À Sète, le commissaire attendait impatiemment le retour de son équipe. Son entretien avec Sylvie s'était écourté et le commandant Vasseur l'avait averti des avancées de l'enquête. Pourtant, l'affaire Dejean était loin d'être sa préoccupation première… Lui était plutôt là à songer à cette jolie blonde qu'il avait réussi à faire pleurer quelques heures plus tôt… Il fallait qu'il lui parle… qu'elle comprenne qu'il ne s'agissait que d'un quiproquo… Alors il attendait… Scrutant frénétiquement l'heure sur sa montre. Mais lorsque des éclats de voix retentirent dans le couloir et qu'il reconnut celle de son ex-compagne, le commissaire se figea. C'était maintenant... Alors il balança son stylo sur son bureau et se précipita dans le couloir pour l'interpeller.

« Candice ?! laissa-t-il sortir d'une voix rauque.

Face à lui, Candice se stoppa brutalement, tétanisée par les images de ce matin qui revenaient la chatouiller. Elle qui aurait souhaité échapper à ses griffes et l'ignorer toute la journée, allait visiblement devoir l'affronter... Alors, elle prit sur elle et se força à se retourner, les mâchoires serrées.

« Quoi ? lâcha-t-elle agacée.

- On peut se parler ? osa-t-il timidement.

- ah justement Antoine! intervint Élodie tout sourire.

- Euh... Pas maintenant Élodie... Je dois m'entretenir avec Candice.

- Ah... bafouilla-t-elle déçue. D'accord...

Antoine observa son adjointe s'éclipser et reposa les yeux sur son ex.

- Je t'écoute ! accepta-t-elle sans bouger en croisant les bras face à lui.

- Pas ici… Viens… l'invita-t-il dans son bureau.

Résignée, Candice souffla et le suivit avant de l'observer refermer la porte et se planter face à elle.

- Qu'est-ce que tu veux ? souffla-t-elle.

- Te parler de la femme que t'as vu sur mon canapé ce matin…

- Comment tu sais ? s'étonna-t-elle.

- Nathalie…

- Pffff… Super la confiance… maugréa-t-elle en haussant les sourcils.

- Non… Elle a bien fait… Faut qu'on parle…

- Sauf que moi j'ai pas envie de parler… lâcha-t-elle en tournant les talons.

- Attends ! s'écria Antoine en attrapant son poignet pour la retenir. C'est pas ce que tu crois !

- Ah bon ?! Alors c'était qui ? La factrice ? ironisa-t-elle.

- Non… La nounou… Ma mère est occupée en ce moment et j'ai pas eu le choix que de trouver quelqu'un pour s'occuper de Suzanne…

- Et alors ? Tu serais loin d'être le premier hein…

- Hein ? lâcha-t-il sans comprendre.

- Bah quoi ?! Elle est jeune… Elle est jolie…

- Et alors ? J'en ai rien à faire de ça…

- Eh bah pourtant… Ça t'a bien arrangé de l'utiliser pour me faire croire que c'était ta nouvelle conquête non ?!

- Pourquoi tu dis ça ? s'étonna-t-il.

- Bah le « chérie… » au téléphone… Puis tu la fais venir hier soir au resto exprès pour que je la vois hein…

- Non, alors hier soir je lui ai juste demandé qu'elle me la dépose ok ? Et j'pensais pas que tu nous avais vu… Ni même que tu aies pu imaginer que je m'étais mis avec elle…

- Et le chérie alors ? C'était qui ?

Antoine souffla, presque honteux d'avouer son mensonge.

- C'était Suzanne… Épidémie de varicelle à l'école… Donc elle restait à la maison…

- Et me le dire… ? C'était trop compliqué peut-être ? cracha-t-elle énervée.

- Ouais… Parce que… J'voulais me venger… finit-il par avouer face à une femme impassible.

