À dix dans le compartiment, leurs conversations allaient bon train et s'entremêlaient, comme souvent. Vers midi, le silence retomba autour d'eux alors qu'une élève de deuxième année tout au plus entrait, l'air essoufflé.
- Je viens apporter ceci à Miss Rose Wayne !
Elle remit un parchemin enrubanné de violet à Rose qui avait tendu la main par réflexe.
- Euh, merci…
Et la jeune étudiante disparut. Un sourcil levé haut, Rose déplia et lut le mot avant de le relire à voix haute pour tout le monde qui la regardait avec curiosité.
- « Miss Wayne,
Je serais ravi si vous pouviez vous joindre à moi pour prendre une petite collation dans le compartiment C.
Cordialement,
Professeur H. E. F. Slughorn »
Rose était parfaitement perplexe et regarda ses amis, un peu perdue.
- Une invitation d'un prof ?
- Tu vas y aller ?
- L'année a même pas commencé, qu'est-ce qu'il me veut…
- C'est qu'une invitation à déjeuner si j'ai bien compris, tu ne risques rien.
- Déjà, c'est qui le professeur Slughorn ?
- Aucune idée…
- Ça doit être le professeur de Défense Contre les Forces du Mal, proposa Anthony. C'est le seul poste vacant, à notre connaissance…
- Ça se tient… mais pourquoi il invite Rose ?
- Peut-être qu'il n'a écrit qu'aux personnes qui ont eu Optimal aux BUSE de DCFM ? avança Mandy.
- Ben pourquoi j'ai pas reçu de parchemin moi alors, bougonna William, les bras croisés.
Ils s'entreregardèrent encore, en pleine réflexion.
- Peut-être… commença Marc, peut-être qu'il n'invite que des filles.
- Marc ! t'as l'esprit tordu.
- Faites pas genre, vous y pensiez tous aussi.
Rose se tortilla sur son siège, très mal à l'aise à cette idée qui lui avait également traversé l'esprit. Derek posa une main sur son genou.
- Je t'accompagne.
- Mais y'a écrit…
- Au moins jusqu'à l'entrée du compartiment. Si tu le sens pas, on fait demi-tour direct.
Elle accepta en lui faisant un petit sourire.
- Bon, j'ai trop envie de savoir ce qu'il veut. Je serai pas longue, promit-elle en se levant, Derek sur ses talons.
Lorsqu'ils atteignirent le compartiment C, Rose fut tout de suite soulagée : elle avait aperçu Ginny Weasley, Harry Potter et Neville Londubat à l'intérieur. Derek hocha la tête et la laissa entrer après lui avoir pressé la main.
- À tout à l'heure…
Puis elle entra.
- Bonjour Miss Wayne, quel plaisir de vous voir là !
- Bonjour Professeur, répondit prudemment Rose avec un sourire de politesse bien affuté.
Il l'invita à s'installer et elle prit le dernier siège, le plus près de la porte, en face de Neville à qui elle adressa un sourire bien plus sincère. Elle ne croisa le regard de Blaise qu'une fois, en entrant dans le compartiment, puis elle s'efforça de l'ignorer. Le professeur faisait les présentations et Rose n'écouta qu'à moitié, observant les autres étudiants avec curiosité. Mais qu'est-ce qu'ils faisaient tous là ? Harry avait l'air aussi mal à l'aise qu'elle, Neville ne semblait pas rassuré non plus. Slughorn semblait avoir la capacité de parler non-stop, tout en posant des questions bien placées à ses interlocuteurs. Elle avait l'impression de faire face à un genre de William, en beaucoup plus vaniteux et calculateur. Elle écouta vaguement chaque personne répondre à des questions concernant leur famille pendant qu'ils déjeunaient et comprit pourquoi le professeur s'intéressait à eux : parce que leur parents, proches ou non, étaient influents ou connus. La seule exception était probablement Harry, là pour sa propre célébrité. Elle entendit encore parler de la mère de Blaise, bien qu'il fut moins loquace que lorsqu'ils en avaient parlé ensemble, il y a des mois de cela.
- Et vous Miss Wayne, comment va votre père ?
Évidemment.
- Très bien, je vous remercie. Vous étiez son professeur lorsqu'il était à Poudlard ?
Autant partir à la pêche aux informations.
- Oui, tout à fait ! Ah, je me souviens très bien de votre mère également, Lauren…
- Oui, elle était à Serpentard, coupa Rose dans l'espoir qu'il ne prononce pas le nom de famille de naissance de sa mère en public.
- Tout à fait, j'étais son Directeur de Maison !
- Et mon père ? tenta Rose, son air le plus affable et fasciné sur le visage.
- Un excellent étudiant également.
Elle n'était pas étonnée, son père lui avait dit que la DCFM avait été une de ses matières préférées.
- Quoique moins que votre mère, qui était brillante, pas étonnant bien sûr vu la carrière qu'elle a choisie par la suite…
Rose réfléchit rapidement. Sa mère, douée en DCFM ? Quel était le lien avec sa carrière scientifique ? Il lui posa encore quelques questions sur son père auxquelles elle répondit comme elle le put sans vraiment dévoiler d'informations capitales, se promettant déjà d'écrire à son père dès que possible. Slughorn mentionna par la suite son « club de Slug » et toutes les pièces se mirent en place : il était en train de recruter pour cette année. Il avait invité dans ce compartiment les étudiants dont il connaissait la famille et faisait de son mieux pour les intéresser en lançant ci et là un nom connu qui avait été un étudiant à lui par le passé. Rose mit son masque d'aristocrate bien élevée en place, très curieuse de ce club de Slug, et participa aux conversations aussi poliment et brillamment qu'elle le pouvait, tout en pensant à l'incroyable vanité de leur nouveau professeur. Elle fut très attentive lorsque Harry parla, notamment de ses exploits au Ministère en juin. Son camarade fit comme elle et en raconta le moins possible tout en restant poli. Ginny et Neville confirmèrent les rumeurs comme quoi Harry était accompagné en parlant de leur participation aux événements.
Elle comprit également que Ginny avait été conviée à cette rencontre quand le professeur l'avait vue lancer un sort impeccable à un autre étudiant et avait été très impressionné. Donc, s'il recrutait aussi sur la base du talent… il était possible que d'autres de ses amis puissent se joindre au club de Slug. Son regard n'était même pas tombé sur Blaise lorsque Ginny l'avait justement envoyé paitre, bien qu'elle ait été très amusée par la réplique de la Gryffondor.
L'après-midi s'étira sous les monologues de Slughorn, qui avait toujours quelque chose à dire. Il faisait chaud malgré le temps maussade qui les suivait depuis le départ du train, ses camarades les plus proches s'ennuyaient ferme et elle commençait à avoir envie de dormir, la chaleur et le bercement de train aidants.
Ne pas me transformer, surtout ne pas…
Un coup de pied la sortit de la torpeur dans laquelle elle glissait peu à peu. Elle articula silencieusement « merci » à Neville qui lui rendit son sourire avec amusement. Apparemment ils étaient tous bien trop polis pour s'éclipser et Rose prit son mal en patience. Enfin, en voyant le jour qui déclinait fortement, leur professeur les congédia après de dernières paroles aimables. Rose remercia avec sa politesse habituelle et fut la première sortie. Elle se frotta le visage une fois dans le couloir pour se réveiller et fit quelques mètres aux côtés de Neville, Harry et Ginny.
- Spécial ce vieux prof hein, murmura-t-elle.
Trois sourires lui répondirent.
- Merci de m'avoir réveillée, lança-t-elle à Neville avec un grand sourire.
- De rien, rétorqua le Gryffondor.
- Bon, à plus !
Elle les quitta pour entrer dans le compartiment où les Serdaigles s'étaient entassés. Un concert d'exclamations lui parvint, la dernière étant :
- On va bientôt arriver, faut te changer !
Ils portaient tous leurs uniformes et robes de sorciers, alors Rose attrapa ses affaires et alla se changer rapidement dans les toilettes. Tout en terminant d'ajuster sa cravate, elle leur fit un résumé du voyage en compagnie de Slughorn, puis donna des détails concernant ce qu'il avait dit, ce qu'il voulait, qui était là… elle ne se rappelait pas tous les noms mais fit de son mieux.
Elle se tut le temps qu'ils descendent et se retrouvent face aux calèches.
- Et y'en a un qui est à Gryffondor, il a l'air extrêmement…
Sa phrase mourut dans sa gorge. Elle avait le regard rivé sur les calèches, la bouche entrouverte, muette.
- Extrêmement ? reprit Lisa, curieuse. Rose ?
- Ils sont terrifiants, souffla-t-elle d'un coup.
Les Serdaigles échangèrent des regards inquiets.
- Les Gryffondors sont terrifiants ?
Elle se contenta de pointer le doigt vers l'avant des véhicules. Marc comprit le premier et vint à côté d'elle.
- Tu les vois.
Elle hocha la tête, hypnotisée.
- Ne t'inquiète pas, ils ne sont pas du tout agressifs. Ce sont des chevaux, rien de plus, rien de moins.
- Tu les vois ? demanda Rose d'une voix un peu aigue, s'arrachant finalement à sa contemplation des Sombrals.
Il confirma d'un signe de tête.
- Depuis ma première année. Mon grand-père, répondit-il à la question muette de Rose. Il y a très longtemps. Allez, viens, faut qu'on monte.
Il la guida avec gentillesse jusqu'à l'intérieur. Une fois assises, elle reprit ses esprits.
- Désolée, murmura-t-elle. Je m'y attendais pas.
Des expressions compatissantes lui parvinrent et une main pressa la sienne. Rose resta silencieuse pour le restant du trajet, plongée dans ses souvenirs d'Olivia. Elle revint au présent lorsque le banquet démarra et que les tables se couvrirent de plats divers.
Ils posèrent leurs couverts lorsque le discours traditionnel de Dumbledore commença. Les Serdaigles échangèrent des regards surpris lorsque Slughorn fut présenté comme le nouveau professeur de Potions, puis des regards horrifiés lorsqu'ils apprirent que c'était Rogue qui allait enseigner la DCFM. Ils reprirent le fil de leurs conversations en se levant après un dernier appel du directeur à rester unis face à l'adversité et les temps sombres qui se profilaient à l'horizon.
- J'ai hâte qu'on reçoive les emplois du temps demain matin, lança Terry dans l'espoir d'avoir une discussion innocente.
- Je me demande par quoi on va commencer.
- On va passer pas mal de cours séparés, non ?
- Oh les pauvres petits sixièmes qui ne vont pas partager toutes leurs journées ensemble, ironisa Idriss.
- Vous allez vous en remettre vous pensez ?
Mandy leur tira la langue.
- J'espère que les cours de yoga vont être proposés !
- Ah oui maintenant qu'on a les tenues hein…
- Vous reprenez la boxe quand ? demanda Padma.
- Normalement pendant la deuxième semaine de cours.
- En même temps que les sélections de Quidditch, souffla William.
Ses amis le contemplèrent avant de sourire.
- Mais William, comment tu le sais ? s'étonna Michael.
- Et surtout, pourquoi cela t'intéresse autant ? renchérit Marc.
- Ah vous m'agacez.
Mais son sourire prouvait le contraire.
- On pourra venir ? demanda subitement Rose.
- Ben oui, c'est ouvert à tout le monde, même ceux qui ne se bougent jamais les fesses…
- Yoga, on t'a dit ! rétorqua Lisa.
- Mouais.
L'air peu convaincu du Batteur – et capitaine de l'équipe de Quidditch – fit faire une grimace peu aimable à Rose, mais elle n'ajouta rien. Elle s'adressa plutôt aux autres joueurs du groupe.
- Vous allez passer les sélections pour les mêmes postes ?
Trois têtes confirmèrent avec vigueur.
- Donc il vous manquera seulement deux Poursuiveurs, souligna Mandy.
- Et une Attrapeuse, chuchota Rose.
- Rose ! protesta Michael.
Elle lui fit un petit sourire malicieux.
- J'espère qu'elle est plus douée de ses mains avec toi que sur le terrain, hein, sinon tu dois t'ennuyer !
Des pouffements lui répondirent et Michael croisa les bras.
- Méchante.
- Réaliste, corrigea-t-elle en levant un doigt.
Elle adressa un grand sourire à William qui ne la quittait pas des yeux, visiblement très amusé.
- Rien ne t'empêche de venir passer les sélections pour ce poste, si tu penses être plus douée qu'elle…
Rose prit le temps de réfléchir, les yeux vers le plafond.
- On verra !
C'était déjà tout vu : le Quidditch, ce n'était pas son truc. À part pour regarder Derek voler et s'amuser.
- Merlin qu'est-ce que je donnerais pas pour voir notre aristo juchée sur un balai en train d'essayer d'attraper le Vif d'Or sans utiliser la magie… marmonna Michael.
- C'est mérité, admit-elle en se mordant la lèvre pour ne pas rire.
Les autres ne se gênèrent pas et c'est dans un éclat de rire qu'ils quittèrent la Grande Salle pour se diriger vers leur Salle Commune.
Au petit-déjeuner, le professeur Flitwick s'approcha des sixièmes en dernier, des emplois du temps vierges sous le bras et des parchemins dans la main. Il leur expliqua qu'ils allaient d'abord voir ensemble ce qu'ils pouvaient continuer ou non comme matière, en accord avec leur entretien de l'an passé et leurs résultats aux BUSE.
- Je tiens tout d'abord à vous féliciter pour vos résultats, que ce soit en Sortilèges ou dans les autres matières. Je n'attends pas moins d'implication et de travail de votre part pour les deux années à venir.
Des sourires ravis lui répondirent. Anthony passa le premier : il n'y avait que l'Astronomie qu'il ne gardait pas, comme convenu.
- On a un cours de Runes tout de suite, annonça-t-il à Lisa, Rose et Derek.
- Vous continuez tous les trois les Runes ? demanda le professeur en se tournant vers eux.
- Nous oui, lança Rose en désignant Lisa et elle.
- Moi j'arrête.
- Très bien, alors occupons-nous de vous en premier mesdemoiselles, que vous puissiez aller en cours.
Lorsqu'il lista les matières que Lisa était autorisée à poursuivre, huit visages incrédules se tournèrent vers leur professeur.
- Les potions, monsieur ? Mais je n'ai eu que « Effort Exceptionnel »…
- Le professeur Slughorn accepte les étudiants qui ont obtenu un E ou un O dans son cours. Cela change vos plans apparemment ? demanda-t-il au groupe, amusé.
Lisa accepta de continuer les Potions et laissa de côté l'Astronomie et l'Histoire de la Magie. Flitwick lui tendit son emploi du temps magiquement complété.
- Miss Wayne… comme prévu, la Botanique et l'Astronomie ne sont pas envisageables…
Elle opina, un sourire aux lèvres.
- J'ai également noté que vous laissiez l'Histoire. Garderez-vous les Potions ?
- Oui monsieur. Je souhaiterais aussi poursuivre l'Études des Moldus.
- Ah je vois que vous avez reçu un E… c'est donc faisable, en effet. Très bien, voici !
Il tapota sa baguette sur un emploi du temps et Rose le récupéra en le remerciant.
- Venez, intima Anthony, allons en Runes.
En chemin, Rose étudia son emploi du temps et s'interrogea à voix haute.
- Vous pensez que toutes les maisons vont être mélangées maintenant qu'on est moins nombreux à suivre les cours ?
- Probablement… on verra cette semaine…
À la fin du cours, ils étaient déjà effarés par la quantité de devoirs à rendre et rejoignirent leurs amis en Défense contre les forces du mal. Rogue fut égal à lui-même, froid, intransigeant, leur en demandant trop pour un premier cours. Ils échangèrent des regards surpris quand il s'acharna sur Harry Potter, et surtout, quand ce dernier lui répondit. Aucun d'entre eux ne parvint à utiliser le sortilège du Bouclier sans prononcer le sort, mais ils furent rassurés de constater que seule Hermione Granger y était parvenue.
Ils apprécièrent leurs heures de pause, de la récréation du matin jusqu'au cours de Potions. Ils commencèrent leurs devoirs à la Bibliothèque et mangèrent avec les septièmes. Eux aussi croulaient déjà sous le travail scolaire, mais ils lancèrent quelques phrases encourageantes aux sixièmes.
