plaisanterie de sa part. Un petit jeu auquel il adorait s'adonner : la torture ! Comment pouvait-il être possible, que son amant, l'homme qu'elle avait passé des années à traquer, à désirer puisse être lié de quelque manière que ce soit à cet enfant, ce petit être innocent qui avait chamboulé sa vie ? Elle pressa ses mains contre ses oreilles, secouant vigoureusement la tête. Elle qui avait toujours accepté, sans rien dire, les trahisons de son paternel, cette fois, il avait dépassé la mesure. C'était au-delà de tout ce qu'elle avait pu imaginer. Comment avait-elle pu manquer de clairvoyance à ce point ? Et qui était la mère de cet enfant ? Toujours des questions sans réponses. Un jour, sera-t-on honnête envers elle ? Les yeux perdus dans le vague, elle était incapable de réagir sur l'instant. Tout s'embrouillait en elle. Chaque mensonge, chaque manipulation, chaque fois où elle avait été utilisée par sa famille se précipitaient vers elle en une monstrueuse cascade de pénibles et douloureux souvenirs tout comme les nombreuses expériences choquantes menées au Centre. Elle s'efforça de faire face à cette nouvelle qui bouleversa sa perception de la réalité. Jarod, une serviette entourant sa taille, une autre à la main, était rongé par la culpabilité. Il s'approcha d'elle, devant elle, il referma l'ordinateur posé sur ses genoux.

« Arrête, Parker. Tu te fais du mal pour rien.

- Non ! Non ! C'est inconcevable.

- Écoute-moi. J'ai dit que c'était possible qu'il le soit, pas qu'il était. Je suis aussi bouleversé que toi, Parker. Mais il ne faut pas oublier que le Centre a déjà cloné ma personne par le passé. Si le clonage est envisageable, alors il est plausible qu'ils aient…

- Manipuler tes gènes pour concevoir un enfant, c'est ça ? C'est insensé, elle s'était relevée brusquement après avoir déplacer l'ordinateur sur le côté.

- Aussi insensé que notre liaison ?

- Je n'arrive pas à y croire, Jarod.

- Qu'est-ce que tu n'arrives pas à y croire ? Le fait est que ce soit possible où que ton père t'ai encore menti ? Bon sang, ouvre les yeux ! Regarde la vérité en face pour une fois, il jeta sur le canapé la serviette qu'il tenait à la main.

- Peut-être que mon père n'était pas au courant… C'est vrai, de là à faire ce genre de choses. Jamais, il ne se serait abaissé à ça.

- Tu es dans le déni, Parker. Bien sûr que ton père était au courant. Ton père et le Centre n'ont aucun scrupule. Je suis désolé de te dire ça, mais…

- C'est tellement énorme que… Non, en fait, ça ne devrait pas me surprendre.

- En ce qui me concerne Parker, je ne suis pas surpris. Je suis écoeuré, déçu et en colère.

- Comment, Jarod, ont-ils pu aller aussi loin dans leurs expériences ? Créer un embryon humain. C'est monstrueux, immoral et inhumain.

- Je sais, c'est horrible. Pourtant, ils l'ont déjà fait et ils ne se sont pas arrêtés à une copie ! Cette fois-ci, ils ont fait pire, il lui prit la main qu'elle retira aussitôt.

- Parce qu'il est ton fils ? Et selon toi qui pourrait bien être la mère du bébé ?

- Je n'en ai aucune idée. C'est ce qu'il faudra découvrir… Et la retrouver !

- Comment ont-ils procédé pour le clonage ? Pour l'implantation de l'embryon ? Est-ce la même technique que pour la manipulation génétique ?

- Il y a des années, ils m'ont demandé d'effectuer une simulation de clonage. Une cellule contenant le plan d'ADN de l'organisme souhaité, celui-ci est alors fusionné dans un ovule hôte. Une fois que l'embryon cloné s'est développé à un stade approprié, il est alors implanté dans l'utérus d'une mère porteuse, où il continuerait son développement.

- Ton ADN... Ouï. Il utilise des femmes qui sont seules, sans aucune famille où encore des femmes dans le coma. Des mères porteuses… Et pour les ovules ? C'étaient les ovules de ta mère ?