Écoute Candice… Je… commença-t-il hésitant. J'voulais m'excuser pour hier et avant-hier aussi… J't'ai mal parlé et j'aurais pas dû… C'est juste que j'ai pas supporté l'idée qu'un autre mec partage ton lit… lâcha-t-il, honnête.

Étonnée, elle écarquilla les yeux en haussant les sourcils.

Et… Excuse-moi aussi de ne pas t'avoir prévenu pour Émilie… J'ai vu la chose arriver et j'ai pas su gérer… C'était con et… J'aurais dû t'appeler directement… J'suis désolé.

Elle acquiesça, toujours mutique.

Et… Même si tu penses le contraire… Pour moi non plus, c'est pas facile de te voir ici… Et j'ai pas envie que… que notre relation pourrisse l'ambiance du commissariat…

- Moi non plus…

- On est adultes non ? On sait faire la part des choses…

- Oui… confirma-t-elle attristée.

- Et moi… J'veux simplement qu'on réussisse à trouver qui a fait ça… Pour Émilie… Pour vous… Pour toi…

- Ouais…

Antoine baissa la tête.

- Et… Tu tiens le coup ? J'vois bien que ça va pas… l'interrogea-t-il inquiet.

- Bah écoute… en quelques mois je perds un amoureux et une collègue mais à part ça… ça va…

- Tu m'en veux ?

- De ?

- Ma décision… Tu m'en veux ?

- Je te l'ai dit au téléphone la dernière fois… T'as eu raison…

- Oui enfin… Tout a été un peu brusque… Y a eu Louise… Puis ma distance…

- Ça va… T'inquiète pas... Répondit-elle indifférente.

- Candice… Tu sais que tu peux me parler… Malgré tout… J'suis là…

La blonde lâcha un rire jaune.

- Non Antoine. Depuis que t'as décidé de partir… t'es plus là… Mais je te reproche rien hein… T'as eu raison de faire ça… Mais t'es plus là…

Ému, il baissa la tête.

- Exc… Excuse-moi… bafouilla-t-il gêné.

- Sinon… commença-t-elle pour changer de sujet dans ce silence pesant. Ce serait possible d'arranger un coin pour Nathan ? Parce qu'il a à peine une chaise sur laquelle s'asseoir …

- J'vais voir ce que je peux faire… Il a l'air efficace non ? Enfin, vous avez l'air de bien vous entendre… lança-t-il hasardement avec une pointe de jalousie.

- Ouais… Notre duo fonctionne bien et j'ai confiance en lui… Puis j'crois que ce qui vient de se passer… Ça nous a rapproché. »

Antoine se décomposa, piqué par sa dernière phrase qu'elle n'avait pourtant pas voulue ambiguë. Il s'installa dans son fauteuil et haussa les sourcils, se forçant à rester impassible pour ne pas montrer sa légère jalousie.

« C'est normal… se contenta-t-il de répondre. Puis travailler ensemble tous les jours… Ça rapproche non ?

- Tu dis ça pour toi et Vasseur… ?

- Non… Pas du tout… s'étonna-t-il alors qu'il faisait allusion à leur histoire. Enfin bref… J'suis content qu'on ait mis les choses au clair. On va pouvoir avancer maintenant…»

Candice acquiesça en osant un sourire. Enfin… Les explications venaient d'avoir lieu et la blonde se sentait rassurée quant à la présence de cette femme dans son salon. Pourtant, la conversation semblait loin d'être achevée. Mais le moment y était peu propice… Alors Candice se jura de remettre ça à plus tard, faisant de l'enquête sa priorité absolue.

« Je… J'sais qu'on a pas encore eu le temps de faire un brief mais je voudrais t'en parler avant de rejoindre les autres…

- Dis-moi… lâcha-t-il sur un ton doux.

- J'en ai discuté avec Perrin et étonnamment il était d'accord avec moi… Il manque plus que ton avis…

- Oui ?

- J'aimerais aller à Nice avec Nathan.

