Chapitre 7 :

Smaug le Doré

Lorsque Smaug ouvrit les yeux, ce fut avec une certaine langueur. Il se sentait étrange, vaseux, confus, ne comprenant pas ce qu'il lui arrivait. Instinctivement, il fit ce qu'il faisait toujours en se réveillant : resserrer son aile pour ramener Nefrea tout près de lui et remuant la tête pour aller à son contact, respirer son odeur et le cajoler comme il aimait le faire. Ce fut en réalisant que Nefrea n'était pas là qu'il se réveilla subitement et véritablement. Il se redressa, se demandant où était son drakian, comment il avait pu lui fausser compagnie sans le réveiller. Jamais il n'y était parvenu. Son plus précieux trésor ne pouvait disparaître sans qu'il ne s'en rende compte sur le champ. Nefrea n'était pas là, il ne sentait même pas sa présence ou son odeur et surtout, il n'était pas dans son nid, encore moins dans sa montagne.

Il regarda autour de lui, trouvant une immense salle majestueuse et sombre, paisible. L'endroit était immense, chargé d'un très puissant pouvoir. Les murs étaient couverts de magnifiques tapisseries qui semblaient raconter l'histoire des dragons. Il y reconnut plusieurs d'entre eux : Glaurung, le père des dragons, Scatha ou encore Ancalagon le Noir, le plus grand et puissant dragon ayant jamais vécu. Il observa cela, curieux, parcourant l'histoire de son peuple d'une tapisserie à l'autre. Il finit par se voir lui même, par voir sa conquête d'Erebor et par se voir avec Nefrea. Une scène le représentait avec son drakian en dragon de mithril, blotti l'un contre l'autre dans leur nid.

Mais où était-il ? Il réfléchit frénétiquement, tentant de se souvenir de ce qu'il s'était passé. Puis tout revint brusquement. L'intrusion du hobbit et des nains dans son domaine, son envie furieuse de protéger Nefrea, leur maison et leur trésor, leur royaume. Il se souvint de sa traque à travers Erebor puis de ce déferlement d'or dans la galerie. Il se remémora sa rage et sa volonté de détruire Lac-ville en représailles autant que pour inciter les intrus à sortir pour voir ça. Pour les faire sortir, clore les portes et mettre ce qu'il chérissait en sécurité le temps qu'il règle cette affaire. Cela avait parfaitement fonctionné et il était allé s'occuper de cette misérable ville flottante avec joie. Il se souvenait l'avoir brûlé, il se souvenait des cris et du feu qui claque, du lac reluisant. Et il se souvenait de cet archer, de son enfant, de la flèche noire et de la douleur fulgurante avant le noir complet. Était-il… ?

- Mort ? termina pour lui une voix inconnue.

Elle était grave, plate, assurée et forte, raisonnante ici. Il tourna la tête pour voir un personnage aux longs cheveux noirs, à la peau sombre, les yeux lumineux d'un vert très clair, beau pour son genre, soigneusement et richement vêtu. Mais ce qu'il nota surtout fut l'incroyable magie émanant de lui, les ombres l'entourant. Il se tenait face à lui, imperturbable, tranquille, son regard perçant.

- Vous êtes mort en effet Smaug le Doré, reprit-il. Je me nomme Mandos, Gardien des Maisons des Morts.

- Le Vala protecteur de Nefrea ? releva-t-il perplexe.

- Oui, acquiesça-t-il simplement. Vous êtes mort après avoir reçu la flèche noire et votre âme est venue ici dans mes Salles.

- Les dragons ne rejoignent pas les Salles des Morts.

- Cela était vrai jusqu'à ce que Nefrea vous libère de l'emprise de Melkor, expliqua-t-il. Vous êtes le premier dragon à mourir libéré de cette emprise néfaste et donc le premier à trouver son véritable chemin dans la mort. Je suis aussi surpris que vous, je ne m'y attendais pas. D'ordinaire, seule les créations d'Ilùvatar peuvent arriver ici. Mais vous êtes né de la terre d'Arda et Arda est née d'Ilùvatar. Quoi qu'il en soit, une voie nouvelle s'ouvre à vous dans la mort et s'ouvrira à tout les dragons qui seront libérés de l'emprise. Vos âmes arriveront ici à leur mort et je prendrai soin d'elles.

- Je veux retourner auprès de Nefrea, gronda-t-il. Je ne veux pas rester ici, dit-il en avançant rapidement sa grande tête presque contre le Vala qui resta de marbre. Laisse moi partir ! exigea-t-il.

- Ce n'est pas si simple. Vous êtes mort et cela n'est pas de mon fait. Vous avez fait preuve d'arrogance et vous avez trépassé en laissant Nefrea seul face à tout ce que cela implique, remarqua-t-il bien plus froidement avec une once de colère.

Brusquement, Smaug sentit les sensations et les images affluer en lui. Il vit, il vit ce que Nefrea avait vécu depuis sa mort. Il perçut son abominable souffrance, son désespoir, son envie de mort, de mettre fin à ce cauchemar. Il le vit s'effondrer dans la galerie. Il le vit pleurer et hurler, encore et encore comme si on était en train de déchirer son être, son âme un petit morceau après l'autre. Puis il le vit s'accrocher, déterminé à protéger la Montagne et son trésor en son nom alors qu'il réalisait que tous déferleraient bientôt sur lui. Il vit tout. Il avait l'impression qu'il ne s'était passé que quelques minutes depuis la flèche mais pour Nefrea, il s'était déjà passé des jours alors qu'il continuait à voir ce que son drakian vivait et qui défilait bien plus vite que le temps passant pour lui.

La culpabilité et la panique le saisirent. Il devait y retourner, y retourner sur le champs ! Il devrait y retourner pour protéger Nefrea des hordes qui allaient s'abattre sur lui, sur leur maison. Il voulait faire payer à ceux qui osaient venir l'importuner. Il devait y retourner pour s'occuper de lui et soigner cette atroce souffrance qu'il ressentait, faire cesser ses larmes. Il revint à lui tout en continuant à avoir connaissance de ce qu'il se passait pour son compagnon, un sentiment d'urgence impérieuse le prenant.

- Laisse moi partir ! gronda-t-il furieusement en faisant trembler les Salles des Morts.

- Vous allez pouvoir partir mais avant, vous avez un choix à faire, répondit-il calmement. Comme les elfes vous avez la possibilité de retourner à votre vie, revêtu de la même enveloppe charnelle qu'auparavant, en Terre du Milieu. Ou vous pouvez choisir la voie d'une nouvelle vie sans connaissance de la précédente. Votre âme sera alors restituée à votre mère la terre et elle vous fera renaître comme bon lui semblera.