- Vous inquiétez pas, vous vous en sortirez.
- Et puis ça fait deux mois qu'on a rien fait, c'est normal d'être submergé.
- Vous êtes gentils, murmura Terry, tout aussi accablé que les autres.
- Alors, Rogue en DCFM ?
- Égal à lui-même, répondit Rose en haussant les épaules.
- Ça va pas être facile les Sortilèges Informulés…
- On va s'entrainer !
Ils se lancèrent des regards complices par-dessus leurs assiettes.
- Vous pensez qu'on pourrait reprendre nos séances ?
- Oh que oui, marmonna Nassim.
Derek, Lisa, Mandy et Padma les quittèrent pour leur cours de Soin aux Créatures Magiques. Les quatre autres saluèrent les septièmes et retournèrent à la Bibliothèque, impatients d'avoir leur premier cours de Potions avec Slughorn.
Ils ne furent pas déçus : ils en sortirent fatigués, mais très contents d'avoir continué cette matière. Slughorn n'était peut-être pas la personne préférée de Rose, mais ils étaient tous d'accord pour dire que c'était un excellent professeur et qu'il savait donner envie à ses étudiants de fournir les efforts nécessaires. Il avait félicité Derek pour sa potion très bien réussie, ce dont le grand blond était très fier, même s'il ne l'étalait pas.
À seize heures passées, ils se retrouvèrent tous les huit dans la Salle Commune et débriefèrent de leur première journée tout en faisant leurs devoirs. En conclusion : la sixième année allait être encore plus difficile que la précédente. Après le diner, Rose écrivit à son père pour lui raconter son voyage dans le compartiment de Slughorn, et ajouta un mot pour Benson afin qu'il lui commande le manuel de Potions ainsi que des ingrédients de base demandés par le professeur. En attendant, elle utilisait un vieil exemplaire prêté par Slughorn et empruntait les ingrédients nécessaires dans son stock.
Elle s'étira et se réinstalla sur un des fauteuils, puis posa la main sur son bas-ventre, une crampe la prenant. Les yeux fermés, elle respira lentement et profondément. Un sourire se nicha sur ses lèvres et elle souleva à moitié les paupières.
- Oui ?
- Tu veux du chocolat ?
- Riche idée, sourit-elle en regardant Derek.
Il disparut en un instant dans sa chambre et redescendit avec des confiseries pour tout le monde.
- Ah, voilà, ça c'est une soirée réussie, s'amusa Mandy en déballant une Chocogrenouille.
Ils abandonnèrent leurs devoirs pour la journée et discutèrent de tout et de rien.
Vendredi soir au diner, ils étaient comme hébétés et ne parlaient pas beaucoup.
- Ça va ? tenta Marc devant leur silence.
Anthony se réveilla le premier.
- Désolés… on est un peu fatigués par cette première semaine, résuma-t-il.
- Vous, ça a été ? continua Padma en sortant de sa torpeur.
- Moins épuisant que vous apparemment, sourit Nassim. Allez, c'est le week-end, vous pouvez vous reposer maintenant !
Des exclamations désabusées lui répondirent : ils avaient déjà prévu d'interminables séances de devoirs. Derek finit par grogner quelque chose d'incompréhensible.
- T'as dit quoi ? s'enquit Idriss.
- Quidditch, répéta-t-il en tournant ses yeux noirs vers William.
Le brun ne put retenir un sourire amusé.
- Tu as décidé d'une date pour les sélections ? demanda Terry, inquiet pour Derek.
- Samedi matin prochain.
Trois grognements déçus lui répondirent.
- Désolé, on est obligés d'attendre la deuxième semaine de cours… et au moins samedi je suis sûr que toutes les personnes intéressées pourront venir. Ça aurait été que moi, on l'aurait fait maintenant, mais je suis obligé de suivre les règles de l'école.
- Pourquoi il se justifie ? chuchota Lisa à Mandy.
- Parce qu'elle m'hypnotise ! s'exclama William en pointant vers Rose.
Ses yeux verts étaient ancrés sur William et elle semblait mécontente.
- C'est trop long, assena-t-elle. Vous pouvez pas faire, je sais pas, un petit tour ce week-end, de manière informelle ?
Derek se redressa à cette simple idée et regarda son capitaine avec espoir.
- C'est pas interdit d'aller sur le terrain de Quidditch, fit Anthony.
- Vous irez vous trois, décida William en regardant Idriss, Michael et Derek.
- Toi non ?
- Ce serait injuste pour les autres candidats si je m'entrainais avec vous non ? Je ne veux pas qu'on m'accuse de tricher.
Son air déterminé fit enfin hocher la tête à Rose, qui se tourna vers Derek.
- Tu vois, demain matin, tu peux aller voler, rassura-t-elle avec douceur. Et même dimanche aussi si tu veux, c'est pas interdit.
Ils se sourirent mutuellement.
- Et les autres cours de sport, vous avez des nouvelles ?
- La salle de sport du sous-sol rouvre lundi prochain, les informa William.
- Et les cours de boxe seront le jeudi soir, c'est ça ?
- Pour débutants, oui.
Les filles et Marc échangèrent quelques regards.
- Nous c'est quand déjà ?
- Le mardi soir, rappela Padma.
- De dix-sept heures trente à dix-neuf heures, ajouta Marc en se levant. On rentre ?
Ils le suivirent et jouèrent à un des nombreux jeux de société d'Idriss devant une des cheminées, pour l'instant éteinte.
- Bienvenue à notre première séance de yoga. Je suis enchanté de vous voir et revoir tous ici ce soir.
L'instructeur termina sa phrase d'accueil avec un grand sourire.
- Comme vous l'avez constaté, le professeur Firenze a la bonté de nous prêter sa salle de cours de Divination. Sa seule condition étant que nous la lui rendions chaque mardi soir dans l'état où nous la trouvons, je vous demanderai de faire attention à ne pas laisser d'affaires et à remettre chaque objet à sa place avant de partir.
Padma, Rose, Lisa, Mandy et Marc étaient très concentrés sur ce qu'il disait, tout comme la douzaine d'autres participants.
- La pratique du yoga n'appelle pas l'utilisation de la magie, mais l'utilisation de la magie peut appeler à la pratique du yoga, continuait l'instructeur de sa voix douce. Je ne doute pas que vos capacités de concentration et votre force mentale bénéficieront largement d'une pratique régulière du yoga. Bien, commençons, voulez-vous ?
La première séance fut destinée à évaluer les niveaux de chacun, à la suite de quoi il forma de petits groupes, afin « d'équilibrer les capacités de chacun et de ne pas décourager les plus novices d'entre vous ».
Les Serdaigles en sortirent complètement détendus, échangeant des sourires satisfaits en retournant vers la Salle Commune.
- Alors, c'était bien ? demanda Terry en les voyant revenir.
- Super, sourit Lisa. Tu n'es pas en train de diner ?
- Je vous attendais en terminant ça, expliqua-t-il en pointant son devoir de Sortilèges. Les autres aussi ont attendu, mais je ne sais pas où ils sont…
- On les retrouvera en bas. Allons nous changer d'abord, proposa Padma.
À table, ils parlèrent de leur séance tous les cinq, louant à nouveau leur instructeur qui les avait tous charmés. Puis Mandy demanda à Michael :
- C'est à quelle heure la boxe jeudi ?
- On termine vers dix-neuf heures aussi. Vous nous attendrez pour manger hein ?
- Mais oui, s'amusa Lisa.
- Salut Ernie !
- Bonsoir, Rose, tout le monde, salua le Poufsouffle. Rose, pardonne-moi de te déranger pendant le repas, mais je voulais te proposer d'étudier ensemble avant le cours de jeudi ?
- Oh, oui, bien sûr. Tu veux qu'on échange nos idées sur le commentaire qu'elle nous a demandé ?
- C'était mon intention, en effet. Tu ne suis pas de cours de Soin aux Créatures Magiques n'est-ce pas ?
- Non, je suis libre avant le déjeuner. On se retrouve à la Bibliothèque après la pause de onze heures ?
- C'est parfait !
- À jeudi alors, bonne soirée Ernie !
Il lui adressa un sourire, souhaita une bonne soirée à tout le monde et les quitta.
- Ouh là là, s'amusa immédiatement Mandy.
- Quoi ?
- Rose a un rendez-vous, chantonna-t-elle.
Un haussement de sourcil lui répondit, leurs amis assis autour pouffèrent.
- Un rendez-vous studieux, certes, concéda la blonde avec une mimique amusée. Mais quand même !
Rose leva finalement les yeux au ciel.
- Ernie est très gentil, mais c'est pas mon genre, chuchota-t-elle.
- Ah bon Rose, et c'est quoi ton genre ? demanda la voix moqueuse de Derek sur sa droite.
Elle lui mit un coup de coude et continua à manger sans rien dire.
- Ils sont où tes colocataires ? demanda subitement Padma à Marc.
- Aucune idée.
- J'espère qu'ils ont mangé, s'inquiéta Derek, récoltant des rires des autres.
Ils les retrouvèrent dans la Salle Commune, penchés sur leurs parchemins.
- Ben alors, les gars ! s'exclama Michael. Vous êtes pas venus manger ?
Nassim releva le nez, Idriss ronchonna, William continua d'écrire.
- On y va dans cinq minutes… on attend que Monsieur Van Alten termine son paragraphe.
- Depuis une demi-heure.
- C'est bon, c'est bon… regardez, hop. J'ai terminé. Désolé, ajouta-t-il avec une grimace.
- Enfin !
Nassim sauta sur ses pieds et mena le trio vers la sortie sans qu'ils ne puissent converser avec les sixièmes.
- On discutera plus tard ! J'ai trop faim !
Des rires résonnèrent et les sixièmes prirent leur place à la table pour se plonger dans leurs devoirs à leur tour.
En entrant dans la Grande Salle, Rose avisa ses amis à la table de Serdaigles, puis se tourna vers Ernie.
- On a bien fait d'étudier ensemble, se réjouit-elle avec un sourire.
- Absolument d'accord ! J'ai bien mieux compris le sujet. On devrait remettre ça !
- Avec plaisir, Ernie. Maintenant je meurs de faim, sourit-elle. Bon appétit !
- À plus tard Rose !
Rose s'installa devant une assiette et se servit généreusement de ragoût en poussant un soupir de contentement.
- Une petite faim ? se moqua Nassim.
- Ça a duré longtemps votre séance ! s'exclama Lisa.
- Qu'est-ce qu'il parle, souffla Rose. Mais c'était bien. On le refera.
- Des séances de quoi au juste ? marmonna une voix proche d'elle.
- Règle numéro cinq, rétorqua-t-elle immédiatement en lui jetant un coup d'œil fugace.
Derek leur adressa un regard moqueur auquel elle répondit avec un sourire tout en vidant son assiette.
- Alors, prêts pour samedi matin ? lança Terry.
- Et pour ce soir ! rappela Lisa. Ça fait quatre jours que vous en parlez…
- William, tu as boxe aussi ce soir ? s'enquit Marc.
- Non, j'y vais plutôt le matin, sans suivre de cours, leur apprit-il, reportant son regard vers le groupe.
Rose se mordilla la lèvre, regrettant à moitié d'avoir envoyé William paître… tout en étant satisfaite de l'avoir fait. C'était leur premier écart depuis la rentrée, et elle avait bien l'intention que ça reste à ce score pour le restant de l'année. Elle mangea suffisamment vite pour rattraper le rythme de ses amis et eut terminé son repas en même temps qu'eux.
En Étude des Moldus, qu'elle eut après un double cours de Métamorphoses avec le reste du groupe, Ernie lui demanda s'il pouvait s'asseoir à côté d'elle, ce qu'elle accepta avec joie. Ce serait plus facile de suivre le cours avec quelqu'un, surtout s'ils étudiaient ensemble entre deux cours. Ernie était gentil, comme elle l'avait dit, et aussi très pompeux, ce qui la faisait rire – intérieurement. Pour un Poufsouffle, c'était aussi un très bon élève et elle se rendait bien compte qu'elle aurait l'air parfaitement condescendante si elle partageait cette opinion avec qui que ce soit, alors elle la garda pour elle, même lorsque ses colocataires lui posèrent un millier de questions à propos de son « nouveau meilleur ami ».
- Vous êtes juste excitées parce que c'est une nouvelle personne dans nos vies, commenta Rose, non sans amusement.
- Peut-être.
- Et aussi peut-être parce que la tête de William valait son pesant de Gallions ce midi, ajouta Lisa, déclenchant des gloussements autour de Rose qui avait gonflé les joues et expiré bruyamment.
- Tu as fait exprès de dire « votre séance », se rendit-elle subitement compte en se tournant vers la rousse.
- Moi ? Mais non !
Son sourire disait tout le contraire et Rose lui envoya un oreiller au visage.
- Hé ! J'y suis pour rien moi s'il interprète tout de travers !
- Laisse-le donc tranquille, soupira Rose. Lui et moi, c'est amical. C'est tout.
Les regards circonspects qui lui répondirent la poussèrent à continuer.
- J'essaie d'ignorer que je suis attirée physiquement par lui parce que je ne veux plus d'histoire sentimentale dans ma vie. S'il vous plait, soyez de mon côté…
- Promis Rose.
- Désolées.
- On fera attention. Maintenant, William, c'est le mal.
Rose pouffa et leur sourit.
- Peut-être pas à ce point, le pauvre. C'est juste… il est pas pour moi.
- Tu veux que des relations amicales, compris, opina Lisa.
- Et surtout ne pas être un numéro de plus parmi toutes ses conquêtes, ajouta Mandy.
- Voilà, merci. Bon allez.
Elle se leva avec enthousiasme.
- On se fait les ongles ! s'exclama-t-elle en allant dans la salle de bains prendre le nécessaire pour une soirée au calme dans leur chambre.
Vendredi soir, Rose, Derek et Anthony furent conviés à un diner : celui organisé par le professeur Slughorn, pour son « club de Slug ». Elle était ravie que ses deux amis soient invités eux aussi. Ça lui confirma que le vieux professeur n'en avait pas qu'après les étudiants avec les familles les plus connues ou influentes, mais aussi ceux ayant le plus de talent. D'ailleurs les autres ne se gênèrent pas pour taquiner Rose qui n'avait, selon eux, d'invitation que grâce à la fortune familiale, tandis que Derek et Anthony en avaient une grâce à leur talent. Mais ça ne la dérangeait pas ; son père lui avait répondu que Slughorn aimait trouver des étudiants préférés parmi les plus talentueux et garder près de lui ceux dont les familles seraient les plus susceptibles de lui être utiles un jour. Il lui avait même avoué être toujours, de façon lointaine, en contact avec son ancien professeur : il lui faisait parvenir chaque année, aux alentours des résultats des ASPIC, une caisse de bouteilles de vin français, qui venait de chez un de ses nombreux clients. Il avait écrit que c'était à l'origine une idée de la mère de Rose qui voulait remercier le professeur pour toute son aide lors de ses sept années de scolarité à Poudlard. Son père avait eu cette idée et il avait perpétué automatiquement le geste tous les ans depuis, sans trop se poser la question d'arrêter, pensant même que cela pourrait être utile un jour. Rose avait souri devant la capacité de calcul de son père, songeant que cela lui serait peut-être utile à elle, maintenant.
Derek, Anthony et elle se joignirent donc à la soirée dans les appartements du professeur, qui les accueillit avec le sourire et des paroles affables. À la déception de Rose, il n'y avait ni Harry, ni Ginny, ni Neville de présents. C'était dommage, elle aurait bien aimé revoir leurs camarades de l'A.D. dans un autre contexte que les cours. En s'asseyant près d'elle, Anthony lui mit immédiatement un coup de coude.
- Zabini, souffla-t-il.
- Je sais, répondit-elle sur le même ton. Dans le train aussi.
- Tu l'avais pas dit ça, ronchonna-t-il.
Ils se mêlèrent aux conversations autour d'eux et Rose fut ravie d'entendre Slughorn complimenter une nouvelle fois le travail de Derek en cours de Potions. Fière de lui, elle adressa un large sourire au professeur qui lui parla de son père. Elle croisa les doigts pour qu'il ne mentionne pas sa mère, mais heureusement, il n'en fit rien.
