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Chapitre 28xxxxx
Altaïr se dressa comme un ressort lorsqu'un garde ouvrit la porte en lui annonçant qu'il avait de la visite. Habituellement, Pollux venait plutôt en début d'après-midi, mais il semblerait que son emploi du temps habituel ait été chamboulé.
Sur son propre lit, Juhan remonta sa couette au-dessus de sa tête, faisant semblant de faire une grasse matinée. Altaïr savait très bien qu'il était réveillé depuis deux bonnes heures, bien qu'il ait sauté le petit-déjeuner. Le lycanthrope soupira, il en avait marre que le rouquin lui fasse la tête depuis leur drôle de dispute à la bibliothèque. Cependant il ne dit rien, Juhan lui reparlerait dès qu'un potin trop croustillant pour ne pas être partagé circulerait dans les couloirs.
Altaïr jeta un dernier regard vers son colocataire avant de suivre le garde et se placer à la fin de la queue d'adolescent patientant pour accéder aux parloirs. Il suivit les indications d'un garde, s'approchant du septième box.
Mais alors qu'il allait attrapé la petite chaise en bois pour s'y installer, Altaïr se figea. Face à lui était certes assis Pollux, mais surtout, il y avait à sa gauche Remus. L'adolescent détailla son parrain du regard alors qu'il expulsait brusquement toute l'air de ses poumons.
Remus avait changé, mais en même temps, il semblait toujours être le même. Il y avait une nouvelle cicatrice sur sa joue et une autre griffure barrait une partie de sa gorge. Quelques petites rides commençaient à apparaitre aux coins de ses yeux et jamais Altaïr ne l'avait vu aussi bien habillé. Pourtant, Remus avait les mêmes sourire doux et regard plein de tendresse et d'amour que lorsqu'il était encore un enfant.
Et soudain, Altaïr prit conscience de la situation. Remus était là, pour lui. Il ne l'avait pas oublié, il avait souhaité le revoir au point de venir lui rendre visite dans cet endroit miteux.
« Salut louveteau. »
Cela eut le don de faire refonctionner le cerveau d'Altaïr, qui cessa enfin d'agir comme une statue et finit par s'asseoir sur sa chaise.
« Salut Lunard.
- Ça va ? »
Altaïr sourit. Peut-être que d'un point de vue extérieur, la conversation semblait impersonnelle, presque gênante. Mais pour lui, ça lui rappelait simplement ses week-ends chez son parrain. Toutes leurs conversations commençaient comme ça, c'était devenu une sorte d'automatisme pour eux.
« Mon coloc' me fait la tête.
- Te connaissant, c'est que tu as forcément fait quelque chose de mal. »
Et alors, Altaïr éclata de rire comme il ne l'avait plus fait depuis longtemps, peut-être même des années. Etrangement, c'était ici dans une prison qu'il avait pour la première fois en cinq ans l'impression d'être chez lui. Parce que Remus était sa famille et qu'il l'avait enfin retrouvé.
« Ouai, une histoire de jalousie. Danil dit que je suis un con. » sourit-il a pleines dents.
Pollux observait simplement les deux sorciers conversés. Il ne se sentait pas offusqué d'être ainsi exclu de leur petite bulle. Altaïr avait toujours un petit sourire en coin lors de ses visites, mais jamais encore il ne l'avait vu si détendu. C'était la première fois que Pollux voyait son pupille rirent aussi franchement. Altaïr semblait avoir rajeuni de plusieurs années, sans le pli barrant continuellement son front et sa mâchoire desserrée. Il faisait enfin son âge et le cœur de Pollux se réchauffa, il avait fait le bon choix en invitant Lupin ici.
Remus réfléchit un instant avant que son regard ne s'éclaire.
« Laisse-moi deviner. Ce gars est amoureux de toi et toi, tu as parlé de quelqu'un d'autre. Forcément une fille, sinon tu ne serais pas un con.
- Je ne vois pas en quoi le fait que ce soit une fille ou un garçon fasse de moi un con ou non. » grogna Altaïr, faussement vexé.
« Donc il y a bien une fille. » sourit victorieusement Remus. « Ce gars pense que tu l'aimes et toi tu as démenti, parce que tu n'as pas encore réalisé que c'est le cas. Et Danil dit que t'es un con parce que comme ça, tu fais croire à ton coloc' qu'il a une chance avec toi. »
Altaïr le fixait d'un air éberlué.
« Comment tu as pu deviner tout ça ?
- Tu es exactement comme ton oncle. Sirius aussi était une quiche niveau romantisme. » expliqua malicieusement l'aîné. « Alors ? Elle s'appelle comment ?
