Chapitre 15 : Paternité
Heureusement, Albus dormait toujours profondément et ses traits semblaient apaisés, preuve que la douleur devait se dissiper. Je proposai à Harry de rentrer se reposer chez lui maintenant que je pouvais prendre le relai auprès du gamin. Mais il refusa m'expliquant qu'il ne partirait qu'à l'heure de se rendre au Ministère ainsi l'avait indiqué à Ginny lorsqu'il avait utilisé ma cheminée pour la rassurer sur l'état de son fils. Il me proposa d'en profiter pour me reposer moi-même, mais toute envie de dormir m'avait quitté. Je m'installai donc sur un fauteuil en face de lui, puis le conjurai du thé. Je sentais le regard d'Harry peser sur moi pendant que je le servais.
« Vous étiez sérieux tout à l'heure en me disant que vous comptiez bien me voir tuer quelqu'un qui serait venu s'en prendre à Albus. » m'interrogea-t-il soudain
« Oui, pourquoi ? » demandai-je en levant les yeux vers lui
Je le sentais profondément troublé sans comprendre à quoi il venait en venir exactement.
« Est-ce que vous avez tué des gens pour me protéger ? » reprit-il d'une voix altérée
Nous y voilà ! L'avantage et l'inconvénient d'un gryffondor par rapport à un serpentard, c'est qu'il est beaucoup moins apte à dissimuler la question qui l'intéresse vraiment. Je me demandais ce qu'il attendait comme type de réponse, ce qu'il attendait ou ce qu'il craignait. J'optai pour une vérité mesurée :
« Quelques personnes. »
Il encaissa. Pas très bien manifestement.
« Combien ? Comment ? » insista-t-il néanmoins
Plutôt que de lui dire ce qu'il n'avait sûrement pas envie d'entendre, plutôt que de lui faire remarquer qu'il n'avait pas envie de l'entendre, je choisis une approche plus diplomatique :
« Je ne suis pas certain d'avoir envie d'y repenser. »
« Mais moi, j'ai besoin de savoir. De penser que pendant toutes ces années, il y avait autre chose entre nous que tous ces sarcasmes, tout ce mépris que vous m'avez balancé à la figure pendant mes années d'école ! » affirma-t-il
Je n'étais pas très sûr qu'une pile de cadavres entre nous arrange beaucoup mon cas à ses yeux.
Voyant que j'hésitais toujours à lui parler, il insista encore :
« Racontez-moi au moins une situation dans laquelle vous m'avez sauvé la vie. »
Je me décidais à lui répondre sans être persuadé que ce soit réellement une bonne chose :
« Le jour où je suis venu vous apporter l'épée de Godric Gryffondor pour détruire les horcruxes. J'ai été suivi par deux mangemorts qui me soupçonnaient de ne pas fidèle au Seigneur des Ténèbres et de vous protéger au lieu de vous rechercher. Ils m'ont suivi pour en avoir la preuve et en espérant vous attraper pour se faire bien voir de lui. Je ne m'en suis pas aperçu tout de suite. J'étais tellement concentré sur le fait de vous envoyer un patronus pour vous guider et puis tellement inquiet de ne pas voir ressortir de ce fichu lac. Je me préparais même à me jeter dans l'eau pour vous en sortir quand Weasley est arrivé pour vous aider. Et c'est à ce moment-là que j'ai aperçu ces dégénérés qui s'apprêtaient à vous capturer. »
« Et vous avez fait quoi ? » demanda Harry
« Ce que j'avais à faire. » répondis-je « Avec Sectumsempra et Assurdio pour étouffer leurs cris le temps qu'ils meurent. Avec des Avada Kedavra, vous auriez aperçu la lumière verte. »
Harry me regarda d'un air effaré. Il s'attendait à quoi ? Il finit par se reprendre pour demander :
« Et c'est vraiment là toute votre conception des devoirs parentaux ? »
« Bien sûr que non, Harry » admis-je « Mais quelques fois, ce sont les circonstances qui dictent les priorités. »
« Vous vous en êtes donc tenu aux priorités vis-à-vis de moi ! » remarqua-t-il
« Harry, je me rends bien compte que j'ai peu de chance d'être désigné comme le père de l'année … » commençai-je
« Ça, je vous le confirme ! » s'exclama-t-il « Mais est-ce qu'une seule fois dans votre vie, vous avait fait quelque chose comme un père normal avec moi ? Est-ce qu'une seule fois vous m'avez pris dans vos bras quand j'étais petit ? »
Je réfléchissais à toute vitesse sur ce qu'il essayait de me dire. Au problème vis-à-vis de moi qu'il était en train de révéler. Est-ce que c'est parce que je tenais Albus dans mes bras quand il était arrivé qu'il se posait soudain cette question ?