- Ne m'as-tu pas entendu ?! Je veux retourner auprès de Nefrea ! claqua-t-il furieux de perdre plus de temps.

- Bien mais cette fois n'oubliez pas de ne pas renouveler cette erreur, trancha le Vala. Je tiens à lui, il m'est cher et je vous serai grès de ne plus jamais lui infliger une telle souffrance. Venez.

Il tourna le dos au dragon pour avancer vers un mur, une grande arche de pierre apparaissant subitement, emplie d'un voile vaporeux blanc luminescent. Il le suivit, focalisé sur le fait de retourner auprès de son compagnon. Mandos sourit légèrement en menant le premier dragon qu'il pouvait guider vers la suite. Smaug faisait son chemin dans la mort beaucoup plus vite que les âmes des autres peuples mettant bien plus de temps à parvenir à un tel stade. Mais il n'était pas surpris. Les dragons étaient extrêmement puissants. Ils avaient des âmes et des esprits francs, déterminés. Ils savaient ce qu'ils voulaient, doutant rarement, loin des nombreux questionnement et tergiversations, dilemmes intérieurs qui retardaient les âmes des autres ici. Ils acceptaient leurs émotions et leurs sentiments en se fichant de ce que les autres en penseraient, ils assumaient leurs actes sans plier. Cela faisait qu'ils pouvaient avancer plus vite.

Il avait été étonné, comme les autres Valar, de voir l'âme de Smaug venir ici. Mais il était le premier dragon libre de l'influence de Melkor. Aucun d'entre eux n'avait su avant ce jour ce qu'était la mort normale d'un dragon. Les dragons étaient les enfants de la terre, les enfants du monde et elle revendiquait leurs âmes pour elle. Il était assez logique que leurs âmes restent ici d'une manière ou d'une autre. La terre aimait ses enfants et si Ilùvatar n'avait rien dit à ce sujet, peut-être qu'il avait accepté de les laisser choisir entre un retour dans le girond de leur mère ou, comme pour les elfes, une résurrection dans le monde. Arda était la création d'Ilùvatar, la toute première à prendre vie, et les dragons étaient ses enfants. Alors comme pour les enfants d'elfes ou d'hommes, ils pouvaient arriver ici dans la mort. Smaug avait fait son choix sans même y penser, toute son attention tournée vers Nefrea qu'il brûlait de rejoindre, infiniment inquiet pour lui et cela prouvait son amour pour lui, faisant sourire le protecteur de l'istar noir.

Mais le chemin n'était pas fini. Cette décision prise, Smaug devait encore la voir Elle avant de réellement retourner en Terre du Milieu. Il passa le voile et le dragon le suivit, impatient et trépignant, l'air de se retenir de le brûler dans son agitation. Smaug passa et il cessa de voir pour arriver dans un espace où il sentit purement et simplement. Il percevait toujours la présence du Vala non loin mais il y avait aussi autre chose d'infiniment plus puissant et impressionnant, tellement qu'il se sentit minuscule et faible pour la première fois de sa vie. Pourtant, instinctivement, il sut ce que cela était comme une voix primaire que tout être avait fondamentalement en lui : la Mort. Elle était là pour lui faire face, gigantesque, incontournable, immuable, implacable, s'imposant à toute vie. Mais ce qui le surpris surtout fut de lui trouver une ressemblance certaine avec son drakian.

- Cela est normal Smaug le Doré, fit une voix qui semblait avoir entendu ses pensées. Nefrea est mon enfant. Il est logique que nous nous ressemblions, dit-elle en le surprenant.

La voix semblait venir de partout et de nul part, sans âge, sans genre, profonde et impérieuse.

- Toi qui dans la vie t'es lié à mon enfant, toi qui l'aimes et qui est aimé par lui, toi qui dans la mort a pour seul désir de retourner vers lui, es-tu sincère ? demanda-t-elle.

- Bien sûr ! claqua-t-il furieux que l'on puisse en douter.

- Vraiment ? Pèse bien tes mots dragons, prévint-elle. L'aimes-tu assez pour te lier à lui plus profondément encore ? L'aimes-tu assez pour lier ton âme à la sienne ? L'aimes-tu assez pour t'adapter à lui comme il l'a fait pour toi ?

- Évidemment ! Les dragons ne sont pas ces misérables qui marchent sur terre et qui pleurnichent, trahissent, trompent, exploitent et mentent à ceux qu'ils aiment, rétorqua-t-il férocement.

- Alors accepteras-tu de changer ta nature pour marcher à ses côtés dans cette vie et dans toutes les autres ? demanda-t-elle. Accepteras-tu de changer pour réellement pouvoir vivre avec lui, traverser les mêmes choses, l'accompagner en tout temps ?

- Changer de nature en quoi ? questionna-t-il de plus en plus impatient d'en finir alors que ce que Nefrea vivait continuait à défiler beaucoup trop vite.

- Accepteras-tu de le faire sans avoir de réponse à cette question ? Nefrea est mon enfant et je veux qu'il soit heureux. Que tu acceptes ou non, tu pourras le rejoindre. Si tu refuses, tu oublieras ta rencontre avec moi et tu retourneras à lui comme avant. Mais si tu acceptes, tu lieras ton âme à la sienne et tu pourras vivre avec lui comme jamais tu ne le pourras autrement. Tu pourras le rendre heureux comme tu ne le pouvais pas avant, marcher à ses côtés comme tu ne le pouvais pas avant. Je ferai en sorte que tu retournes auprès de lui de manière à pouvoir le chérir, l'aimer et le protéger, le combler comme il le mérite. Mais tu devras sacrifier une partie de toi, me laisser te changer. Accepteras-tu de faire cela pour lui ? questionna-t-elle lourdement alors que sa présence absolue l'envahissait totalement.

- La question ne se pose pas, rétorqua-t-il furieux qu'elle n'ait pas encore compris. Nefrea est mon plus précieux trésor, je ferai tout pour lui. Alors si cela peu le rendre plus heureux, le combler davantage, le protéger davantage je le fais sans hésiter une seule seconde ! Les dragons chérissent leur trésor comme il se doit et Nefrea est le sommet incontesté du mien !

Il y eut un moment de silence et un amusement teinté de tendresse et de reconnaissance, de satisfaction dansa autour de lui.

- J'aime les âmes comme la tienne dragon, fit la voix. Franche, sincère, entière et vraie, sans tergiversation ou demi mesure. Qu'il en soit ainsi, posa-t-elle solennellement.

Il sentit un puissant pouvoir s'infiltrer en lui et le changer, son esprit comprenant immédiatement ce que cela impliquait. Il sentit sa force grandir, son feu s'intensifier, enivré qu'il fut par tant de pouvoir brut et fondamental agissant sur son âme même.

