CHAPITRE III :

Jacob et Paul n'attendirent pas d'avoir rejoins la forêt pour se transformer, ne craignant pas les regards indiscrets. La maison des Black était suffisamment reculée et, depuis les évènements avec les Cullen, Laurent et Victoria, la plupart des gens évitaient la réserve. Pour le commun des mortels, les Quileutes faisaient parti d'une secte et, pour les autres, le secret perdurait - bien qu'il fut quelque peu ébranlé.

La venue de nombreux vampires dans la région provoquait chaque semaine de nouvelles transformations et de plus en plus de jeunes se mettaient à sécher les cours. Au début, les questions allaient bons trains sur l'influence de Sam Uley, sur le comment du pourquoi des garçons à peine pubères se mettaient à le suivre comme des petits chiens. Puis les rumeurs avaient cessées. Personne n'en parlait, mais la quasi totalité de la Push savait. Tous semblaient respecter une entente tacite et les considéraient comme des sauveurs. Ce qui était loin d'en déplaire à certains ; Embry, Quil et Paul, notamment.

Le jeune homme avait usé de cet atout auprès de nombreuses femmes, éprouvant un besoin maladif de reconnaissance. Fils unique d'une famille monoparentale, son tempérament avait toujours été sulfureux ; enfant, il n'était pas rare qu'il se batte ou martyrise ses camarades. Sa mère était une Quileute et, à sa mort, son père avait pensé qu'il était important pour Paul de renouer avec ses racines. Ironique, sachant qu'il ignorait tout des légendes et autres mythes entourant ses origines jusqu'à sa transformation. Il avait ainsi fait face, seul, au plus grand bouleversement de sa vie. Sam n'était venu à lui qu'au bout de ce qui lui avait paru une éternité.

Paul fut le troisième de la meute. Jared et Sam lui apprirent les rouages de ce corps qu'il ne maîtrisait plus et il se plia à cette nouvelle vie, non sans difficultés.

Outre son intelligence et ses facultés de guerrier impressionnantes, Paul était un loup fougueux et solitaire, n'appréciant que très peu la compagnie de ses camarades. Il fallu des semaines aux autres pour l'accepter, et aujourd'hui encore, lui même n'était pas fixé sur ses sentiments à l'égard du reste de la meute. Il était d'ailleurs le meilleur pour dissimuler son esprit, préservant plus que tout son intimité. Il avait vite compris la nécessité d'un jardin secret après l'incident entre Sam et Emily, et c'était devenu un besoin vital quand Jacob et le reste de leur troupe s'était transformé. Des adolescents en rut guidés uniquement par leurs hormones qui encombraient son esprit déjà suffisamment embrouillé, c'était insupportable. Et puis, tout le monde avait des secrets, et il était hors de question que ce ne soit pas son cas. Meute ou pas. Alpha ou pas.

Ses griffes labouraient le sol à toute vitesse, retournant la terre rendue meuble par les pluies diluviennes qui s'étaient abattues sur la région quelques jours plus tôt. Paul évitait les arbres, sautait par dessus les troncs sur son passage, se reconnectait à ses instincts. Il ne s'était pas transformé depuis plusieurs semaines et la sensation du vent dans son pelage lui avait manqué. Il s'ébroua en poussant un feulement de satisfaction, rejoignant le loup brun devant lui.

Il avait passé les quatre derniers jours à Port Angeles, ceux d'avant à Seattle, et ceux d'encore avant à Portland. Il n'était pas rentré depuis plusieurs mois et ne s'était pas transformé depuis autant de temps. Pour gagner un peu d'argent, il participa à quelques trafics (alcool et cigarettes principalement) et avait profité d'une rumeur selon laquelle il se serait fait arrêter pour gratter quelques semaines de rab à se la couler douce dans quelques bars et motels. Mais la vérité, malheureusement, était tout autre.