« Oui, ça m'est arrivé. » répondis-je à mi-voix en fixant les flammes qui dansaient dans la cheminée
« Et c'était quand la dernière fois ? » reprit-il incisif
Il y avait du défi dans son ton. Comme s'il se demandait si j'étais capable m'en souvenir et pourtant c'était la dernière chose au monde que je pourrais oublier :
« Le soir de la mort de votre mère dans les décombres de la maison à Godric's Hollow. »
« Pourquoi ce n'était pas dans le souvenir que vous m'avez donné le jour de la bataille de Poudlard ? Pourquoi avez-vous exclu cette partie-là ? » demanda-t-il avec un mécontentement évident
« A quoi bon ? J'avais l'impression que mon anti-venin ne fonctionnait pas, je pensais donc être en train de mourir. Avec la mort de James Potter, vous aviez déjà perdu votre père une fois, ou tout du moins vous le croyiez, il était inutile de doubler la mise. » tentai-je de me justifier
« Oui, mais vous avez survécu. Malgré ça vous n'avez jamais envisagé de venir me parler. » râla-t-il
« Pourquoi faire ? Pour passer du statut de professeur le plus détesté à celui de père le plus encombrant ? Même pour connaître des choses sur votre mère dont personne d'autre que moi ne pouvait réellement vous parler, vous n'êtes jamais venu me voir. Je n'ai pas eu de mal à en conclure que vous ne vouliez rien avoir affaire avec moi. »
« Parce que c'est moi qui aurait dû venir vous voir ? Je vous rappelle quand même que c'est vous le père et moi le fils. Que c'est vous qui connaissiez le lien qu'il y avait entre nous et moi qui l'ignorais ! »
Malgré le côté forcément inconfortable de l'exercice, je m'essayais à un peu d'introspection. Est-ce que ce n'était pas moi plutôt qu'Harry que j'avais essayé de préserver en ne lui disant pas la vérité ? Je n'avais plus de certitude. J'avais manifestement sous-estimé le besoin qu'il pouvait avoir à dix-huit ans d'avoir un père, même si ce père s'avérait être son horrible professeur de potions. Il faut dire à ma décharge que j'avais peu d'expérience des relations père-fils, car j'avais cessé le plus tôt possible de voir mon propre père, principalement pour ne jamais céder à la tentation de lui balancer l'Avada qu'il méritait pour l'enfer qu'il avait fait vivre à ma mère.
« Si j'ai eu tort dans les choix que j'ai fait par rapport à vous et moi, Harry. Sachez que j'en suis à la fois désolé pour vous et plein de regrets pour moi. » murmurai-je lentement
« Plein de regrets ? » répéta-t-il d'un ton interrogatif
« Bien sûr que oui ! » affirmai-je « Croyez-vous que j'ai renoncé de gaité de cœur à mon fils ? »
« Eh bien, je n'en sais rien et je vous pose la question. » releva-t-il
« Alors, je vous prie de croire que ça n'est pas le cas et que ça a été le plus grand sacrifice de ma vie. » répondis-je
Est-ce qu'il avait besoin de l'entendre de ma part ? Est-ce qu'il avait vraiment pu croire le contraire ? Croire que j'avais été soulagé de le rayer de ma vie ? Quoi qu'il en soit, il enregistra mes excuses et mes regrets d'un hochement de tête, avant de passer à autre chose :
« Est-ce que vous avez plus d'informations sur ce qui s'est passé ce soir ? »
Je lui résumai ma discussion avec Lupin de McGonagall.
« Pourquoi Albus a-t-il trouver utile de poursuivre le cambrioleur ? » s'étonna-t-il
« Ça, j'aimerais bien le savoir ! Quelle idée d'aller jouer au Gryffondor courageux et stupide ! Croyez-moi, il n'a pas fini de m'entendre. » grondai-je
Harry sourit, ce qui le faisait ressembler davantage à sa mère. Je le notais d'autant mieux qu'il ne souriait pas souvent en ma présence :
« Je ne doute pas qu'il vous entende, mais je ne suis pas sûr qu'il vous écoute. Contrairement, à tous les élèves que vous terrorisez depuis des décennies, Albus n'a pas peur de vous. Ce n'est vraiment que parce qu'il vous aime que vous avez une petite chance qu'il vous écoute et qu'il vous obéisse ! »