- À Nice ?! s'étonna-t-il.

- Ouais… Tu vois, toute cette histoire est liée à sa sœur et… en se rendant sur place on pourra interroger leurs proches… On a trouvé des photos dans le garage de Grégoire. Émilie était en train de mener l'enquête et… elle a pas choisi ces individus par hasard… Et peut-être qu'elle a pas eu le temps de creuser…

- Mais ces gens-là… On sait qui ils sont ?!

- On a des anciennes amies de Camille déjà. On a des prénoms… J'suis sûre qu'elles pourront nous aider…

- Ok… Admettons… Et… Vous comptez y aller tous les deux ? demanda-t-il hésitant.

- Bah oui… On a pas besoin d'être 46… C'est juste le temps de deux jours…

- Et… l'hôtel… le train… ?

- Perrin doit s'en charger… Il attend juste ton accord…

- Je vais l'appeler…

- C'est vrai ?!

- Bah oui… Si t'es sûre de toi…

- Merci… »

. . . . .

Pressée, la commandante s'empressa de claquer la portière de sa voiture avant de rentrer chez elle. Le téléphone collé à l'oreille, la blonde accrocha sa veste au porte-manteau tout en échangeant avec son interlocuteur.

« Ok, 17h à la gare, j'y serai. Pense à la copie du dossier rouge surtout… On aura sûrement besoin des éléments d'enquête sur Émilie pour avancer... Ouais… À tout à l'heure Nathan !

- Tu rentres déjà ? s'étonna sa fille après que Candice eut raccroché.

- Ouais… Je viens préparer ma valise. On part à Nice avec Nathan…

- À Nice ?!

- Pour l'enquête oui…

- Ah bah ça va peut-être aussi te faire du bien de changer d'air…

- Ça c'est sûr… confirma-t-elle en avalant un verre d'eau.

- T'as l'air crevée…

- J'ai mal dormi…

- Ah… Et c'est à cause de ta soirée d'hier ? Ça s'est mal passé ?

- Non ! Enfin… C'était bizarre mais… Ça va… la rassura-t-elle en souriant faussement. Suzanne était là en plus ! Elle m'a parlé de toi toute la soirée…

- Oh… Elle est trop chou…

- Hum… Et cette petite… commença-t-elle en s'approchant de sa petite-fille lovée dans les bras de sa mère. N'est-elle pas trop chou… ?!

- Si… confirma-t-elle en rigolant. Mais en tout cas… C'est négatif… Elle ne veut toujours pas dire mamie…

- Ah bon… ?! bouda-t-elle.

- Hum... Maman, papa c'est acquis... Le reste... grimaça-t-elle.

- Elle choisit ses têtes oui... répondit-elle déçue.

- Ça va venir ! T'inquiète pas… »

Candice acquiesça, faussement boudeuse. L'heure était désormais à la préparation de ses bagages. Alors la blonde s'y affaira, chargeant son sac de vêtements sous l'œil affuté de sa petite-fille qui supervisait les opérations en alternant gargarismes et babillements.

Un bonne heure plus tard, la commandante se trouvait confortablement installée dans son siège, fixant le quai de la gare depuis sa fenêtre. De là, elle observait en souriant l'aurevoir d'un père à sa petite fille qui s'accrochait à son cou. Qu'elle était loin derrière elle, l'insouciance de l'enfance… songeait-elle. En effet, ses enfants avaient à peine prêté attention à son départ... Se contentant de la saluer lorsqu'elle avait quitté sa maison, valise en main.

Alors maintenant, elle attendait que le train ne poursuive sa route, devant la conduire jusqu'à Nice, passant par Montpellier, prochain arrêt où son capitaine devait la rejoindre par souci de facilité... Finalement, le sifflet retentit et le train enclencha sa route lorsqu'un sac se posa soudainement sur le siège d'à côté.

« Contrôle des billets ! » maugréa une voix faussement autoritaire.