Paul avait fuit Forks comme la peste à cause d'elle. Isabella Swan. La femme qui hantait ses nuits depuis ce funeste après-midi chez les Black. Il avait été incapable de se contrôler ce jour là, submergé par des émotions qu'il n'avait jusqu'alors jamais connu. Depuis, il n'avait eu de cesse de fuir ses sentiments et sa véritable nature, pensant naïvement que s'il ne se transformait plus, le problème n'existait plus. Pourtant les prunelles chocolat de Bella l'observaient dès qu'il fermait les yeux. Il avait tenté de voir d'autres femmes, toutes plus incroyables les unes que les autres, afin de s'imprégner de l'une d'entre elles. Mais l'odeur de son shampoing à la fraise lui manquait. Alors il céda aux seuls sentiments qu'il connaissait : la colère et la haine. Il enfouit toute trace d'amour et d'affection sous des monticules de rage, devenant d'avantage un animal que lorsqu'il était un loup.

Paul haïssait Bella. Il la détestait de l'enchainer à ses propres émotions sans même en avoir conscience. Il voulait qu'elle souffre autant que lui, sans pour autant se résoudre à lui faire face. Il la maudissait de l'avoir envouté. Il la méprisait pour son humanité et sa fragilité, la jalousait pour ça aussi. Dans se maelstrom d'émotions complexes et contraire, Paul du se rendre à l'évidence : il ne se passait pas un jour sans qu'elle n'obsède ses pensées, il devenait fou et se languissait d'elle. Il était temps d'accepter.

C'est ainsi qu'il rentra à Forks. Il n'avait pas pris soin de prévenir qui que ce soit de son retour, n'ayant de compte à rendre à personne – sauf peut-être à Sam - et s'était rendu chez Jacob presque immédiatement. Malgré son insouciance et sa joie de vivre un peu trop exubérantes à son goût, Paul appréciait le garçon et sa compagnie. Il n'aurait jamais pensé que Bella serait de la partie ce jour là.

L'éloignement et le manque lui étaient revenus en pleine face comme un élastique sur lequel on aurait trop tiré. Elle l'envouta de plus belle et il se fit violence pour ne pas la brusquer et la kidnapper sur le champ. Or, personne n'était au courant de son imprégnation et elle encore moins.

Il voulait se laisser du temps pour démêler toute cette histoire, apprendre à la connaître et qu'elle ait l'opportunité de choisir, puisqu'elle, elle avait le choix. Il était prêt à tout accepter et en subir les conséquences, il voulait faire les choses bien.

Pour l'heure, Paul tentait d'occulter tous ces évènements de son cerveau, de les calfeutrer dans un coin de son esprit afin d'y revenir plus tard. Mais il fut un temps trop lent et, lorsqu'il arriva à sa hauteur, les pensées de Jacob l'envahirent telles un ras de marée. Incontrôlables. Incessantes. Il n'était plus seul dans sa propre tête.

Comme une réponse, Jacob grogna en sa direction, lui intimant de contrôler son esprit. Paul lui répondit sur le même ton, mais le loup brun fit volte face et gronda plus fort.

« De toutes les gonzesses de l'univers il fallait que ce soit elle, rugit-il dans son esprit. Tu ne la mérites pas et ne la mériteras jamais ».

Paul se contenta de renifler, télépathie de mes deux.

Dans le fond, il comprenait Jacob et était plutôt d'accord avec lui. Paul aurait néanmoins préféré lui apprendre les choses dans d'autres circonstances. Autant ne pas insister, ils en reparleraient plus tard. Le reste du trajet se fit en silence – autant que faire se peut lorsque vous partagez votre esprit avec quelqu'un d'autre.

Quelques mètres avant d'arriver, Paul se concentra pour refermer son esprit le plus possible. Il s'était fait surprendre par Jacob et refusait catégoriquement que qui que ce soit d'autre soit au courant.

Le murmure lointain de leurs voix commença à s'insinuer dans sa tête au fur et à mesure qu'il se rapprochait, comme une foule que l'on entend au loin. A première vue les loups semblaient tous silencieux, mais en réalité, cela ressemblait plus à une petite colonie de vacances. Paul soupira, espérant que cette réunion ne durerait pas trop longtemps.

« Quoi ? Paul est amoureux ?

- Paul est imprégné ?

- Hein ? Mais de qui ?

- Pas trop dégoûté Jacob ?»

Trop concentré sur ses propres pensées, il avait oublié à quel point Jacob était loquace. Il n'avait pas fallut une minute pour que chacun y aille de son propre commentaire, inondant son cerveau. Paul feula, ne sachant plus où donner de la tête, ni sur qui sauter à la gorge en premier.

« Super, un autre idiot à rejoins le gang des trous du -

- Silence !»

