Well, I met someone who touched my soul
And made my world brand new
There's a part of me, a place inside
That now belongs to you
The love we found, the love we found
We carry with us so we're never quite alone
Alfred se souvient vaguement des célébrations organisés par Thomas et Martha Wayne pour les fêtes de fin d'année. C'était toujours assez publique, l'occasion pour un gala ou un dîner visant à récolter des fonds pour une cause ou une autre, mais dans un thème hivernal qui convenait. Généralement, Martha aimait à soutenir les hôpitaux pour enfants ou les écoles dans les quartiers défavorisés – puisqu'après tout, Noël est une occasion visant principalement les enfants, cela permettait aux petits d'oublier le temps d'un soir qu'ils étaient malades et pauvres grâce aux guirlandes, aux acteurs déguisés en bonhommes de neige et lutins, et bien sûr aux cadeaux distribués gratuitement quand on n'avait pas les moyens de se les offrir.
Après ce qui s'est passé dans l'allée, il n'y a plus eu de rires ni de lumières pendant très longtemps pour Monsieur Bruce, et ça incluait la fin de l'année, même s'il acceptait les invitations de ses pairs millionnaires afin de ne pas gagner une réputation d'ermite qui pourrait blesser la mise en place du future que le dernier des Wayne envisageait pour Gotham.
C'est maître Dick qui l'a obligé à sortir de sa monotonie – le jeune acrobate adore les rassemblements, il adore les jours fériés et les vacances commémorant une occasion de cuisiner de manière élaborée, de se déguiser ou de se conduire de manière assez contraire à la politesse et à la sobriété. Probablement une conséquence inévitable pour qui a basiquement grandi sur la piste d'un cirque, où chaque jour est un spectacle – les paillettes et les rires lui rappellent sans doute son existence préalable.
Monsieur Bruce est maladroit en ce qui concerne Noël, et c'est pourquoi il insiste pour passer le réveillon ainsi que le Nouvel An dans la plus stricte intimité. Rien que lui, Alfred et son pupille – non, maintenant, il y a trois enfants dans le Manoir, il ne faut pas oublier ça.
C'est maître Damian qui s'avère le moins compliqué à satisfaire. À trois ans seulement, le jeune homme n'a pas eu le temps de se forger des routines trop enracinées, trop exigeantes à suivre pour son entourage. Il accepte tout ce qui vient de bonne grâce, même s'il prend une mine exaspérée et seigneuriale digne d'un jeune prince du sang ultra gâté.
Miss Anastasia décide de traiter l'évènement à la manière d'une coutume aborigène qu'elle se doit de documenter pour la postérité, peu importe à quel point elle la trouve grotesquement absurde et abjectement ridicule. Un peu méprisant, mais d'une manière naïve et bien élevée qui peut se rectifier avec suffisamment de patience.
Monsieur Jason insiste que Noël est rien moins que superflu, pendant qu'il aide Alfred à décorer le salon avec des flocons en papier et un sapin miniature posé sur le manteau de la cheminée afin d'épargner un arbre véritable, jurant que c'est possible de vivre sans cadeaux, vraiment, pas la peine de gaspiller des sous pour lui.
Le garçon ose à peine déchirer le papier coloré enveloppant les livres que Monsieur Bruce a choisi pour lui, le mettant à part et marmonnant que ce serait stupide de jeter quand il est possible de réutiliser.
Monsieur Bruce lui explique une coutume japonaise qui consiste à remplacer le papier cadeau par une écharpe afin d'économiser le papier, et qui pousse les gens à complimenter le drapé de l'emballage de tissu et la façon dont celui-ci est noué. Monsieur Jason écoute d'une oreille distraite, trop occupé à feuilleter ses nouveaux ouvrages.
Ce jeune gamin des rues souffre d'une forme littéraire de boulimie, songe Alfred. Peu importe la taille de la bibliothèque, elle ne sera jamais assez grande pour le satisfaire, il réclamera constamment davantage. Au contraire de la nourriture, cependant, la lecture ne saurait ruiner la santé – à moins d'être Madame Bovary qui a confondu les fantasmes avec le réel au point qu'elle a subi déception après déception et fini par avaler l'arsenic à la louche.
