Résumé : "Tetsurō se réveilla en sursaut en entendant la porte d'entrée claquer.
— Yo, c'est moi !
Natsume ? Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Elle n'était pas censée revenir avant une semaine !
Il entendit sa sœur remonter le couloir menant jusqu'à sa chambre. Il baissa les yeux : eh merde ! Il ne faisait aucun doute que sa sœur allait venir jusqu'ici, elle savait pertinemment qu'il était là, et elle ne connaissait absolument pas le principe de l'intimité. Elle allait ouvrir la porte et tomber sur lui, allongé dans son lit avec trois hommes à moitié à poil entassés sur lui. Hors de question !"
Chapitre 59 : Retour au bercail 3
La maison était plongée dans le noir. Le vent, mué en brise nocturne, tapotait sur les fenêtres, le réfrigérateur ronronnait paisiblement. La nuit était jeune, mais les animaux nocturnes s'étaient déjà éveillés, une chouette de l'Oural ulula, les criquets chantaient paisiblement.
Le calme fut soudainement brisé.
— Allume, allume, je vois rien là !
Derrière la porte, les voix étaient encore étouffées.
— Mais éclaire là où je regarde, pas à 5 mètres !
— Mais c'est ce que je fais !
— Mais non, là... Ok c'est bon je les ai.
On entendit les clés rentrer dans la serrure, et la porte se déverrouilla.
Keiji, Kenma, Kōtarō et Tetsurō échappèrent un soupir de soulagement en pénétrant dans la maison.
— Bordel, j'ai cru qu'on n'y arriverait jamais...
Tetsurō dut s'accouder au mur pour reprendre son souffle avant de retirer ses chaussures.
Kenma manqua de tomber en avant, rattrapé in extremis par Keiji qui n'en menait pas large non plus.
La soirée avait pourtant si bien commencé...
Ils avaient atterri à Sapporo en fin d'après-midi et étaient partis récupérer la voiture de location qu'ils avaient louée via internet. Kenma et Tetsurō avaient prévu le coup : ils savaient pertinemment que s'ils voulaient un tantinet se balader pendant leur séjour, ou même simplement aller faire des courses, il leur fallait absolument une voiture. Ils avaient décidé de prendre une route un peu plus longue, pour pouvoir longer la côte sur quelques kilomètres. Diable, Kuroo avait presque oublié comme sa terre natale pouvait être belle, pas de ville grondante, juste la nature, et la mer à perte de vue. Ils s'étaient finalement arrêtés au bord de la route pour marcher jusqu'aux falaises un peu plus loin, là où le crépuscule se mêlait à l'eau salée. Le spectacle avait été magistral.
Les soucis avaient commencé lorsqu'ils étaient retournés à la voiture : impossible de redémarrer. Kenma était furieux, à peine 2h de vie pour une location, ils allaient entendre parler d'eux ! Après une bonne dizaine de minutes à jurer, tout en essayant tout de même de trouver une solution, ils s'étaient décidés à appeler l'agence, qui bien entendu était fermée depuis déjà une bonne heure. Ils avaient tenté d'appeler une dépanneuse, mais avaient bien vite compris que personne ne viendrait les secourir un dimanche soir au fin fond de la campagne. Ils n'avaient eu qu'une solution : laisser la voiture sur place et rejoindre leur destination à pied. Les deux premiers kilomètres s'étaient faits plutôt facilement, ce fut après que tout se compliqua. La route devint impitoyablement pentue, les bagages commençaient à se faire lourds, et Kōtarō, qui ne pouvait pas encore parcourir de si longue distance, marchait extrêmement lentement, s'arrêtant toutes les cinq secondes pour reprendre son souffle, tentant désespérément de faire du stop dès qu'il entendait des bruits de moteur. Pour sa sécurité, ils avaient décidé de le porter pour éviter qu'il ne se fasse mal. Alors qu'ils avaient prévu d'alterner, Tetsurō s'était retrouvé le seul à pouvoir décemment porter les 80 kg de son partenaire, ce qui les avait davantage ralentis. Kōtarō avait fini par reprendre sa marche à un kilomètre de l'arrivée, voyant bien que Kuroo n'irait plus très loin s'il devait continuer à le porter. Tetsurō n'avait jamais été aussi ravi de voir sa maison.
Une fois déchaussé, Tetsurō fit quelques pas à l'intérieur, les jambes flageolantes. Il n'alla pas bien loin et finit par s'étendre parterre, à bout de souffle. Keiji se laissa glisser contre le mur, et Kenma ne réussit pas à passer le pas de la porte et s'écroula dans l'entrée. Seul Kōtarō resta debout, allumant les lumières, commençant à détailler avec enthousiasme l'intérieur de la demeure. Requinqués par son ton enjoué, ses partenaires se levèrent finalement, et peu à peu, ils se détendirent. Après un rapide tour du propriétaire, ils s'installèrent dans le salon, discutant gaiment.