- Tu retourneras auprès de Nefrea et ton âme sera liée à la sienne, reprit-elle alors que l'œuvre se poursuivait. Tu sais déjà comment son âme fonctionne dans la mort. Cela est parce qu'il est mon enfant. Ton âme liée à la sienne, il en sera de même pour toi. Si tu meurt, tu ressusciteras tel quel à ses côtés. Et le jour où Nefrea mourra et décidera de quitter ce monde pour un autre plutôt que d'y revenir, tu le suivras. Tu resteras dragon comme avant mais tu seras plus puissant et tu pourras, en prenant le chemin inverse de celui que Nefrea a emprunté autrefois, prendre une seconde forme comme il te plaira, une forme semblable à son apparence primordiale. Il a fait l'effort de passer beaucoup de temps en dragon pour toi, tu feras l'effort de passer un peu de temps sur deux jambes avec lui. Les deux lui sont nécessaires alors cela te sera nécessaire à toi aussi. Tu conserveras ta magie et ton feu. Nefrea était unique en son genre et si tu n'auras ni sa magie, ni ses pouvoirs, vos natures physiques seront les mêmes. Une nouvelle race naîtra. Vous serez Dragnir et vous marcherez ainsi ensemble. Je t'enjoins à bien veiller sur lui Smaug le Doré. Il a payé cher le droit d'être mené à toi dans cette vie. Il s'est battu et a souffert dans son ancienne existence dans l'espoir de trouver une maison, la paix, la chaleur et une âme pour l'aimer. Il a remplis sa mission pour moi jadis et je l'ai mené en Terre du Milieu en récompense. Je savais qu'il t'y trouverait et je suis heureuse de voir que jusque là, je ne me suis pas trompé en le menant à toi. Veille à ne pas me faire mentir.

- Je n'en n'ai pas l'intention, trancha-t-il. Maintenant, laissez moi partir ! rugit-il.

Brusquement, il vit de nouveau et une lumière brilla loin au dessus de lui, attirant son attention. Là, tout là haut, il distingua Nefrea roulé en boule et pleurant sur une surface sous laquelle il se trouvait vraisemblablement. Aussitôt, il alla vers lui, pressé, déterminé, y mettant toutes ses forces et sa rage, la seule idée de retrouver son compagnon et de l'avoir contre lui l'animant. Les dragons protégeaient et chérissaient ardemment leur trésor et Nefrea était ce qu'il avait de plus inestimable.

Les hommes partis, Nefrea se concentra sur la suite, s'accrochant de toutes ses forces pour tenir bon. Il fatiguait, éreinté par l'épreuve, par ces jours sans Smaug, par la souffrance du lien brisé et celle de la perte de son compagnon. Sa magie coulait toujours dans les protections et barrières englobant toute la montagne et son sous-sol. Elle coulait également dans ses perceptions magiques tenant toute la région à l'œil. Pour le moment, cela allait mais doucement, il fatiguait. Il fatiguait d'autant plus qu'il peinait à manger, à boire, à dormir, épuisé par sa lutte, ses larmes et ses cris. Mais il tenait. Cela ne le tuerait pas de toute façon, il le savait et il défendrait leur royaume aussi longtemps qu'il le faudrait. Il s'efforça de se reposer après le départ des hommes. Les elfes étaient restés où Thranduil les avaient posté à l'abri un peu plus loin, restant cependant à portée en surveillant les abords de la montagne et ce qu'il s'y passait. Quand aux autres, ils étaient toujours devant la grande porte à essayer d'entrer même si Gandalf disait que c'était inutile, qu'ils n'y arriveraient pas. Les nains l'avaient enjoint à venir leur parler mais il savait pour le sentir et les écouter à distance qu'il n'y avait nul discussion possible avec eux. Il restait donc sourd à leurs appels et il tentait de garder autant de force que possible.

Le jour du départ des hommes fut aussi le jour où il sut qu'il n'avait plus beaucoup de temps avant l'arrivée des autres. Les nains seraient certainement les premiers, suivis de près par l'armée d'Azog, qui évoluait étrangement sous terre, puis par celle venant de Gundabad. Ils seraient là à peu d'intervalle. Et il n'y aurait de discussion avec aucun d'entre eux. Les nains voudraient reprendre la montagne à tout prix et les orcs… et bien c'était la même chose. L'armée maléfique était cependant bien plus grande. Elle était faîtes de créatures diverses, de races diverses. Il le percevait dans leurs énergies mais il ne pouvait les identifier vraiment sans les avoir rencontré. Il y avait forcément des orcs et peut-être des warg dont-ils se servaient beaucoup d'après ce qu'il savait. Probablement des gobelins et certainement des trolls dans un assemblage assez classique. Mais il distinguait aux moins deux autres espèces de plus, toutes d'une agressivité, d'une violence, d'une soif de sang et de cruauté sans bornes, totalement contre nature et perverties, malfaisant au sens stricte du terme. C'était à se demander quel esprit fou avait fait naître de telles choses en de telles proportions et il était heureux de ne jamais croiser ce Melkor à l'origine de cela. Les observer de loin lui donnait la nausée par les sensations abjectes que ces choses dégageaient. Heureusement, ce n'était rien qui l'atteignait vraiment au point de l'affaiblir mais c'était assez pour qu'il comprenne ce qui arrivait.

Il s'efforça de s'économiser, de se préparer autant que faire ce peu, établissant plusieurs plans et idées. Il ne pouvait pas tuer mais il pouvait faire bien d'autres choses. Mais il pleurait encore et toujours sans contrôle, désespéré que Smaug ne soit pas avec lui pour cela. Se battre, il savait faire mais le faire sans lui dans cette situation paraissait insurmontable. Il le devait pourtant. Smaug pouvait revenir même si cela devait avoir lieux dans cents ans. Il ne doutait pas qu'il reviendrait. Il devait tenir leur maison pour qu'il puisse rentrer. Le jour suivant fut étrangement silencieux et sombre, angoissant et finalement, lorsque le soleil suivant se leva, il sut que cela était presque là. Les ciel chargé de nuages offrait un couvert parfait pour ces êtres fuyant le soleil. Il n'y avait pas un bruit comme si tout avait fuit ou se taisait pour passer inaperçu. Nefrea sentait pourtant les armées approcher, la terre vibrant de manière presque imperceptible pour les autres, de manière évidente pour lui. Ils étaient là.