- Oh non, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ? Il n'y a pas de fille ! »
Remus le fixa d'un air pas du tout convaincu. Son filleul avait vraiment un don pour se mettre des œillères pareil.
« Venus Lovegood. » souffla Pollux.
« Espèce de traître. » grogna l'adolescent.
Remus se contenta de sourire, victorieux. Il comprenait mieux pourquoi Xenophilius Lovegood avait accordé à Pollux une interview désormais. Certainement que sa fille avait quelque chose à voir là-dedans si elle était aussi proche d'Altaïr.
« Est-ce que tu la trouve belle ? » Remus leva la main pour faire taire son filleul lorsqu'il fit signe de vouloir protester. « Pas juste belle dans le sens joli. Mais belle comme si elle égaille une pièce rien que par sa présence, si à chaque fois que tu la vois, tu ne peux regarder qu'elle. Si tu écoutes tout ce qu'elle dit comme si chacun de ses mots étaient un précieux sourire et que son sourire te réchauffe le cœur, alors oui Altaïr, tu es amoureux d'elle.
- Remus, si toi aussi tu l'avais vu, tu dirais qu'elle est belle et qu'elle illumine une pièce à elle toute seule. Et si je l'écoute, c'est parce qu'elle est intelligente.
- Des papillons dans le ventre ?
- On se voit à des réceptions et les petits-fours sont bons.
- Tu as envie de l'inviter à danser alors que tu détestes ça.
- C'est elle qui me force à chaque fois.
- Mais tu acceptes. »
Pollux observait l'échange comme s'il s'agissait d'un match de tennis, tournant la tête à chaque réplique.
« Tu regardes ses lèvres au lieu de ses yeux.
- Elle met du rouge à lèvre, ça attire l'œil.
- Sa taille de bonnet ?
- T'es sérieux Lunard ? Je ne suis pas un pervers. » rougit Altaïr avant de répondre d'une petite voix. « Elle ne met pas de soutien-gorge. »
Remus éclata de rire alors que Pollux masquait son sourire derrière sa main. Altaïr sourit d'autant plus que son parrain semblait être arrivé à la fin de son interrogatoire. Pourquoi devait-il s'arrêter sur cette question-là précisément ? Mais Altaïr n'était pas connu pour se laisser faire, il savait déjà comment se venger.
« C'est comme ça que tu as su que tu aimais ma mère ? En matant ses seins ? »
Ce fut au tour de Remus de rougir comme une pivoine alors que Pollux n'arrivait plus à retenir son rire.
« Je ne suis pas amoureux d'Aquila.
- Est-ce que tu la trouves belle ? Pas belle comme jolie mais comme… » imita Altaïr, embarrassant l'autre lycanthrope.
« Franchement, il n'est pas comme son oncle, mais comme son parrain, niveau romantisme. » se moqua Pollux.
Les deux loups-garous se vexèrent, croisant leurs bras sur leurs torses dans une symétrie parfaite. Pollux voulait bien le croire maintenant, c'est cet homme qui avait en partie éduqué Altaïr. Ils se ressemblaient beaucoup.
« Comment vas Tommy ? » changea brusquement de sujet Altaïr.
Remus perdit son sourire.
« Il va bien. Il… Je suis désolé Altaïr, mais il…
- … Ne se souvient pas de moi. Je sais. » compléta Altaïr.
« Tu le sais ? Comment est-ce possible ?
- Je l'ai croisé. Deux fois. » sourit amèrement l'adolescent. « Une fois sur le Chemin de Traverses et une fois à un bal des Londubat. « Ce n'est pas grave, c'est peut-être mieux comme ça. Je ne veux pas qu'il soit triste ou déçu. »
Remus aurait tant voulu prendre son filleul dans ses bras. Mais c'était impossible à cause de cette fichue vitre les séparant. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était de serrer ses poings sur ses genoux et d'offrir un sourire réconfortant à Altaïr.
« Harry, il n'y a rien à propos de toi qui pourrait le décevoir. »
L'adolescent essuya ses yeux alors qu'il sentait les larmes monter. Il était un adolescent en prison, avait fait la une des journaux en Angleterre à cause de ça et avait failli se faire renvoyer de son école. Pourtant, Remus n'était pas déçu de ce qu'il était devenu. Altaïr savait qu'il n'aurait jamais réussi à faire le premier pas et demander à le revoir auprès de Pollux, parce qu'il avait honte de ce qu'il était. Il ne le montrait pas, mais Altaïr se détestait.
Mais Remus, avec ses yeux débordant d'amour alors qu'il le regardait, lui faisait comprendre que peut-être, tout n'était pas à jeter chez lui.
