Bonjour les amis, me voici avec un petit texte qui me tient un touuuuuut petit peu à coeur pour une raison.
Disclaimer : Hetalia appartient à Hidekaz Himaruya
"Ah, il fait encore moche aujourd'hui."
Le ciel était bleu, et seuls quelques nuages blancs paressaient près du Soleil dans leur lit céleste. Pourtant, pour Francis, il n'y avait pas grande différence avec le temps gris d'un jour de pluie. Qu'il fasse beau, ou qu'il neige, qu'il pleuve, qu'il vente, le Français n'avait pas le cœur à prétendre au minimum être affecté d'une quelconque façon par le temps. Il n'en avait tout simplement rien à faire. Le blond ne se rappelait plus de la dernière fois où son regard s'était posé sur ce monde qui paraissait alors éclatant, scintillant, pétillant.
Un sourire amer s'étala sur son visage aux traits tirés, alors qu'il quittait le cadre de la fenêtre pour regagner son bureau.
Son bureau, d'ordinaire de couleur brune, était noyé sous la paperasse qui chaque jour ne diminuait jamais en taille malgré le temps passé à les lire et signer. Il n'avait que peu de temps devant lui pour boucler des dossiers qu'on lui faisait parvenir à tout temps, toute heure.
D'un œil morne, il ne détachait pas son regard de ces stupides feuilles qui s'accumulaient, encore et encore, le narguant de toutes les lire une par une, sans défaut. S'asseyant sur la chaise qui devenait toujours de plus en plus inconfortable, Francis laissa malgré lui son regard se perdre sur l'horloge murale qui jamais ne s'arrêtait ou ne revenait en arrière.
Avait-il le temps de finir ces dossiers aujourd'hui ? Certainement pas. Avait-il le temps de venir à bout d'au moins la moitié ? Absolument pas. Devait-il coûte que coûte en finir le plus possible en raison des dates butoirs ? Assurément.
Allait-il y arriver ? Était-il à la hauteur de la charge qu'on lui confiait ? On lui faisait confiance, alors il devait se dépêcher. N'est-ce pas ?
D'un automatisme qu'il aurait auparavant trouvé effrayant, sa main se rapprocha de sa bouche. Le bout de ses doigts était rouge, de la peau écorchée par les coups répétés de ses dents entourait ses ongles rongés, et même les jointures de ses doigts n'étaient pas épargnées. Machinalement, Francis se détruisait pour s'évader. Il évacuait, même si ce n'était pas de la manière la plus appropriée. Mais Francis était désespéré, et plus rien n'avait d'importance. Il se mordait les lèvres, aussi. Et plus le blond y pensait, à ces défauts-là, et plus il se sentait mal.
Tu es pathétique, arrête de gémir. C'est ce qu'il pensait au fond de lui.
Travailler, il devait travailler pour espérer sortir la tête de l'eau. Demain sera un autre jour, et demain peut-être le Soleil ne se lèvera plus.
Il y avait une réunion.
Aujourd'hui, toutes les nations se réunissaient pour un sommet dont Francis ne se souvenait même plus des enjeux. Peu l'importait, c'était toujours la même rengaine.
Alors qu'il se dirigeait vers la salle de réunion, le blond ne cessa de penser à tout le travail restant. Plus il y pensait, et plus son corps le démangeait. Bientôt, il aurait des plaques rouges sur le cou, et Francis avait horreur de se retenir de gratter frénétiquement les zones qui le gênaient en public.
Apercevant la porte de la salle, Francis prit une grande inspiration avant de prendre une expression joviale. Chaque réunion était pour lui une pièce de théâtre dans laquelle chacun de ses gestes était calculé. Se montrer fort, ne pas flancher, il ne fallait surtout pas laisser passer une émotion autre qu'une pure gaieté de façade que le blond faisait gober aux autres. De toute façon, qui s'en souciait ? Tout le monde s'en fout.
Poussant la porte, il salua chaleureusement l'entièreté de la pièce. Il n'y avait que peu de personnes pour le moment, et c'étaient toujours les mêmes qui arrivaient dans les premiers. On le salua à son tour, et Francis s'assit entre Germany et England.
Les mains cachées sous la table, ses doigts tapaient ses cuisses que le blond empêchait de trembler excessivement. Tout va bien, tout ira bien.
Son regard croisa celui de son voisin, et celui-ci haussa un sourcil.
"Francis, tu te sens bien ?"
