Chapitre 8
Juin 2010
Surveiller Stark n'était pas la mission qui enchantait le plus Amélia. Son mépris vis-à-vis de l'ingénieur n'avait pas diminué, elle ne lui parlait presque pas et se contentait de le regarder travailler, un goût amer dans la bouche à chaque fois qu'elle se rappelait qu'elle n'aurait pas dû être là à l'obliger à trouver un nouvel élément pour son réacteur. Elle voulait retourner sur le terrain, combattre au nom du Shield en ayant l'impression d'être utile, déterrer des secrets obscurs et se perdre dans son boulot au lieu de voir jour après jour cet homme que le monde acclamait. Elle se savait ridicule d'être autant en colère contre lui, d'autant plus qu'elle avait compris depuis le début qu'elle dirigeait ce sentiment contre lui alors qu'elle ne l'éprouvait que pour elle-même ; un danger planait sur leur tête à cause d'elle, simplement parce qu'elle n'avait pas vu l'évidence.
Grâce à ses contacts avec Pepper Potts, Stark avait pu repousser les présentations de plusieurs intervenants à la Stark Expo – dont celle de Justin – en prétextant des attentats à la bombe et autres agressions qui auraient risqué de mettre en péril la vie des visiteurs. Cela était censé permettre au Shield de retrouver Vanko avant une catastrophe de grande ampleur même si, pour le moment, personne ne parvenait à remonter la piste jusqu'à lui. Ils craignaient tous une intervention imprévue, un déchaînement de technologies incontrôlé, et Romanoff communiquait avec Coulson pour pouvoir envoyer Iron Man sur place si jamais le Russe venait à se montrer au grand jour. Amélia se sentait honteuse et coupable de ne pas avoir su arrêter tout cela au plus tôt ; elle avait parcouru plusieurs fois les couloirs de Hammer Industries, sans se douter que son amant dissimulait un allié redoutable entre ses murs malgré tous les conseils qu'elle lui avait prodigués.
Déterminée à ne pas rester là à ne rien faire, Amélia avait tenté d'appeler Justin, non seulement pour le convaincre de stopper Vanko mais aussi pour ne pas laisser leur relation se terminer sur une dispute au téléphone. Il n'avait décroché à aucun de ses coups de fil mais elle n'avait pas baissé les bras pour autant, consciente d'être en partie responsable de cette situation. Certes, elle n'aurait jamais pu être tout à fait honnête avec lui parce que sa couverture importait plus que la franchise mais elle avait eu la bêtise de croire qu'il ne se renseignerait jamais sur elle. Elle maudissait Everhart d'avoir mis à mal son mensonge, et elle se reprochait encore plus d'avoir fermé les yeux sur une relation dont elle pensait se sortir sans heurt. Contrairement à ce qu'elle avait affirmé à Maria avec autant d'aplomb, Amélia éprouvait des sentiments pour Justin, et elle se rendait compte qu'elle avait manqué de clairvoyance envers elle-même.
« Vanko n'est pas chez Hammer Industries, l'informa Coulson alors qu'elle tombait une fois de plus sur le répondeur de Justin. Romanoff s'est infiltrée là-bas mais il n'y était plus. »
Il ajouta que l'espionne avait découvert de nombreux plans conçus par Vanko, ainsi que des preuves assez solides pour envoyer Hammer en prison. Amélia ne parvenait pas à imaginer son amant derrière les barreaux, il ne tiendrait jamais assez longtemps face à des individus qui, eux, étaient de véritables criminels. Peut-être pourrait-il user de sa richesse pour payer quelques gardiens afin d'être à l'abri mais cela ne durerait pas éternellement. Justin n'était pas un combattant, c'était un bureaucrate qui inventait des armes sans être capable de se défendre en cas d'attaque.
« C'est d'ailleurs notre deuxième problème, maugréa Coulson. Romanoff ne trouve pas Hammer, il a quitté les lieux avant son arrivée. »
Le coup d'œil aigu que lui lança son ancien Officier Superviseur la désarçonna. Elle finit par comprendre qu'il la suspectait d'avoir aidé Justin à s'échapper et elle croisa les bras, furieuse envers Coulson d'avoir eu cette pensée.
« Je n'ai pas communiqué avec lui, monsieur, lâcha-t-elle en retenant son envie de monter d'un ton. Je suis loyale au Shield.
— Je n'ai pas dit le contraire mais vous ne seriez pas la première à déserter les rangs pour une amourette. »
Il lui rappela, non sans ironie, qu'Hammer était une cible potentielle du Shield à cause des ennuis qu'il avait créés et que ce n'était pas une victime. Sur un ton plus dur, il lui indiqua qu'il n'hésiterait pas à lui retirer toute autorisation de missions sur le terrain si jamais il s'avérait qu'elle avait effectivement été en contact avec le PDG d'Hammer Industries. Amélia saisit le message et retint un commentaire acerbe malgré les protestations qui effleuraient ses lèvres ; il n'était pas temps pour elle de défendre la cause de Justin, elle allait devoir se contenter de suivre les nouvelles que Coulson rapportait.