- Ils ont implanté mon ADN dans son ovule, sachant qu'il n'y aurait pas de rejet.

- Mais pourquoi ? Pourquoi tout ça ? Qu'est-ce qu'ils veulent faire avec cet enfant ? Elle avait des sanglots dans la voix tandis que Jarod se rapprocha de la jeune femme.

- La création d'un surhomme, d'un enfant ou encore d'un caméléon parfait. L'héritage génétique. L'expérimentation scientifique. Le contrôle et la manipulation… Il y a autant de raisons que de mauvaises intentions, Parker.

- Que va-t-il lui arriver ?

- Si on ne le récupère pas, ils se serviront de lui comme ils se sont servi de moi à plus grande échelle. Ce sera le nouveau joujou de Raines. Il deviendra l'arme secrète du Centre. Il fera l'objet d'expériences scientifiques visant à développer de nouvelles capacités ou à étudier des phénomènes génétiques les plus complexes où que sais-je encore. Ils faudrait découvrir leurs motivations.

- Je ne me rendais pas compte à quel point tout cela pouvait être aussi grave. Je n'aurai jamais dû écouter mon père toutes ces années.

- Écoute, ça ne sert à rien de nous torturer l'esprit. Pour le moment, on va oublier tout ça, le temps du week-end. D'accord ? il la prit dans ses bras.

- Oublié ? elle se sépara de lui, le repoussant presque violemment. Comment peux-tu me demander d'oublier que le bébé que je prenais pour mon petit frère, il y encore quelques mois, soit ton fils ? Non, je regrette, je ne peux pas oublier.

- Parker, je n'ai fait qu'émettre une simple hypothèse qui me semblait être logique à ce stade. Je ne pensais pas que ça prendrait une telle ampleur. Avant d'affirmer quoi que ce soit, j'aimerais en être sûr.

- Moi, j'en suis sûre. Et je crois que quelque part, au fond de moi, je le savais déjà. Et toi aussi, tu le savais sinon tu ne m'en aurais jamais parlé, elle avait prit son sac et sa veste à la main.

- Qu'est-ce que tu fais ? Où vas-tu ?

- Jarod, j'ai besoin d'être seule. Je ne supporte plus de rester enfermé ici… Avec toi.

Mlle Parker se sentait oppressée, petit à petit, les murs se refermaient sur elle. Elle avait besoin d'air, de s'éloigner, ne serait-ce qu'un instant de ce qui était devenu un cauchemar pour elle. Jarod, voyant qu'elle était sur le point de partir, tenta de la retenir s'avança vers elle, la saisissant par la taille. Le regard implacable, elle se dégagea brutalement de son emprise, l'interrompant d'un geste de la main, sa voix était aussi tranchante qu'une lame de couteau.

- Stop ! Ça suffit ! Je ne veux plus rien entendre !

- Attends, Parker... Je sais que c'est difficile pour toi, ça l'est pour moi aussi, mais nous devons parler de tout ça calmement.

- Non, Jarod, je n'ai plus envie d'en parler. Ça ne servirait à rien.

- Je ne sais plus quoi dire Parker, mais arrête de fuir à chaque fois que quelque chose ne va pas dans ta vie. Ignorer les problèmes ne les fera pas disparaître pour autant.

- Eh bien, je préfère les ignorer.

- J'aimerais qu'on en discute. Je reconnais que c'est une situation qui n'est pas des plus ordinaire, mais je suis convaincu que nous pouvons trouver une solution.

- Jarod, je ne suis pas sûr de le vouloir.

- Je t'en prie, ne pars pas. Ne te referme pas.

- J'en ai assez, c'est trop dur. » elle claqua la porte furieusement.