Miss Anastasia et maître Damian ne se font pas non plus prier pour étrenner leurs propres offrandes. Si le bambin semble particulièrement captivé par le trio de peluches – un ours, un tigre et un lapin – livrées à son enthousiasme juvénile pour qu'il les traîne partout par l'oreille ou la patte ou la queue, sa sœur plus âgée est rien moins que fascinée par la maison de poupées dans laquelle elle s'empresse de disposer petits meubles et habitants.
« C'est comme la havelî » proclame-t-elle alors qu'elle promène un hérisson en jupon rose sous les combles. « Et assez de monde pour y habiter ! »
Non, miss Anastasia n'est pas le genre de jeune femme qui peut supporter de laisser vide les grandes maisons ou les grands appartements, en dépit de ses propres anxiétés en ce qui concerne les foules. Alfred pressent que cette maison de poupée ne tardera pas à être peuplée à craquer.
Forcément, c'est délicat de transférer le jouet dans la chambre de la demoiselle – qui insiste pour la poser sur une large table plutôt que par terre, précaution salutaire pour éviter qu'un passant nonchalant écrase quelque chose sous son pied et se blesse ou ne ruine un accessoire – sans rien perdre ni faire tomber. En guise de remerciement pour les efforts qu'il a investi dans l'épreuve, Alfred se voit gracié d'une révérence, une vraie, miss Anastasia inclinant profondément le buste tout en relevant les pans de sa robe.
Maître Jason la traite immédiatement de princesse, ce à quoi Monsieur Bruce annonce que les médias aiment l'appeler le Prince de Gotham pour sa richesse et sa philanthropie, faisant donc de sa fille une sorte de princesse.
« Et Jason est ton pupille royal, puisque tu l'as pris sous son aile » décrète la jeune fille, s'attirant un regard épouvanté de la part de l'ancien gamin des rues à la perspective d'intégrer la classe sociale qu'il dénigre si vigoureusement et accuse de causer tant de maux aux honnêtes travailleurs.
Alfred se demande si la demoiselle se venge subtilement, ou si elle parle avec la candeur et l'innocence qu'elle a réussi à préserver en dépit des efforts de son entourage pour les détruire. Tout comme son père, miss Anastasia semble tirer un malin plaisir d'être impénétrable au décryptage – et n'est-ce pas troublant, de voir l'enfant émuler le parent avec une telle virtuosité nonchalante.
Le réveillon entre les murs du Manoir Wayne, en ce mois de décembre du nouveau millénaire, ne ressemble pas aux célébrations grandioses organisées par Thomas et Martha Wayne, mais c'est le type de petite fête qu'ils auraient approuvé pour leur fils et les enfants élevés par celui-ci. C'est une soirée en famille, où on parle un peu trop fort, où on proteste que le film choisi par le patriarche pour rentrer dans l'esprit de Noël est guimauve à vous dégoûter des sucreries pour l'éternité, où on insiste pour rester debout afin de profiter de ses cadeaux alors que vos paupières papillotent et se ferment toutes seules.
C'est le type de petite fête que Monsieur Bruce ne se serait jamais permis, s'il n'avait jamais rencontré maître Dick, s'il n'avait jamais choisi d'aller au cirque pour un jour bien précis.
Alfred se demande comment se porte le premier enfant élevé par Monsieur Bruce. Le connaissant, il a trouvé moyen de célébrer Noël peu importe les circonstances – il pourrait se trouver dans une fusée et le jeune acrobate réussirait néanmoins à dénicher des guirlandes électriques ainsi qu'un bonnet rouge bordé de fourrure blanche pour mettre l'ambiance, comme il dit, et cela sans maîtriser le moindre sortilège à la manière des Zatara.
C'est un don très particulier, un qui n'a rien à voir avec un quelconque gène ou un pacte démoniaque, et tout à voir avec Richard John Grayson. Il existe simplement des gens dépassant la compréhension, pour le meilleur autant que le pire.
Par bonheur, maître Dick se situe résolument du côté positif de la balance.
It's in the singing of a street-corner choir
It's going home and getting warm by the fire
It's true, wherever you find love
It feels like Christmas
Pour ce chapitre, vous avez droit à "The Love We Found" du film Noël chez les Muppets.