Trois jours de plus s'écoulèrent, noyés dans une intense tension. Quand il n'était pas concentré sur l'élaboration de l'élément chimique capable de lui sauver la vie, Stark alternait entre les appels des journalistes et ceux qu'il passait à Potts. Amélia devenait encore plus impatiente qu'un fauve en cage, elle peinait à garder la tête froide et les idées claires alors qu'elle avait le désagréable sentiment de ne servir à rien. Ce fut presque une délivrance lorsque Coulson vint la voir pour lui indiquer que Stark avait enfin trouvé la bonne combinaison pour son réacteur, ce qui signifiait qu'ils allaient pouvoir rentrer chez eux. Il ajouta ensuite qu'ils étaient attendus au Triskelion pour une autre affaire urgente, ce qui doucha l'enthousiasme d'Amélia dès qu'elle lut dans son regard un grand nombre d'inquiétudes qui ne la rassurèrent en rien.
Quand elle lui demanda s'il avait connaissance du problème, Coulson lui expliqua que Mercy Dolittle avait été internée dans l'aile psychiatrique du bâtiment médical du Shield. Amélia crut un instant que c'était dû à la perte de son âme-sœur puisque la rupture du lien entraînait parfois des effets néfastes sur le mental des survivants mais, de ce que lui apprit Coulson, il semblait y avoir une autre origine. Les médecins refusaient cependant de lui en dire plus au téléphone, ils réclamaient une présence en chair et en os.
« J'ai essayé de faire valoir mon niveau d'accréditation mais ils m'ont dit qu'ils ne parleraient pas plus même si Fury en personne les avait au téléphone. Nous devrons nous dépêcher, Dolittle est dans un sale état et je veux savoir pour quelle raison. »
Les quelques mots qu'il ne prononçait pas, Amélia les devina sans peine, si évidents pour elle. C'était Coulson qui avait dirigé la mission désastreuse à Atlanta contre le méta-humain, lui qui avait pris en charge les agents blessés, lui qui avait ensuite laissé derrière lui Dolittle et ses problèmes, lui enfin qui avait envoyé Amélia pour prendre des nouvelles de Nolan Peters le jour-même où il avait rendu son dernier souffle devant sa compagne. En un sens, Coulson était l'homme qui avait échoué à sauver ses agents et il tentait de se rattraper à sa manière.
Malgré une furieuse envie de décamper sans un au revoir à l'égard de Stark, elle prit le temps d'aller le saluer, un sourire crispé sur les lèvres. Il paraissait concentré sur sa tâche mais il releva les yeux à son approche et lui fit un vague geste de la main pour lui souhaiter un bon retour, avec une ironie que la jeune femme perçut. Elle se moquait bien de savoir ce qu'il pensait d'elle et elle n'attendit pas plus longtemps avant de rejoindre le toit de l'immense maison, là où un hélicoptère du Shield s'était posé pour les ramener en vitesse à l'aéroport le plus proche d'où ils partiraient en direction de Washington D.C et du Triskelion.
Le vol dura plusieurs heures pendant lesquelles Amélia chercha à prendre un peu de repos. Bercée par le mouvement de l'avion et par sa propre fatigue, elle sombra doucement dans les bras de Morphée, laissant le soleil extérieur se muer en un mur de glace. Elle frissonna dans son sommeil, sans s'en rendre compte, perdue qu'elle était dans un rêve qui la rattrapait à chaque fois qu'elle dormait.
Le froid dominait, encore et encore, gelant l'eau, glissant sur les êtres immenses qui se tenaient là, entre les glaciers. Un éclat bleuté illumina les lieux puis le paysage se modifia, révélant une étendue liquide majestueuse, immense, à la surface de laquelle brillaient des gouttelettes qui apparaissaient à chaque fois qu'un mouvement se produisait en-dessous. Debout sur le rivage, Amélia vit surgir des eaux un serpent aux dimensions exceptionnelles, au regard terrifiant et infernal nimbé de vert, aux crochets gouttant de venin. Il se dressa de toute sa hauteur, ombrant la jeune femme qui recula d'un pas, surprise et effrayée, envahie par une étrange sensation à l'intérieur de son corps.
« Il ne te fera aucun mal, déclara doucement une voix familière. »
Apparaissant à ses côtés, la femme au double visage lui adressa un sourire avenant, quoique toujours teinté de cette mélancolie qui paraissait ne pas la quitter. L'étrangère tendit une main vers le serpent qui abaissa sa longue tête reptilienne vers elle, effleurant ses doigts avant de darder son regard vers Amélia.
« Il entoure votre monde, reprit l'inconnue sur un ton attristé, parce qu'il en a été décidé ainsi. Approche, n'aie pas peur. »
Peu rassurée par la taille de la créature, Amélia prit cependant son courage à deux mains et avança jusqu'au serpent. Elle nota la différence de couleur entre ses écailles, la force qu'il déployait à chacune de ses ondulations, l'intelligence qui luisait dans ses yeux verts. Comme il l'avait fait avec la mystérieuse femme, il posa le bout de sa tête contre les mains d'Amélia et fit glisser sa langue serpentine sur ses doigts. Elle se crispa en sentant les fourmillements le long de ses articulations mais se détendit quand elle comprit qu'il n'allait pas l'attaquer. Au contraire, il se retourna d'un mouvement agile et replongea dans les eaux, sans laisser de traces sur le rivage.
