Chapitre 16 : Sécurité

Harry partit sans qu'Albus soit réveillé. Il ne l'était pas davantage quand je repris le chemin de la salle commune des serpentards. Même si je n'étais plus inquiet sur son état de santé, je priai le Baron Sanglant de rester auprès de lui pour qu'il ne soit pas seul en se réveillant. Certes, la plupart des élèves, y compris chez les serpentards, auraient été plutôt traumatisés de découvrir le Baron au pied de leur lit, car entre son air menaçant et la blessure au milieu de sa poitrine dont semblait s'échapper en permanence des flots de sang argenté, le fantôme de la Maison Serpentard avait une allure plutôt effrayante. Mais Albus n'était nullement effrayé par le Baron avec lequel il s'entendait fort bien depuis leur toute première rencontre. Quant au fantôme, il aurait à cœur de s'occuper du gamin. Je pouvais donc partir tranquille.

Je trouvai mes serpents en train de prendre le petit déjeuner dans leur salle commune. Je commençai par les informer qu'ils devraient rester dans leur cachot toute la journée et celle du lendemain. Quelques grognements de protestations se firent entendre, tous les élèves y compris ceux qui passaient usuellement leur week-end vautrés sur les fauteuils de la salle commune se sentaient soudain des envies d'aller à la bibliothèque ou de se promener dehors, sans compter le capitaine de notre équipe quidditch qui se mit à protester contre l'annulation de l'entraînement du jour avant même que j'ai fini ma phrase. Je les calmai rapidement en les informant que l'agresseur de la nuit précédente n'avait pas hésité à utiliser un sortilège impardonnable contre l'un des leurs, raison pour laquelle notre Directrice avait décidé de barricader chacune des Maisons jusqu'au moment où la sécurité du château serait pleinement assurée. Quelques cris apeurés accueillirent ces informations.

J'avais préféré leur parler moi-même du Doloris avant que, de toutes façons, la rumeur le leur apprenne. Cela contribuerait à les tenir tranquilles dans nos cachots.

« Mais comment cet agresseur a-t-il pu rentrer dans notre Maison ? » s'inquiéta Amber Nott au bord des larmes

« Il a utilisé une potion pour prendre l'apparence de l'un des élèves de la Maison et c'est bien pour cela qu'il est souhaitable qu'aucun élève ne rentre ni ne sorte de notre salle commune avant que l'ensemble des accès de l'école soient sécurisés. » répondis-je

« Avec quelle potion, peut-on faire ça ? » demanda imprudemment une élève de cinquième année

« Miss Goulstone, il me semble que vous avez l'ambition de passer vos Buses dans quelques mois. Votre question me prouve qu'une petite révision sur le Polynectar ne sera pas de trop. Puisque les cours de la journée ont été annulés, vous allez occuper utilement votre temps en me faisant un devoir supplémentaire sur cette potion. Vous me rendrez deux rouleaux de parchemins pour lundi matin. » assénai-je « Y a-t-il d'autres questions ? »

Etonnamment, plus personne n'avait de question. Je m'apprêtais donc à m'en aller, mais Scorpius Malefoy et Delphini Black m'attendaient près de la porte en espérant manifestement que je leur dise quelque chose à propos d'Albus avant de partir.

« Albus devrait pouvoir revenir dans la Maison demain matin, mais il vaut mieux qu'il reste sous surveillance encore aujourd'hui. » répondis-je à leur question muette

Sous surveillance, voulait dire sous ma surveillance, même si je ne le précisais pas. Je retournai d'ailleurs dans mes quartiers pour voir où en était le gamin, car j'avais un peu de temps avant la réunion des enseignants convoquée par notre Directrice. Je le trouvai en train de prendre le petit déjeuner en compagnie du Baron qui se tenait au-dessus d'une tasse de thé brûlante pour essayer d'en sentir les effluves. Manifestement dépité par le résultat de l'exercice, le fantôme s'en alla dès mon arrivée. En voyant Albus attablé, je réalisai que je n'avais rien mangé et je m'installai en face de lui. Les traits tirés, il mâchonnait péniblement un toast à la marmelade.

« Ce type, je n'aurais pas dû le suivre. » déclara-t-il sans préambule

Le petit serpent ! Il m'avait coupé l'herbe sous le pied. Pas facile de d'engueuler quelqu'un qui commence par reconnaître ses torts. Mais je n'allais pas me laisser démonter aussi facilement.