Kenma se releva pour partir dans la cuisine.
— Tu fais quoi ? demanda Tetsurō.
Kenma avait le nez dans les placards. Bien qu'il n'y ait pas mis les pieds depuis une décennie, il connaissait la maison comme sa poche.
— Je vérifie si ta mère a gardé sa cachette.
— Sa cachette de quoi ?
Kenma ne répondit pas. Kuroo le vit ouvrir l'un des placards avant de s'y engouffrer, fouillant à l'intérieur.
— Ça ! finit-il par déclarer.
Il se redressa et se tourna, une bouteille de saké dans une main, une de whisky dans l'autre.
Kuroo pouffa.
— Yeah ! s'exclama Kōtarō.
Keiji se redressa, marchant jusqu'à la cuisine pour rejoindre Kenma qui avait commencé à sortir des verres. Il plaça une main sur l'épaule du blond et attrapa son regard :
— Je ne t'ai jamais aimé autant qu'en cet instant précis.
Le blond pouffa, puis releva la tête pour l'embrasser.
Kuroo se leva à son tour.
— La dernière fois que t'as mis les pieds ici t'avais quoi, 13 ans ? T'avais déjà repéré où se trouvait l'alcool ?
— Évidemment, je savais bien que ça serait utile un jour. Kōtarō, viens là, demanda-t-il en finissant de servir les verres.
Ce dernier vint les rejoindre, s'accoudant à l'îlot de la cuisine. Ils prirent tous un verre.
— À notre séjour, Kanpai, dit Kenma en levant son verre de sake.
— Kanpai, répondirent les trois autres en chœur.
Ils engloutirent leur verre d'un seul coup.
-/-
La soirée était déjà bien entamée lorsqu'ils sortirent dehors. Après avoir dégusté le repas que la mère de Tetsurō leur avait laissé de côté, ils avaient décidé de faire un tour dans le village, et ceux même s'ils avaient déjà pas mal de kilomètres de marche au compteur. Il fallait bien qu'ils promènent leur bouteille de whisky, la pauvre avait passé tant de temps au fond d'un placard !
Kuroo et Kenma se remémoraient les souvenirs qu'ils avaient forgés ensemble en ces lieux, la nuit aidant à réanimer les images du temps devant leurs yeux. Leurs partenaires les suivaient sur ce chemin, posant parfois des questions, ne se lassant visiblement pas de les entendre conter leurs aventures d'antan.
Ils revinrent en arrière, retournant sur le chemin de la maison. Alors qu'ils n'étaient plus qu'à quelques mètres de leur destination, ils passèrent non loin d'un petit chemin tracé à travers les hautes herbes.
Kenma s'arrêta devant. Kuroo lui prêta un regard discret. Il savait pertinemment où ce chemin menait, il ne savait juste pas si le blond était prêt à y remettre les pieds. Peut-être qu'il ne voulait pas prendre ce chemin mnésique, le laisser dans le passé valait peut-être mieux.
Kenma sourit.
Kuroo aussi.
— Là bah, y'avait ma maison, finit-il par annoncer.
Keiji et Kōtarō se retournèrent d'un coup.
— Oh! On peut y aller ?! s'empressa de demander Kōtarō.
Le blond hocha la tête et s'engagea sur le chemin, suivi de ses trois partenaires. Les petits cailloux roulaient et craquaient sous leurs pieds. Finalement, les courbes de la maison au bout du chemin leur apparurent dans la nuit. C'était un lieu étrange : alors que la plupart des maisons aux alentours étaient faites de bois, respectant une architecture plutôt traditionnelle, la maison face à eux n'était qu'un étrange bloc de béton blanc, détonnant avec la nature autour. Un délire d'artiste des années 70s qui était longtemps resté invendu à cause de son allure peu commune. Les parents de Kenma devaient l'avoir acheté pour pas grand-chose, et il ne faisait aucun doute qu'ils avaient dû peiner à la revendre.
— J'avais oublié à quel point elle était moche cette baraquasse, ricana le blond.
Personne ne vint le contre-dire.
— Mes parents avaient galéré à la revendre, je vois mieux pourquoi maintenant.
Kuroo éclata de rire.
— Hmm, c'est vrai que je comprends toujours pas ce qu'elle fout là.
— Franchement, ils auraient dû la raser et garder le terrain... Elle est encore habitée ?
— Je sais pas, dit Kuroo.
— Quoi tu sais pas, c'est tes voisins ?!
— J'ai pas suivit l'historique depuis un moment ! J'en sais rien.
Kenma fit quelques pas, faisant le tour du jardin des yeux.
— Bon en tout cas ya personne, ya pas de voiture.
— Ils ont peut-être pas de voiture, hypothésa Kōtarō.
Kenma et Tetsurō se tournèrent vers lui, haussant un sourcil : pas de voiture dans un endroit aussi pommé ? Non, impossible.
— Bah je sais pas, ya pas de voiture devant la maison de Tetsu.