Comme prévu, les premiers à arriver furent les nains, se présentant par la colline Est. Dés que la compagnie restée là les vit, ils galopèrent vers eux. Les ayant repérés, les guetteurs elfes partirent pour prévenir leur roi et dés qu'il serait mis au courant, Thranduil mettrait en marche son armée pour la rapprocher discrètement. La compagnie rejoignit les nains et Nefrea écouta, découvrant que celui qui les conduisait était Dain, le cousin de Thorin. La situation lui fut expliquée et comme prévu, il fut impensable pour eux de laisser la Montagne à un sorcier supposément obscure. Seulement, ils savaient déjà qu'ils ne pouvaient entrer, échafaudant des plans à base de machines tel que des béliers géants et des catapultes plus puissantes pour tenter de percer la porte.

Seulement, ils n'eurent guère le temps de faire quoi que ce soit qu'un abominable craquement grondant se fit entendre. Les immenses bêtes creusant le sol à la tête de l'armée d'Azog émergèrent, faisant serrer les dents de Nefrea percevant à quel point ces choses éventraient la terre et lui faisait du mal. Ce fut Gandalf bredouillant leur nom qui le renseigna sur ce qu'elles étaient : les grands mange-terre. Il les avait vu dans les livres. Les vers gigantesques se rétractèrent et quelques instants plus tard, les tunnels vomissaient des hordes de créatures nauséabondes et sanguinaires. De façon courageuse mais totalement folle vu le déséquilibre de nombre, les nains se lancèrent aussitôt contre elles alors qu'elles galopaient vers la Montagne. Nefrea entendit Gandalf tenter de les dissuader, conscient de la disproportion mais il ne fut pas écouté et tout ce qu'il put faire fut de garder le hobbit avec lui, à l'écart à l'abri le temps de voir comment les choses évoluaient.

Les nains entamèrent le combat avec hargne et détermination mais il était évident qu'ils n'étaient pas assez nombreux. Aussi, il ne fallut que peu de temps pour qu'une partie de l'armée déferle sur la grande porte, tentant de l'ouvrir, se jetant sur elle. Mais elle ne bougea pas, les protections et la magie de l'istar à l'œuvre. Un istar toujours roulé en boule sur le sol d'or de la galerie. Mener des batailles, il savait faire et il savait que se précipiter ne servirait à rien. Il devait d'abord tout prendre en compte pour agir correctement. Aussi, il ne bougea pas et attendit, toutes ses perceptions, tout ses sens actifs au mieux de leur capacité pour le renseigner sur tout ce qu'il se passait dehors. Ses barrières tiendraient, il n'avait aucun doute là dessus. Il avait le temps pour terminer d'établir une stratégie, pour voir comment l'ennemi réagissait face à la montagne close.

Toujours plus nombreux les orcs et tout ce qui pouvait les accompagner se jetèrent sur la montagne, tentant de grimper pour atteindre le balcon de garde sans savoir que la barrière magique les empêcherait d'y pénétrer de toute façon. Ils s'empilèrent de manière anarchique en voyant qu'ils n'arrivaient pas à escalader, sans avoir plus de succès. Nefrea les sentit, plus nombreux à chaque seconde, frapper frénétiquement ses barrières avec une sauvagerie hors de tout contrôle. Mais il attendit, patient, observant, conservant ses forces.

Cela dura un long moment, peut-être des heures sans que les hordes ne se fatiguent ou ne se lassent. Nefrea avait détecté une présence à Ravenhill, une présence qui beuglait des ordres. Le commandement de toute évidence. Thorin confirma lorsqu'il reconnut Azog mais il n'avait guère le temps de s'en soucier, les nains submergés comme on pouvait s'y attendre. Tellement qu'ils furent forcés de se replier à l'Est sur un surplomb, leur armée déjà considérablement diminuée. Ils se regroupèrent et devant leur échec, le nombre ridicule d'entre eux qu'il restait, l'armée ennemie les ignora totalement pour fuser vers la Montagne à l'horreur des nains. Nefrea détecta des attaques par le sous sol, les mange-terre tentant d'entrer par le dessous, creusant, s'écrasant sur ses barrières, déviant et tentant ailleurs plus haut, plus bas, plus à l'Est, plus à l'Ouest à tel point que la terre commençait à être traversée de nombreuses galeries. Mais ils n'arrivèrent à rien, stoppés bien loin des premières mines ou salles d'Erebor.

Il y eut les mange-terre en dessous et ce qui était certainement des catapultes et des machines de guerre au dessus avec l'armée. Ils se mirent à tirer sans logique sur la montagne, sans cesse, s'acharnant mais rien ne put ne serait-ce qu'égratigner sa maison. Une maison où Nefrea restait tranquille, observant, tentant de ne pas paniquer et de tenir le coup, le bruit et les chocs assourdissants à ses oreilles, raisonnant dans sa magie à travers ses barrières. Des protections qui remplissaient parfaitement leur rôle alors qu'il sentait aussi la rage de l'âme de la Montagne à être ainsi assaillie. L'envie furieuse de les éjecter tous loin de sa maison se mit à gronder en lui mais il se força à la raison. Il fallait attendre que l'autre armée arrive. Ainsi, ils seraient tous là et il pourrait concentrer et optimiser ses efforts. Cela devait prendre le moins de temps possible, sur une zone aussi étrécie qu'il le pourrait pour économiser son énergie et être plus efficace.

Les nains observèrent cela de loin, estomaqués et ils le furent d'autant plus lorsque la seconde armée arriva avec des êtres volants en plus, s'ajoutant à la marée répugnante tentant d'entrer à tout prix. Les chocs redoublèrent, des pierres furent larguées depuis le ciel et tout les ennemis furent finalement là. Ce fut presque au même instant que Thranduil arriva avec son armée, restant pourtant hors de vu, le roi s'avançant discrètement avec quelques uns pour voir et analyser la situation choqué lorsqu'il trouva le pied de la montagne submergé par l'armée d'Azog. Même le ciel était noir de ces chauve-souris. Il venait de voir son fils et Tauriel revenir vers lui, accourant depuis Gundabad pour les prévenir de l'arrivée de cette seconde horde. Et tout deux furent stupéfaits de voir la situation et d'apprendre rapidement par leur roi ce qu'il s'était passé, leur rencontre avec l'istar noir. Ils restèrent à l'écart, scrutant tout, semblant attendre un signe du gardien de la Montagne, semblant attendre de voir ce qu'il allait faire.

Tout ses ennemis bien là, engorgeant la vallée devant la grande porte, Nefrea décida qu'il était temps de bouger. Il défendrait ce royaume, pour Smaug. Personne n'y toucherait et il ne laisserait pas ces choses lui prendre son paradis même s'il était beaucoup moins beau sans son amour. Il commença à se redresser lourdement, rassemblant ses forces et son courage, regardant un instant son reflet dans l'or. Puis il se figea, percevant une présence semblant monter vers lui. Quel que chose remua dans le sol d'or et il le scruta. Une petite ombre lointaine y apparut et il se pétrifia totalement lorsqu'il crut y voir deux yeux d'or tellement connus. La magie de Smaug dans l'or était-elle responsable de cette vision ? Il n'en savait rien mais il resta à la regarder sans pouvoir s'en empêcher, happé.