Ils passèrent somme toute une soirée assez agréable, qu'ils s'empressèrent de raconter à leurs amis une fois réunis dans les canapés de la Salle Commune.
- Alors il y avait qui cette fois ?
Derek se lança dans la liste des invités, plus doué que Rose pour retenir des noms de gens qu'ils connaissaient à peine.
- Et Zabini, termina-t-il doucement.
Padma eut une petite exclamation, les autres affichèrent des mines étonnées.
- Il était dans le train aussi, ajouta Anthony.
- Tu nous l'avais pas dit, nota Mandy.
- Ah bon, tu crois ? rétorqua Rose, faussement étonnée.
Lisa lui adressa un sourire amusé.
- Bref, on a passé une bonne soirée. Même si j'avais un peu l'impression d'être un objet décoratif.
- En même temps, je sais pas à quoi tu pouvais t'attendre d'autre, avec Zabini.
- Numéro quatre ET cinq, répliqua Rose sèchement avant de se détourner de William, agacée. Et je parlais de Slughorn et son obsession à « collectionner » les bons élèves et ceux qui ont des connexions.
Ils poursuivirent leur discussion, changeant de sujet régulièrement assez naturellement. Rose riva ses yeux sur William qui plaisantait avec Michael et Padma sur quelque chose qu'elle n'avait pas suivi. Lorsqu'ils se dirent bonne nuit, elle le retint par la manche et rencontra son regard bleu.
- Si tu as tant envie de passer tes soirées avec Slughorn et Blaise, puisqu'il a l'air de te fasciner, je te suggère de te distinguer en cours de potions, lui lança-t-elle froidement.
- Numéro deux.
Il dégagea son bras et partit vers son dortoir sans un regard supplémentaire pour elle. Rose le regarda partir, inspira pour apaiser sa colère et alla se coucher à son tour.
Samedi matin, ils s'agglutinèrent les uns aux autres au bord du terrain de Quidditch. Le froid était arrivé assez brutalement et ils commençaient à regretter de s'être déplacés pour regarder les sélections.
- Dites donc, il y a du monde, commenta Nassim. Regardez !
Une vingtaine de personnes attendaient sur le terrain, leurs balais à la main, l'air soit très confiant, soit très angoissé. Parmi ce groupe se trouvaient Derek, Idriss, Michael et Cho bien sûr, mais aussi des étudiants plus jeunes auxquels ils ne parlaient pas vraiment. Padma reconnut la préfète de cinquième, mais ce fut tout. William fit son entrée sur le terrain, la caisse de balles sous le bras, son balai dans l'autre, en tenue complète de Quidditch. Il adressa un sourire rayonnant à tous les candidats qui observaient chacun de ses mouvements. Il respirait la confiance en lui et la joie d'être sur le terrain de Quidditch. Rose sentit son ventre se nouer agréablement en le regardant, et pesta mentalement.
Fichue tenue de Quidditch. C'est pas une excuse, pense à la règle numéro un !
Elle regarda, comme tout le monde, les premiers candidats passer leurs essais, à différents postes. Entre chaque étudiant, William se penchait sur un petit carnet et prenait des notes, ce que Rose trouva adorable.
Consciencieux. C'est consciencieux, pas adorable.
Il avait à chaque fois un mot gentil, un sourire, même lorsque le ou la candidate n'était clairement pas retenue. Les considérations attendries de Rose furent coupées lorsqu'un gloussement retentit sur les gradins les plus bas alors que William venait d'aider une fille à se relever après qu'elle eut glissé sur l'herbe en atterrissant. Ils levèrent la tête en même temps et Rose se retint de soupirer.
- Ah, le fan-club est de sortie…
- Pourvu qu'ils nous épargnent leurs commentaires, ronchonna Terry.
Mais c'était un espoir bien vain, et dès que Derek enfourcha son balai pour démontrer ses talents, Lisa passa son bras autour des épaules de Terry, qui était à deux doigts de se retourner pour jeter un sort au groupe d'étudiants qui piaillait et pouffait plus loin.
- Laisse-les, va… le tranquillisa Mandy. Faut bien qu'ils s'occupent.
- En attendant, c'est avec toi qu'il dort la nuit, rappela Padma avec un sourire.
Un ronchonnement leur répondit, mais leur ami avait le sourire malgré tout. Rose les écoutait sans faire de commentaire, concentrée sur son meilleur ami qui était en grande forme et marquait à chaque fois, esquivant tout ce que William mettait en travers de son chemin.
- S'il ne le prend pas, ça n'a aucun sens, commenta Marc.
Ils eurent les mêmes commentaires lorsque Michael puis Idriss firent leur essai. Michael renvoya les Cognards avec précision, Idriss bloqua tous les Souafles envoyés par William. Ils ne manquèrent pas l'expression satisfaite de chacun de leurs amis qui les rejoignait au bord du terrain après leur passage.
- Enfin, marmonna Rose.
Cho Chang fit son essai au poste d'Attrapeuse.
- Flûte, elle se débrouille bien aujourd'hui…
- Mais William sait ce qu'elle vaut sur la durée, ajouta Idriss. Ça va jouer en sa défaveur, c'est sûr.
- Il pourrait lui proposer un autre poste ?
- Ah non, protesta Derek. Elle n'a pas assez d'esprit d'équipe pour être Poursuiveuse, et ce sera le seul poste restant.
- Si vous êtes tous les trois repris, tu veux dire, nargua Mandy.
Trois grognements lui répondirent, des rires s'y ajoutèrent. Lisa finit par étouffer un bâillement alors que Cho laissait sa place à quelqu'un d'autre.
- Tu t'ennuies ? murmura Anthony.
- Je suis un peu fatiguée, avoua la rousse. Et le Quidditch, bon, ce n'est pas ma passion non plus…
- Ah si seulement on pouvait jouer sur des dragons ! taquina Rose.
- Là, c'est sûr, ce serait plus intéressant, s'esclaffa Lisa.
Les sélections touchaient à leur fin et ils regardèrent William terminer avec un candidat plutôt doué. Le capitaine prit son temps pour réfléchir, relisant ses notes, barrant et soulignant sur les pages.
- Il prend ça très au sérieux, chuchota Padma, admirative.
- Ça m'étonne de lui.
- Pourquoi ?
- Il n'a jamais l'air très sérieux, justement. Vous savez, tout glisse sur lui… William quoi, se justifia Mandy.
- Il sait être très sérieux, dit Nassim. Quand il a envie…
- Quand il estime que c'est important, ajouta Idriss.
- Et que ça l'intéresse, termina Marc.
Rose regarda au loin, de l'autre côté du terrain, pour se détacher de la conversation en cours. Allez, qu'il annonce les personnes retenues et qu'ils rentrent au château… il faisait froid et elle n'avait pas envie de débattre sur la personnalité de William.
Finalement, William entraina Cho à l'écart et eut une longue conversation avec elle. Le groupe de Rose tendit l'oreille en vain.
- Oh, oh… fit Michael tout doucement. C'est pas bon, ça.
Cho était un peu à l'écart tandis que William s'approchait de certaines personnes qui attendaient patiemment, leur serra la main, son sourire collé au visage.
- C'est moi ou il vient de parler à sept personnes différentes ? s'étranglait Idriss.
Un long silence plana sur le groupe alors que William s'approchait enfin d'eux.
- Terminé !
Derek venait de croiser ses bras sur sa poitrine, ignorant la main que Rose avait posée sur lui.
- Pourquoi il boude ? demanda-t-il à Rose. Et pourquoi tu me regardes comme ça ?!
- Qui sont les joueurs sélectionnés ? enchaina Lisa, coupant net la réplique que Rose s'apprêtait à lui lancer.
- Bon, vous êtes prêts ? Michael, je suis désolé pour Cho. Je l'ai gardée en tant que remplaçante. Grace, qui est en cinquième, a été bien plus performante. C'est notre nouvelle Attrapeuse.
Il la désigna du doigt, elle répondit par un sourire timide.
- Et pour les postes de Poursuiveurs, enfin Poursuiveuses, ce sera Leah et Siobhan, là-bas.
Il leur fit un signe amical.
- Et les autres ? lança Michael, les bras croisés lui aussi.
- Quels autres ?
- Ceux à qui tu as serré la main aussi, gronda Derek.
Rose lui mit carrément une tape sur le bras.
- Calme-toi, siffla-t-elle, les yeux sombres.
- Mais qu'est-ce qui vous prend, tous ? s'agaça William, son sourire s'effaçant un peu. Les autres, ce sont les remplaçants. J'ai pris Cho pour Attrapeuse, un Batteur, deux Poursuiveurs et une Gardienne. Au cas où.
- Tu vois, marmonna Rose à Derek, dont les épaules se détendirent peu à peu.
William les regarda tour à tour, puis sembla comprendre quelque chose.
- Par Merlin, que vous êtes bêtes, réprimanda-t-il. Évidemment que vous êtes pris.
Quatre sourires ravis lui répondirent et il se pinça l'arête du nez.
- J'aurais peut-être dû commencer par ça, regretta-t-il.
- Peut-être oui, s'amusa Padma.
- Bon allez, venez, je vous présente aux nouveaux, lança William à ses joueurs.
- Aux nouvelles, tu veux dire, corrigea Rose à voix basse, le ton acide. Y'a que des filles.
- Numéro quatre, répliqua William alors qu'ils échangeaient un regard froid.
Rose haussa les épaules et fit demi-tour pour rejoindre ses amis qui s'éloignaient.
Mais vraiment, Rose ! Réfléchis avant d'ouvrir la bouche !
Ils laissèrent les joueurs faire connaissance, contents de retrouver la chaleur du château et les cheminées brulantes de la Salle Commune.
- Premier entrainement lundi soir ! annonça Derek en entrant, une petite heure plus tard.
Rose lui adressa un grand sourire, contente pour lui qui n'attendait que ça. Lorsqu'ils revinrent de déjeuner, elle s'installa sur le canapé de manière à poser les jambes sur les cuisses de Derek et se plongea dans son manuel de Métamorphoses, prenant occasionnellement quelques notes sur les Sortilèges Informulés. Tout le monde fit ses devoirs autour d'un des feux de la Salle Commune pour le restant de la journée, dans un silence concentré.
Leurs premières semaines à Poudlard se ressemblèrent fortement : moins de cours certes, mais un temps libre dévoré par la quantité de travail supplémentaire assignée par leurs professeurs. Les cours étaient en effet très difficiles et on leur en demandait beaucoup, mais les Serdaigles étaient toujours prêts à travailler plus que nécessaire. Après environ deux semaines, ils étaient capables d'utiliser le Charme du Bouclier sans le prononcer, et faisaient de plus en plus de progrès chaque jour. Ils avaient informellement repris leurs séances de pratique dans le dortoir des garçons, ce qui les aidait beaucoup, évidemment.
Les quatre filles et Marc se félicitaient chaque mardi soir de prendre des cours de yoga. Les joueurs de Quidditch s'entrainaient une à deux fois par semaine pour le moment, et William était content de leur apprendre que la nouvelle équipe s'entendait très bien et qu'ils jouaient de mieux en mieux. Rose ravalait toutes les remarques acerbes qui lui venaient dès que l'un des garçons parlait des compétences sur le terrain des trois nouvelles joueuses – d'ailleurs ça aurait été de la pure jalousie mal placée, elle le savait bien. Elle avait rencontré les trois filles et les avait trouvées très sympas, bien différentes de Cho et ses amies, à son plus grand bonheur. Et puis, elle n'avait pas envie d'entendre à nouveau « numéro quatre » pour ensuite rougir bêtement. William et elle entretenaient une relation amicale, mais elle sentait bien une différence : ils faisaient très attention à ne pas se toucher – « numéro deux », comme il le lui avait rappelé quelques jours auparavant alors qu'elle lui touchait l'épaule pour réclamer son attention dans la Bibliothèque. Leurs conversations étaient un peu moins naturelles, il fallait bien se l'avouer – « numéro cinq », avait lancé Rose la semaine dernière alors qu'elle venait d'entendre « et bien sûr il est seulement intéressé par ses capacités magiques » alors qu'elle saluait Ernie après une séance de devoirs avec lui. Et quelques autres occurrences, comme un clin d'œil après un coup particulièrement bien réussi en jouant aux cartes alors qu'ils étaient adversaires – « numéro six », avait murmuré Rose, récoltant en retour un sourire radieux qui lui avait retourné le ventre – ou un « numéro sept » grogné par William lors de leur dernier entrainement aux sorts dans le dortoir alors qu'elle venait de répondre « oui mon capitaine » assez machinalement à sa demande qu'ils se poussent du milieu le temps qu'il pratique son sort.
Si les autres avaient remarqué quoi que ce soit, personne ne faisait de commentaire, ou du moins pas en présence de Rose, ce dont elle leur était reconnaissante. Elle soupçonnait même Derek et les filles d'avoir briefé les garçons pour que personne ne relève les piques que William et elle s'envoyaient discrètement. De toute façon, qui aurait pu comprendre ce langage codé dévié du règlement qu'elle avait créé à la fin de l'été ?
Elle passait son temps à se rappeler à l'ordre elle aussi, toujours attirée par lui. Où qu'il se trouve, elle finissait par croiser son regard, ou se tendre inconsciemment vers lui s'ils étaient proches – ce qui arrivait souvent. Une fois ou deux, elle se demanda s'il ne le faisait pas exprès… avant d'éliminer cette idée. C'était fatiguant et elle attendait avec impatience le jour où son cerveau – en tout cas la partie qui s'occupait de ses ardeurs sexuelles – allait décider de passer à autre chose, histoire qu'elle respire mieux lorsqu'il était dans les parages. Si seulement elle trouvait quelqu'un d'autre d'attirant dans le château… mais personne ne lui provoquait les mêmes sensations épidermiques que William – pourtant, elle avait bien cherché, sondant toutes les personnes qu'elle croisait ou presque. Un jour Derek avait éclaté de rire, affirmant qu'elle venait d'effrayer un groupe de garçons de septième année car elle les avait fixés un peu trop longtemps de son regard intense.
Lors d'un nouveau dîner du club de Slug fin septembre, où Rose se rendit seule car Derek voulait absolument terminer un devoir et Anthony le Préfet était de service, elle eut une surprise en arrivant dans les appartements du professeur Slughorn. Comme à son habitude, le professeur fit les présentations entre ses différents invités.
- Et voici William Van Alten, à qui j'ai demandé de nous rejoindre, après avoir été très agréablement surpris par sa talentueuse exécution de la potion de Veritaserum, annonça-t-il avec un sourire affable avant de désigner Rose. Miss Wayne est à Serdaigle aussi, vous vous connaissez je présume ?
Rose avait les yeux rivés sur William, assis en face d'elle, qui répondit d'une voix chaude, sans la lâcher du regard :
- Oui, nous sommes très proches.
- Ah, très bien, très bien…
Rose avait envie de disparaitre sous la table. « Nous sommes très proches », vraiment ?! Elle lui adressa un regard qu'il était impossible de prendre pour une démonstration d'amitié tellement il était noir. Il y avait plus de monde que la dernière fois ce soir, et leur conversation passa relativement inaperçue.
- Sérieusement ? chuchota-t-elle, furieuse.
- Quoi ? Tu as entendu, j'ai un talent en Potions. Moi au moins je suis accepté pour mes capacités, taquina-t-il à voix basse.
- Je parle pas de ça, siffla-t-elle.
Il parla d'une voix un peu plus forte, juste assez pour que les personnes assises proches d'eux entendent, son sourire toujours en place.
- C'est toi qui m'as dit de me distinguer en cours pour faire partie du club, ne viens pas te plaindre maintenant. Tu peux t'en prendre qu'à toi-même.
- Arrête de faire comme si tu ne comprenais pas, insista-t-elle.
- Mais si, tu te souviens, c'était l'autre soir, super tard, on était dans la Salle Commune, et on discutait sur le fauteuil… que tous les deux, face à la cheminée ?
Rose en perdit la capacité de parler, sidérée par son audace. Un « pff » particulièrement méprisant parvint à ses oreilles et elle tourna le visage vers la source du bruit. Blaise n'avait probablement jamais été aussi hautain de sa vie, coulant un regard condescendant de Rose vers William, puis de William vers Rose.