« Un jour, il disparaîtra, annonça l'autre femme avec un brin de douleur. Quand viendra le Crépuscule et la Fin, il tuera et sera tué, pour le bien de tous, hormis le sien. »
Marquant un silence, l'inconnue se massa distraitement le visage, là où ses traits ressemblaient à de la cire fondue. Elle se tourna vers Amélia, avec une mine bien trop sérieuse, semblant faire peser sur elle plusieurs tonnes d'espoirs éteints et de promesses non tenues. Au loin, un rugissement se fit entendre, puissant, empli de souffrance, comme un appel à l'aide que nul ne percevrait si ce n'était les deux femmes sur le rivage.
« Lui aussi souffrira lors du Crépuscule, souffla l'étrangère sans la quitter du regard. L'avenir est déjà écrit, le Destin se vit, doucement mais sûrement, il suit le chemin tracé dans les alphabets, dans les runes, dans les symboles.
— Quel est le rapport avec moi ? s'enquit Amélia qui n'était pas certaine de comprendre ce que lui disait l'autre femme. Ce … ce monstre, et vous ?
— Tu finiras par apprendre la vérité, tu as assez de volonté pour creuser les ombres de ton existence, j'ai confiance en toi. Sache seulement que ton heure n'est pas venue, pas encore, elle s'éloigne à chaque instant.
— Vous l'éloignez, affirma l'agent du Shield avec une certitude troublante. Vous m'avez sauvée pendant l'accident qui a pris mon frère. Mais comment ? Comment empêchez-vous la mort de m'approcher ? Comment …
— Tant de questions et si peu de temps, l'interrompit l'inconnue avec son éternel sourire triste. Elles … elles ne me permettent pas encore de t'exposer toutes les informations que tu requiers. »
Si cette femme était mystérieuse, ses paroles portaient elles-aussi un secret. Amélia était frustrée, elle n'ignorait pas que son esprit peinerait à se souvenir de cette étrange conversation – après tout, elle était dans un avion, elle rêvait, rien n'était réel. Elle aurait aimé écrire cette rencontre, annoter chaque mot et s'en imprégner, pour éviter de n'en garder qu'un écho lointain et inexact.
« Dites-moi votre nom, implora-t-elle. Comment pourrais-je comprendre tout cela si je ne sais rien de vous ?
— Tu en demandes bien trop pour le moment, Amélia Cross. Écoute mon conseil, profite de ce temps qui s'écoule devant toi, aime de toute ton âme. »
Les phalanges glacées de l'inconnue s'étaient enroulées autour de son poignet, effleurant sa marque d'âme-sœur. Amélia se dégagea de cette poigne non désirée, son cœur battant à tout rompre, se demandant si cette femme avait connaissance de l'identité de son âme-sœur ou si elle ne faisait que jouer avec elle. Une lueur de tristesse traversa le regard vert de l'étrangère qui lui murmura que son avenir débordait de décisions difficiles à prendre. L'agent eut envie de rire, consciente que cette révélation n'était rien de plus qu'une confirmation de ce que vivaient tous les membres du Shield.
« Ne sois pas trop hâtive dans tes décisions. »
Les mots de l'inconnue se noyèrent dans une brume grise, glaciale, qui recouvrit peu à peu tout le paysage. Amélia crut voir les ondulations du serpent géant sous la surface de l'eau – de ce qu'elle pouvait encore percevoir – et elle entendit une fois encore le hurlement d'une autre bête, au loin. La mystérieuse femme lui annonça que son avion était sur le point d'atterrir puis elle lui sourit, étirant les deux aspects de son visage avant de disparaître à sa vue. Il y eut une secousse plus violente qui effaça complètement la rive et ses eaux, ramenant la jeune femme dans le monde des vivants et des éveillés.
« Tout va bien ? »
À côté d'elle, Coulson l'observait avec inquiétude, presque troublé. Elle marmonna qu'elle avait fait un cauchemar, regardant autour d'elle, un peu perdue. L'avion venait de se poser sur la piste, libérant les passagers empressés de rejoindre leurs hôtels ou leurs moyens de transports. Amélia se frotta la nuque avec une grimace puis quitta son siège, suivant Coulson comme un automate, comptant sur lui pour savoir où se rendre. Son corps lui paraissait plus lourd, ses membres engourdis peinaient à récupérer leur vigueur, et un froid étranger courait encore dans ses veines malgré la chaleur ambiante.
Son ancien Officier Superviseur héla un taxi, donnant une adresse proche de la base du Shield sans pour autant révéler qu'ils s'y rendaient. Ils s'arrêtèrent à un café pour commander à boire, Amélia regretta de ne pas avoir pris le temps d'avaler quelque nourriture avant de quitter Stark. Ils s'octroyèrent quelques minutes pour savourer leur boisson puis rejoignirent enfin le Triskelion, toujours en activité à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Ils évitèrent au mieux les différents agents qui vaquaient à leurs occupations puis ils parvinrent au bureau de Coulson où un homme se tenait déjà là, nerveux dans sa blouse blanche.