La forme grandit et au plus elle avançait, au plus il sentait quel que chose s'animer et se raviver en lui. Brusquement, il comprit. Il comprit lorsque son lien brisé commença à se régénérer, flamboyant, prenant ses racines dans son âme même cette fois. Il n'y avait pas besoin de mot, il savait ce que cela signifiait. Les larmes montèrent pleines d'espoir et de joie. Il sourit à nouveau lorsqu'il vit la forme devenir plus nette pour révéler l'immense tête draconienne de son compagnon. Il montait vers lui, battant furieusement des ailes comme jamais il ne l'avait fait, ses yeux fixés dans les siens. Nefrea revint coller son front à l'or sans le lâcher des yeux, voulant se rapprocher autant qu'il le pourrait. La présence de son amour grandissait toujours plus, son lien avec lui se reconstruisait, débordant d'amour et d'une fulgurant intention protectrice, possessive comme seul Smaug l'était.

Il fut bientôt juste là et les portes de la Mort s'ouvrirent docilement pour le laisser passer. Il émergea de l'or mais ce ne fut pas un dragon qui en sortit. Ce furent tout d'abord deux mains à la peau d'une couleur rouge sang sombre saupoudrée de doré, comme la sienne était noire et couverte de poussière de mithril, qui firent leur apparition. Nefrea n'en fut pourtant par perturbé, sachant pertinemment, profondément que c'était bien Smaug. Les bras suivirent et l'étreignirent. Il se laissa faire, infiniment heureux. Un corps tout entier se montra ensuite, un corps qui avait la même nature que lui, avec les mêmes attributs. Seules les couleurs changeaient. Pour Smaug, il y avait cette peau bien sûr, des ongles, des yeux, des dents et des incrustations sur le front et entre les clavicules faites d'or pur. Une épaisse et longue crinière désordonnée d'un rouge sang clair était là et il y avait ce visage avec des traits plus humains mais dans lesquels il reconnu aisément son compagnon. Ils étaient francs, anguleux, marqués, très harmonieux. Il était magnifique, grand, très solide, sa musculature ferme et bien dessinée. Vêtu de rouge et d'or, il fut là à nouveau, le serrant dans ses bras avec force, leur lien totalement reconstitué.

Nefrea se fondit dans son étreinte, éclatant en sanglot, s'accrochant désespérément à lui. Mais il était infiniment heureux. Smaug était là. Il était revenu pour lui et s'il en jugeait par cette apparence et le lien d'âme puissant qui s'était construit, il avait accepté bien plus encore. Il savait que parce qu'ils avaient été lié, parce qu'ils s'aimaient profondément, il y avait une chance pour qu'Elle lui permette de revenir vers lui s'il acceptait consciemment le lien d'âme. Ce qu'il avait fait de toute évidence et cela le toucha profondément. La Mort n'était pas cruelle au point de le priver de cela même si cela ne serait jamais possible que pour son compagnon. Il savait que maintenant, plus rien ne pourrait plus lui prendre son amour et c'était une joie incommensurable. Il oublia tout le reste, focalisé sur la puissante chaleur tant aimée qui lui parvenait de nouveau, sur son odeur identique et plus puissante, sur sa magie et son âme, son esprit et son aura qui lui avaient tant manqué. Smaug l'étreignit, le cachant contre lui, l'attirant sur ses genoux en s'asseyant au sol. Et il le serra, caressant ses cheveux.

- Je suis là mon drakian, murmura-t-il de sa voix si distinctive. Je suis là. Tout ira bien et je ne te quitterai plus. Je suis là.

Nefrea pleura contre lui, se laissant cajoler, réalisant doucement, se faisant la remarque que la volonté de Smaug de le rejoindre devait être claire et gigantesque pour qu'il ait pu faire son chemin à travers la mort aussi vite. Cela ne fit que l'émouvoir davantage. Il finit pourtant par se calmer un peu, relevant le regard pour capter le sien, venant poser ses mains sur ses joues, souriant en retrouvant ces perles d'or en fusion qu'il adorait.

- Je t'aime, confia-t-il. Je t'aime. Je ne peux pas vivre sans toi alors s'il te plaît, s'il te plaît, ne fait plus jamais ça, pria-t-il.

- Plus jamais, gronda-t-il. Je ne laisserai plus rien nous séparer je te le promet. Je resterai avec toi à jamais.

- Si tu savais comme tu m'as manqué, gémit-il en revenant se blottir contre lui et en logeant son visage dans son cou.

- Je sais, j'ai vu tout ce que tu as enduré, tout ce qu'il s'est passé. C'est terminé maintenant. Je suis là et je ne laisserai plus rien te faire du mal.

Ils restèrent serrés l'un contre l'autre un bon moment avant que le bruit de l'armée qui assaillait leur domaine ne s'impose à nouveau dans leurs esprits.

- Je vais chasser ces vermines et leur faire regretter d'avoir osé poser un pied sur mes terres, grogna Smaug furieux. Je m'occupe de cela et ensuite, nous pourrons retourner dans notre nid, sourit-il.

- Je vais t'aider. C'est notre maison. Nous la protégerons ensemble.

Son compagnon approuva et ils se relevèrent ensemble, le doré soutenant le noir déjà affaibli.

- Je peux m'en charger seul drakian. Tu devrais te reposer, remarqua Smaug inquiet. Tu as protégé notre demeure admirablement, je peux terminer cela.

- Non, trancha-t-il avec un calme ferme. Je ne te laisserai pas le faire seul, pas comme la dernière fois, dit-il en serrant les dents hanté par cette nuit abominable.

- Alors allons-y ensemble, approuva Smaug en embrassant son front.

Déterminé, le couple se mit en marche, bien décidé à ramener l'ordre et la paix sur leurs terres, à chasser les nuisibles qui osaient y prétendre. Quelques instants plus tard, un craquement résonnait sur le balcon de garde au dessus de la grande porte. Nefrea y apparut, surprenant la marée qui lui faisait face en bas, les catapultes pilonnant le mur couvert de magie quand les béliers tentaient de défoncer la porte toujours intacte. Il apparut et il se mit en action sur le champs, sa volonté regonflée à son maximum avec le retour de sa moitié. Il ne restait plus qu'à faire le ménage puis ils pourraient retourner dormir sous son aile dans leur nid. Il tint son bâton devant lui, le plantant au sol. La pierre qui se trouvait dans gueule de la tête de dragon se mit à irradier d'une puissante lumière d'argent clair, ses yeux de mithril suivant le même chemin alors que des vagues lumineuses balayaient ses longs cheveux volant dans le vent avec sa cape. Il activa puissamment sa magie, son corps tout entier se nimbant de flammes couleur de mithril.