Summit Rock, Central Park West, NY 10024, États-Unis

Mlle Parker errait dans les rues nocturnes de New York. Dans l'obscurité, on entendait au loin le bruit de ses pas mélancoliques. La faible lueur des réverbères était bien trop insuffisante pour dissiper les sinistres pensées qui prenaient peu à peu possession d'elle. Elle était à des années-lumière, plongée dans un monde parallèle où la vérité s'évaporait aussi vite que les ombres qui la traquaient. À force de marcher sans but, elle se retrouva à Central Park, un refuge de nature au cœur de l'agitation citadine. Les arbres d'une beauté pleine de grandeur penchaient leurs branches vers elle, susurrant des secrets oubliés. Une brise légère caressait doucement son visage, telle une main invisible cherchant à apaiser son cœur déjà meurtri. Immobile, elle se tenait là, avant de s'asseoir sur un banc pour regarder les visages d'êtres chers disparus se dessiner avec acuité dans le ciel étoilé. Son père, l'homme qui avait été à la fois son guide et son geôlier, dont les tromperies et les manœuvres lui avaient laissé une empreinte indélébile. Sa mère, dont la disparition tragique était plus que mystérieuse, avait engendré un vide béant dans son être. Faith, son amie, non sa sœur adoptive qui avait été emportée bien trop tôt par la cruauté du destin. Et puis Thomas, l'homme qui avait su toucher son cœur endurci, celui qui lui avait offert un peu de bonheur avant d'avoir été arraché à la vie injustement, sauvagement par le Centre. Elle s'essuya les yeux lorsqu'elle se surprit à pleurer. Tout à coup, une silhouette d'une familiarité bien connue apparaissait lentement. C'était celle de son caméléon. Elle observa attentivement l'image de Jarod prendre forme devant ses yeux, au milieu des étoiles, un homme qui avait toujours été une énigme, une source d'inquiétude et un allié à la fois. Son cœur bondissait en pensant à leur histoire, aux liens tissés entre eux au fil des années, et ce, malgré les circonstances. Alors qu'elle scrutait les visages de tous ceux qu'elle avait perdus, ces derniers, lui murmuraient de faire confiance à l'homme qui se tenait toujours là, près d'elle.

Avec Thomas, son ancien amant, elle avait pu faire abstraction du véritable monde, oublier celle qu'elle était vraiment. Chaque instant passé à ses côtés était une évasion, une parenthèse, une échappatoire assez éloignées de la réalité tandis qu'avec Jarod, bien que tout semblait n'être en apparence qu'illusion, selon elle, tout était authentique, tout était réel. Une vraie connexion les liait. Il avait la capacité de lui montrer qui elle était exactement, de réveiller en elle son humanité enfouie sous des grosses couches épaisses de cynisme, de mépris et de souffrance. Pourtant, à cet instant précis, elle était incertaine. Elle ne savait plus à qui se fier. Pourquoi ? Étaient-ce les affabulations de son paternel qui obscurcissaient sa vision et son jugement, semant en elle, le doute quant à la sincérité de Jarod ? Ou bien était-ce la peur d'aimer véritablement, de risquer d'être trahie une fois encore ? Les réponses, aussi insaisissables qu'elles puissent être, se trouvaient quelque part. Et Mlle Parker, égarée dans son introspection, se demandait si elle aurait un jour le courage de les affronter. Elle s'en alla quittant Central Park, le téléphone collé à son oreille. Il fallait qu'elle sache. Et Jarod aussi. Ils étaient en droit de savoir !

« Broots, j'ai besoin que vous me fassiez une petite recherche pour moi. Je veux que vous vérifiiez toutes les expériences menées au Centre au cours de ces deux dernières années, non de ces trois dernières années.

- De quelles expériences vous parlez ?

- Le clonage… La manipulation génétique… La transgénèse... Tout ce qu'il sera digne d'intérêt. C'est important, faîtes au plus vite.

- Mlle Parker, que se passe-t-il ? il se gratta la tête.

- Je ne peux pas vous expliquer les détails pour le moment, Broots, mais c'est d'une urgence capitale. J'ai besoin que vous fassiez des recherches approfondies sur tous les projets qui ont eu lieu depuis la naissance du bébé, et ce, jusqu'à aujourd'hui. Rien ne doit être négligé.

- Est-ce que tout va bien, Mlle Parker ?

- Je suis une piste, Broots. Il y a des éléments troublants qui ont émergé récemment et je pense que cela pourrait avoir un lien avec le petit garçon. Nous devons être certains de tous les faits.