« Dr Streiten, le salua Coulson. J'espère ne pas vous avoir fait attendre.
— Je sais que vous êtes occupé, répondit le médecin en serrant la main des deux agents. C'est plutôt à moi de m'excuser, je ne vous ai pas laissé beaucoup de temps mais la situation est assez sérieuse. »
Coulson ouvrit son bureau et invita les deux autres à entrer, leur désignant les chaises alors qu'il refermait la porte. Sans perdre plus de temps, il s'enquit de l'état de Mercy Dolittle auprès du scientifique. Le médecin confirma qu'ils n'avaient pas eu d'autre choix que d'interner la femme en psychiatrie à cause de son état, annonçant qu'elle commençait à devenir incohérente et qu'elle hurlait dès que quelqu'un s'approchait d'elle. Les examens médicaux n'avaient rien révélé de particulier, les scanners et IRM étaient normaux, sans lésion apparente.
« Est-ce que vous savez ce qu'elle a traversé ? lâcha Coulson en fronçant les sourcils.
— Nous avons appris qu'elle a rencontré un méta-humain et qu'elle a également perdu son âme-sœur. Étiez-vous là-bas, à Atlanta ? »
Les expressions des deux agents parlèrent pour eux. Ils expliquèrent autant que possible ce qui avait eu lieu en Géorgie, comptant l'un sur l'autre pour donner un maximum de détails, sans omettre les interventions du méta-humain. Si les souvenirs d'Amélia étaient bons, chacun d'entre eux avait eu droit à un contact avec l'esprit cruel de l'homme aux capacités psychiques particulières. Coulson hocha la tête en un signe de confirmation, son expression un peu vague révélant qu'il était en train de revivre leur mission. Le Dr Streiten notait dans un carnet tout ce qu'ils racontaient, demandant parfois des éclaircissements sur certains points, soulignant des mots avec un air sombre, émettant des petits bruits pour montrer qu'il les écoutait attentivement et qu'ils pouvaient continuer leur récit.
Amélia se rappela ce moment où elle avait pointé son arme sur Coulson, où elle avait entendu la voix du méta-humain lui souffler d'appuyer sur la gâchette, où elle avait été bousculée par l'agent Garrett avant de reprendre pied dans la réalité. Cet instant semblait gravé dans sa mémoire et elle dut prendre une grande inspiration avant d'évoquer la mort de Nolan Peters, à l'hôpital. C'était aussi un détail qu'elle n'oublierait pas, cette marque en train de disparaître petit à petit sur le poignet de Dolittle. Elle avait vu Mercy après le décès de Nolan, âme errante qui semblait avoir perdu le goût à la vie dès que son compagnon s'était éteint, comme si sa mort avait coupé le fil qui la reliait elle-aussi au monde des vivants. Amélia ne tenait pas à faire porter la responsabilité d'une telle folie au lien d'âme-sœur mais elle n'était pas ignorante au point de supposer qu'il n'y avait pas eu de conséquences dues à ce sort tragique.
Avec une certaine diplomatie teintée d'hésitation, le Dr Streiten leur indiqua que les survivants de la mission à Atlanta allaient devoir se montrer vigilants. Il craignait bel et bien un ennui lié au pouvoir du méta-humain, comme une bombe à retardement qui serait entrée dans leur esprit pour détruire petit à petit toute leur raison jusqu'à les plonger dans une intense folie. Puisque les examens réalisés sur Dolittle ne révélaient rien, il était difficile pour le corps médical de déterminer avec exactitude ce qui avait pu entraîner ses réactions soudaines. Lorsqu'Amélia demanda quels étaient les meilleurs moyens pour se prémunir face à cette déchéance ou pour la soigner, le médecin se rembrunit.
« Il n'y a pas encore de traitement efficace pour guérir d'une attaque psychique, marmonna-t-il. La médecine n'est pas au point en ce qui concerne les humains … particuliers. Ce pouvoir n'est pas répertorié comme une cause de maladie et nous n'avons pu, pour le moment, qu'avoir recours à des traitements connus pour d'autres pathologies.
— Donc vous avez utilisé des anti-dépresseurs, conclut Amélia. »
Elle essayait de ne pas montrer son exaspération mais elle avait l'habitude de ce genre de discussion. Quelques années plus tôt, alors que son frère peinait à garder le sourire, vaincu par une fatigue répétée et des crises d'angoisse, les médecins lui avaient administré des anti-dépresseurs comme s'il s'agissait d'un remède miracle. Son frère avait finalement jeté les médicaments en constatant qu'ils ne lui faisaient aucun bien et il avait accepté la main tendue de sa sœur pour remonter à la surface sans suffoquer à cause des substances chimiques.