Une bulle de lumière pure explosa autour de lui, grandissant pour balayer plusieurs dizaines de mètres, donnant l'illusion d'un soleil blanc vaporeux que personne ne manqua. Les créatures malfaisantes hurlèrent de souffrance, s'agitant, reculant précipitamment dans un mouvement instinctif et désordonné. Toutes furent éblouies, les catapultes cessant leurs tirs alors que les béliers étaient abandonnés au sol, leur porteur reculant hors de la lumière qui s'éteignit progressivement alors que toute l'attention se portait sur l'istar noir, un moment de flottement étrangement calme prenant place. Aussi, personne ne manqua de voir la grande porte de la Montagne commencer à s'ouvrir lentement sous le magicien. Que se soit l'armée noire, les elfes ou les nains, tous fixèrent cela, se demandant ce qu'il se passait, ce que faisait l'istar. Une chose était certaine, sa puissance était palpable et gigantesque alors qu'il irradiait de cette magnifique aura d'argent blanc, ses yeux brillant comme des étoiles.

La porte fut finalement ouverte, tous fixant le noir à l'intérieur et si l'ennemi commença à se tendre pour s'élancer, ils ne purent jamais le faire. Un gigantesque et puissant jet de flammes fusa de l'entrée, balayant plusieurs centaines de mètres, carbonisant tout sur son passage alors qu'un mouvement de panique agitait l'armée malfaisante. Un tir et des dizaines furent réduit en cendres en un instant. La stupeur s'installa, tous regardant la porte en se demandant ce qui avait pu faire une telle chose, pensant en premier lieu à la magie de l'istar. Seulement, la réponse était autre et elle ne tarda pas à se montrer avec l'imposante tête d'un dragon émergeant de la grande porte. Elle apparut lentement, titanesque alors que la bête sortait lentement, grondante et furieuse. Le choc fut largement perceptible partout et pour cause : c'était Smaug le Doré.

Le dragon censé être mort était là à l'ahurissement général. Il était là, sortant de la Montagne. C'était bien lui, incontestablement. Seulement, il semblait encore un peu plus grand, plus puissant, plus dangereux. Son cuir était d'un rouge plus éclatant, parsemé d'écailles d'or, son armure de nouveau parfaite et sans faille. Ses cornes, ses pics, ses griffes et la membrane de ses ailes étaient parcourus d'un reflet d'or dans la lumière. Il apparut, grondant, imposant, se dressant finalement devant la grande porte qui se referma derrière lui alors que tout s'était figé devant lui. Soudain, il poussa un rugissement tonitruant qui fit trembler la terre et l'air, qui serait entendu à des centaines de lieux de là.

- Insignifiantes vermines puantes ! tonna-t-il furieux. Comment osez-vous poser le pied sur mes terres et prétendre à ma montagne ?! Ce royaume est mon royaume, celui de Smaug le Doré et Nefrea le Noir ! Nul ne peut le violer de la sorte sans périr dans mes flammes ! Vous immondes créatures nauséabondes, impures, crasseuses, difformes, abominations du tourment ! Vous n'avez que trop souillé et offensé ce domaine, son roi et son istar. Je vais vous réduire en cendres !

Sur le champ, son poitrail se fit de lave et il déversa un puissant jet de flamme, balayant l'espace devant lui en faisant naître un gigantesque éventail de feu calcinant tout en une seconde sur son passage. Dans le même temps, une fine colonne de lumière blanche fusa vers le ciel en provenance de Nefrea. Elle toucha les nuages une seconde plus tard et brusquement le ciel s'éclaircit totalement, les nuages s'enfuyant au loin à toute vitesse. Le soleil inonda la région avec puissance, faisant hurler l'armée ennemie alors que les trolls se pétrifiaient, transformés en roche par les rayons de l'astre du jour. Si beaucoup penseraient qu'ils étaient mort, l'istar lui, savait que la pétrification n'était pas une mort, réversible avec la magie appropriée. Cela était et restait une pétrification, lui permettant d'agir.

Smaug s'élança, prenant une impulsion pour s'envoler, balayant tout de puissantes bourrasques jetant au sol tout ce qu'il y avait alentours. Sans tergiverser, il alla droit vers Ravenhill sur laquelle il fut en une seconde, l'inondant de ses flammes, carbonisant Azog et son commandement sans tergiversation. L'endroit vide de vie, il retourna vers la vallée, crachant de longs jets de flammes sur la marée d'orcs, de gobelins et de wargs au sein desquels la panique s'était déclenchée, le chaos régnant dans leur fuite anarchique des flammes et de la lumière faisant briller Smaug dans le soleil. La tempête levée par les ailes du dragon jetait à bas les chauves souris incapables de résister à une telle puissance de vent.

On vit une vague de lumière blanche balayer la vallée et provenance de l'istar, l'ennemi lâchant soudain ses armes comme brûlé par leur contact, cherchant désespérément à se débarrasser de leurs armures que le magicien faisait chauffer, pas assez pour risquer leur mort mais suffisamment pour que cela soit difficilement supportable et douloureux. Un chaos sans nom régnait, les catapultes et autres équipements tombant en miettes sous la magie de Nefrea. On vit un puits apparaître dans le sol au centre de la vallée, Smaug se posant près de lui pour y cracher son feu. Des plaintes stridentes s'élevèrent de la terre puis les mange-terre en émergèrent précipitamment, hurlant, lourdement brûlés alors que le feu sous pression dans les galeries les assaillait. Smaug tourna sur lui même, libérant toujours son feu plus fort que jamais, déclenchant une tempête ardente qui prit toute la vallée. Il s'envola à nouveau pour en faire de même dans le ciel, embrasant les chauve-souris.

Le spectacle fut stupéfiant et terrifiant pour les observateurs figés, l'armée ennemie décimée en un rien de temps. Smaug rappelait à tous à quel point les grands dragons de feu étaient puissants, pourquoi ils étaient si redoutés, pourquoi ils étaient reconnus comme parmi les plus formidables d'Arda, pourquoi leur espèce avait donné tant de mal aux Valar dans les anciennes guerres. Ce fut la débandade complète pour l'armée d'Azog réduite à peau de chagrin plus vite qu'on ne put réaliser ce qu'il se passait. Bientôt, il ne restait plus qu'un champs de cadavres calcinés, des équipements brisés, des trolls pétrifiés, des dépouilles de mange-terre agonisants et quelques créatures perverties fuyant désespérément la fureur du dragon.