Comprenant la manœuvre de William, elle eut très envie de lui jeter le contenu de son verre au visage, tandis qu'il avait gardé son air innocent et son sourire amical. Elle se contenta de lui mettre un coup de pied sous la table. Il grimaça aussitôt et lui fit un clin d'œil la seconde d'après.
Je vais l'étrangler.
- Numéro deux, chantonna-t-il doucement.
- Numéro quatre, cinq et six, grogna-t-elle en retour.
- Six, d'accord. Quatre et cinq, je conteste.
Elle secoua la tête et refusa de lui répondre. Il lui adressa un grand sourire charmeur avant de reporter son attention vers le reste de la tablée et de se mêler, avec sa facilité habituelle, aux conversations autour d'eux. Si Rose ne parla pas beaucoup pour le restant de la soirée, Blaise lui, ne prononça pas un mot supplémentaire. Il fut parmi les premiers à se lever et à se diriger vers la sortie. Il fit une pause en arrivant à la hauteur de Rose.
- Oh, mais quelle surprise, railla-t-il sans la regarder, sa voix empreinte de sarcasme. Van Alten et Wayne, ensemble. Étonnant.
- C'est pas…
Il avait déjà disparu et Rose se sentit bête. Bête de s'être fait avoir par William, bête d'avoir voulu se justifier auprès de Blaise, bête d'avoir eu des papillons dans le ventre en voyant William assis à table. Elle expira lentement et laissa son ami la rejoindre dans le couloir. Elle partit en direction de la tour Serdaigle sans le regarder, sachant pertinemment qu'il la suivait. Ils n'avaient pas fait dix mètres qu'il parla.
- Tu boudes ?
Elle agita une main en l'air et ne répondit pas, accélérant même le pas.
- Allez, réponds…
Elle s'arrêta net dans le couloir où ils venaient de tourner et croisa les bras.
- Tu es… ce soir, vraiment…
Elle lâcha un petit cri de frustration et le foudroya du regard. Le sourire de William s'élargit.
- Oh non, range ton petit sourire charmeur, protesta-t-elle enfin. Je suis fâchée.
- Contre moi ? Mais pourquoi ?
- Arrête William, soupira Rose en reprenant leur chemin. T'étais vraiment obligé de dire « nous sommes très proches » devant tout le monde ? Et d'ensuite inventer tous ces mensonges sur notre conversation de l'autre jour ?
Il ne fallait surtout plus qu'elle le regarde, sinon sa colère allait s'évaporer en un instant.
- Parce qu'on n'est pas très proches ? demanda-t-il.
- Si, mais… oh, tu le fais exprès, râla-t-elle en voyant ses yeux bleus pétiller de malice.
- Allez ma petite Rose, c'était pour jouer…
Ils se firent de nouveau face, immobiles en bas de la tour Serdaigle.
- Numéro sept.
- On est en forme, ce soir. On a presque eu tous les numéros !
- C'est pas un jeu.
C'est pour me protéger. Même si c'est pas très efficace… au moins j'essaie quelque chose.
- Un peu quand même, contra-t-il en commençant à monter les marches. Si je te dis que je suis désolé d'avoir voulu enquiquiner Zabini, tu me crois ?
- À moitié seulement, admit Rose en le suivant.
- En tout cas ça a marché. Qu'est-ce qu'il t'a dit en partant ?
- Il a ironisé en disant « oh quelle surprise », répéta Rose, toujours mécontente.
William eut un petit rire discret qui lui fit lever les yeux au ciel. Ils étaient peut-être à la moitié de leur montée quand il reprit.
- Je suis content d'avoir été admis dans le petit club de Slughorn, dit-il avec un nouveau sourire vers Rose. Comme ça je vois ce que tu fais de tes soirées loin de nous…
- Numéro quatre.
- C'est pas une scène de jalousie ça ! C'est de la précaution, pour garantir ta sécurité.
- Bien sûr. Comme le fait que tu sois quasiment collé contre moi alors que les escaliers sont assez larges pour trois personnes ?
- Ah non, ça, c'est parce que j'ai envie d'être près de toi. À cause notre attraction physique, tu comprends.
- Numéro un, soupira Rose. Et presque numéro deux, d'ailleurs.
Il lui effleura le bras et elle eut un geste d'évidence. Puis ses yeux s'écarquillèrent un peu et elle faillit rater une marche.
Plus qu'un numéro. Je me suis fait avoir comme une idiote.
William bavarda jusqu'en haut des marches, parlant de leur soirée. Rose lui répondait un peu distraitement, l'esprit ailleurs, concentrée sur la règle numéro trois. Elle se détestait d'espérer qu'il enfreigne celle-ci aussi, malgré tout ce qu'elle avait décidé concernant son célibat. Après tout, un baiser, ça ne remettait pas en cause son célibat… mais elle serait alors comme les autres, utilisée par William pour être jetée la seconde d'après. Et ça, c'était au-dessus de ses forces. Sur le palier, Rose se mordillait la lèvre, plongée dans son débat interne, qui prit dramatiquement fin au moment où William enroula ses doigts autour de son avant-bras. Leurs yeux se rencontrèrent et il lui sourit. C'était injuste de lui faire ce sourire, le spécial Rose. Toute sa bonne volonté partit en fumée et elle n'avait plus qu'une envie : se coller à lui et l'embrasser jusqu'à perdre haleine. Ses doigts la picotaient et elle avait une envie folle de le toucher à son tour.
- Qu'est-ce que… tu fais… bredouilla-t-elle alors qu'une main se glissait contre sa joue.
- Je remets les compteurs à zéro, souffla-t-il en posant ses lèvres sur les siennes.
La partie raisonnable du cerveau de Rose se débrancha et, incapable de la moindre protestation, elle répondit à son baiser. Leurs corps se rapprochèrent jusqu'à se coller, elle retint un soupir en le sentant contre sa poitrine. Ses doigts remontèrent sur William pour se poser sur son torse, il l'enlaça d'un bras, l'autre main toujours sur son visage. Il ne chercha pas sa langue, elle n'osa pas entrouvrir la bouche, malgré l'immense envie qu'elle avait de sentir sa langue contre la sienne, de l'accueillir en elle. Leurs lèvres se pressaient avec vigueur, il entrouvrit la bouche. William resserra sa prise autour de sa taille et vint mordiller la lèvre inférieure de Rose, dans le même geste qu'elle faisait souvent. Rose eut un frissonnement, ses doigts s'étaient refermés sur le pull de William, ses seins se collaient à lui en rythme avec sa respiration saccadée. Encore un baiser, deux, trois… et leurs lèvres se séparèrent.
Ils échangèrent un long regard, leurs yeux troublés par le désir qu'ils partageaient. William desserra son étreinte autour d'elle, elle quitta son torse, puis ils s'éloignèrent.
Mais quelle nouille, mais quelle nouille, mais quelle nouille, oh pitié recommence… NON !
Un chaos infernal régnait dans la tête de Rose et ils s'observaient toujours, sans rien dire. Il fallait qu'elle reprenne le contrôle de la situation, et vite. Sinon, dans quoi, six, sept jours, elle aurait le cœur brisé parce qu'il voudrait changer d'air. Et de fille. Elle déglutit et esquissa un difficile pas vers la porte de la Salle Commune, un pas loin de lui. Elle prit une inspiration alors que par miracle, la porte s'ouvrait sur un groupe d'étudiants qui sortaient. Ils s'écartèrent tous les deux du passage et Rose retint le battant du pied. Elle plongea ses yeux dans ceux de William et fit un pas vers la Salle Commune.
- Ça ne change en rien ma décision de cet été, assena-t-elle d'une voix aussi douce qu'elle le put avant de lui tourner le dos pour aller rejoindre leurs amis.
Le premier mercredi d'octobre, Michael demanda à tout le groupe s'il pouvait demander à Cho de se joindre à eux pour le diner. Amusés qu'il n'ait pas demandé plus tôt, tous acceptèrent avec le sourire. Les yeux se tournèrent vers William, qui rassura tout le monde : Cho lui avait dit le jour des sélections être plutôt contente de ne plus être l'Attrapeuse de l'équipe pour cette année – elle craignait de ne pas avoir assez de temps pour préparer les ASPIC si elle y ajoutait les entrainements de Quidditch en plus. Il n'y avait donc aucune rancœur entre eux, au soulagement de tout le monde – le diner aurait pu être très inconfortable sinon. Rose lui fit un petit sourire quand il posa les yeux sur elle et sentit son cœur se serrer quand il détourna le regard rapidement. Leur relation, exactement comme Rose le craignait, s'était détériorée depuis l'épisode du baiser dans les escaliers. Elle le regrettait amèrement et essayait de ne pas lancer des regards désespérés à William, qui de toute façon, n'aurait peut-être rien vu, car il était souvent absent ces temps-ci et en plus esquivait habilement tout contact avec Rose.
Michael intercepta Cho et ses trois amies alors qu'elles entraient dans la Grande Salle. Elle les rejoignit, visiblement ravie. Les autres se jetèrent quelques regards paniqués : Marietta était là, le visage caché par son épaisse couche de maquillage, comme depuis le début de l'année. Bien sûr, en bons diplomates qu'ils savaient être, ils ne firent aucun commentaire et se contentèrent de les laisser s'installer avec eux. Mandy gardait les lèvres pincées mais un regard de Padma la convainquit de se détendre. Une inspiration surprise de Terry fit relever la tête à Rose, qui évitait de regarder vers les nouvelles arrivantes, de peur de ne pas retenir une grimace méprisante vers Marietta. Elle savait qu'elle avait la rancune plus tenace que les autres et ne souhaitait pas être la source d'un conflit quelconque. Ses considérations s'évanouirent en observant une des quatre filles se glisser sur un siège près de William et lui toucher le bras en lui souriant, puis s'adresser au reste du groupe :
- C'est vraiment gentil de nous inviter à vous rejoindre. C'est vrai que maintenant, ça a plus de sens qu'on passe du temps ensemble ! fit-elle tout en désignant Cho avec Michael puis elle et William, son sourire toujours en place.
- Tout à fait, répondit posément Anthony pour le groupe, qui considérait Rebecca sans rien dire, sa surprise évidente seulement pour ses amis les plus proches.
Leur repas se déroula étrangement : ils discutaient, mais en même temps, les conversations n'étaient pas aussi naturelles que d'habitude. Rose les trouva forcées, et elle ne participa presque pas, sauf quand on s'adressait directement à elle, ce qui arriva peu, car les filles de septième monopolisaient beaucoup l'attention des garçons. D'ailleurs Rose en eut plein les oreilles et affichait une moue pincée, les yeux vers son assiette, entendant malgré elle tout ce que Rebecca racontait, de sa voix un peu aigue qui ne lui convenait pas du tout. Lisa eut rapidement un tic agacé sur le visage, l'air de regretter amèrement sa proposition. Mandy les ignora carrément, Padma tenta désespérément de créer des conversations, aidée par Terry. Derek finit par se pencher vers Rose.
- Remonte dans le dortoir.
Elle tourna lentement la tête vers lui, ses yeux étincelants.
- Pardon ? chuchota-t-elle.
- Remonte dans le dortoir, répéta-t-il.
Son air inquiet calma Rose et elle fronça les sourcils. Il reprit rapidement, la voix encore plus basse.
- Tu viens de tordre tes couverts en entendant l'autre rire et tes émotions sont hors de contrôle. Je pense que tu vas avoir une crise de personnalité dans peu de temps, débita-t-il.
Rose grimaça. Son deuxième battement de cœur qui se manifestait depuis le début du repas et qu'elle tentait d'ignorer venait d'écraser momentanément celui de l'humaine, comme pour donner raison à Derek. Elle reprit une respiration difficile et se leva en hochant la tête vers son meilleur ami.
- Merci.
Et elle quitta la table discrètement, regardant droit devant elle, laissant Derek fabriquer une excuse à sa place. Une fois hors de la Grande Salle, elle paniqua un instant : la Salle Commune était loin et elle ne tiendrait pas si longtemps avec son instinct qui labourait sa raison avec force pour la réduire en pièces. Surtout le temps de gravir toutes les marches de la tour. Elle prit à droite et avança machinalement, accélérant de plus en plus, naviguant dans les couloirs, se sachant proche du but. Elle tentait de se calmer en comptant ses pas et ses respirations, comme souvent. Mais son esprit était régulièrement envahi par l'image de Rebecca, qui caressait doucement le bras de William en riant. Et lui qui répondait avec un de ses sourires dont elle connaissait très bien les effets.
Compte, compte…
Elle commença à trottiner franchement.
Tu y es presque.
Elle se mit à courir, le cerveau envahi par des images de filles, et de William qui les tenaient contre lui, qui se penchaient vers elles, qui les enlaçaient, qui les embrassaient…
Rose eut un cri frustré et sauta sur la poignée de la porte, se jeta dans la salle abandonnée.
Le son familier retentit et ce sont deux pattes qui claquèrent le panneau en bois, la mettant à l'abri des regards. Ce fut plus fort qu'elle : elle poussa un feulement rageur. Elle était surtout fâchée contre elle-même, comme à chaque fois. Et aussi contre Rebecca. Et contre William, qui ne les avait pas prévenus qu'il voyait une nouvelle fille. Et il fallait que ce soit une Serdaigle ! et Michael franchement… pourquoi s'était-il mis à sortir avec Cho aussi ? Un nouveau grognement lui échappa. Sa queue fouetta l'air et elle fit les cent pas dans la salle. Elle se faufila entre les bureaux empilés et sortit ses griffes. Il fallait qu'elle passe sa colère sur quelque chose, et ce pauvre bureau planqué entre les autres ne demandait que ça. Elle s'appliqua à le labourer violemment, mordant même le bois par moments, en arrachant quelques morceaux, poussant quelques grondements bas de satisfaction.
Une fois sa colère passée, elle recula et contempla les dégâts. La panthère soupira et se détourna du spectacle, le cœur battant. Elle grimpa sur le canapé et posa la tête sur l'accoudoir, repliant ses pattes sous son corps.
Cette Rebecca, si elle se retrouvait seule avec elle…
Elle eut un nouveau feulement, les oreilles couchées en arrière.
Elle ne ferait rien du tout, se raisonna-t-elle dans la seconde. Parce que William faisait ce qu'il voulait, qu'il n'avait de comptes à rendre à personne, que c'était un séducteur, et que Rebecca avait bien le droit de succomber à ses charmes si elle le souhaitait. Un soupir fit gonfler la cage thoracique de la panthère, qui expira bruyamment.
Il lui restait juste un détail à s'avouer. Elle ne savait pas si elle était vraiment prête, mais il était temps. La panthère soupira encore et se redressa sur le sofa. Bientôt Rose s'asseyait et se prenait la tête dans les mains, les coudes enfoncés dans les cuisses. Elle se mordilla la lèvre, puis renifla et se laissa pleurer.
- Je suis ridicule, souffla-t-elle pour elle-même.
Elle était amoureuse de William.
C'était tellement évident, et il avait fallu qu'elle le voit avec une nouvelle fille, sourire, se laisser toucher, pour que ça arrive enfin à son cerveau. Ou tout du moins, qu'elle l'admette.
- Pourquoi tu me l'as pas dit avant ? sanglota-t-elle à l'adresse de la grande silhouette qui se tenait debout contre la porte.
Il franchit les quelques mètres qui les séparaient et s'assit près d'elle. Elle se laissa aller contre lui, il l'enlaça dans ce mouvement si familier, puis lui embrassa la tempe.
- Tu m'aurais cru ? murmura-t-il.
- Non, admit-elle dans un nouveau pleur.
Il eut un petit sourire triste qu'elle ne vit pas et resserra leur étreinte. Il la laissa pleurer, puis l'observa se redresser et s'essuyer le visage.
- C'est pathétique, hein, fit-elle en regardant ses ongles.
- D'être amoureuse ?
- Oui.
- Non, pas du tout. De ne pas se l'avouer pendant aussi longtemps, peut-être un peu plus, taquina-t-il avec douceur.
Un sourire timide lui répondit. Un nouveau silence s'installa.
- Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
- Rien, affirma Rose. Absolument rien. Je vais attendre que ça passe.
Ils se regardèrent un moment.
- Que veux-tu que je fasse d'autre… Lui, il est pas amoureux déjà, et puis il est avec Rebecca. Je vais pas…
Elle déglutit difficilement avant de reprendre.