« Nous n'avons pas beaucoup d'alternatives, se justifia le Dr Streiten. Les anti-dépresseurs ont un fonctionnement intense sur les échanges qui se produisent dans le cerveau et ils sont pour l'instant notre seule solution face à un don qui attaque l'esprit. »
Jetant un coup d'œil à ses notes, le médecin leur indiqua ensuite qu'ils allaient devoir prévenir leur dernier collègue, l'agent Garrett. En effet, l'état de Mercy Dolittle avait dégénéré à une vitesse stupéfiante et ils risquaient de subir ce genre de contrecoup.
« Il y aura bien des signes, non ? s'enquit Coulson. Dolittle n'a pas perdu la tête du jour au lendemain !
— Malheureusement, ce fut rapide, comme je viens de vous le dire. Peut-être que dans deux jours, vous aurez des illusions, et ce sera difficile pour vous de comprendre que vous aurez besoin d'aide. »
Les propos du Dr Streiten tirèrent un frisson à la jeune femme. Illusions. N'était-ce pas ce qu'elle avait eu dans l'avion, lorsqu'elle avait cru s'égarer sur un rivage et discuter avec une silhouette qui hantait ses jours et ses nuits ? Elle se convainquit qu'il ne s'agissait que d'un rêve – d'autant plus qu'elle avait aperçu cette étrangère au moment de l'accident qui avait coûté la vie à son frère, bien avant son contact avec le méta-humain. Pourtant, le regard sérieux du médecin, ainsi que la manière dont il les observait, avaient tendance à faire naître au creux de l'estomac d'Amélia une boule d'angoisse qu'elle aurait préféré ne pas ressentir.
« Que conseillez-vous ? demanda Coulson qui semblait s'agacer de minute en minute. Vous nous dites d'être vigilants mais en même temps, il n'y a aucun signe ? Il faudrait que nous arrêtions nos missions ? Que nous nous mettions à la retraite ?
— Ce n'est pas ce que j'ai dit, riposta le Dr Streiten en posant ses notes. Seulement … Ce méta-humain a infecté l'esprit de votre collègue, elle n'est plus du tout la personne que vous avez côtoyée. Je vous le répète mais elle n'accepte plus d'être approchée et elle hurle assez régulièrement. Je ne tiens pas à apprendre que l'un de vous s'est fait tuer parce qu'il a commencé à perdre la tête. »
Coulson ne répliqua rien, pas plus qu'Amélia. Ils remercièrent le médecin pour ses explications et lui promirent d'en parler au plus tôt à leur dernier collègue concerné. Coulson prit sans un mot la carte de visite que le médecin lui tendit puis il le raccompagna jusqu'à la porte de son bureau avant de la refermer derrière lui. Quand il revint s'asseoir, Amélia put lire une certaine contrariété sur ses traits, de même qu'un peu de fatigue, sans doute causée par ces derniers jours à surveiller Stark ainsi que leur retour éclair au Triskelion, si rapide. Leur journée n'était pas encore terminée, malheureusement.
« Il faut prévenir John, soupira Coulson en se massant les tempes. Je n'ai pas ses coordonnées, il déménage trop souvent pour que j'en garde le compte. Hill a accès aux dossiers de tout le monde, elle vous les communiquera.
— À moi ? s'étonna Amélia. C'est votre ami de longue date, non ? Peut-être que cette nouvelle ferait mieux de lui être donnée par quelqu'un qu'il connaît.
— Croyez-moi, Cross, ce n'est pas une information qui le perturbera longtemps. Tout ce qu'il faut savoir, c'est s'il est en mission ou en repos. »
Elle aurait bien laissé quelqu'un d'autre s'occuper de cette tâche, elle détestait devoir apporter de mauvaises nouvelles aux gens et n'avait pas le tact nécessaire pour le faire. Mais il ne restait plus grand monde de leur mission à Atlanta, Peters était mort, Dolittle enfermée en psychiatrie et Coulson lui remettait entre les mains le devoir d'aller rendre une visite surprise à Garrett. Amélia finit par hocher la tête en un signe d'assentiment, conseillant ensuite à son ancien Officier Superviseur d'être vigilant, montrant ainsi qu'elle n'était pas rassurée. Elle aurait voulu être bien plus désinvolte, cacher ses véritables pensées, mais elle avait envie d'un peu de franchise. Avec un sourire fatigué, Coulson confirma qu'il prêterait attention à son état, bien qu'elle ne fût pas convaincue, connaissant ses habitudes à aller au front sans se soucier de lui-même.
Quittant le bureau de Coulson, Amélia partit à la recherche de Maria. Coïncidence ou simple hasard, son amie était dans les murs du Triskelion et elles se retrouvèrent dans l'un des salons de détente, vide à cette heure. La jeune femme était contente de passer un peu de temps avec son amie, elles n'avaient eu que peu de contacts depuis la parution de l'article qui la montrait en compagnie de Justin, et elle se rendait compte d'à quel point elle avait besoin de son soutien. Elles parlèrent de Dolittle et commentèrent les propos du Dr Streiten. Maria avait déjà eu quelques interactions avec le médecin concernant quelques expériences mais elle ne donna aucun détail à Amélia, piquant simplement sa curiosité.