Smaug balaya son domaine des yeux depuis le ciel, satisfait. Il jeta un coup d'œil vers son compagnon dont la lumière s'éteignait, sa magie se résorbant. Il se tenait droit, noble et fier, magnifique baigné de soleil avec ses cheveux et sa cape volant dans le vent. Pourtant, il sentait son épuisement total aussi bien physique que magique et mental et il brûlait de le rejoindre pour s'occuper de lui. Mais avant, il avait encore des messages à faire passer. Aussi il fusa à l'Est vers le reste des nains, atterrissant brusquement sur le sommet de la colline derrière laquelle ils s'étaient retranchés. Et pour une fois, les nains faisaient preuve de raison en se repliant rapidement. Smaug les fusilla du regard, hurlant vers eux avec une rage monumentale, sûr d'être entendu :

- Vous, maudits nains ! gronda-t-il. La Montagne Solitaire et ses terres sont mon royaume ! Son trésor, mon trésor ! Osez vous approcher à nouveau de mon domaine et je vous anéantirai avant de me faire une joie de visiter chacun de vos trous immondes pour carboniser votre peuple ! menaça-t-il en une promesse mortelle et certaine. Je suis le Roi Sous la Montagne !

Pour faire bonne mesure, il cracha un puissant jet de flammes qui alla roussir quelques arrières trains, ricanant aux couinements de ses proies. Puis il se détourna pour s'envoler à nouveau, direction l'armée elfique cette fois. Celle-ci n'eut pas le temps de bouger que le dragon atterrissait face au roi, faisant trembler le sol alors qu'il s'agrippait à la paroi de roche en haut de laquelle ils étaient perchés. Conscient qu'ils ne pourraient fuir à temps, Thranduil fit signe de ne pas bouger, faisant face au dragon aussi dignement et calmement que possible, tentant de montrer une assurance qu'il était loin d'afficher intérieurement. Smaug ricana devant la peur évidente émanant de l'armée elfique, se concentrant sur le roi choqué de le voir en vie.

- Quelle magie est-ce là ? bredouilla-t-il en admettant enfin qu'il s'agissait bien de Smaug le Doré censé être mort à Esgaroth.

- Pourquoi es-tu à ce point sidéré petit elfe ? s'amusa le dragon se tenant avec toute la majesté qui était sienne. Les elfes ne sont pas les seuls à pouvoir revenir des Salles de Mandos, fit-il en surprenant plus encore l'armée devant lui.

- C'est impossible, fit Thranduil.

- Impossible ? Je suis Smaug le Doré. Je suis le Roi Sous la Montagne. Rien n'est impossible pour moi et même la mort se saurait m'arrêter. Je suis la fureur de la terre, le seigneur du ciel et la flamme éternelle. Je suis l'héritier des grands dragons. Je suis le roi des dragons. À qui crois-tu parler ? susurra-t-il.

Il y eut un moment de silence tendu, les elfes n'en manquant pas une miette, se demandant quel sort le dragon leur réservait. Celui-ci rit doucement en captant leur tension, l'air de s'amuser à les tourmenter.

- Un accord a été passé entre toi et Nefrea le Noir en mon nom, reprit-il plus sérieusement. Nefrea est l'istar des dragons, l'istar de Mandos, l'istar de la Montagne Solitaire. Il me plaît de respecter cet accord pour le moment, s'amusa-t-il un peu moqueusement. Seulement, si toi ou ton peuple osez le rompre de la plus petite manière qui soit, manquer de respect à ce royaume et à ses lois, mettre un pied sur mes terres sans permission, sans y avoir été invité et je viendrais vous brûler vifs toi, ta forêt de papillons magiques et ton peuple. Est-ce clair ?

Thranduil lui donna un signe de tête d'assentiment, surpris de voir le dragon accepter de négocier de la sorte, de le voir respecter l'accord qu'il avait passé avec Nefrea.

- Tant que tu respecteras cela, je respecterai ce que Nefrea a promis : la paix.

- L'accord sera respecté. Je n'ai qu'une parole, assura-t-il gravement.

- Nous verrons cela, fit Smaug. Encore une chose avant que vous ne déguerpissiez de mes terres. Nefrea le Noir est sous ma protection, claqua-t-il. Il est bien au dessus de vous. Vous qui adorez la lumière de la lune et des étoiles, vous devriez le vénérer comme il se doit. Nefrea est l'incarnation d'Ithil, fit-il en les stupéfiant, il est le seigneur d'argent de la lumière de la nuit. Il est le porteur de la renaissance de Telperion, révéla-t-il en terminant de totalement les sidérer. Je ne tolérerai pas moins que le respect absolu à son égard. Il est l'istar des dragons et il est mon égal en ce royaume. Ose encore te présenter devant lui en pensant pouvoir lui réclamer quoi que ce soit comme tu l'as fait et je te dévorerai, jura-t-il.

Sans un mot de plus, l'immense dragon reprit son envol pour regagner son antre. La grande porte s'ouvrit toute seule devant lui alors que l'istar n'était plus sur le balcon, disparu. L'armée elfique stupéfaite le regarda rejoindre sa demeure puis, conscient que la patience du dragon était éphémère, Thranduil sonna la départ pour regagner leur royaume, peinant à se remettre de tout ce qu'il s'était passé et de tout ce qui avait été dit.

Bien loin de cela, Smaug retourna dans sa montagne, focalisé sur l'idée de retrouver son compagnon. Celui-ci l'attendait dans le hall, dans sa forme de dragon de mithril qu'il n'avait pas arboré depuis sa mort. Il avait l'air absolument épuisé, éreinté, chancelant sur ses pattes, respirant lourdement, les ailes et la tête basse. Il le rejoignit sur le champs, se collant contre lui en un soutient solide, venant caresser son cou et sa tête de la sienne en grondant avec réconfort. Nefrea se blottit contre lui avec joie, leurs queues s'enroulant l'une autour de l'autre. Ils se câlinèrent ainsi un moment avant que le roi ne pousse son compagnon à avancer avec lui, le soutenant indéfectiblement.

- Viens drakian. Allons nous reposer dans notre nid. C'est fini. Tout ira bien maintenant.