Se figeant, France posa ses mains sur la table avant de se tourner vers Germany.
"Bien évidemment ! sourit-il.
- Cet idiot est toujours en forme, rajouta England avec un sourire narquois.
- J'entends une voix ! Un fantôme ! s'exclama France qui faisait mine de ne pas voir l'Anglais, avant de l'assassiner du regard."
Germany examina France d'un regard indéfinissable avant de simplement hocher la tête. La réunion allait bientôt débuter, America commençait à s'agiter, tout comme d'autres nations.
Est-ce que c'était lui le problème, ou étaient-ce les autres le problème ? Francis regardait la bruyante assemblée en se sentant étrangement lourd. C'est probablement moi, le problème. Il était intervenu plusieurs fois, mais plus la réunion s'éternisait, plus le blond ressentait l'envie de partir.
Es-tu stupide ? Reste calme, comme d'habitude. Oui, comme d'habitude, les réunions étaient à leur façon uniques en leur genre et France devait rester le même. Ainsi, il répondait à une pique par-ci, riait par-là, souriait discrètement à ses plus proches amis, menaçait le monde de faire la grève… La grève, il ne pouvait pas se le permettre. Il avait trop de travail. Il était nul. Il n'arrivait à rien. Puis, sous son masque rieur, Francis commençait à se sentir seul. Le blond était irrémédiablement seul, il ne pouvait pas se permettre de faiblir devant le reste du monde. C'était lui contre le monde, c'était comme ça et il n'y pouvait rien.
Dans son désarroi, Francis ne remarqua pas le regard cette fois-ci inquiet de Ludwig.
La réunion au bout du compte prit fin, et Francis fut parmi les premiers à débarrasser le plancher. Il avait à faire, il n'avait pas le temps ! S'il avait de la chance, il pouvait boucler les dossiers avant la fin du mois. Le blond pouvait les boucler, mais il savait que ses idiots de "supérieurs" allaient probablement encore rajouter des couches en raison de leur incompétence notoire. C'en était vraiment décourageant, et il n'avait pas le cœur -le courage- de demander à déléguer une partie de son travail. Baisser les bras ? Jeter l'éponge ? Capituler ? S'incliner ? Je ne peux pas, je dois montrer l'exemple. Je dois être un modèle… Je ne suis qu'un raté. Ravaler sa fierté ? Surtout pas.
Francis avait conscience qu'il aggravait son cas, il était en soi son propre poison. Ridicule, tu es ridicule mon pauvre. Il y arriverait, même si ses jambes fourmillaient, même si ses lèvres saignaient, même si ses dents grinçaient, même si ses doigts le piquaient à chaque fois qu'il se lavait les mains.
Cette nuit-là, Francis travailla jusqu'aux alentours de deux heures du matin. Fatigué de ce quotidien où il devait courir derrière des bouts de papier, le blond s'étala sur son lit sans prendre le temps de le défaire ou d'enlever ses vêtements. Frottant ses yeux bleus, il attendait que le sommeil vienne le chercher. Et alors qu'il fixait dans l'obscurité la plus totale le plafond, Francis eut l'impression que l'Abîme l'observait avec insistance. L'Abîme attendait-il qu'il se perde au sein de ses ténèbres ? Le blond frissonna, puis ce fut le noir. Il avait fermé les yeux une fois de plus cette nuit, et Francis ne savait pas s'il avait envie de les ouvrir le matin venu.
Le jour prit la relève de la nuit, encore. Cette fois-ci sera-t-elle la dernière ?
Des papiers, encore et encore, les papiers régissaient sa pauvre existence. Entre deux-trois tasses de café et un croissant avalé vite fait, les papiers restaient l'invariable de son quotidien.
"Ahem…"
Combien de dossiers lui restaient-ils ? Certains devaient être prêts pour la fin de la semaine, il n'avait pas le temps de lambiner.
"Monsieur Bonnefoy…"
Il pouvait le faire ! Il allait le faire ! Il se sentait d'un coup motivé, était-ce l'effet du café ?
"Francis !
- QUOI ? hurla-t-il avant de lever la tête de ses papiers.
- Une lettre. répondit son interlocuteur en la lui tendant, ne s'offusquant pas du ton qu'avait employé le blond."
Soupirant, il prit la lettre qu'il savait être de ses "supérieurs". Qu'est-ce qu'ils me veulent ces esclavagistes ? La lisant avec une expression neutre, ne voulant faire transparaître aucune émotion devant l'humain, Francis ne put s'empêcher de froisser le papier une fois sa lecture terminée.