Amélia n'était pas de ces gens qui pensaient que le Shield servait juste de bouclier à la population. Puisqu'ils avaient accès à certains rapports de mission, elle n'avait pas manqué d'en lire quelques-uns afin de savoir à quoi s'attendre sur le terrain. L'organisation se battait contre des terroristes en tout genre, ils surveillaient aussi leur planète, de même que les individus susceptibles d'avoir des pouvoirs dangereux. Hormis les agents de terrain, le Shield possédait aussi une aile scientifique qui ne servait pas uniquement à former des médecins mais qui développait des prototypes grâce à des ingénieurs et d'autres spécialistes. La jeune femme avait vite deviné ce qui se dissimulait entre les lignes, comprenant que des expérimentations se déroulaient sous le sceau du secret afin de ne pas ébruiter les potentiels échecs – ou pire encore, des réussites qui viendraient secouer certaines certitudes scientifiques au sujet de matériaux ou de capacités extrasensorielles.
« Tu sais, j'ai beaucoup réfléchi à cette histoire avec le méta-humain, déclara Maria en arborant une mine sérieuse. Je t'avais dit que ça n'aurait jamais dû se passer comme ça pendant votre mission et …
— Tu te poses des questions là-dessus ? l'interrompit Amélia avec étonnement. Ce n'était qu'un mauvais signalement, on a cru à un 0-8-4 et finalement, c'était un individu amélioré.
— Un individu dont le pouvoir a tué un agent, en a déstabilisé un autre et risque peut-être de rendre fous les trois derniers. »
Maria poursuivit en lui indiquant qu'elle avait repris leurs rapports de mission ainsi que tous les documents en lien. Le Shield avait envoyé cinq agents pour un signalement d'objet inconnu, ce qui n'était pas la procédure classique. Selon elle, soit il y avait eu une erreur de compréhension à un moment donné, soit quelqu'un avait délibérément choisi de falsifier les informations. Amélia fronça les sourcils, cherchant à comprendre ce que son amie essayait de lui dire. Jamais encore elle n'avait lu autant de doutes dans les yeux de Maria et elle se demanda ce qui avait pu la conduire à s'interroger sur une mission à laquelle elle n'avait pas participé.
« Tu penses à un coup monté ? »
Le comportement de Maria devint plus étonnant encore, elle se leva de son fauteuil, vérifia qu'il n'y avait personne dans le couloir, referma la porte de la salle de repos puis jeta un œil aux recoins du plafond, comme pour s'assurer qu'elles ne seraient ni filmées, ni écoutées. Ensuite elle vint se rasseoir et croisa les mains, dévisageant son amie qui s'inquiéta.
« Maria ?
— J'ai confiance en chacun des membres du Shield, commença son amie sans ciller. Mais je sais aussi que la jalousie peut conduire certains à des agissements extrêmes, plus encore s'ils ont rencontré des problèmes.
— Je ne suis pas sûre de te suivre.
— Ce méta-humain que vous avez affronté à Atlanta, ce n'était pas sa première fois avec le Shield. »
Cette révélation venait bousculer toutes les certitudes d'Amélia. Un individu qui échappait à l'organisation, cela se produisait parfois, plus particulièrement si la personne était bien trop puissante ou futée. Cependant, avec l'état de Dolittle qui avait révélé de possibles conséquences d'un contact avec le méta-humain, cela signifiait que les autres agents avaient pu perdre la raison petit à petit et précipiter leurs collègues dans un piège sans même le vouloir.
« J'ai deux nouvelles suppositions, poursuivit Maria. Soit ces agents sont devenus comme Dolittle et ont été assez fous pour vous faire envoyer sur le terrain sous un prétexte, …
— Soit il les a manipulés, compléta Amélia. Comment le savoir ?
— Je vais mener ma petite enquête, pour retrouver le nom de tous les agents qui ont pu l'affronter. Dès que j'aurai des informations, je te les transmettrai.
— Fais attention, d'accord ? Si ce gars est à l'origine de tout cela, personne n'est à l'abri. »
Elles n'eurent pas besoin d'en dire plus pour se comprendre, elles pensaient à la même chose. Le Fridge, la prison dans laquelle croupissait le méta-humain, était censé retenir n'importe qui mais si jamais l'homme avait prévu cet enfermement, ils risquaient d'avoir de mauvaises surprises. Maria lui confia les coordonnées de John Garrett avant de la serrer dans ses bras, lui murmurant que si jamais elle commençait à se sentir mal, elle devait promettre de la prévenir au plus vite. Malgré leurs rangs si différents au sein de leur organisation, son amie n'hésitait jamais à être présente pour elle et cette amitié était sans valeur.