- Je ne vais pas attendre pour rien.
Elle mentionna Mandy et son attraction pour Michael qui avait duré longtemps, avant de s'évanouir petit à petit. C'était exactement ce qu'elle allait faire : laisser le temps passer, tout comme son béguin pour William. Derek rit au vieux mot qu'elle utilisa mais ne fit pas de commentaire supplémentaire.
- Tu leur as dit quoi, aux autres ? s'enquit Rose au bout d'un moment.
- Que tu n'étais pas bien du tout et que tu allais à l'infirmerie. Désolé, c'est tout ce que j'ai trouvé sur le coup.
- C'est très bien. On dira que j'étais stressée par les cours et que Pomfresh m'a filé une potion pour m'apaiser.
Il acquiesça et désigna le bureau réduit en morceaux dans un coin.
- Ah oui. Je m'en occupe.
Elle se leva, sortit sa baguette.
- Evanesco.
Et le bureau – du moins ce qu'il en restait – disparu définitivement. Rose expira lentement, se passa à nouveau les mains sur le visage, remit son uniforme en place, recoiffa ses cheveux.
- De quoi j'ai l'air ?
- D'une sixième année épuisée par la montagne de devoirs qu'elle a à faire, affirma Derek.
- Parfait, lui sourit-elle.
Ils quittèrent la salle abandonnée, refermant la porte derrière eux, puis montèrent vers la Salle Commune.
- J'espère que ça veut pas dire qu'elles vont tout le temps trainer avec nous, maintenant, ronchonna Rose. Je sais pas s'il y aura assez de bureaux à détruire, sinon.
Derek s'esclaffa discrètement et entra le premier.
- Ils sont pas là.
- Parfait, dit-elle avec soulagement.
Elle se laissa tomber sur un fauteuil et grimaça quand Lisa lui demandait si elle allait mieux.
- Oui, oui, j'étais juste avec Pomfresh… commença-t-elle.
Puis elle se rendit compte que les septièmes n'étaient pas là et soupira devant ses sept amis.
- Rien du tout, je n'étais pas l'infirmerie, marmonna-t-elle. Je suis partie pour ne pas me transformer dans la Grande Salle.
Un petit geste de Mandy l'encouragea à continuer.
- Vous allez vous moquer. Et surtout, surtout, vous allez devoir vous taire.
- Promis que non, et promis que oui, rétorqua Terry.
- C'est de voir William avec Rebecca. Ça m'a fait péter un plomb.
À sa surprise, aucun sourire moqueur ne se dessina, pas un rire ne s'éleva.
- J'ai fui pour me transformer. Et j'ai passé mes nerfs sur un bureau.
- Elle l'a complètement détruit, taquina Derek, provoquant cette fois des sourires amusés, y compris celui de Rose.
- C'est comme ça, finit-elle par soupirer. J'aurais préféré qu'il ne choisisse pas une Serdaigle cette fois mais bon… peut-être la prochaine…
Lisa lui pressa le bras avec affection.
- Ne t'inquiète pas, on n'a pas l'intention de manger avec tous les jours non plus, dit Anthony.
- Il aurait pu prévenir quand même, murmura Padma. Tout le monde était choqué, pour être honnête.
- On n'a pas passé la soirée la plus joyeuse de l'année. Désolé Michael…
- Ah c'est pas ma faute hein. Je suis pas responsable de William et de ses choix moi.
- C'est vrai. Tu t'occupes de ton cas, c'est déjà bien, se moqua Mandy, ce qui fit rire tout le monde.
Rose soupira en se laissant aller en arrière.
- Bon en même temps, on aurait pu s'en douter… ça fait déjà un mois qu'on est revenus à Poudlard et on ne l'avait encore vu avec personne. Ça allait bien arriver à un moment donné.
- Ton défaitisme me fend le cœur, chuchota Lisa.
Rose haussa les épaules. Qu'est-ce qu'elle aurait pu dire d'autre ? Qu'elle avait envie de faire disparaitre Rebecca de la surface de la terre et d'être l'unique fille sur laquelle William aurait envie de poser les yeux ?
- Moi qui avais dit qu'il n'y aurait plus de dramatisme dans ma vie, ronchonna-t-elle avant de faire un sourire à ses amis qui y répondirent. On joue aux cartes ?
- En l'absence d'Idriss ?! s'exclama Mandy en plaquant ses mains sur ses joues.
- C'est de l'ordre de la haute trahison ça !
- On peut pas jouer aux cartes sans lui !
- Cartes ?
Ils se retournèrent d'un bloc et avisèrent leur ami en haut des marches menant aux dortoirs masculins.
- Mais comment il a fait ?
- Je pense qu'il a jeté un sort au mot « cartes », estima Padma. Dès que quelqu'un le dit, ça lui envoie une alerte.
- C'est l'unique explication plausible, valida Idriss en les rejoignant. Nassim arrive. Avec des…
- Cartes ! termina une voix derrière eux.
- Qu'est-ce qu'ils sont forts, complimenta Terry.
Bientôt Nassim et Marc s'installaient à leur tour et ils distribuèrent les cartes. Un silence assez pesant plana sur le groupe alors que la partie venait tout juste de démarrer.
- Ça va ? demanda soudainement Derek à ses amis.
Rose fronçait les sourcils, intriguée elle aussi.
- Vous dites rien, c'est pas normal.
- On commence à s'inquiéter.
- C'est rien, c'est juste…
Marc jeta un regard furtif à Rose. Elle leva un sourcil et comprit devant son air embarrassé.
- William fait bien ce qu'il veut, tu sais…
- Vous allez pas nous faire comme l'année dernière et être gênés dès que William se trouve une nouvelle fille ! protesta Mandy.
- Oui parce que vous allez passer le restant de l'année à avoir honte, pouffa Padma, rapidement imitée par les autres.
- Et aux dernières nouvelles, Rose et lui sont pas mariés hein… ils sont juste amis.
- Voilà, merci Michael, fit Rose avec un geste vers lui.
- Oui, bon, voilà, William est avec Rebecca, conclut Idriss. Allez, concentrez-vous sinon je vais encore gagner !
La partie reprit, cette fois noyée par leurs commentaires et leurs rires.
Nassim s'assit triomphalement à table. Idriss leva les yeux au ciel et prit une chaise à son tour.
- Les gars… commença-t-il.
- Et les filles, ajouta Mandy.
- Les gars et les filles, reprit-il. J'ai eu une idée de génie.
Tout le groupe se tourna vers lui.
- Fin octobre, c'est Halloween.
Il marqua une pause.
- Arrête de faire des pauses dramatiques et accouche, ronchonna William.
- Mais allez ! protesta-t-il en lui faisant signe de se taire.
Le brun se mit à rire et Nassim reprit sa posture fière.
- On va faire une fête.
- Pour Halloween ?
- C'est ça, confirma Marc. Il nous bassine depuis ce matin avec ça.
- Et mon anniversaire, souffla William discrètement, récoltant quelques sourires au passage.
- Oui, oui, si tu veux, concéda Nassim rapidement d'un mouvement dédaigneux du poignet.
- Ok, c'est une bonne idée. Après le banquet ? interrogea Anthony.
Ils firent tous la grimace.
- Y'a cours le lendemain, rappela Terry. C'est pas une bonne idée…
- Vendredi soir alors.
Des hochements de tête validèrent l'idée.
- Mais c'est votre idée ou la mienne ?!
- Pardon Nassim. Ta fête à toi que tu organises le vendredi 1er novembre au soir. On t'écoute, fit Rose sur un ton raisonnable… un sourire moqueur aux lèvres.
- Bon. On fait une fête pour Halloween. Et l'anniversaire de l'autre, là, marmonna-t-il en désignant William du pouce, qui croisa les bras, l'air choqué. Mais attention. Pas une fête pourrie comme l'an dernier.
- Hé ! s'exclama William. Elle était très bien ma fête.
- Mais oui, le rassura Derek. On s'est bien amusés.
Rose s'obligea à ne surtout pas regarder William à la mention de sa fête d'anniversaire. Ça aurait été une très, très mauvaise idée.
- Bon, qu'est-ce qu'elle a de spécial ta fête ?
- Déguisée. C'est une fête déguisée.
Des pouffements se propagèrent à table.
- Allez, faites pas vos nuls ! On fait une fête costumée pour Halloween et tout le monde doit jouer le jeu !
Il attendit patiemment que les rires se calment d'eux-mêmes.
- Il est hyper sérieux, remarqua Lisa.
Michael lâcha un juron.
- Toi d'un coup d'un seul, paf, tu veux qu'on se déguise ? On n'a plus quatre ans !
- Je sais qu'on a plus quatre ans. Mais c'est marrant de se déguiser…
- Aux États-Unis ils le font tout le temps, intervint Marc. Mon frère me l'a raconté, il est déjà allé à une soirée costumée. Tout le monde était quelqu'un d'autre que soi et il a dit que c'était super.
Se déguiser… pourquoi pas, après tout, songea Rose. Ça pouvait être amusant. Elle jeta un œil à Mandy qui était clairement motivée par cette idée.
- Et on invite qui ? demanda la blonde. Sixièmes, septièmes et c'est tout ?
- Je m'étais dit qu'on pouvait inviter tout le monde, laisser l'entrée libre.
- Et les plus jeunes ? T'es fou, protesta Padma.
- Non mais on fera attention… et on leur met un couvre-feu, au moins pour les trois premières années, réfléchit Idriss. Voire les quatre premières.
- Ça me parait pas mal, concéda Anthony. On pourra faire autorité de toute façon.
- Ah quel bel exemple du rôle de préfet, ironisa William.
- T'es jaloux parce que t'as jamais été préfet, rétorqua Padma.
- Euh, non ! Pas pour moi ce genre de rôle !
Rose étouffa un rire devant l'air indigné de William, il lui sourit. Elle se délecta de son geste : depuis la soirée avec Rebecca – non, depuis leur baiser échangé en haut de la tour Serdaigle – leur relation était distante. Puis elle se détesta dans l'instant d'avoir senti des papillons dans son ventre. Elle reporta son attention sur ses amis.
- Je suis bien content de plus l'être, grommela Marc. C'était pas les meilleurs moments de ma vie.
- Voilà, conclut le brun.
- Non, William préfère avoir l'autorité sur le terrain de Quidditch.
- Pourquoi tu dis ça ? interrogea Terry.
- Mais, Terry, t'étais pas au courant ? s'étonna Rose.
- William est le capitaine de l'équipe de Quidditch maintenant !
- C'est pas vrai ?!
- Vous avez fini oui ! s'exclama William. Bon, la fête… déguisée donc…
- Le capitaine a dit oui ! se réjouit Nassim. C'est dans la poche !
- Vous êtes insupportables.
Il leur adressa quand même un large sourire, ses yeux pétillants d'humour. Rose s'arracha à sa contemplation après un coup de pied de Derek.
- Est-ce qu'on s'habille en quelque chose qui nous fait peur ?
- On pourrait se déguiser en la forme que choisit un Épouvantard devant nous !
Une voix ferme s'imposa finalement par-dessus le brouhaha que cette proposition provoqua.
- Non.
- Le capitaine a dit non, souffla Idriss.
- Bon, alors, en ce qu'on veut. Une personne, un animal, un objet, magique ou pas magique… ce que vous voulez. Ça vous va ?
À la surprise de Nassim, onze têtes validèrent son idée.
- Et si vous voulez un peu d'aide niveau vestimentaire, je connais quelqu'un qui serait ravie de vous aider, ajouta-t-il avant de tendre élégamment la main vers Mandy, qui rayonnait.
- Ça me ferait très, très plaisir de vous faire vos costumes, confirma la blonde. Il y a une sortie à Pré-au-Lard bientôt, si vous avez besoin de faire des achats, ce sera le moment. Et si on décide ensemble de votre costume, je pourrai acheter le nécessaire à Gaichiffon et m'occuper de la couture après.
Elle avait l'air tellement impliquée que tout le monde lui sourit.
- Ce serait incroyable d'avoir ton aide Mandy. Elle est vraiment très douée en couture, lança Rose à la ronde. L'an dernier elle a raccourci mes jupes d'uniforme, le travail est superbe.
Mandy lui lança un sourire reconnaissant et fier.
- Hé bien, je voudrais bien de ton aide aussi, Mandy, lança Terry. Je n'ai pas encore d'idée, mais…
- Oh mais j'en ai des dizaines, répliqua Mandy avec un petit rire. T'en fais pas pour ça !
- C'est décidé alors ! Vendredi 1er novembre, fête déguisée d'Halloween…
- Et d'anniversaire…
- Dans la Salle Commune.
Ils parlèrent encore de leur idée toute la soirée, organisant les détails plus spécifiques. Ils décidèrent de mettre une affiche dans la Salle Commune pour prévenir et inviter tout le monde – ils mirent quelques conditions : être déguisé, couvre-feu à vingt-deux heures pour les quatre premières années, et pas d'alcool. William et Derek échangèrent un sourire complice à cette dernière condition qui fit lever les yeux au ciel de Rose.
La semaine suivante, Rose sortit du cours de Potions et fila aux toilettes. Elle venait de rajuster ses vêtements – tout en bénissant ses bas qui étaient tellement pratiques – quand elle entendit trois voix féminines discuter devant les lavabos. Elle se figea en entendant un prénom familier.
- Alors Ludmila, pas trop triste pour William ?
- Non, pourquoi ?
- Ben, il a une nouvelle copine…
- Tant mieux pour lui, répondit Ludmila d'un ton nonchalant.
- Ça t'affecte pas plus que ça ? insista son amie. Après la façon dont il t'a larguée ?
- Bah, je m'y attendais hein. Tout le monde le sait, ça.
- Ça quoi ? continua la troisième fille.
- Qu'une fois qu'il a couché quelques fois avec la même fille, il passe à la suivante. J'avais pas l'intention de l'épouser, je vous rassure…
Des rires retentirent et Rose ferma les yeux. Il lui suffirait de tirer la chasse et de sortir en ayant l'air naturel… mais elle ne le fit pas. Ludmila reprit.
- De toute façon, il m'aurait épuisée sur le long terme.
- Pourquoi ?
Parce qu'il parle non-stop. Rose ne put retenir un sourire.
- Parce qu'il est très… elle hésita sur le mot adéquat. Sexuel.
Des gloussements s'élevèrent et Rose perdit son sourire.
- Soit t'en as trop dit, soit pas assez !
- Donne des détails ! rit la suivante. Il pensait qu'à ça ?
- Plutôt, oui… et disons qu'il est difficile à arrêter une fois qu'il est lancé.
Rose ne savait pas à quel moment son visage allait arrêter de rougir. À ce point elle commençait à se demander si elle retrouverait un jour sa couleur de peau originelle. De nouveaux rires accueillirent la phrase de Ludmila.
- J'ai surtout entendu dire qu'il était spécial… lança la deuxième amie.
- Spécial ? s'interrogea Ludmila, apparemment songeuse.
Il y eut un silence pendant lequel Rose comprit qu'elle réfléchissait. Évidemment que William était spécial… il était drôle, intelligent, attentif et…
- C'est vrai qu'il me demandait parfois de faire des trucs un peu osés, admit-elle finalement.
Cette réponse coupa le flot de réflexions de Rose. Visiblement, elles n'avaient pas du tout pensé à la même chose, et les filles dehors parlaient toujours de sexe. Elle se trouva complètement naïve et inexpérimentée.
- Mais honnêtement, il était tellement craquant avec son grand sourire et ses bras tous musclés… difficile de résister. Ça rendait ses demandes plutôt… sexy, en fait.
La lèvre supérieure de Rose se leva pour dévoiler ses dents et elle croisa les bras.
Règle numéro quatre.
- Et puis, ajouta Ludmila avec un nouveau rire, il sait ce qu'il fait.
- Au lit ? souffla une de ses amies, subjuguée.
- Oui. Il est vraiment doué.
- Avec ses mains ? gloussa l'autre amie.
- Avec tout, pouffa Ludmila. Allez, on y va, sinon je vais avoir des remords.