" Vraiment ? demanda-t-il en plantant son regard presque éteint dans celui de l'humain.
- Je le crains, vous devez prendre du repos monsieur."
Francis ne répondit pas, et l'interlocuteur sortit de la pièce. Se moquerait-on de lui ? Ce n'était qu'une plaisanterie, n'est-ce pas ? À la manière d'un automate, le blond se leva de son siège et jaugeait du regard les papiers sur le bureau.
"On se fout de ma putain de gueule ?"
D'un geste rageur, il renversa les papiers. Satanés de papiers. Francis avait besoin de respirer, sinon il allait devenir fou. Tu es pathétique.
Dehors, le blond découvrit le bleu du ciel. Aveuglant le monde de sa lumière, le Soleil essayait de lui transmettre sa chaleur alors qu'il traînait du pied dans les rues de Paris. Stupide Soleil, laisse-moi tranquille. Maintenant, Francis n'avait plus rien à faire. Que devait-il faire ? Le blond n'était pas d'humeur, mais il était obligé de reconnaître qu'il n'aurait probablement pas fait long feu.
Assis sur le banc vert d'un parc, Francis regardait hébété le monde autour de lui. Les gens se promenaient, les enfants jouaient, et lui, il ne faisait rien. Il ne faisait rien alors qu'à peine quelques instants auparavant une montagne de travail l'ensevelissait. Se grattant frénétiquement le cou, ses cheveux dans tous les sens et ses habits froissés, pour quiconque le connaissant Francis était sacrément négligé. Est-ce que c'est ça, être l'ombre de soi-même ?
Le temps passait, assis sur ce banc, et le blond était témoin du cours naturel des choses, de la vie simple des Hommes. Pourquoi se soucier de tout ? Horace avait écrit, il y a bien longtemps de cela, qu'il fallait cueillir le jour présent sans se soucier du lendemain. Mais comment je dois faire ça ?
Perdu dans sa contemplation de l'existence humaine, Francis ne se rendit pas compte que quelqu'un prit place à ses côtés sur le banc. Cette présence faisait le même effet qu'un cours d'eau, il s'agissait d'une force tranquille.
Comme le son des vagues venant s'écraser contre les roches, cette présence était apaisante, et Francis avait l'impression d'être moins tendu que tout à l'heure. Il n'avait pas tourné la tête pour voir celle de son voisin de banc, il n'en avait pas besoin. Le blond l'avait reconnu sans un bruit. Entre eux, les mots n'étaient qu'un plus. Baissant ses yeux sur le banc, il remarqua la main posée de son voisin et Francis vint la recouvrir avec la sienne.
"Avoue, c'est toi qui leur as demandé que je prenne du repos ?"
Pas de réponse. Francis renifla, avant d'afficher un air agacé sur son visage.
"Je sais que tu es fou du travail bien fait et que t'aimes pas les erreurs, mais t'avais pas besoin de t'en mêler. C'est quoi le problème ? Je suis plus nul que d'habitude ? grommela-t-il en donnant un coup de pied dans le vide.
- Arrête de faire ton grincheux Francis, et tu sais que je ne suis pas là pour te juger.
- Grincheux ? Je ne suis pas grincheux, mon cher Ludwig. Je suis Français, c'est tout.
- Oui, c'est ce que je disais. sourit l'Allemand.
- Arrête de te moquer !"
Les deux blonds restèrent longtemps assis main dans la main sur ce banc sans qu'aucun ne brise le silence. Les mots n'étaient pas nécessaires, seule leur présence était essentielle pour l'un et pour l'autre. Ce qui ne pouvait être dit oralement passait par ce silence, preuve d'une confiance mutuelle entre le Français et l'Allemand, peut-être inébranlable, peut-être aveugle. Francis se sentait apaisé, là, sur ce banc, aux côtés de Ludwig. Il ne voulait pas mettre de mots là-dessus, peut-être ne le fera-t-il jamais.
"Tu sais quoi ? Merci, Lud. dit finalement Francis qui avait eu le temps de réfléchir.
- Je n'ai rien fait de spécial. soupira-t-il.
- Rien ? C'est déjà beaucoup ! ria le Français."
Finalement, il ne faisait plus si moche dehors. Il n'était peut-être pas fichu de demander de l'aide, mais Francis savait que Ludwig l'avait sorti d'un cercle infernal. Au diable le travail, la prochaine fois, il fera grève.