« Ça, je te le confirme ! Je me demande bien ce qui t'es passé par la tête ! » grondai-je

« J'ai cru que c'était Bott, je voulais comprendre pourquoi il faisait ça. C'est stupide de ma part. J'aurais dû me douter que ce n'était pas lui, puisque nous avions déjà parlé ensemble de la potion qui permet de prendre l'apparence de quelqu'un d'autre. Le Polynectar, je crois. »

Comme quoi, il y avait au moins un élève qui m'écoutait parfois …

« Et tu es tombé sur un sorcier qui n'a pas hésité à utiliser contre toi un sortilège impardonnable. » soulignai-je

« Oui, je me rends compte qu'il aurait pu me lancer un Avada au lieu d'un Doloris. » remarqua-t-il presque distraitement

J'avalai ma gorgée de thé avec difficulté. Mais puisqu'il en parlait avec ce détachement, j'allais lui donner un peu plus de temps pour y réfléchir :

« Notre Directrice a suspendu les cours pour la journée. Puisqu'il faut que tu restes ici pour te reposer, tu vas en profiter pour m'écrire un rouleau de parchemin sur les sortilèges impardonnables et leurs conséquences. Tu trouveras les livres qu'il te faut dans ma bibliothèque. »

Bien entendu les livres en question n'étaient pas recommandés pour les sorciers de son âge et McGonagall n'apprécierait sûrement pas que je demande à un élève de deuxième année de travailler sur les sortilèges impardonnables. Mais Albus n'était pas un élève de deuxième année comme les autres. Non seulement, il connaissait déjà ces sortilèges, mais il avait lui-même tenté de les lancer contre un mannequin. Il me semblait que ce devoir l'obligerait à bien prendre conscience de l'ensemble des conséquences possibles d'une telle magie. Avec un peu de chance, il arriverait à se faire peur.

…..

J'arrivai, le dernier, dans le bureau directorial, alors que Lupin racontaient les évènements de la nuit à nos collègues qui jusqu'à présent n'avaient été prévenus que de l'annulation des cours et du confinement des élèves dans leurs Maisons respectives pour des raisons de sécurité. J'avais convaincu Lupin et McGonagall de parler du sortilège impardonnable lancé par l'intrus sur un de nos élèves qui avait eu l'imprudence de le suivre, mais sans détailler le duel qui avait précédé. Je voulais à toute force éviter d'exposer les capacités d'Albus, beaucoup trop grandes pour son jeune âge, car il ne pourrait en résulter que des problèmes.

« Pensez-vous que l'intrus de la nuit dernière soit aussi le cambrioleur des garçons de quatrième année de Gryffonfor et l'agresseur de Delphini Black dans le dortoir des filles de troisième année de Serpentard ? » demanda Chourave d'un ton préoccupé

« J'aimerais bien le savoir moi-même, Pomona. » soupira McGonagall « J'espère que oui. Nous n'avons pas besoin que plusieurs personnes aient décidé de venir s'en prendre aux élèves au sein de notre école ! Déjà que nous ne savons pas du tout ce que cette personne nous veut. Quoi qu'il en soit nous allons renforcer nos mesures de sécurité. Face à quelqu'un capable de faire des accrobaties aussi dangereuses que d'arriver avec un balai par une petite fenêtre en haut de la Tour d'Astronomie pour parvenir à pénétrer dans l'école, il nous faut installer des protections magiques sur toutes les ouvertures même les plus impraticables. Nous allons nous répartir par groupe. »

C'est ainsi que je me trouvai associé à Remus Lupin, mais aussi à cet imbécile de Stolas Dreamteam. Il fallait vraiment que j'ai des choses graves à expier dans ma vie pour être contraint à une compagnie pareille. J'aurais encore préféré faire le tour de l'école en promenant un Botruc en laisse. Dire qu'il allait falloir le supporter pendant des heures, car c'est bien le temps qu'il nous faudrait pour tout sécuriser de la moindre fenêtre au moindre soupirail de la Tour de l'horloge et de la Tour de Gryffondor, dont McGonagall nous avait chargés. Lupin ne semblait pas plus ravi que moi de traîner cet illuminé avec nous.

La présence de Dreamteam s'avéra d'ailleurs encore plus pénible que prévue, dès qu'il se crut obligé de nous faire la conversation.

« Je n'ai pas de conseil à vous donner sur la façon de gérer votre Maison, Severus. » commença-t-il « Mais vous devriez punir sévèrement l'élève qui a poursuivi l'intrus de la nuit dernière, il a stupidement mis tous les élèves de Serpentard en danger à commencer par lui-même. »

Je ne voyais pas en quoi Albus avait mis qui que ce soit d'autre que lui-même en danger, mais je n'avais pas l'intention d'entamer de dialogue sur cette question, ni sur aucune autre d'ailleurs avec Dreamteam.