Elles se quittèrent avec un sourire tendu puis Amélia se mit en route. Elle prit le bus afin d'aller à l'adresse indiquée sur la feuille donnée par Maria, se demandant de quelle manière elle pourrait annoncer la nouvelle à l'agent Garrett – sans compter que désormais, les propos de son amie perturbaient ses réflexions. Elle ignorait presque tout au sujet de l'autre agent, elle ne l'avait que brièvement côtoyé pendant leur mission, même s'il lui avait en un sens sauvé la vie, et elle supposait qu'il l'avait déjà oubliée. Elle se repassa plusieurs fois ce qu'elle voulait lui dire mais elle perdit ses moyens quand elle se retrouva devant la porte de son appartement, comme si ses prévisions n'étaient que des écrans de fumée balayés par ses peurs. Peut-être était-il trop tard pour Garrett, elle n'avait pas pensé à vérifier s'il était encore conscient ou si, comme Dolittle, il avait peu à peu perdu contact avec la réalité en étant fléchi par les ombres de la folie. Comment devrait-elle agir si elle se retrouvait face à un homme dans le même état que Mercy ?
Après une inspiration pour se donner du courage, Amélia frappa à la porte, se morigénant d'être aussi tendue. Garrett lui ouvrit rapidement, sans se poser de questions, la détailla des pieds à la tête puis esquissa un sourire amusé, faisant ainsi comprendre à la jeune femme qu'il l'avait reconnue. Il évoqua leur mission à Atlanta et elle acquiesça, confirmant son intuition avant de s'excuser, arguant qu'elle n'avait pas pour habitude de débarquer chez les gens sans prévenir, ajoutant ensuite qu'elle avait des informations assez importantes à lui communiquer.
Elle lut aussitôt le sérieux sur ses traits et se reprocha presque de teinter sa journée de repos d'un brin d'angoisse. Garrett l'invita à entrer puis lui proposa à boire et elle accepta un thé avec reconnaissance, songeant intérieurement que cette demande était bienvenue ; certes, il ne s'agissait que d'un gain de quelques minutes mais ce fut suffisant pour qu'Amélia remît ses idées en place. L'odeur de menthe qui se dégageait du thé finit par apaiser ses émotions en pagaille et elle raconta alors à l'autre agent tout ce qu'elle avait appris sur Dolittle et les ennuis liés au méta-humain, cachant cependant les nouvelles délivrées par Maria. Petit à petit, elle constata qu'une certaine colère l'enserrait dans ses griffes, croissant dans son ventre jusqu'à atteindre son cœur. Elle n'arrivait pas encore à deviner si cette émotion était dirigée contre elle-même et son incapacité à sauver ses collègues, contre le Shield qui n'avait pas été à la hauteur ou contre le monde entier ; elle savait juste que cet intense sentiment l'animait avec une force surprenante.
Pour se calmer, elle se focalisa sur l'appartement de l'autre agent, remarquant avec surprise que les murs étaient, pour la plupart, assez nus. Coulson lui avait dit que son ami déménageait beaucoup, il n'avait sans doute pas le temps de s'amuser à décorer son nouveau chez-lui à chaque fois. Seules quelques peintures représentant des paysages forestiers parsemaient sporadiquement les lieux, plantées là pour donner un peu de couleur sur l'éternel blanc.
« Si je comprends bien, résuma l'agent Garrett en la tirant de son observation, la folie nous guette tous.
— Je n'en suis pas si sûre, marmonna Amélia avant de boire une gorgée de son thé et de grimacer face à la chaleur. Dolittle a subi plusieurs événements choquants, il n'y a pas eu que l'attaque d'Atlanta, Peters est mort sous ses yeux. Même si le Dr Streiten prétend que nous pourrions avoir des problèmes similaires, je pense que nous sommes moins concernés. »
Précipitamment, elle ajouta que ce n'était qu'un avis purement personnel et qu'elle n'était en rien spécialisée en médecine ou dans les troubles psychiatriques. Il y avait cependant une petite voix au fond d'elle qui lui soufflait que les problèmes de Mercy avaient une origine plus mystérieuse que celle avancée par le Shield. Après tout, Nolan Peters possédait des pouvoirs que les autres ignoraient, rien ne prouvait qu'il n'en allait pas de même pour sa compagne et âme-sœur.
« Vous ne semblez pas si inquiet, osa Amélia en croisant le regard serein de son collègue et en se souvenant de ce que Coulson lui avait dit à son sujet.
— Nous sommes des agents du Shield, répondit-il en haussant nonchalamment les épaules. Tout cela fait partie du boulot, nous prenons tous des risques et nous en avons l'habitude : partir en mission, affronter l'extérieur et toutes les menaces …
— Marcher avec la mort, poursuivit-elle dans un murmure. »
Elle lut de l'étonnement dans les yeux de Garrett, comme un imprévu, puis il se reprit en vitesse et hocha la tête, confirmant ses propos. Ils savaient bien que leur boulot n'était pas une partie de plaisir, ils avaient tous perdu des collègues – voire des amis pour certains – pendant des missions, ils avaient été secoués, blessés, meurtris gravement dans quelques cas. Le Shield offrait un bouclier au monde mais pas à ses agents, il ne pouvait protéger que ceux qui n'avaient rien pour se défendre, en mettant en première ligne des personnes prêtes à tous les sacrifices. Amélia n'avait pas hésité un seul instant à devenir agent du Shield, elle avait vu l'évolution du monde et avait souhaité plus que tout appartenir à cette organisation qui élevait des murs entre les mortels et les dangers qui les entouraient.