De nouveaux éclats de rire résonnèrent avant de disparaitre. Rose avala sa salive et sortit lentement, mortifiée. Elle se lava les mains et se passa de l'eau fraiche sur le visage, attendant que le rouge s'estompe peu à peu, ressassant malgré elle ce qu'elle venait d'entendre. Beaucoup trop de choses, évidemment. La cloche sonna. Zut, elle avait passé un quart d'heure ici. Heureusement qu'elle n'avait pas cours maintenant, sinon elle aurait été en retard. Elle sortit et partit se réfugier à la Bibliothèque, où elle retrouva Anthony, Terry et Michael et se plongea dans un devoir de Runes Anciennes sans parler, à son grand soulagement. Le cours de Métamorphoses de l'après-midi fut une distraction bienvenue qui lui permit de penser à autre chose qu'aux performances intimes de William pendant deux heures. Puis elle enchaina avec Étude des Moldus, assise à côté d'Ernie, qui était très impliqué dans le cours et ne lui fit pas la conversation sauf pour parler du sujet qu'ils étudiaient lorsqu'ils en avaient le droit, fort heureusement.
- Tu retournes à la Bibliothèque toi aussi ? demanda-t-il lorsque la cloche sonna.
Elle acquiesça en rangeant ses affaires.
- Je peux t'y accompagner ? Je dois y retrouver les Poufsouffles.
- Bien sûr !
Ils s'y rendirent en discutant, principalement des cours. Ernie lui raconta ses progrès en Sortilèges Informulés et elle rit quand il rapporta avoir réussi à changer la couleur d'un lit en vert… mais pas le sien.
Au diner elle esquiva habilement le regard de William et ne lui parla pas directement, de peur de redevenir rouge tomate, au grand amusement de Derek qui savait déjà tout de ses aventures du matin. Lorsqu'ils s'installèrent dans la Salle Commune pour jouer, William se mit d'autorité en équipe avec Rose au Cluedo et s'assit près d'elle sur un canapé. Apparemment leur période de froid était bel et bien terminée depuis le soir où ils avaient décidé de faire une fête d'Halloween et ils avaient repris une sorte d'amitié, au moins superficielle. Rose en était soulagée, car même si elle savait qu'elle allait souffrir de le voir s'amuser avec Rebecca et les suivantes, au moins elle passait du temps avec lui, ne serait-ce que pour des moments entre amis.
Et c'est très bien comme ça. Tu n'es pas une fille à collectionner.
Elle le regarda prendre leurs cartes dans ses mains et repensa à Ludmila qui parlait des talents sexuels du brun. Elle pria mentalement pour arrêter de rougir et se concentra sur le jeu.
- Tiens, nos cartes.
Rose les lut, parfaitement distraite malgré ses efforts. William avait pris un papier sur ses genoux et griffonnait déjà dessus. Elle le revoyait prendre des notes pendant les sélections de Quidditch et ressentit une vague de tendresse.
Très bien, c'est pile poil ce qu'il te fallait : avoir envie qu'il te déshabille tout en te susurrant des mots doux à l'oreille. Continue, on est sur la bonne voie.
Incapable de se concentrer, elle devait constamment demander à ses amis de répéter ce qu'ils disaient. Après un énième froncement de sourcils vers personne en particulier, Mandy pouffa doucement.
- Ben alors Rose, t'as l'air ailleurs ce soir.
- Oui, désolée, murmura-t-elle. J'ai du mal à me concentrer sur la partie.
- Mais c'est ton jeu préféré ! Celui avec des riches dans un manoir !
Elle adressa un sourire à Idriss et renouvela ses excuses. Puis elle se racla la gorge, déterminée à participer un minimum – au lieu de fantasmer sur ce que William sait faire dans un lit.
Il fallait surtout que la voix dans sa tête se taise. Elle attrapa maladroitement sa bouteille d'eau posée au pied du sofa et but quelques gorgées, regardant sans le voir le plafond bleu nuit. William finit par la pousser doucement du coude pour capter son attention. Elle ne pensa même pas à rétorquer « numéro deux » tellement elle avait envie qu'il la touche. Même si c'était son bras qu'il touchait du coude à travers les pulls d'uniforme.
- Rose, regarde-moi, chuchota-t-il. On va perdre et c'est pas possible d'être aussi distraite quand même.
Elle se mordit la lèvre et tourna les yeux vers lui. Il esquissa un sourire et elle jura mentalement, souhaitant plutôt qu'il fasse la tête, pour changer.
- Bon, alors, t'as retenu un peu les derniers événements ?
- Où ça ?
Il s'esclaffa suffisamment fort pour que les autres les regardent. Il fit un geste de la main pour qu'ils les laissent tranquilles.
- On discute stratégie, occupez-vous de vos parchemins ! Sur le plateau de jeu, Rose, reprit-il à voix basse, clairement amusé.
- Désolée, non, j'arrive à pas à enregistrer ce soir.
Parce que j'ai très envie que tu me…
- Bon, je t'explique encore une fois mais c'est la dernière.
Elle finit par sourire devant son ton patient et joueur. Elle suivit ce qu'il disait et répétait la fin de ses phrases quand il la regardait d'un air interrogateur.
- Ben voilà, t'as tout compris. Ah, c'est bientôt à nous.
Un sourire charmeur plus tard et elle en était à nouveau à se poser la question qui l'obsédait depuis ce matin : en quoi William était spécial concernant ses talents, apparemment innombrables, au lit ? Quelles demandes osées-mais-sexy pouvait-il bien faire ? Rose se sentit rougir en repensant à ça et soupira légèrement, se trouvant stupide.
- Alors, Rose, William, qu'est-ce que vous faites ?
Euh, je disparais six pieds sous terre avec mon amour et mon désir mal placés ?
William lui jeta un coup d'œil et posa sa main sur celle de Rose, placée sur son genou depuis le début de la partie.
- Je vais répondre pour nous deux. Je crois qu'on l'a perdue.
Il garda ses doigts sur les siens le temps de jouer, et bien évidemment, que Rose était perdue, à nouveau incapable de ne serait-ce que murmurer « numéro deux ». Au désespoir, elle décida de se résigner à avoir le cœur qui battait trop vite et le bas-ventre douloureusement pincé pour le restant de ses jours, voilà.
Une boulette de parchemin rebondit sur William et la fit cligner des yeux.
- Numéro deux, lança la voix posée de Derek, ses yeux noirs vrillés sur William.
La main disparut et un sourire en coin désolé anéantit Rose. Elle n'avait pas envie qu'il soit désolé. Mais qu'est-ce qui lui avait pris avec son histoire de règlement ?!
Elle remarqua à peine la fin de la partie et envoya un sourire coupable à Idriss qui ne semblait pas lui en tenir rigueur.
- Rose, tu es sûre que ça va ? s'enquit William, toujours à ses côtés.
- Pas au top, finit-elle par répondre doucement. Désolée, on a lamentablement perdu à cause de ma distraction.
- Je t'en voudrai pour le restant de mes jours, répondit-il avec un sourire amusé.
Elle finit par lui sourire à son tour. Lisa bailla et s'étira.
- Je vais me coucher. Et j'embarque Rose qui est au bout de sa vie ce soir.
Elle lui jeta le regard le plus reconnaissant qu'elle put et la suivit après un petit sourire à William et une étreinte à Derek, lui murmurant un merci à l'oreille au passage. Lisa passa d'autorité son bras sous le sien et Rose attendit d'être dans la chambre pour la regarder.
- Bon. Raconte.
- D'abord je me brosse les dents. Ça laissera le temps à Mandy et Padma de nous rejoindre, j'ai pas l'intention de raconter cinquante fois la même chose, justifia-t-elle avec un sourire.
Elle avait vu juste et quand elle sortit de la salle de bains, ses trois amies étaient là, attendant patiemment.
- Ce matin, dans les toilettes, j'ai entendu Ludmila et ses amies parler de William.
Et elle raconta, en substance, ce qu'elle avait entendu – la réputation de coureur de William, le fait que les filles qui lui succombaient en étaient conscientes par la force des choses, les commentaires de Ludmila sur les capacités de William. Elle passa sous silence l'histoire des « trucs un peu osés », elle ne sut pas trop pourquoi. Ses colocataires l'écoutèrent avec beaucoup d'attention et gloussèrent un peu aux mêmes moments que les amies de la Gryffondor, ce qui fit sourire Rose.
- Et quand il s'est installé à côté de moi pour jouer, marmonna Rose, j'ai cru que…
- Tu allais arracher tes vêtements un à un avant de le supplier de te montrer toute l'étendue de ses talents, s'esclaffa Lisa.
- T'es pas loin du compte, grogna-t-elle avant de se mettre à pouffer à son tour. Quelle idiote.
- Mais non, rassura Mandy. T'es amoureuse… et en manque !
De nouveaux rires les secouèrent avant qu'elles ne se décident à aller se coucher. Rose se transforma immédiatement en panthère, bien décidée à ne surtout pas rêver de William. C'était déjà suffisamment compliqué pendant la journée. Un dernier soupir et elle s'endormit, l'esprit relaxé par sa forme animale.
Le matin de la visite à Pré-au-Lard, Rose se réveilla en frissonnant. Sa couette était tombée par terre et le froid s'était infiltré par les rideaux entrouverts de son lit. Elle la ramassa, puis tenta vainement de se rendormir en caressant distraitement Kietel. Ils restèrent un moment blottis l'un contre l'autre avant qu'elle ne capitule et se lève doucement. Il était encore bien trop tôt pour réveiller ses colocataires, alors elle se coula en silence dans la salle de bains pour se préparer. Une fois son t-shirt à manches longues coincé dans son jean et son épais sweat violet sans capuche passé, elle prit un livre, un crayon et sa baguette dans une main et ses chaussures dans l'autre. Elle n'avait pas l'intention de les mettre tout de suite, puisqu'elle comptait s'installer sur un fauteuil et lire en attendant que ses amis se réveillent. Elle descendit les marches sans un bruit. La Salle Commune était déserte à cette heure-ci, des feux brulaient dans les cheminées et elle se dirigea vers le coin habituel où ils passaient la plupart de leur temps. Elle avisa une tête qui dépassait du dossier d'un canapé et son cœur fit un petit bond ridicule quand elle reconnut la coiffure savamment désordonnée de William. Elle était ravie à l'idée de passer un peu de temps avec lui. Ça faisait longtemps qu'ils ne s'étaient pas retrouvés seuls, et si le ventre de Rose se serra quand elle se rappela pourquoi – son célibat autoproclamé et la relation de William avec Rebecca – elle l'ignora… tout en se trouvant assez pathétique de se réjouir de rester, même quelques minutes, en tête-à-tête avec lui alors qu'elle venait de se remémorer toutes les raisons pour lesquelles elle et lui, ce n'était pas envisageable. Elle était à quelques mètres derrière lui, il ne l'avait pas encore entendue, alors elle ouvrit la bouche pour l'interpeller. Avant de se figer sur place quand une voix féminine s'éleva du canapé. Elle ne comprit pas ce qu'elle disait, mais elle entendit très clairement la réponse de William qui penchait la tête vers ses genoux.
- Continue.
Rose referma la bouche et resta quelques secondes paralysée, l'air horrifié. Puis elle se reprit et, sur la pointe des pieds, elle se glissa à l'opposé de la pièce, vers une autre cheminée. Elle se lova dans le fauteuil qui avait le plus haut dossier et qui tournait le plus le dos à une scène qu'elle ne voulait absolument pas voir, ni entendre. Sa baguette plantée dans une des Doc Martens qu'elle avait posées par terre, elle cala ses pieds sous ses cuisses et ouvrit Enchanter votre quotidien, le crayon dans sa main droite. Elle voulait y faire quelques annotations après avoir essayé d'autres sorts qu'il contenait. Elle se força à lire plusieurs fois le passage qui l'intéressait et griffonna quelques mots dans les dernières pages du livre qui étaient vierges, pour garder une trace de ses essais des derniers jours et noter ses impressions. Ce n'était pas un travail hautement intellectuel, mais ça l'amusait beaucoup, et il était bien trop tôt pour faire des devoirs. Surtout avec le ventre vide.
- Tu n'es pas du tout concentré, tinta la voix féminine, que Rose reconnut bien sûr comme étant celle de Rebecca.
- Désolé.
- Tu veux qu'on arrête ?
Un silence, puis des chuchotis. Un grognement de William lui parvint. Les joues rouges, Rose paniqua complètement et plaqua violemment ses mains sur ses oreilles, lâchant son crayon à papier, qui vola loin d'elle. Il rebondit sur le tapis et roula sous la table basse. Rose ferma les yeux une seconde et se mordit la lèvre, puis libéra ses oreilles. Bon, apparemment, son crayon était passé inaperçu. Elle déplia ses jambes, son livre glissa de ses genoux… et tomba sur le sol avec un bruit sourd. Rose jura silencieusement et se pencha pour le ramasser, puis elle étira le bras pour aller jusque sous la table basse. À force de s'interdire de regarder derrière elle, ses yeux s'y posèrent automatiquement. William était debout derrière le canapé, Rebecca était encore dessus, les bras croisés, et tous deux la regardaient.
- Salut… fit platement Rose, morte de honte.
Elle était toujours à moitié sur le tapis, à moitié sur le fauteuil et tâtonnait pour trouver ce fichu crayon à papier.
- Salut, rétorqua William alors qu'elle avait déjà dévié le regard.
Elle entendait d'ici le sourire moqueur dans sa voix. Rebecca ne la salua pas. Elle soupira et descendit du fauteuil pour chercher plus loin sous la table, ignorant les murmures derrière elle. Enfin, ses doigts attrapèrent l'objet fugueur et elle retint une exclamation victorieuse en se redressant.
- Aïe !
Évidemment, qu'elle venait de se manger le coin de la table dans la tête.
Mais quelle courge, vraiment…
- Ça va ?
Évidemment, qu'il venait de se rapprocher d'elle, une expression soucieuse sur le visage.
- Oui, oui, soupira-t-elle en se frottant machinalement la tête.
Il lui tendit la main et l'aida à se relever. Elle n'osait pas le regarder et se demandait de quelle couleur était ses joues, maintenant. Probablement pas blanches, ça c'était sûr. Rebecca se racla la gorge, Rose se tourna vers elle et les doigts de William glissèrent de sa peau. La septième année était debout, les bras toujours croisés, l'air mécontente.
Tu m'étonnes. Mais aussi, quelle idée… dans la Salle Commune…
Rose retint une grimace.
- William ?
Il tourna la tête vers sa conquête du moment – numéro cinq, Wayne – et lui adressa un regard un peu… surpris ? Rose fronça les sourcils.
- Euh, oui, le chapitre !
Mais de quoi il parlait ?
- Mais de quoi tu parles ? marmonna-t-elle.
- Le chapitre du manuel de Botanique ! On était en train de le lire ensemble, clarifia-t-il devant l'air perdu de Rose.
- Ah…
Mais quelle double idiote.
Comprenant qu'ils étaient en train de lire le même livre, lovés à deux dans un canapé, elle adressa un petit sourire à William, puis à Rebecca, enterrant loin en elle la jalousie qui lui mordait le ventre.
- Bonne lecture, alors, dit-elle d'une voix éteinte.
Elle leur tourna le dos et se laissa retomber dans son fauteuil, ouvrit son livre au hasard et posa ses yeux sur la première ligne. Elle ignora les pas de William qui s'éloignaient et tourna la page distraitement. Fermant les yeux, elle se rejoua la scène rapidement. Elle avait du mal à croire à cette histoire de lecture. Elle retint un gémissement désespéré en repensant au grognement de William après ce long silence. Qui grognait en lisant un livre ? Personne…
Elle inspira et expira lentement.
William fait ce qu'il veut.
Elle eut un sourire de pitié pour elle-même et tourna les pages jusqu'à retomber sur le paragraphe qui l'intéressait vraiment ce matin, puis commença à écrire. Mais elle fut de nouveau interrompue, cette fois par quelqu'un qui s'asseyait sur le sofa à côté d'elle. Elle jeta un coup d'œil automatique dans sa direction. Puis un second, qui resta sur lui.
- Ça va ta tête ?
- Oui, répondit-elle du bout des lèvres.
Il a déjà fini ? … Pas si talentueux que ça alors… Par Circée arrête !
- Vous avez terminé votre… chapitre ? demanda-t-elle, regrettant sa légère pause en fin de phrase.