« Thomas va bien. » reprit Remus, comprenant que c'était difficile pour Altaïr de parler de se qu'il ressentait envers lui-même. « Il n'arrête pas de me tanner avec la sortie du prototype du Nimbus 2000. Il veut absolument le recevoir quand il sortira l'année prochaine pour entrer dans l'équipe de Quidditch à Poudlard.
- Il arrive à monter sur un vrai balai maintenant. » souffla Altaïr, réalisant à peine que son petit-frère n'avait plus quatre ans. « Il sera un bon attrapeur. »
Remus sourit. C'était rassurant de constater qu'après tant d'années, ni lui, ni Altaïr et ni Thomas n'avait réellement changé. Ils avaient évolué, mais ils restaient les mêmes au fond.
« Fin des visites ! Veuillez rejoindre vos cellules ! » tonna un garde grâce à un Sonorus.
Mais Altaïr ne bougea pas. Il ne voulait pas partir, il avait peur de ne plus jamais revoir son parrain s'il se détournait de lui maintenant. La dernière fois qu'ils s'étaient quittés, ils ne s'étaient plus revus pendant cinq ans et demi.
« On revient dans deux semaines. » l'encouragea Pollux, envoyant un regard à Remus. « N'est-ce pas ?
- Oui, oui ! Bien sûr ! On revient dans deux semaines. » s'empressa-t-il de confirmer face au regard oppressant de Black.
Remus n'allait certainement pas le laisser regretter de lui avoir donné sa confiance. Il refusait également de lire encore une fois de la tristesse sur le visage de son filleul, il ferait tout en son pouvoir pour qu'Altaïr puisse retrouver sa joie de vivre passé. Si Pollux avait eu l'impression de le voir plus heureux que jamais aujourd'hui, Remus avait l'impression de voir une pâle copie du petit garçon plein de joie de vivre qu'il avait été.
Un garde posa sa main sur l'épaule d'Altaïr, baguette en main. Ce ne fut qu'à ce moment que l'adolescent dénia quitter sa chaise. Pourtant, il ne quitta pas du regard Remus, se tordant le cou alors qu'il marchait vers la sortie des parloirs.
« Je t'aime louveteau ! » cria Remus, rougissant jusqu'à la pointe des cheveux alors que tous les adolescents et les gardes se tournaient vers lui.
Il cacha son visage dans ses mains, honteux, alors qu'Altaïr disparaissait dans un grand éclat de rire. Black posa sa main sur son épaule alors que le loup-garou gémissait de honte. Pollux savant qu'il avait fait le bon choix en emmenant Remus ici.
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Lorsqu'Altaïr rejoignit sa cellule, il avait l'impression de flotter sur un nuage. Il s'en fichait des rires moqueurs des autres adolescents parce que c'était censé être honteux à leur âge qu'un parent leur dise qu'il les aime. Mais Altaïr n'était pas comme eux. On ne lui avait que trop rarement dit ses mots et il les savourait pleinement.
Lorsqu'il resta debout au milieu de leur petite cellule, Juhan daigna enfin sortir la tête de sa couette pour observer son colocataire au comportement étrange.
« T'es malade ou quoi ?
- Je crois que t'avais raison. » Face au regard empli d'incompréhension du roux, Altaïr développa sa pensée. « Je suis amoureux d'elle. T'avais raison.
- C'est tout ce que t'as trouvé à me dire après deux semaines ? Tu te fous vraiment de ma gueule. » bouda Juhan.
« Non, je pensais juste que vu ton insistance sur le sujet, tu aimerais savoir que je ne me voile plus la face. Je ne veux pas te mentir. »
Juhan le jaugea du regard. Il voulait être certain qu'Altaïr ne se moquait pas de lui. Il hocha la tête après un long moment, semblant trouver ce qu'il cherchait dans le regard du lycanthrope.
« C'est elle qui est venue te voir ? »
Altaïr nia de la tête.
« C'était mon parrain. » Puis, il écarquilla les yeux. « Oh putain, mon parrain est venu me voir. »
Juhan secoua la tête avant de se détourner d'Altaïr. Il ne comprenait rien au comportement étrange de son ami et préférait fouiller dans ses affaires plutôt que d'essayer de le comprendre. Il attrapa un magazine parmi les bouquins que Pollux venait de faire parvenir à son pupille et se réinstalla sur son lit.
Altaïr tira le sac à lui, rangeant ses affaires sur son étagère qui commençait à bien se remplir, un sourire aux lèvres. Un sourire qui ne le quitta pas de la journée.
