La franchise et l'univers de Fire Emblem ne m'appartiennent pas. Ils ont été créés par Shouzou Kaga, et développés par Intelligent Systems.
Cette histoire est un Moderne AU.
Il s'agit ici d'une Fanfiction.
Zakuro Ruby Kagame
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Les Diagonales Entrelacées
C'était après l'été de mes dix-huit ans, même si je suis née en hiver. J'avais fait ma rentrée en dernière année au lycée Saint Seiros. J'imagine deux questions flotter dans vos têtes et j'ignore laquelle des deux frappe le plus aux carreaux. Dix-huit ans, avant d'entrer en dernière année ? Vous allez directement penser que j'ai redoublé une classe. Et vous avez raison. C'est ma seconde rentrée en dernière année, pour des raisons assez personnelles (plutôt gênantes que personnelles – pour eux, pas pour moi – mais ça passe mieux ainsi – encore pour eux, et pas pour moi). Quant au nom de cet établissement, il est justifié par son côté privatif et élitiste (notamment grâce à la grosse enveloppe que la directrice reçoit en chaque début d'année – celle-ci incluse). Mais sans doute que cela ne justifie pas grand-chose à vos yeux. Aux miens non plus. Maintenant, une troisième question remplace les autres : comment une personne redoublante peut étudier dans un bahut élitiste ? Je garde ça pour plus tard car ce n'est qu'un détail. Important, mais finalement pas plus qu'un autre dans l'histoire que je m'apprête à raconter.
Comme à mon habitude, je martyrisai la porte de mon casier, ce midi-là, après la pause déjeuner (j'avais avalé un vieux sandwich préparé en deux temps trois mouvements – une bonne couche de beurre, toujours du demi-sel, et une tranche de jambon de poulet balancée par-dessus avant de découper délicatement la croute – je n'aimais pas la croute). Je me demandais combien de temps le caisson métallique dont les visseries gémissaient déjà de douleur tiendrait le coup si je ne me montrais pas plus avenante – ou moins avenante en l'occurrence. Cela faisait déjà une semaine que je le traitais ainsi, sous le regard curieux des autres élèves (même si accusateur était plus juste). J'avais à certains moment l'impression d'être un animal de foire, car bien-sûr, même s'il était fréquenté par les bourges (mais pas seulement, certains étaient aussi boursiers – ce qui n'était pas mon cas) tout le monde me connaissait. Ou plutôt connaissait l'histoire de l'élève qui avait été renvoyée de son ancien bahut pour en intégrer un plus prestigieux. Et cette élève, c'était bien moi. Non, aucune erreur ne s'était glissée sur le formulaire d'inscription six semaines auparavant, seulement, la directrice en devait une à l'abonné absent qui me servait de père (j'aime mon père, mais il était très souvent absent) alors après de longues et sensibles négociations ils s'étaient mis d'accord : j'intégrais Saint Seiros en promettant d'avoir d'excellents résultats, et il oubliait ça. Mon père n'oubliait jamais rien, mais ce n'est qu'un détail de plus dans cette longue épopée que fût ma dernière année de lycée.
Cette année là, il m'arriva beaucoup de choses étonnantes. Je pense encore à ce A reçu en littérature. Je n'étais pas nulle, loin de là, mais lire des bouquins obligatoires qu'il fallait ensuite analyser comme si tous ces parpaings étaient parcourus d'une vérité universelle n'était pas quelque chose que j'aimais particulièrement. Je trouvais cela chronophage, et encore plus fatiguant. Je préférais de loin Stephen King, Erin Hunter, ou Eric Frisch aux ennuyants Victor Hugo et Emile Zola, à bien des titres, et aujourd'hui encore. Mais ce qui fut le plus étonnant, cette année là, en dehors de ce A reçu en littérature, ou de la tendinite que j'eus au poignet pour avoir soulevé un gros sac de pommes-de-terre (un autre des nombreux détails passionnant de mon aventure, et il était très lourd), fût bel-et-bien les rencontres que je fis. Certaines que je ne regrette pas, d'autres que j'aurais préféré éviter. Je n'ai pas de difficulté à me sociabiliser, mais je le fais rarement. Ici, les gens venaient à moi, allez savoir pourquoi, sans que je n'aille à eux. C'était à la fois agréable et pénible. A d'autres moments plus déroutant.
—Tu sais qui paye le mobilier, Byleth ? Nos parents ! Pour ceux qui en ont encore, bien-sûr. Ce qui revient à dire que nous payons le mobilier ! Et je ne suis pas certaine que tu apprécierais recevoir la facture de ton casier à la place de la dernière playstation sous le sapin de Noël cette année. A moins que tu l'ais déjà ? Ca ne m'étonnerait même pas, en fait, tu as l'air d'être ce genre de personne à souhaiter posséder toutes les consoles de jeux dés leur sortie.