- Quand vous dîtes "nous" vous parlez de vous et de Jarod ?

- Ce n'est pas le propos. Mettez-vous au travail sans plus tarder, avait-elle ordonné.

- D'accord, je vais faire de mon mieux. Mais je dois vous prévenir, Mlle Parker, que certaines de ces informations pourraient être extrêmement sensibles et difficiles à obtenir. Vous savez comme moi que le Centre n'est pas connu pour sa transparence. Broots commençait à avoir chaud, il ouvrit les premiers boutons de sa chemise.

- J'en suis consciente. Mais si quelqu'un peut le faire, c'est vous. J'ai besoin de votre aide. Alors Scooby-doo, au boulot !

- Je m'y mets immédiatement.

- Merci, Broots. Faites-moi savoir dès que vous aurez des résultats. C'est peut-être notre seule chance de découvrir la vérité.

- Je vous tiendrai informée dès que j'aurai du nouveau.

- Broots. Et encore une fois, merci. »

Ils raccrochaient tous les deux mettant fin à la communication. Elle appréhendait les résultats que Broots pourrait y trouver. La vérité qu'ils recherchaient pourrait changer leur vie à jamais. Était-elle prête à en assumer les conséquences ?

Quelque part dans les rues de New-York

La nuit avait recouvert d'un voile sombre la grande pomme. Jarod, soucieux et rongé par l'inquiétude, parcourait ruelles après ruelles, avenues après avenues avec empressement. Son front se plissait à tel point que l'on avait l'impression que de nouvelles rides se formaient sur son visage. Il fixait chaque individu qui croisait son chemin, espérant apercevoir la jeune femme. Ses pensées étaient entièrement tournées vers elle, sa complice, son alter ego, sa compagne de jeu. Il ne pouvait supporter l'idée qu'elle soit seule, évanouie dans la nature. « Où es-tu, Parker ? Où es-tu ? » murmurait-il à voix basse en frottant ses yeux cernés et fatigués. Il vérifia l'heure sur sa montre ainsi que des messages sur le téléphone. Rien ! Il avait chaud, malgré le vent qui s'était levé. Ses pas précipités le menaient d'un coin à un autre, cherchant le moindre signe de sa présence. Il s'arrêta brièvement devant un café encore ouvert à cette heure, scrutant l'intérieur à travers les vitres embuées. Elle n'était pas là. Son cœur se serrait un peu plus à chaque seconde qui passait sans la trouver. Son anxiété grandissait à mesure que le temps filait. Et s'il lui était arrivé quelque chose ? Jamais, il ne pourrait se le pardonner.

Le Centre, Blue cove, Delaware

Au sein même du Centre, Broots et Sydney se jetaient corps et âme dans une recherche exhaustive, résolus à démêler les fils de l'énigme entourant le bébé Parker. Ils débutèrent par une exploration minutieuse des expérimentations menées au cours de ces trois dernières années, avec une attention particulière portée aux domaines sensibles du clonage, de la manipulation génétique et de la transgénèse. Armés de patience et d'expertise, ils analysèrent chaque document, chaque donnée, en vain, leurs efforts ne furent récompensés que par une succession d'échecs et de déceptions. L'informaticien, les joues rougissantes, la tête baissée, jura d'une voix à peine perceptible. Embarrassé et frustrer, il se sentait inutile. Quant à Sydney, il resta muet et calme, mais au fond de lui, il craignait le pire. Selon Broots, les réponses souhaitées ne semblaient pas se trouver ici. Les minutes se transformèrent en heures durant lesquelles leur agacement gagnait rapidement du terrain. Alors qu'ils passaient en revue des tonnes d'informations finalement, un fichier informatique au beau milieu des dossiers confidentiels attira l'attention de Broots, une expérience aux méthodes peu orthodoxes ! Tout en sueur, Broots ouvrit le document tant convoité, ses doigts tremblaient légèrement sur le clavier. Et là, devant leurs yeux ébahis, se dévoila une vérité saisissante.

« Sydney, j'ai trouvé quelque chose... Un autre dossier confidentiel parmi les autres. Il porte sur une expérience... Peu juteuse. J'ai peur de l'ouvrir. Regardez la date ! C'est justement, la période qui nous intéresse.