« Vous avez raison, Stolas, vous n'avez pas de conseil à me donner ! » répliquai-je d'un ton suffisamment glacial pour qu'il la ferme une bonne fois pour toute, en même temps j'essayais d'éviter de penser à tous les sortilèges que je pourrais être tenté de lui lancer pour obtenir son silence

Il eut la prudence d'abandonner la discussion avec moi, mais au lieu d'en profiter pour se taire, il se retourna vers Lupin :

« Je ne comprends pas pourquoi la Divination qui est une compétence fondamentale pour tout sorcier digne de ce nom, est reléguée au rang d'option dans cette école. Au même titre que des choses complètement farfelues, comme les Soins aux Créatures Magiques. Je ne sais pas ce que vous en pensez, Remus, en tant que Directeur adjoint, mais d'après moi les créatures dangereuses devraient totalement être interdites dans une école digne de ce nom. … »

Pendant qu'il continuait à déblatérer sur ce thème, je jetais un coup d'œil en coin au loup-garou. Ses doigts tellement serrés autour de sa baguette que ses articulations blanchissaient. La « créature dangereuse » n'avait pas l'air d'apprécier le baratin de ce sombre crétin. L'espace d'un instant, j'imaginai balancer Dreamteam par l'une des fenêtres de la Tour de l'Horloge. Si Lupin avait été un Serpentard, nous nous serions sans problème mis d'accord lui et moi pour dire que l'autre imbécile avait voulu éprouver la solidité des protections magiques avant qu'elles soient mises en place et qu'il était tombé. Mais les gryffondors ont des principes, comme dirait Albus, et des pudeurs, comme je le dirais moi, tels que je n'étais pas sûr de sa réaction. Faute, de pouvoir envisager une solution définitive, je lançai à Dreamteam un sortilège informulé pour provoquer une quinte de toux incontrôlée qui l'obligerait à arrêter de parler au moins pour un temps. Lupin me regarda en rigolant.

Quand je regagnai enfin mes quartiers, je trouvai Albus endormi sur le canapé au milieu d'un désordre de livres ouverts et de bouts de parchemins sur lesquels il avait pris des notes. Le bruit que j'avais fait en rentrant, suffit à le réveiller.

« Désolé, je me suis endormi sans avoir fini mon devoir. » s'excusa-t-il avant d'ajouter « Mais je sais que ma fatigue est une conséquence du Doloris. »

Comme quoi il avait vraiment travaillé, songeai-je, alors qu'il fermait puis empilait en deux coups de baguette les livres épars. Pendant qu'il classait ses brouillons pour pouvoir rédiger son devoir, je commandais aux elfes de quoi nous restaurer. Plus que de lire son parchemin, j'attendais avec intérêt d'observer ses réactions à la suite de ses lectures. Manifestement, la peur n'était toujours pas le sentiment qui dominait chez lui.

« Est-ce qu'on pourrait travailler ensemble sur l'Imperium, Grand-père ? » demanda-t-il en se servant du poulet et de la purée.

« Tu te souviens du sujet de ton devoir. Il s'agit de sortilèges impardonnables. On n'est donc pas sensé les utiliser. » répliquai-je

« Je ne veux mettre personne sous Imperium ! » se défendit-il « Je voudrais juste apprendre à résister à l'Imperium. J'ai l'impression que le processus mental qui permet de le faire, n'est pas très différent de l'Occlumencie. »

Pas complètement vrai, mais hypothèse intéressante. Là n'était cependant pas le problème.

« Et qu'est-ce qui te fait penser que je pourrais t'accorder cela alors que tu viens de faire quelque chose d'aussi stupide que de poursuivre une personne susceptible de te faire du mal tout seul en pleine nuit dans les couloirs de l'école ? » interrogeai-je d'un ton incisif

« Justement, je pourrais à nouveau tomber sur lui par hasard et puisqu'il n'a pas hésité à me lancer un sortilège impardonnable, il pourrait ne pas hésiter à m'en lancer un autre. » se justifia-t-il d'un ton faussement candide

Le sale gosse, en vrai serpentard qu'il était, il essayait de me manipuler ! Je réfléchissais à ce que j'allais lui répondre, vu qu'au fond l'idée de travailler ensemble sur l'Imperium n'était pas une mauvaise idée, quand il poursuivit :

« En tout cas, la prochaine fois, je n'hésiterais pas non plus. »

« Tu n'hésiteras pas à quoi ? » m'inquiétai-je

« A utiliser des sortilèges en Fourchelang ! » répondit-il

« Tu sais que toutes les magies ne sont pas autorisées. » rappelai-je à nouveau

« Personne ne dit que les sortilèges en Fourchelang relèvent d'une magie interdite. » souligna-t-il

« Evidemment puisque personne n'y connait rien, faute d'être capable de les pratiquer. » relativisai-je

« Justement, autant en profiter. » conclut tranquillement ce petit serpent effronté en se resservant une tasse de thé