Dorothea parlait beaucoup. Vraiment beaucoup. Et c'était surestimer ma tolérance à ses aigus que d'avoir pensé que je l'avais écouté du début à la fin. Je n'avais retenu que les mots playstation et… Juste ça en fait. Elle avait néanmoins raison : j'avais déjà une playstation (la dernière, évidemment, ainsi qu'un large panel de jeux) et j'aimais acheter les consoles dés leur sortie (et ma dernière acquisition, une console Nintendo collector aux couleurs d'un très célèbre jeu mettant en scène un protagoniste qui avait perdu son chapeau vert, ne faisait pas exception).
« Alors c'est toi, la fille qui s'est faite virée de son ancien bahut ? » m'avait-elle dit une semaine auparavant, simplement, en déboulant dans le bureau qui servait d'accueil des élèves (une pièce plus grande que ma salle de bain tout de même, c'est dire les moyens que possède Saint Seiros) en secouant ses cheveux comme si tout l'établissement l'admirait (en vérité, il n'y avait que l'intendante et quelques plantes vertes à ce moment là). Beaucoup l'appelaient la Diva du lycée, non pas à cause de sa capacité à faire la discussion toute seule, ou à sa manière de balancer ses cheveux, mais car elle avait pris une année entière pour faire un stage d'Opéra dans un pays dont je n'avais pas retenu le nom. Certainement car je n'avais pas prêté plus que ça attention à elle malgré ses boucles encadrant deux magnifiques yeux malachites. De fait, nous avions le même âge, mais personne ne se serait douté qu'elle était adulte, alors que moi, cela faisait des années qu'on ne me demandait plus ma carte d'identité lorsque j'allais m'acheter des clopes (et pas uniquement celles en chocolat).
—Pourquoi es-tu encore ici, Dorothea ? Tu n'as pas quelqu'un d'autre à accompagner ? Quelqu'un à qui faire visiter le lycée ? A avertir de ne pas approcher la cage d'escalier du troisième étage de l'aile ouest ?
—Hélas, il y a rarement de nouvelles têtes qui attirent mon attention !
Sa tête qui fit tout de même une rotation de quatre-vingt-dix degrés quand passèrent deux jeunes hommes avec une fille à leur suite. Il m'avait fallut moins d'une heure avec elle lorsqu'elle m'avait faite la visite guidée et détaillée des lieux (en prenant bien soin de me mettre en garde par rapport à la cage d'escalier du troisième étage de l'aile ouest – un type de dernière année y menait une sorte de petit commerce pas tout à fait admis ici) pour savoir qu'elle fonctionnait à voile et à vapeur.
—En revanche, la tienne est fascinante !
—Je ne vois vraiment pas en quoi.
Et je ne voyais vraiment pas en quoi. J'avais un visage plutôt banal, trouvais-je. Des yeux bleuet hérité de ma défunte mère (que je n'ai pas connue, décédée à ma naissance) et une crinière que mon père qualifiait d'« indomptable et capricieuse » tant il avait passé des heures à en défaire les nœuds, de la même teinte. D'après mon avis, c'était surtout que le brave type ne savait pas s'y prendre puisque ne prend jamais la peine de bien brosser la sienne.
—Ce n'est pas tous les jours que quelqu'un arrive à être admis ici après avoir été renvoyé ! Surtout pour…
A ce moment là, mon expression quasi accusatrice et presque menaçante (le tout naturellement bien entendu) la condamna au silence. Pas pour longtemps hélas, puisqu'elle reprit très rapidement la parole.
—Ne fais pas comme si c'était un secret, tout le bahut est déjà au courant.
—Je pensais que les choses seraient… différentes. Peut-être. Vu le prix du billet.
—Qu'est-ce que tu racontes ! ricanait la brune dans des notes encore plus aigus qu'à l'accoutumée. Argent ou non, on reste des lycéens ! Et tu sais de quoi se nourrissent les lycéens, Byleth ?
—De céréales ? De produits bourrés en sucres dont le nutriscore peine à frôler le E ?
Bien loin derrière le A en littérature que j'allais recevoir quelques semaines après.
—De ragots !
Elle avait levé son index devant mon regard perplexe, comme si c'était une évidence. Des adolescents restaient certainement des adolescents, après tout, qu'il change de slip tous les jours ou non, qu'ils portent du synthétique ou du coton.
—Et tu sais ce qu'on dit des ragots ?
—Qu'il ne faut pas les écouter ?
—Par tous les Saints, qui a bien pu te donner une telle éducation ?
Dorothea manqua de tomber dans les pommes (mais je savais que ce n'était que pour qu'un beau jeune homme ou une belle femme la rattrape) et moi, je me demande encore aujourd'hui pourquoi j'ai répondu à sa question. Je lui avais simplement indiqué après ça que les cours allaient reprendre en faisant mine de regarder une montre que je m'étais imaginée (je détestais porter des montres) et elle était tellement obnubilée par certaines personnes à qui je ne n'avais pas accordé un regard, qu'elle ne remarqua rien. C'était un peu amusant. Ridicule, mais amusant.
—Ah, tu as raison.