Nefrea approuva, la gorge serrée et doucement, ils rejoignirent leur nid où il n'avait pu mettre le pied sans son compagnon. Smaug le guida patiemment et ils disparurent dans leur trésor. L'istar sentit son compagnon s'enrouler autour de lui, le couvrir de son aile et déposer sa tête tout contre la sienne. Il se colla à lui autant qu'il le pouvait, retrouvant sa présence, son aura, sa magie, son odeur et sa chaleur avec une joie indescriptible. Il se détendit lorsque l'aile de Smaug le serra avec délicatesse comme il en avait l'habitude et enfin, il fut bien à nouveau. Totalement à bout de force mais les choses étaient rentrées dans l'ordre. Smaug était revenu vers lui en acceptant le lien d'âme, prouvant largement son amour et sa détermination. Ce cauchemar était terminé et son paradis pourrait à nouveau revenir et s'installer. Il se refusa à penser à quoi que ce soit. Tout le reste pouvait attendre, le monde pouvait attendre. Tout ce qui comptait était de rester là et de terminer de s'assurer que Smaug était bien de retour, de retrouver leur paix. Leur lien éclatant et puissant le rassurant sur la réalité, comme les cajoleries de son compagnon et la douce mélodie de grondement graves apaisant qu'il chantait lorsqu'il voulait le détendre et le relaxer, il s'endormit, plus certain que jamais que Smaug était son plus grand trésor.

Lorsque Nefrea se réveilla, ce fut avec une sensation de plénitude et de confort, de sécurité et de chaleur qui lui fit penser un moment que son calvaire, que la mort de Smaug, n'avait été qu'un cauchemar atroce. Mais cela avait été la réalité et il s'en souvint en se réveillant. Il n'eut pourtant pas le temps de s'y attarder que l'aile qui le couvrait se resserrait sur lui, un grondement apaisant résonnant alors qu'un nez chaud venait effleurer sa tête. Il s'apaisa, se gorgeant de tout ce qui faisait la présence de son amour, ouvrant les yeux pour trouver Smaug occupé à le câliner délicatement. Il leva le nez pour aller à la rencontre du sien, heureux de se réveiller avec lui dans leur nid comme avant. Il se colla contre lui avec joie, glissant sa tête sous celle du dragon rouge, roucoulant naturellement.

- Tu m'as tellement manqué, confia-t-il finalement. Tellement. Tu es ce que j'ai de plus cher. Je ne veux pas te perdre. Tu es tout pour moi.

- Je suis là maintenant, rassura-t-il. Cela ne se reproduira jamais. Je ne laisserai plus jamais cela arriver et quoi qu'il arrive, je reviendrai toujours vers toi.

- Je savais que tu reviendrais. Je n'en n'ai pas douté un instant.

- J'ai vu Mandos et j'ai vu ta mère.

- Mandos aussi ? s'étonna-t-il.

- Oui. Il semble que sans le pouvoir de Melkor en nous, les dragons ont accès aux Salles de Mandos avec pour possibilité de ressusciter comme le font les elfes ou de laisser notre âme retourner à la terre pour qu'elle nous donne une nouvelle vie comme elle le souhaite. Alors je l'ai vu.

- C'est une excellente nouvelle. Je pensais que tu ne verrais qu'Elle.

- Je l'ai vu après Mandos et elle m'a proposé le lien d'âme et de devenir comme toi.

- Et tu as accepté, sourit-il touché.

- Bien sûr c'est évident. Je ne comprend même pas que ces deux imbéciles se soient posés la question, s'agaça-t-il en le faisant rire.

- On va rester ensemble très très longtemps alors, soupira-t-il avec bonheur.

- Aussi longtemps qu'il sera possible.

- Je t'aime Smaug le Doré, fit-il avec tendresse.

- Le mot aimer est trop insignifiant pour ce que moi je ressens pour toi, répondit-il avec une arrogance qui amusa son compagnon.

Ils se câlinèrent un moment dans un calme apaisant, Nefrea se réinstallant contre son compagnon pour ne plus bouger, encore fatigué.

- Tu devrais manger et boire, remarqua Smaug. Puis nous dormirons encore. Reprend ta forme primordiale, tu n'as pas la force d'aller chasser. Je peux faire de même avec toi maintenant.

- Tu manges avec moi ? demanda Nefrea enthousiaste.

- C'est vraiment bon tes fruits et ta verdure ? questionna-t-il critique et dubitatif.

- Moi je trouve ça très bon, s'amusa-t-il. Mais il faut goûter avant de juger, taquina-t-il.

Grommelant un peu, Smaug approuva pourtant et tout deux passèrent à leur forme humanoïde. Cette fois, Smaug prit le temps de se regarder, perplexe, Nefrea en faisant de même, savourant son corps athlétique, très beau avec sa peau rouge sombre aux reflets dorés et ses ornements et attributs d'or, sa tenue teintée des deux couleurs. Le roi sous la montagne semblait critique vis à vis de cette apparence et Nefrea sourit, venant se glisser dans ses bras en enroulant les siens autour de lui. Presque immédiatement, Smaug lui rendit l'étreinte, fourrant son nez dans ses cheveux pour respirer son odeur.

- Ne t'en fait pas, tranquillisa Nefrea. Tu es absolument magnifique et majestueux comme ça aussi.

- Tu aimes ? demanda son compagnon.

- Autant que je t'aime en dragon, assura-t-il en le détendant. Et tu pourras toujours utiliser ta magie et ton feu dans cette forme aussi. Tu pourras te faufiler partout comme ça.

- Hum, c'est un avantage plaisant, concéda-t-il.

Il soutint l'istar en le sentant toujours faible, le faisant asseoir dans leur trésor avec lui, l'installant tout contre lui en le poussant à faire apparaître nourriture et eau. Il fut presque hilarant pour Nefrea de voir les réactions de son compagnon aux aliments végétaux qu'il goûta avec lui, tantôt dégoutté, surpris ou appréciateur. Très vite cependant, l'intérêt de Smaug fut éveillé par les baies de feu, un petit fruit magique dont-il avait amené les graines de son ancien monde. Un fruit fragile, déjà très rare dans son premier monde, difficile à faire pousser, nécessitant une magie élémentaire délicate. Mais Nefrea maîtrisant désormais cette magie y arrivait très bien même s'il avait fallut du temps pour les faire pousser ici. Ce n'était pas une plante qu'il fallait presser. Cela en valait pourtant la peine alors que ces baies de la taille de myrtilles et de la couleur de l'or, reluisant légèrement de lumière, étaient son pêcher mignon. Elles avaient un goût incroyable, unique, piquant, épicé et sucré. Surtout, elles étaient nourrissantes, revigorantes et aidaient à recharger la magie de celui qui les mangeait.

Comme lui, Smaug les adora, étonné de trouver un fruit bon, faisant rire son compagnon. Cela attisa sa curiosité pour goûter d'autres choses insolites même s'il fut très difficile, sa préférence allant vers des aliments magiques sans grande surprise. Ils passèrent un moment amusant à manger, assis l'un contre l'autre, Smaug s'improvisant critique culinaire avec un air tatillon qui finit par faire exploser de rire Nefrea s'affalant contre lui, laissant définitivement cet épisode dramatique derrière eux.