- En effet ! Ouvrez-le, Broots. Voyons ce qu'il contient. Ce dernier n'était pas rassuré.

- Sydney. Ce que je vois me laisse sans voix. Je… Je préfère vous avertir, vous savez, les procédés qui y sont décrits sont peu conventionnels, pour le moins que l'on puisse dire. C'est inimaginable.

- Je sais, c'est ce qui m'effraie. Nous ne devrions plus être étonné par les actions du Centre, Broots. Continuez.

- Selon ces documents, ils auraient utilisé des techniques de manipulation génétique… Ils auraient exploité le matériel génétique pour créer... Un embryon humain ! Oh, bon sang ! Vous ne devinerez jamais ce que j'ai trouvé. Cette expérience... Elle implique Jarod !

- Expliquez-vous, Broots.

- D'après ces informations, l'expérience visait à créer et à modifier génétiquement des embryons humains. Mais son but n'est pas précisé… Et devinez quel nom apparaît ? Celui de Jarod. Il est répertorié comme donneur de matériel génétique. Regardez, c'est écrit là, noir sur blanc. Je vous l'ai dit, c'est inimaginable !

- Mon Dieu... Ils ont osé faire ça ! il frappa des poings sur la table faisant sursauter l'informaticien.

- Sydney, qu'est-ce que cela signifie ?

- Cela signifie que Jarod est le père du petit Parker. Ils se sont servi de lui d'une manière qui me dépasse. Et la mère ? Est-ce qu'on a son identité ? On sait qui c'est ?

- Non, il n'est fait mention nulle part ici de l'identité de la mère. Je… Le nom a été effacé. Je ne sais pas, Sydney, si un jour, nous saurons toute la vérité sur cette affaire.

- Pourtant, nous allons la découvrir. Nous le devons à Jarod.

- Je ne pensais pas que le Centre irait aussi loin. Ils ont franchi une nouvelle limite, une limite de l'inhumanité. Comment peuvent-ils continuer à agir de la sorte ?

- Ils ne sont motivés que par le pouvoir et le contrôle, Broots. Ils ne sont pas préoccupés par les conséquences comme vous et moi. Maintenant, tout devient clair.

- Mais Sydney, un enfant de Jarod ?

- Pour le Centre, ce n'est pas un enfant. C'est une chose. J'ai peur de ce qu'ils prévoient de faire de lui. Appelez Mlle Parker.

- Je m'en occupe.

- Je veux que vous continuiez à fouiller. Je veux savoir qui est la mère du petit.

- C'est parti ! »

Sydney regardait les mots imprimés sur l'écran confirmant sans l'ombre d'un doute que le matériel génétique avait été utilisé pour donner naissance à un embryon humain, établissant ainsi avec force que Jarod était bien le père de l'enfant. Cependant, l'identité de la mère demeurait le maillon manquant de cette chaîne génétique complexe et absurde, une information essentielle volontairement dissimulée. Cette découverte fracassante ébranla Sydney jusqu'au plus profond de son être. Il était indigné face à l'audace du Centre, triste devant cette nouvelle réalité, en colère nourrie par l'injustice flagrante de ces manipulations. Comment pouvait-on se permettre de relancer ces expériences interdites, au mépris total des limites éthiques et morales ? La simple création d'une réplique parfaite de Jarod n'avait donc pas suffi à satisfaire la curiosité des ambitieux sournois de ceux qui se cachaient dans l'enceinte du Centre ? Mais alors qu'aujourd'hui, la situation dépassait de loin la fiction ainsi que toutes les appréhensions antérieures, le psychiatre, lui, refusait de rester les bras croisés. Broots et Sydney restaient sidérés face à l'ampleur des agissements orchestrés en secret, à l'intérieur même de ces murs.