- Non, pas du tout, fit-il avec un sourire. Je n'arrivais plus à me concentrer.
- Désolée, souffla-t-elle, embarrassée.
- Pourquoi ? Tu y es pour rien.
Rose regarda autour d'eux.
- Où est-elle ?
- Dans son dortoir, elle est partie poser le livre. Enfin je crois.
- Tu crois ?
Il haussa les épaules, peu intéressé, puis il désigna le livre sur les genoux de Rose.
- Tu le quittes plus, constata-t-il avec amusement. Tu prends des notes ?
- Quelques-unes… pour ne pas oublier ce que j'ai déjà essayé, surtout.
- Très méthodique. Ça fait longtemps que tu es dans la Salle Commune ?
Beaucoup trop.
- Non, pas tellement.
- Pourquoi tu es pas venue nous voir ?
Elle écarquilla un peu les yeux et ne répondit pas tant cela lui paraissait évident. Mais il la relança, toujours curieux.
- Pour pas vous déranger.
- On lisait, ça n'aurait dérangé personne que tu nous rejoignes.
Rose se retint de soupirer, mais William lut clairement l'exaspération sur son visage.
- Quoi ?
- Mais à qui tu veux faire croire que vous étiez en train de lire sagement le même livre, tout seuls dans la Salle Commune, un samedi matin, installés dans un canapé ? lança-t-elle de l'air le plus détaché qu'elle put.
Il la considéra un moment sans rien dire. Son ventre se serra à la simple idée de Rebecca et William qui…
Beurk.
- Je ne peux pas te forcer à me croire, mais c'est la vérité.
Ce fut au tour de Rose de hausser les épaules. En plus, ça l'aurait beaucoup étonné que Rebecca le prenne avec autant de légèreté que lui si Rose avait débarqué pendant leur petite séance de « lecture » et s'était installée juste à côté d'eux.
- Au fait, t'as oublié, alors je me l'auto-donne : numéro deux.
Au regard incrédule de Rose, il se mit à rire.
- Je t'ai pris la main.
- Pour m'aider à me relever, termina-t-elle. Ça compte pas. Si ?
- Ah je sais pas, c'est pas moi qui ai fait les règles. Faudra voir ça avec la responsable.
Rose lui adressa un sourire, un peu plus détendue.
- Tu vas aller à Pré-au-Lard aujourd'hui ?
- Oui, on a prévu de se balader avec les filles… on ira sûrement à Gaichiffon… et toi ?
- J'y vais avec les gars pour une seule raison : la fête d'Halloween.
- Vous cherchez des costumes ? Je croyais que Mandy allait vous aider…
- Des costumes ? rit-il. Ah non, on s'occupe du liquide.
- Ah oui, j'avais oublié, alcool interdit, donc vous allez en acheter, s'amusa-t-elle. Si vous voulez qu'on rapporte des trucs dans nos sacs de shopping, faites-nous signe.
Elle haussa un sourcil à son air franchement amusé.
- Miss Wayne, vous prenez des risques ! Que dirait Monsieur Wayne si vous vous faisiez attraper ?
- Probablement « mais pourquoi tu ne m'as pas demandé ? Benson t'aurait envoyé un colis ! »
William éclata de rire.
- On a tous établi cet été que ton père était très cool, mais tu exagèrerais pas un peu là ?
- Peut-être pas tant que ça… Il m'a raconté qu'il faisait beaucoup la fête à Poudlard quand il était étudiant.
- Riche et populaire alors.
- C'est ça, confirma Rose en pouffant.
Elle lui rapporta la réflexion de son père quand il s'était amusé à l'idée que Rose et ses amis découvrent qu'ils pouvaient « faire des mélanges ». William eut un air très intéressé.
- Des mélanges… va falloir que je creuse ça…
- Vite alors, taquina-t-elle. Sinon on aura que de la Bièraubeurre et du Pur-Feu pour la fête.
- Ah oui et comme Madame ne boit que du vin blanc français…
- Ça t'a fait rire, ça, hein, maugréa-t-elle, amusée malgré tout.
- Je pense qu'il faudra te contenter d'alcool plus locaux et surtout, moins chers.
- Tant pis, soupira-t-elle avec dramatisme. Je ferai avec. Tu as décidé en quoi ou qui tu allais te déguiser ?
- Oui, fit-il avec un grand sourire. Mais je ne dirai rien. Toi ?
- Aucune idée, avoua-t-elle. C'est en partie pour ça qu'on veut aller à Gaichiffon, pour voir si on a un éclair de génie.
- Au pire, tu te déguises en vacancière.
Rose haussa un sourcil, attendant plus de détails.
- Tu mets un maillot de bain ! s'exclama-t-il, ravi.
- Et ?
- Et c'est tout, un maillot de bain.
- J'ai plus de maillot de bain, ronchonna-t-elle en regardant vers le feu.
Elle manqua l'air un peu troublé de William et ne vit que son large sourire.
- Ce qui est formidable, c'est que c'est la seule chose qui semble t'empêcher de te ramener en maillot de bain pour Halloween : l'absence de maillot de bain.
- Et si tu crois que j'allais vraiment considérer cette option, c'est que tu es très naïf, rétorqua-t-elle.
- Ou alors, tu te transformes pour toute la soirée et on raconte que c'est un sortilège. On n'y verra que du feu.
- Ben voyons.
Il se remit à rire et Rose l'admira un instant.
- Ou alors, reprit-il, récoltant un sourire de Rose, tu fais comme les filles dont a parlé Marc.
- Lesquelles ?
- Celles que son frère a vu à Halloween pendant son voyage aux États-Unis, l'an dernier. Ah mais tu étais pas là quand il a raconté ça !
Il se tourna plus franchement vers elle et elle ferma son livre.
- Par exemple, une fille se déguise en infirmière moldue, mais genre…
- Genre ?
- Genre, elle porte une blouse très, très courte et très, très décolletée.
Un sourcil se leva et elle le contempla sans répondre. Elle finit par craquer devant son sourire innocent.
- Non mais vraiment… c'est ridicule. Qui fait ça, honnêtement ?
- Des filles, je te dis !
- Mais quel est le but ?
Un silence plana et William prit un air très sérieux.
- S'il faut vraiment que je t'explique, c'est que tu es très naïve.
Rose pinça les lèvres pour ne pas rire. Très bien, elle avait compris. Une histoire de fougue, de toute évidence. Ils échangèrent un sourire.
- J'ai pigé le but, mais en plein mois d'octobre, c'est pas très malin, marmonna Rose finalement.
William éclata de rire. Il avait un des plus beaux rires qu'elle connaissait.
Par Merlin que tu es pathétique.
- Et pourquoi que les filles en plus ?
- Parce que les hommes sont des gros faibles, rétorqua-t-il aussitôt. Une paire de jambes, un décolleté et paf, on ne réfléchit plus, vous pouvez faire ce que vous voulez de nous.
- Sans exagération bien sûr ?
- Aucune. C'est pas mon style.
Ils partagèrent un nouveau rire. Rose noua ses cheveux et le regarda brièvement.
- Merci, au fait, d'avoir refusé pour cette histoire d'Épouvantard l'autre fois.
- Je t'en prie, dit-il, l'air inhabituellement sérieux.
Rose lui était très reconnaissante d'avoir capté l'expression paniquée de son visage quand elle-ne-savait-plus-qui avait lancé cette idée.
- C'est juste que…
- Tu n'as pas à te justifier, coupa-t-il avec douceur. Moi non plus, je n'aurais pas aimé faire ça en plus.
Elle lui fit un sourire qu'elle espéra chaleureux. Ou du moins, gentil.
- Je comprends, tu n'as pas envie de te déguiser en toi-même… sans ton insigne de capitaine de Quidditch.
C'était plus fort qu'elle, et elle se félicita de l'avoir taquiné vu le rire qu'il eut. Rose détourna le regard et chercha désespérément à changer de sujet en se renfonçant dans le fauteuil.
- Elle redescend pas ?
- Qui ça ?
- Rebecca, articula-t-elle, se demandant s'il avait tous les neurones en place.
- Ah ! Apparemment non. J'ai faim, déclara-t-il. Ils nous en voudraient beaucoup si on partait manger sans eux ?
Elle ne pensait pas, mais ce dont elle était sûre, c'était qu'il ne fallait pas qu'ils mangent en tête-à-tête. Donc elle lança nonchalamment :
- Si, terriblement. On les attend, ils vont plus tarder je pense…
Il marmonna une réponse frustrée qui la fit sourire et elle coinça son crayon dans son livre.
- Je vais le reposer dans le dortoir et prendre mes affaires pour aller à Pré-au-Lard.
Ses colocataires étaient en train de s'habiller quand elle entra dans leur chambre.
- Ah, vous êtes réveillées, parfait !
Elle prit sa cape d'hiver, son écharpe et ses gants et fourra le tout dans un sac où se trouvait son porte-monnaie.
- Tu étais où ? demanda Lisa en attachant ses chaussures.
- Dans la Salle Commune, je suis allée lire. Dépêchez-vous, j'ai faim !
Elle redescendit et un large sourire s'étala sur son visage.
- Mon chat ! William voulait pas me dire où tu étais.
- Et tu savais que j'étais descendue parce que…
Il pointa ses chaussures et sa baguette, toujours par terre. Elle eut un léger rire et entreprit de nouer ses lacets après avoir glissé sa baguette dans sa poche.
- Elle est tellement bordélique, marmonna William. Je me demande comme elle fait pour s'y retrouver.
- Je suis pas bordélique, je suis organisée, mais seulement dans ma tête, contra-t-elle. Et je m'en sors parce que d'habitude…
- Il y a des gens qui font tout pour toi, termina le brun à sa place.
Elle lui adressa un sourire radieux et se pendit au bras de Derek. Puis elle se pencha vers William.
- Tu viens avec nous ou tu attends…
Elle désigna les dortoirs des filles du pouce.
- Je crois qu'elle boude, chuchota-t-il d'un air conspirateur.
Rose ne sut pas quoi répondre.
- Alors je vais la laisser se débrouiller, lança-t-il avant de se tourner vers les escaliers. Ben alors, j'ai cru que vous vous lèveriez jamais !
La bouche entrouverte, Rose échangea un regard éberlué avec Derek.
- Mais quel mufle, murmura-t-elle à son meilleur ami avant de lui raconter à voix basse comment elle était tombée sur William et Rebecca.
- Vous avez pas bientôt fini vos messes basses ? leur fit Michael en passant devant eux. Venez manger !
Derek et Rose le suivirent jusqu'à la Grande Salle, accompagnés par le reste de leurs amis.
Le trajet jusqu'à Pré-au-Lard ne fut pas une partie de plaisir. Il faisait très froid, le vent leur glaçait le visage et les mains, et la neige les forçait à avancer lentement, les pieds transis.
- Ah ça se mérite hein ! cria Mandy alors qu'elles avaient presque atteint la boutique de vêtements.
Elles soufflèrent en fermant la porte derrière eux.
- Il fait meilleur ici, soupira Lisa.
- Bonjour Mesdemoiselles ! Bonjour Miss Wayne ! les salua la vendeuse. Venez au chaud !
Elles répondirent avec un sourire et se débarrassèrent de leurs capes. Lisa, Rose et Padma suivirent les directives de Mandy, qui savait ce qu'elle voulait pour faire les costumes des uns et des autres, et elles eurent rapidement réuni ce que la blonde voulait. Elle fit une dernière fois le point et afficha un sourire satisfait.
- Bon Rose, il ne manque plus que toi… toujours pas d'idée ?
- Aucune, souffla-t-elle.
Elle repensa aux idées farfelues de William et ne put s'empêcher de sourire. Puis de se renfrogner car elle venait de se dire qu'après tout, si la vue d'une paire de jambes et de seins faisait tourner la tête de Monsieur Van Alten, elle n'aurait qu'à…
Arrête ça tout de suite.
Elle se reprit et se mordilla la lèvre, regardant distraitement les portants de vêtements.
D'un coup, une succession de pensées l'envahirent.
William et sa passion pour la musique métal. Leur session d'écoute au Manoir, qui s'était terminée par du jazz. Le poster de Billie Holiday dans sa chambre.
- Mandyyy ! s'écria-t-elle subitement.
- Par Merlin, elle a trouvé, se réjouit son amie en se précipitant vers elle. Dis-moi tout !
- Billie Holiday. Ma chanteuse…
- Préférée, oui, je sais. Tu as un modèle ?
- Au manoir… une affiche dans ma chambre.
- Ah oui, s'amusa Lisa. La seule affiche moldue du domaine.
Rose lui adressa un sourire puis se concentra.
- Une robe longue bicolore… la jupe est bleue marine, ou noire. Le haut est blanc ou crème, avec un gros nœud assorti à la jupe devant la poitrine.
- Dis, c'est approximatif tes couleurs…
- L'affiche est en noir et blanc, s'excusa Rose. Je vais écrire à Benson. Il va m'envoyer l'affiche. Tu crois que ça pourrait aller ?
- Mais oui, rassura Mandy. Si on n'essaie pas on va le regretter.
Rose hocha la tête et s'approcha du comptoir pour demander si elle pouvait emprunter un parchemin vierge et de l'encre. La vendeuse accepta de bonne grâce et Rose rédigea rapidement sa demande au majordome.
- J'irai à la poste avant qu'on parte, je l'enverrai en courrier urgent.
- En attendant, fouille dans le magasin voir si quelque chose te parait similaire et utile pour la robe.
Rose chercha un moment et tomba sur une jupe noire qui semblait tout à fait convenir. Un tissu de coton satiné épais qui faisait un beau tombé jusqu'aux pieds, un peu ample mais pas robe de bal non plus. Il y avait même une doublure qui lui tiendrait chaud. Mandy approuva de la tête.
- S'il y a un nœud en haut dans le même tissu…
La blonde réfléchissait, Rose agit et sélectionna un deuxième jupon, de la plus petite taille qu'elle trouva.
- Voilà, tu pourras découper là-dedans ?
Mandy acquiesça.
- Quels autres détails elle a, la tenue ?
Rose ferma les yeux et réfléchit.
- Des fleurs blanches dans les cheveux, coiffés en chignon haut sur le côté… trois rangs de perles… et des gants, mais ils ne recouvrent pas les doigts.
Elle fit un geste pour montrer qu'ils commençaient au-dessus du coude, s'arrêtaient au poignet et n'était maintenus sur la main que par une sorte de bague passée au majeur. Ses amies et elle cherchèrent encore et rassemblèrent tous les éléments qui pouvaient marcher : les deux jupons, des gants assortis, une pince à cheveux sur laquelle Lisa avait décidé d'accrocher de vraies fleurs blanches, un collier de fausses perles et même un haut qui avait la bonne forme : dans un tissu crème épais et élastique qui lui rappela sa tenue de yoga, il avait avec un léger décolleté en V devant et un décolleté en U derrière qui ne permettait pas de porter de soutien-gorge. Il ne manquerait que les délicates découpes dans le tissu, mais Mandy estima qu'avec le modèle, elle pourrait les y ajouter. Rose rassura Padma qui faisait la grimace : avec le nœud devant, ses seins seraient à l'abri des regards et du froid malgré les découpes. Rose passa en caisse après une dernière validation de Mandy. Elle paya d'avance les achats que son amie avait faits pour les costumes de tout le monde ; ils s'arrangeraient après, s'ils n'oubliaient pas. Mais Rose n'avait pas l'intention de leur courir après pour leur demander de la rembourser.
Elle se hâta à la poste après avoir obligé ses amies à ne pas l'attendre ; il faisait froid et elle préférait qu'elles aillent réserver une table aux Trois Balais.
- Rose ! l'interpella une voix alors qu'elle s'éloignait de la poste.
- Salut Ernie !
Elle lui fit un sourire et fut parcourue d'un frisson.
- Il fait un froid polaire, lança le Poufsouffle. Tu es seule ?
- J'avais un courrier à poster. Je rejoins les autres aux Trois Balais. Toi ?
- Je m'y rends également. Puis-je t'accompagner ?
- Évidemment.
Ils bravèrent le vent glacé ensemble. Entre deux sujets légers, Rose finit par oser poser une question, criant à moitié pour qu'il l'entende.
- Tu as des nouvelles d'Hannah ?