Ils burent leur thé dans le silence, sans être submergés par la gêne, chacun plongé dans ses pensées. Puis l'agent Garrett demanda à Amélia ce qu'elle comptait faire par rapport aux propos du Dr Streiten. Elle remua les dernières gouttes de son thé, s'abimant dans le mouvement du liquide qui allait et venait sur les parois de la tasse, avant d'annoncer avec sincérité qu'elle ignorait de quelle manière agir. Elle pouvait tirer un trait sur les mises en garde du médecin, poursuivre ses missions comme si une épée de Damoclès ne pendait pas au-dessus de sa tête ou, au contraire, reculer face à l'adversité et se terrer chez elle en attendant le moment où elle serait le plus vulnérable. Il n'y avait pas de juste milieu dans leur situation, l'état de Dolittle avait prouvé qu'un rien se produisait en un instant et il était difficile d'évaluer l'avenir en ne sachant pas de quoi serait fait le lendemain.
« J'ai du mal à me projeter, avoua-t-elle. D'un côté, je ne peux pas effacer ce qu'a dit Streiten, l'état de Mercy est réellement inquiétant et m'oblige à réfléchir à ma propre situation mais de l'autre …
— Rien ne nous prouve que tout est dû au méta-humain, termina Garrett à sa place. »
Après avoir hoché la tête en signe d'affirmation, elle lui retourna la question, curieuse de connaître la réaction d'un agent qui avait bien plus d'expérience qu'elle sur le terrain et qui avait sans doute affronté d'autres dangers. Il l'observa avec une attention déstabilisante, comme s'il pesait le pour et le contre, puis il répondit qu'il saisissait la vie comme elle se présentait, sans s'interroger sur le futur, sans s'attarder aussi sur des hypothèses hasardeuses.
« J'aimerais voir moi-même l'état de Dolittle, ajouta-t-il.
— Je ne sais pas si les visites sont autorisées, soupira Amélia qui ressentait pourtant la même envie que son collègue. Vous me permettez d'appeler Streiten ? Coulson m'a donné son numéro, je pourrais me renseigner maintenant.
— Allez-y, nous serons fixés. »
Elle lui adressa un remerciement avant de composer le numéro de téléphone du médecin. Le Dr Streiten écouta sa demande avec beaucoup d'attention malgré la tension qu'il y avait eu entre eux lorsqu'il avait quitté le bureau de Coulson. Elle perçut qu'il était plus agité qu'au Triskelion et elle crut entendre dans sa voix une certaine peur alors qu'elle mentionnait Mercy Dolittle.
« Je peux vous débloquer un créneau d'une heure, finit-il par déclarer. Mais aujourd'hui. Son état est trop instable pour prévoir sur du long terme, nous ignorons si son esprit sera encore capable d'appréhender le monde qui l'entoure d'ici demain.
— Je vous remercie, docteur. Laissez-nous juste le temps de faire la route et nous serons là. »
Une fois qu'elle eut raccroché, elle annonça à l'agent Garrett que les psychiatres acceptaient de leur offrir une heure avec leur patiente, pas une minute de plus. Elle murmura ensuite qu'elle avait eu l'impression que le personnel craignait Dolittle ; elle ne savait pas ce qu'il y avait eu de plus depuis que Mercy avait été internée mais elle ressentait comme un mauvais pressentiment. Streiten leur avait dit que sa patiente hurlait beaucoup et marmonnait des propos incohérents mais s'ils avaient désormais peur d'elle alors il devait y avoir eu une évolution négative.
Dans le regard de l'autre agent, elle décela une curiosité décuplée qui faisait écho à la sienne. Ils éprouvaient tous ce vif intérêt dès qu'une situation inédite se présentait à eux, comme si ce monde ne pouvait cesser de les surprendre. Il déclara alors qu'il était inutile de perdre plus de temps et sourit avec un brin d'ironie en ajoutant qu'ils auraient peut-être l'occasion de jeter un œil à ce qui deviendrait leur future maison. Amélia comprit l'humour derrière ses mots mais elle ne put s'empêcher de songer qu'il y avait du vrai dans ses propos. S'ils venaient à perdre la raison comme Mercy Dolittle, ils risquaient de la rejoindre dans l'aile psychiatrique.
Tandis qu'ils quittaient l'appartement, le téléphone portable d'Amélia vibra, signalant l'arrivée d'un nouveau message. Si elle avait pris le temps de le lire avant qu'ils eussent franchi les portes de l'aile psychiatrique, peut-être les événements se seraient-ils déroulés autrement. Mais elle ne l'entendit pas et ne sut pas que Maria avait tenté de la prévenir d'un grand danger.
Le méta-humain s'est échappé du Fridge, rentre vite !
Note : Voilà, j'avais prévenu que certains événements n'étaient pas sans importance. Je n'ai pas oublié Mercy Dolittle et Nolan Peters, ni le méta-humain qui a été affronté quelques chapitres plus tôt.