Suite 88, Le Mark Hôtel, NY

Des heures s'étaient écoulées depuis le départ de Mlle Parker, et Jarod se sentait épuisé autant physiquement qu'émotionnellement. Il commença à imaginer des scénarios tragiques. Et si quelque chose lui était arrivé ? Et s'il était trop tard pour la retrouver ? « Parker, reviens... S'il te plaît, reviens. » Ses mots étaient à la fois un appel désespéré et une prière silencieuse. Au petit matin, alors que le ciel se teintait de nuances rosées, Jarod était revenu à la suite de l'hôtel, totalement démuni. Il ne l'avait pas trouvée. Peut-être était-elle repartie au Centre ? D'un pas lent et lourd, il s'effondra littéralement sur le canapé, fermant les yeux durant un court instant. Il soupira. Tout à coup, il entendit le bruissement de la porte. Elle était rentrée, ses émotions étaient à fleur de peau. Lorsque la jeune femme franchit le seuil, Jarod se précipita vers elle soulager qu'elle soit enfin là, ici, avec lui. Elle se laissa prendre dans les bras de Jarod qui ce dernier déposa de petits baisers ici et là, en alternant entre son cou et son visage.

« Parker, enfin ! J'étais inquiet. Si tu savais ce qui m'est passé par la tête.

- Jarod… Il faut que je te dise. J'ai appelé Broots. Je viens d'avoir la confirmation de ce que tu soupçonnais… Tu es bel et bien le père du bébé. Félicitations, petit génie te voilà papa ! elle afficha un sourire forcé.

- Je... Je préférerais ne pas l'être. Pas de cette manière.

- Ah ? Pourtant, je croyais que c'était ton rêve d'être père, Jarod resserra son étreinte.

- Parker, tu sais que ce n'était pas ce que je voulais dire. Ce n'est pas l'enfant en lui-même qui me pose problème, c'est la manière dont il est venu au monde. Il méritait mieux que ça.

- Tu as raison, Jarod. Il méritait mieux. Est-ce que la façon dont-il a été conçu à une si grande importance pour toi ?

- Non… Enfin, je ne sais pas. Disons que… Ça ne c'est pas fait de manière naturelle.

- De manière naturelle ? intriguée par la réponse du caméléon, elle haussa un sourcil.

- Oui. J'aurais aimé choisir moi-même la mère de mon enfant.

- Une voie plus traditionnelle ! Et qui… Qui aurait été la… ? Jarod l'embrassa, elle se reprit. Quelle que soit la façon dont il a été conçu, il est ton fils. Il fait partie de toi.

Elle se dégagea de lui, de son étreinte. Sa main tremblante serrait avec force une photographie qu'elle gardait toujours avec elle. C'était celle du petit garçon, celui qui était au cœur de leur discorde, de leur doute et de leur angoisse. Les yeux de Mlle Parker se promenaient intensément entre le visage de l'enfant et celui de son amant cherchant des similitudes, des traits familiers avec Jarod. Il lui ressemblait tellement. Oui, c'était un tout petit Jarod, un mini caméléon. Comment avait-elle pu ne pas le remarquer avant ? Et comment pouvait-il être le père de ce bébé ? Cette question-là, elle se l'était posée un nombre incalculable de fois, et ce, toute la nuit ! Et pour cause, elle avait toujours du mal à y croire.

- Tu sais, c'est assez ironique dans le fond. Tu vois cette photo ? Observe-la bien ! elle lui remit la photographie. Jarod, ton regard... Je l'ai vu avant. Je le connais par cœur. Et aujourd'hui, je réalise que c'est le même que celui de ton fils. À chaque fois que je le prenais dans mes bras et que je le regardais, je me demandais où j'avais vu ces yeux. Je comprends mieux maintenant. Ils sont les tiens.

- Je... Je ne sais pas quoi dire. C'est tellement surréaliste et incompréhensible.