- Aucune, répondit sombrement Ernie.
- Je suis désolée…
Ils y étaient presque.
- Oups ! s'écria Rose alors que son pied avait glissé.
Elle se voyait déjà par terre, les fesses dans la neige. Ernie réagit vite et attrapa le bras de Rose, puis lui saisit la taille quand il comprit que ça ne suffirait pas à arrêter sa chute. Le temps qu'elle reprenne son équilibre, elle était pressée contre son torse, l'air confuse d'être restée sur ses deux jambes. Ils s'observèrent quelques secondes en silence.
- Merci Ernie...
- Je t'en prie…
Ils étaient aussi troublés l'un que l'autre. Puis Ernie repoussa avec gentillesse Rose qui s'éloigna aussitôt.
- Je te prie de me pardonner, c'était parfaitement inconvenant de te tenir comme cela, rougit Ernie, gêné.
- Tu m'as empêchée de me retrouver les quatre fers en l'air dans la neige, sourit d'un coup Rose. Je ne t'en veux absolument pas, d'accord ?
- Très bien.
Il lui fit un sourire timide puis se pencha pour lui ramasser son sac de vêtements qu'elle avait lâché. Elle le prit avec reconnaissance et le remercia à nouveau de sa rapidité quand elle avait glissé sur le verglas devant les Trois Balais. Ils papotèrent encore en entrant dans la chaleur du bar, leur embarras s'évanouissant à mesure que leurs pieds se réchauffaient.
- J'aperçois mes amis là-bas, lança Ernie, plus grand que Rose. Et je crois que j'ai vu Derek par là.
Il pointait de l'autre côté du bar.
- Merci, sourit Rose. À plus !
- À bientôt, Rose, passe une bonne journée.
Elle sourit à son vocabulaire un peu pompeux et se fraya un passage jusqu'à la table des Serdaigles pour s'asseoir entre Nassim et Lisa.
- Courrier envoyé ?
Elle confirma d'un hochement de tête et prit avec joie la Bièraubeurre tiède que lui tendait Padma.
- T'étais avec qui quand tu es rentrée ? interrogea Marc. J'ai l'impression de le connaitre…
- Ernie Macmillan, un Poufsouffle. Il était membre de…
- L'A.D., ronchonna Nassim. On le saura.
Rose lui mit un coup de coude et avala quelques gorgées de sa boisson, regardant nonchalamment autour de leur table.
- Il manque William, constata-t-elle. Il fait encore des achats ?
- Il était avec nous il y a quelques minutes, mais il a disparu d'un coup, répondit Terry en lui lançant un sourire un peu embarrassé.
- Alors, vous avez trouvé tout ce qu'il fallait ? demanda-t-elle finalement.
- Tout et plus encore, se réjouit Idriss sous un rire de Mandy.
- Vous voulez qu'on planque des trucs dans nos sacs ? proposa à nouveau Rose.
Bientôt ils organisèrent une répartition efficace des achats des garçons. Lisa grimaça devant la quantité de bouteilles.
- Rusard va jamais nous laisser passer avec tout ça, chuchota-t-elle. Il vérifie tous les sacs maintenant.
- Métamorphoses, répliqua aussitôt Anthony.
- Quel génie, soupira Derek. Transformons tout en bonbons et chocolat, ça passera inaperçu.
Les septièmes et Anthony, qui avait eu dix-sept ans en septembre, s'affairèrent, à moitié cachés sous la table, et les sacs de vêtements furent pleins de confiseries en tout genre, ainsi que de rouleaux de parchemin vierges.
- Très réussi, commenta Rose avec admiration.
Marc lui adressa un sourire ravi puis suggéra qu'ils rentrent avant que la foule se presse au portail du château.
- On attend pas William ? osa demander Rose, prenant l'air le plus détaché possible.
- Il est euh… occupé pour le moment, répondit Nassim sans la regarder.
Elle commença à suivre le regard de Michael vers une des vitrines du bar, mais Derek se leva et se planta devant elle, secouant légèrement la tête. Elle haussa un sourcil et commença à se pencher, mais il bougea pour continuer à obstruer son champ de vision.
- Apparemment Rebecca a un gros souci avec ses amygdales, lança Mandy très sérieusement. Et William s'est porté volontaire pour les examiner de très près. Avec sa langue.
Des ricanements secouèrent les Serdaigles, sauf Derek et Rose qui s'affrontaient toujours du regard. Le blond eut un air défaitiste en entendant Mandy.
- Merci Mandy…
- Ben quoi, c'est vrai. Si je n'avais pas expliqué, elle aurait regardé de toute façon, ajouta-t-elle à voix basse.
Rose finit par lui sourire et hocher la tête, ignorant le nœud très serré dans son ventre. En sortant du bar, elle fit en sorte de ne jamais regarder vers la grande vitre et de rester concentrée sur ses pieds, puis sur la neige qui s'étalait partout. Hors de question qu'elle voit ça, ni qu'elle tombe lamentablement devant tout le monde à cause de lui. Le retour au château fut calme, tous essayant de se protéger comme ils le pouvaient du vent glacial. Ils évitèrent de se regarder lorsque Rusard inspecta leurs sacs de shopping et ne parlèrent qu'une fois à l'abri de la Salle Commune.
- Montons, marmonna Lisa en avisant des cinquièmes années qui venaient de rentrer eux aussi.
- Dans notre chambre, dit Nassim. On planque sous mon lit.
Onze personnes s'enfermèrent dans le dortoir des septièmes. Ils sortirent les bouteilles transformées et se mirent au travail pour leur redonner leur forme originelle.
- On devrait pas avoir soif, gloussa Mandy. Dis Idriss, je voulais faire le point pour ton costume…
Ils discutèrent un peu à l'écart pendant que les autres s'affalaient plus ou moins dignement autour de la pièce et déballait quelques gâteaux et douceurs achetés chez Honeydukes.
- Pour la fête, vous gérez le repas ? demanda Marc aux sixièmes, qui acceptèrent immédiatement.
- Pour la musique, comment on fait ? s'interrogea Rose.
- Moi je sais ! s'exclama Idriss en revenant. J'avais un peu anticipé qu'on referait une fête…
- Évidemment, se moqua Padma.
- Alors je me suis équipé ! Ce n'est pas du matériel aussi bon que celui de Selena, mais ça ira très bien !
- Chouette, j'ai amené plein de disques à moi ! s'écria une voix à la porte.
- AH NON ! protestèrent en chœur Marc, Nassim, Idriss, Padma et Michael.
- Vous n'avez aucun respect.
William repoussa les rideaux de son lit et s'y assit, faussement boudeur. Rose détourna les yeux, sans trop savoir pourquoi.
- Remarquez c'est pour Halloween, faut bien mettre de la musique qui fait peur.
Tout le monde se mit à rire à la remarque de Terry.
- Tout le monde est au point pour son costume ? s'enquit Lisa.
- Au fait Mandy, tu pourras m'aider pour un détail du mien s'il te plait ?
- Bien sûr ! accepta aussitôt la blonde en souriant à Marc.
- On fait comme on a dit hein, on se laisse la surprise des costumes ! et il faudra deviner.
- On pourrait élire le meilleur déguisement, lança Rose. Roi ou Reine de la soirée.
- Quel serait le prix ?
Ils réfléchirent tous.
- Les autres doivent faire le devoir de son choix à sa place.
Des visages éberlués se tournèrent vers Anthony, qui affichait un sourire très satisfait. Lisa se mit à pouffer.
- Il m'étonnera toujours.
Il lui sourit et se pencha vers elle pour l'embrasser rapidement. Rose et Mandy échangèrent un sourire attendri. Puis Rose se leva et rassembla ses paquets. Elle voulait aller faire le point sur son costume et surtout, sortir de la chambre où William passait ses nuits. Et ramenait probablement ses conquêtes.
Et voilà pourquoi tu n'oses pas regarder vers son lit depuis tout à l'heure.
Elle quitta le dortoir en saluant ses amis et alla déballer ses achats sur son lit, très concentrée. Elle sentit Mandy qui se penchait et regardait les vêtements et accessoires avec intérêt.
- J'ai hâte de voir l'affiche, j'ai du mal à visualiser le nœud pour le moment…
- Dès que je la reçois je te la donne.
- Je suis désolée pour William, lâcha brutalement la blonde. Et pour ce que j'ai dit aux Trois Balais.
- Ne t'excuse pas, c'est pas ta faute… c'était très drôle en plus ce que tu as dit.
- T'es juste pas le meilleur public pour ce genre de blague, fit Mandy en retrouvant le sourire.
- Voilà, pour le moment c'est pas ça… mais ça veut pas dire qu'il faut s'empêcher de parler autour de moi. Je veux que tout soit normal, soupira Rose.
- Est-ce que c'est parfois normal entre William et toi ? interrogea Lisa qui venait d'arriver.
- Je sais pas… pas souvent.
Elle sourit faiblement à ses amies, avant de se reprendre.
- Bon, c'est bien le shopping et tout mais…
- Les devoirs avant tout, soupira Mandy en comprenant.
- Allez, hauts les cœurs !
Elles descendirent en soupirant dans la Salle Commune, chargées de leurs affaires de cours et passèrent le restant de la journée à faire leurs devoirs.
Dimanche matin, les rumeurs s'étaient répandues dans tout le château et ils entendirent parler de l'attaque sur Katie Bell lors de la sortie à Pré-au-Lard. Ils avaient entendu dire que Katie avait été envoyée à Sainte Mangouste tellement le sort qui l'avait frappée avait été terrible. Cet épisode démarra une vague d'inquiétude dans l'école, et certains parents souhaitaient retirer leurs enfants pour le reste de l'année scolaire. Ceux de Padma et Parvati en faisaient partie, et les deux filles échangèrent un nombre incalculable de lettres avec eux dans les jours qui suivirent la sortie dans le village sorcier. Les Serdaigles ne virent pas beaucoup Padma car elle passait beaucoup de temps avec sa sœur à plaider pour pouvoir rester à Poudlard. À leur soulagement à tous, les Patil finirent par accepter après avoir averti les jumelles qu'il n'y aurait pas de négociation si un deuxième événement du même style devait avoir lieu. Le père de Rose n'avait pas été aussi radical mais le rythme de ses lettres s'accéléra et elle y lisait, entre les lignes ou parfois noir sur blanc, son inquiétude pour elle, de la savoir loin de lui et des protections du Manoir. À chaque lettre, Rose commençait par soupirer, puis lisait patiemment, et finissait toujours par se détendre, un peu attendrie par les préoccupations d'Erwan Wayne. Elle se faisait régulièrement la réflexion qu'il avait fallu qu'elle soit malade et que sa gouvernante meure pour que leurs relations s'améliorent visiblement.
Un matin au petit-déjeuner, Rose avait la gorge un peu serrée de repenser à Olivia, la dernière lettre de son père dépliée dans sa main. Il ne parlait pas d'elle directement, il mentionnait simplement le très bon travail fourni par Amalie, qui avait annoncé en septembre que la bonne tenue du Manoir ne demandait pas l'embauche d'une personne supplémentaire, surtout lorsque Rose était à l'école et qu'Erwan voyageait constamment. Elle replia la lettre et la reglissa posément dans son enveloppe avant d'adresser un sourire à ses amis. Ils remontèrent dans la salle commune : ils s'étaient levés tard, n'ayant pas cours tout de suite, et les filles n'avaient pas encore fait de passage par la salle de bains. Padma, qui avait cours à dix heures, y alla la première. Rose rangea la lettre de son père avec les autres, ayant dans l'idée de lui répondre plus tard, peut-être pendant le week-end. Mandy sauta de son lit et prit la suite, Lisa leur fit un petit signe de main en disparaissant de la chambre.
Rose soupira d'aise en se glissant enfin sous la douche, contente d'avoir la première partie de sa matinée libre. Rose pouffa en se shampouinant les cheveux, repensant à Lisa qui était partie rejoindre Anthony dans la chambre des garçons. Ses seuls cours de la journée étaient DCFM après la récréation du matin et Sortilèges à quatorze heures : le mercredi était une bonne journée, malgré le fait qu'ils soient enfermés une heure avec Rogue dans une salle de classe sombre et une ambiance glaciale.
Elle poussa un petit cri et se décala du jet d'eau. En parlant de glacial, c'était à peu près la température qui venait de lui dégringoler dans le dos. Elle jeta un regard offensé au pommeau de douche et attendit, les cheveux plein de mousse, que l'eau chaude revienne. Mais la chaleur ne revint pas et Rose regarda, éberluée, le débit d'eau diminuer progressivement… pour s'arrêter totalement. Elle jura à voix haute, ferma le robinet, le rouvrit, le referma… et abandonna après trois essais infructueux. Aucune des douches de leur salle de bains ne fonctionnait plus. Elle s'emballa prestement dans sa serviette de bain : les lavabos étaient dans le même état. Elle jura à nouveau et sortit de la salle de bains. Mandy releva le nez de son livre.
- Ben qu'est-ce que tu fais ?
- L'eau s'est coupée toute seule, gémit Rose.
- Ah c'est pour ça que j'ai entendu des cris dans les autres chambres !
Rose la regarda, interdite.
- Tous les dortoirs ?
Mandy se leva et passa la tête dans le couloir. Aux bruits de portes qui s'ouvraient et aux conversations animées, la réponse était claire : les douches ne fonctionnaient plus chez les Serdaigles.
- Enfin, du moins, chez les filles, tempéra Mandy. Peut-être qu'elles fonctionnent chez les garçons…
- Mandy t'es un génie !
Rose fila dans la salle d'eau, remit rapidement son pyjama, enroula ses cheveux poisseux de shampoing sur sa tête et rassembla ses affaires : elle allait terminer sa douche dans le dortoir des garçons. Elle traversa à toute vitesse la Salle Commune pour s'arrêter net en haut des escaliers masculins.
Lisa et Anthony… flûte.
Elle n'allait pas débarquer comme ça en plein milieu de…
- Rose ?
Elle leva le nez vers Marc, qui paraissait confus de la voir plantée au milieu du passage.
- Les douches chez les filles sont en panne, commença-t-elle.
- Ah bon ?
- Oui… j'étais en train de me laver quand l'eau s'est arrêtée d'un coup.
- C'est pour ça, tes cheveux…
Il désigna la pile auburn mouillée et mousseuse sur la tête de Rose, qui lui sourit.
- Et tu es là parce que…
- Je voulais aller terminer chez les garçons, mais… Lisa et Anthony…
Elle fit une petite grimace, il eut un rire léger en comprenant.
- Tu peux utiliser notre salle de bains si tu veux, proposa-t-il.
- T'es sûr ? Vous en avez pas besoin ?
- Certain, on est tous à la Bibliothèque ce matin. Je viens juste de terminer de me préparer, mais les autres sont déjà là-bas.
Devant son air indécis, il insista :
- Vas-y, je t'assure. Prends ton temps, tu seras tranquille, on a prévu d'y rester toute la matinée.
- D'accord…
Il la guida jusqu'à la chambre et poussa la porte, puis fit un geste pour l'inciter à entrer.
- Merci…
Elle s'engouffra dans le dortoir avec un sourire reconnaissant et se dirigea vers la salle de bains. Elle ferma la porte derrière elle, posa sa serviette et ses vêtements propres sur un bout de plan de travail libre, se déshabilla puis se glissa dans une des douches et tourna le robinet. À son grand soulagement, l'eau coula immédiatement. Un sourire satisfait étira ses lèvres et elle se rinça enfin les cheveux. Elle les essora et les empila à nouveau sur sa tête, puis se mordit la lèvre. Elle avait oublié de prendre du gel douche. Un regard autour d'elle et elle avisa une bouteille posée dans un coin. Elle s'en saisit et retroussa le nez sous l'odeur forte typiquement « gel douche pour homme viril ». Tant pis, ça ferait l'affaire pour aujourd'hui. Elle commençait à se détendre, le regard dans le vague, quand tous ses poils se dressèrent sur sa peau. Elle tendit l'oreille et écarquilla les yeux : la porte venait de s'ouvrir. Quelqu'un entra et fit quelques pas, la porte se referma.
- Marc, sérieux, t'es encore sous la douche ?
Rose resta immobile, la bouteille de gel douche ouverte dans la main gauche.
Évidemment.