Vous savez, lorsqu'une scène ralentit dans un film, dans une série ? Lorsque le temps semble se plier sur lui-même ? C'est à cet instant que vous savez qu'une personne importante fait son entrer, et que vous vous demandez si vous allez aimer ou détester ce nouveau protagoniste. Eh bien, cette scène arriva à ce moment précis. Les bruits de couloirs et de casiers agonisants (pas le mien, il était déjà clos) s'estompèrent pour laisser place à un silence admiratif.
Tous les élèves s'étaient figés. Même Dorothea qui, pour ainsi dire, avait plus d'énergie que les céréales Lions d'après le slogan sur la boite d'emballage. Ils s'étaient tous rangés sur les côtés, élargissant l'allée centrale en se plaquant presque contre les murs, comme annonçant l'arrivée de l'équipe de pom-pom-girls du lycée, le maquillage parfait et les lèvres étirées en sourires sardoniques (mais Saint Seiros n'en possédait pas, jugeant que cela ne faisait que participer à l'exclusion sociale). Mais même une équipe de pom-pom-girls suivie par celle de football toute entière n'aurait pas fait autant d'effet.
A chaque lycée sa paire de reine et roi, et celui-ci ne dérogeait pas à la règle, car Saint Seiros avait bien ses souverains. Non autoproclamés (car chez la haute, cela ne se faisait pas) mais élus par la plèbe constituée des autres lycéens. Les lycéens comme moi, en gros. Ceux qui ne valaient pas grand-chose (quand on a des valeurs, pas besoin d'élire un prince et sa princesse pour donner un peu de sens à sa vie). Ce n'était pas très agréable, mais la vérité l'était rarement. Et comme dans les films, les visages glissèrent harmonieusement et avec une lenteur insoutenable sur le passage du prince et sa princesse. J'avais droit à cette scène au moins deux fois par jour, à minima. Les deux individus étaient des héritiers, ou quelque chose comme ça (Dorothea me l'avait indiqué, un peu moins de deux heures après le début de la visite de l'établissement). Un magnifique blond aux yeux azur, et sa dame aux longueurs blanches comme neige qui sublimaient un regard parme et un visage laiteux. Le couple gratifiait parfois un ou une heureuse élue d'un sourire (cela restait rare) et faisait une victime de plus parmi leur secte d'adorateurs fanatiques. Je n'avais pas beaucoup aperçu le garçon en dehors de lors de leurs grands défilés, mais j'avais déjà observé la fille. Elle portait les couleurs de ma promotion, le rouge vermeil.
Mon uniforme avait été livré directement à domicile quelques semaines avant la rentrée scolaire, peu de temps après mon admission en somme. Je l'avais trouvé sur la table de la cuisine, en me levant vers quatorze-heure du matin. Il était constitué d'un blazer anthracite et de pantalons et jupes (ici, les filles avaient le choix, pour mon plus grand bonheur) de la même teinte. Les coutures du col étaient rouges (les miennes, car j'avais vite remarqué qu'il y en avait des bleus et des dorées sur d'autres lycéens), comme la monstrueuse cravate qui recouvrait une chemise blanche. C'est de cette manière que j'avais compris dés le premier jour que Dorothea et moi serions dans la classe : celle des Aigles de Jais (je me demande encore quel lien existe-t-il entre le rouge vermeil et le noir de jais). Concernant Edelgard (la princesse héritière du bahut), elle m'avait simplement toisée de son regard parme lors de ma première apparition en classe.
J'avais choisi le bureau (et le pantalon, pas la jupe) le plus éloigné par rapport à celui du prof, près de la fenêtre, cinquième rangée (car j'aimais regarder dehors plutôt que me concentrer sur les cours, et le chant des oiseaux m'apaisait pour la sieste) et je pris place au même endroit quand le premier cours de l'après-midi commença. Certains étaient communs à toutes les promotions, comme la littérature, et j'avais ainsi une bonne vue sur le couple royal du lycée. Au premier rang, bien-sûr, assis face au bureau principal. J'ignorais encore que je décrocherai un A quelques semaines plus tard alors que j'observais Edelgard et Dimitri (le beau prince aux yeux bleus) dubitative, presque écœurée (les tranches de jambon de poulet était encore loin de la date limite de consommation). Riche ou pauvre, un lycée restait juste un lycée.
Selon Dorothea (c'était toujours selon Dorothea), des rumeurs couraient sur ces deux là. Une histoire de mariage arrangé quasi dés la naissance. Et vu leur attitude en public, cela ne me surprit guère, mais elle n'avait pas été plus loquace que ça, et cela me surprit par contre beaucoup plus. Je n'avais pas demandé de détails, après tout, je m'en moquais cruellement, et les histoires de bourges me répugnaient (peut-être que la date indiquée sur le paquet de pain de mie était dépassée finalement). Alors, quel ne fut pas mon étonnement lorsqu'une semaine après, environ (ou peut-être étaient-ce dix jours ? Je me rappelle seulement l'envie pressante d'être en weekend, de virer cet uniforme trop chicos à mon goût, et de me jeter sur ma play armée d'un paquet de kit-kat ball format familial) elle me demanda droit dans les yeux de sortir avec elle.