Mettant un terme à la cohue qui s'était installée, le gigantesque loup noir gronda, coupant Leah dans sa phrase. Sam s'avança au centre de leur cercle, bombant la poitrine. Tous baissèrent le museau, fixant le sol dans un couinement de soumission, n'osant pas défier leur chef. Il y eu quelques excuses et des demandes de pardon, mais globalement les voix cessèrent. Paul se contenta de renifler vers son Alpha, le remerciant silencieusement.

De l'autre côté, Jacob alla rejoindre Seth et Jared, choisissant délibérément de mettre de la distance entre eux. Lorsque tout le monde fut arrivé et installé, Sam prit la parole.

« Bien. Merci à tous de vous être libérés. Je n'ai malheureusement pas de bonnes nouvelles à vous apprendre. »

Il se dirigea vers un petit monticule de terre, surplombant les autres. Il vérifia qu'il avait l'attention et son regard se posa quelques instants sur Paul. Cherchant brièvement ses mots, il poursuivit :

« Je ne vais pas passer par quatre chemins. J'ai reçu ce matin un appel du Dr. Cullen, lui et sa famille sont de retour à Forks. »

Un silence assourdissant s'abattit sur la meute. Leah se mit à gronder à l'entente de ce nom, vite imitée par certains loup. Paul ne bougea pas, arrêtant de respirer de peur d'exploser. Il ne voulait pas perdre le contrôle. Quelques uns lui lancèrent des regards en coin, mais personne ne pipa mot.

« Ils auraient fait une découverte pendant leur voyage et ont besoin de nos légendes. Nous en saurons plus après notre rencontre de ce soir. Jared, Jacob, Paul et Leah, vous venez avec moi. Les autres vous gardez les rondes habituelles. Nous nous retrouverons chez moi au couché du soleil, et rejoindrons les Cullen à la frontière ensuite. Leah et Jared vous feront un compte rendu comme à l'accoutumée. »

Sam termina sa phrase sur un hochement de tête entendu, indiquant qu'il avait terminé. Personne n'ajouta de commentaire car ils savaient qu'ils n'avaient pas leurs mots à dire. Une vague de murmure gonfla progressivement, chacun débattant intérieurement des raisons qui avait fait revenir le clan Cullen à Forks. Seul Paul s'avança vers Sam, tendu.

« Qu'est-ce qu'on fait pour Bella ? »

Prononcer son prénom, même en pensée, lui demanda un effort surhumain, mais Paul soutint le regard de son Alpha. Il lui fallait des réponses, et s'il s'était maîtrisé jusqu'ici, il n'était pas certains de pouvoir lui cacher des choses, encore moins aussi importantes que celles qu'il venait d'apprendre.

« On ne lui dit rien tant qu'on en sait pas plus. »

Le grondement qui s'échappa de la cage thoracique de Paul à ces mots raisonna dans la clairière, forçant tous les loups à se stopper. Il ne sembla pas s'en apercevoir et s'approcha encore plus de Sam, d'un air de défi.

« Elle a le droit de savoir. »

Paul ne parlait plus. Il rugissait.

« J'ai dit : non. L'imprégnation n'y change rien. Je t'interdis de lui en parler. »

L'ordre était tombé, tel un poignard dans son cœur. Paul s'ébroua pour essayer de se calmer mais ses babines s'étaient déjà retroussées, dévoilant une rangée de dents menaçantes. Son échine s'arqua, il était prêt à bondir. Derrière lui, Jacob approuva par un jappement mais Sam leur avait déjà tourné le dos, la discussion était close.

Les voix de ses camarades emplirent de nouveau l'esprit de Paul dès que leur Alpha fut parti, chacun tentant de le calmer à sa façon. Sur le point d'imploser, le loup gris hurla en détalant à travers la forêt.


Hello, hello

Nouveau chapitre, cette fois sous la perspective de Paul. J'espère qu'il vous plaira, n'hésitez pas à me donner votre avis (positif comme négatif, remarques sur l'intrigue, la longueur des chapitres et même sur l'orthographe, je prends tout).

Je suis navrée pour l'attente, la reprise du travail a été intense de mon côté, j'essaie de trouver le plus de temps possible pour avancer et vous donner la suite rapidement ;)

A bientôt

Calista