Sur la photo, le garçon attira immédiatement le regard du caméléon avec ses courbes fins et sa présence lumineuse. Ses cheveux d'un brun éclatant et soyeux encadraient sa jolie petite frimousse, ajoutant une touche de chaleur à sa peau si douce. Ses yeux de couleur noisette étaient remplis de curiosité, de joie de vivre et d'une lueur d'intelligence qui captaient l'attention, reflétant ainsi une certaine vivacité d'esprit. Son visage était rond avec de toutes petites pommettes lui conférant une expression pleine de tendresse. Ses sourcils bien dessinés apportaient une certaine intensité à son regard. Son nez petit et retroussé lui donnait une apparence espiègle et charmante. Ses lèvres rosées, légèrement pincées, suggéraient une concentration ou une réflexion profonde, même à un si jeune âge. Le bébé Parker semblait être éveillé et attentif au monde qui l'entourait. Sa posture calme et paisible traduisait une grande sérénité et une innocence typiques des nourrissons. Il incarnait une beauté naturelle et une énergie vivante, laissant entrevoir un potentiel infini pour grandir et s'épanouir si on lui en donnait l'occasion.

- Je m'étais attaché à lui. Il était important pour moi, il le sera toujours. À mes yeux, il était quelqu'un de ma famille et en fin de compte, il n'est personne et je ne représente rien pour lui.

- Rien ne viendra altérer ta relation avec lui, Parker parce que nous ferons face à la réalité, ensemble.

- La réalité ? Tu le savais, n'est-ce pas ? Tu savais depuis le début que cet enfant était le tien, et tu as choisi de me le cacher ! Jarod. Comment as-tu pu garder ce secret pour toi aussi longtemps ? Son visage retrouvé peu à peu une expression que le caméléon ne connaissait que trop bien.

- Parker, tu fais erreur. Je ne t'ai jamais rien caché. Jusque-là je ne le savais pas. Tout s'est éclairci pour moi quand j'ai lu la lettre de Catherine. Puis j'ai fait le rapprochement avec celle de ton père où il demandait pardon. Et les événements récents me laissaient penser que j'étais dans le vrai. Après quoi, il n'était pas si difficile pour moi de comprendre. C'était comme une évidence. Une évidence que je ne pouvais pas ignorer. Seulement, je crois que ce n'est pas tout. Les réponses sont dans ces deux lettres, j'en suis sûr.

- Je ne te crois pas. Je ne suis même pas sûre de le vouloir d'ailleurs.

- Pourquoi dis-tu ça ? De quoi as-tu peur Parker ? Tu crois que je vais tirer un trait sur notre histoire, c'est ça ? Saches que rien ne changera entre nous.

- Ne dis pas ça ! Non, ne le dis pas. Tu ne peux pas me le promettre. Rien ne sera plus comme avant, Jarod. Tout va changer quand tu le retrouveras.

- Je te promets, Parker, que jamais rien ne changera entre nous deux. Cet enfant est une part de moi, mais toi, tu es ma complice, mon égale, mon amour. Rien ne pourra jamais remplacer ce que nous avons.

- Tu ne comprends donc pas, Jarod, ce que je veux te dire ? Tu ne comprends pas ce que cela signifie pour moi, pour nous ? Je ne supporterai pas de te voir partir avec lui, de te voir construire une vie avec lui… Comment pourrais-je accepter que tu sois le père de cet enfant ? Comment pourrais-je accepter de le perdre ?

- Attends. Je viens de comprendre. Tu penses que je serai capable de prendre le petit et de l'emmener loin de toi ? Jamais je ne te ferais ça, voyons ! Je sais que tu l'adores.

- Jarod, elle lui saisit le visage. Jusqu'à maintenant, tu ignorais que ce bébé était le tien. Vrai ?

- Où veux-tu en venir ?

- Et si je te demande de renoncer à cet enfant, pour que rien ne change entre nous. Pour que je puisse continuer à le voir quand je le retrouverais. Serais-tu prêt à abandonner ton propre fils ? Serais-tu prêt à faire ce sacrifice pour moi ?

- Est-ce vraiment ce que tu veux ?

- Tu hésites ? Je vois bien que tu n'es pas prêt à faire ce sacrifice pour moi. Tu ne peux pas renoncer à ton fils. Je le vois dans tes yeux. Et je ne peux pas te demander de le faire, elle lâcha son visage.

- Parker, il est une partie de moi-même.

- Et cette partie-là, Jarod, on te l'a volé !

- Si je comprends bien, tu me demandes de faire un choix, soit je renonce à lui soit c'est toi que je perds.

- Non, Jarod, il n'y a pas de choix a faire.

- Alors que veux-tu que je fasse ? Dis-moi !

- Retrouve-le ! Je sais que tu trouveras un moyen de lui offrir tout l'amour et la stabilité dont il aura besoin. Quoi qu'il en soit, Jarod, tu auras des décisions à prendre. Mais sache que même au milieu de toute cette confusion, une chose reste certaine : cet enfant ne doit pas grandir sans son père. Il a le droit de connaître ses origines tout comme toi.

- Parker, peu importe, je serai là pour lui. Je serai son père, même si je n'ai pas choisi cette situation. Mais j'ai aussi besoin de toi à mes côtés, de ton soutien. Dis-moi que tu seras là.

Sans rien dire, elle se dirigea vers la chambre suivie du caméléon. Les talons aiguilles de ses chaussures claquaient sur le sol. Les sacs disposés sur le lit étaient prêts à accueillir ses affaires. Jarod, encore tout chamboulé par la nouvelle, l'observa attentivement sans vraiment réaliser ce qu'elle s'apprêtait à faire. Elle commença à ranger méthodiquement ses vêtements, pliant chaque pièce avec une précision presque mécanique. Ses gestes étaient d'une lenteur. Elle sentit une boule d'émotions se former dans sa gorge. Elle ferma les sacs, les soulevant du lit, jeta un dernier coup d'œil nostalgique avant de quitter la chambre, emportant avec elle ses bagages et les fragments brisés de sa relation avec le caméléon.

- Parker ! Qu'est-ce que tu fais ? Tes sacs ? Ça veut dire quoi ?

- Je m'en vais, Jarod. C'est trop compliqué. Je ne peux plus continuer ainsi. Je dois prendre du recul.

- Non, ne fais pas ça ! Je t'en prie, Parker. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Enfin, il y a encore quelques heures, on faisait l'amour, là-bas dans cette chambre et maintenant, tu veux t'en aller ! Je veux que tu restes.

- Jarod, regarde-moi, écoute-moi, tu dois retrouver ton fils, il a besoin de toi.

- Mais... Et toi ? Que vas-tu faire ?

- Pour moi, il est préférable de m'effacer, de te laisser vivre ta relation avec ton enfant, expliqua-t-elle. J'espère sincèrement que vous aurez une belle vie tous les deux, ensemble.

- Non, Parker, s'il te plaît... J'ai besoin de toi. Je ne peux pas te laisser partir. Pas comme ça.

- Peut-être, un jour, Jarod, retrouverons-nous notre chemin. Mais pour l'instant, je dois m'éloigner. Je pars avec l'espoir que tu trouveras le bonheur, que tu t'épanouiras en tant que père. Je ne te demande qu'une seule chose. Prends toujours grand soin de lui. »

Mlle Parker plaqua ses mains sur les joues du caméléon essuyant avec ses pouces ses larmes. Elle se retourna pour faire quelques pas vers la porte, alors qu'il venait d'admettre qu'il ne pourrait pas la retenir. Aucun mot ne pourrait la convaincre de rester. Elle avait déjà pris sa décision. Malgré tout, il ne pouvait se résoudre à la laisser partir sans un dernier contact. Il l'attrapa doucement par le bras, la retenant dans une étreinte presque inconsolable. Leur regard plein de douleurs et d'amour se croisa une dernière fois. Leurs lèvres se frôlèrent dans un dernier baiser d'adieu, celui-ci avait un goût amer. Puis, elle s'écarta à regret de son amant, lui lançant un sourire avant de franchir le seuil de la suite. Jarod resta cloué sur place, le cœur déchiré. La pièce était maintenant dépouillée de sa présence, tout comme lui qui se sentait vidé de ses espoirs et de ses rêves. Tout ce qui lui restait était une sensation d'abandon et une photo posée sur la table basse du salon. Dans ce moment tragique, il comprit que la vie était faite de sacrifices et que parfois, l'amour pouvait être aussi douloureux que merveilleux. Et bien que le caméléon éprouvait de la joie d'avoir un fils, il était démoli de l'intérieur. Jamais il n'avait ressenti un chagrin extrême causé par le seul être qu'il aimait vraiment. Il avait perdu l'amour de sa vie.