— Hum, peut-être qu'eux aussi ils sont tombés en panne au milieu de nulle part et ils ont dû rentrer à pied, fit sarcastiquement Kenma.
— Peut-être.
— Non, ya personne...
— Ils sont peut-être partis en vacances, proposa Kuroo.
Kenma hocha la tête. Il détailla une nouvelle fois les alentours et finalement ouvrit le petit portail menant au jardin. Le fait qu'il soit déverrouillé n'était pas étonnant, personne ne fermait quoi que ce soit ici.
— Qu'est-ce que tu fous !
— Chut, venez !
Bien que sceptiques, ses partenaires obtempérèrent, marchant à pas de loup derrière lui.
Ils passèrent derrière la maison. Là, se trouvait une vieille échelle en métal, posée contre la façade.
— Bingo !
Kenma fut le premier à emprunter l'échelle. Les trois autres le suivirent, le bruit du métal détonant avec la nuit. Ils arrivèrent sur le toit, tout plat, balcon sur la nuit noire s'étirant tout autour.
— C'est le seul truc à peu près bien avec cette maison, déclara le blond. Regardez.
Il avait levé le regard.
Au-dessus de leur tête s'étendait le manteau stellaire de la nuit. Des milliers d'étoiles scintillaient à perte de vue, aucune lumière ne venant polluer leur présence. Le spectacle était splendide.
Keiji fut le premier à s'assoir, ne lâchant pas le ciel des yeux. Un sourire avait glissé sur ses lèvres. Kuroo vint s'assoir à ses côtés, reposant sa tête sur son épaule. Kenma s'assit à leur droite, Kōtarō continua de faire le tour du toit, détaillant chaque recoin du ciel.
— Oh, là, regardez, on voit la lyre, s'enthousiasma ce dernier, désignant un point du ciel.
— Où ça ?
— Là, tu vois le losange avec genre une queue ?
— Le losange avec une queue ?
— Oui là ! Celle qui brille au bout c'est Véga. Et au-dessous on voit l'aigle, celle qui brille au bout c'est Altaïr, et un peu au-dessus, on voit le petit renard.
— Le petit renard ? Jamais entendu parler de celle-là !
— Je ne voit rien qui pourrait s'apparenter de près ou de loin à un renard, dit Keiji.
— Il faut juste un peu d'imagination aussi... Bon c'est vrai que je vois pas trop pourquoi elle s'appelle comme ça mais bon.
Tetsurō sourit, ravi de voir son partenaire si enthousiaste.
— Je savais pas que tu t'y connaissais autant Kō.
— Hum... j'en ai oublié pas mal... On voit rien à Tokyo.
Sans lâcher le ciel des yeux, il partit s'assoir derrière Kenma, étendant ses jambes de chaque côté pour que le blond s'installe contre lui.
— Je vais te faire mal Kō là...
— Mais non !
Il le poussa en arrière pour qu'il repose contre lui. Kenma se laissa faire, mais réajusta sa position pour que sa tête repose sur son torse sans avoir à appliquer de pression sur le ventre de Kōtarō.
Le silence tomba, simplement fait de musique nocturne, d'air frais et d'étoiles.
— Tu vois...
Kōtarō avait parlé à voix basse.
— Quand je vois tout ça, je repense à tout ce qui a mené jusqu'ici, le nombre d'étoiles qui sont nées, puis mortes, la poussière qui s'est agrégée pour former des planètes, des galaxies... Je pense au fait que le carbon qui compose toute chose vient à l'origine de toutes ces étoiles qui ont un jour explosé...
Kuroo tourna les yeux vers lui.
— Et je me dis que peut-être que l'on est fait de la poussière d'une même étoile, que quelque chose, au plus profond de nos atomes nous lit, que c'est pour cela que l'ont à finit par se retrouver, par la gravité... Parce que nous sommes faits de la même étoile.
Tetsurō l'avait écouté parler, ému de la beauté de ce qu'il venait de dire. Il le savait poète, parfois. Mais c'est surtout le voir si apaisé qui le saisit le plus.
Kenma éclata de rire, brisant l'atmosphère douce que Kōtarō avait établie.
— Ça a pas marché à l'époque, tu crois que ça va marcher aujourd'hui ?
Kuroo haussa un sourcil, surpris.
— De quoi ?
Kenma rit encore. Kōtarō ne semblait pas vexé de sa réaction, il reposa sa tête dans les cheveux de son partenaire, lui aussi à deux doigts de rire.
— J'ai raté un truc, c'est quoi l'histoire ? demanda Tetsurō.
Voyant qu'aucun des deux n'allait lui répondre, il se tourna vers Keiji, qui souriait aussi.
— Quand nous étions au lycée, nous sommes partis un été avec des amis en voyage scolaire, commença à raconter Keiji, nous avions déjà confié nos sentiments à Kenma.
— Mais cette tête de mule ne voulait rien entendre... Fallait bien trouver comment le séduire. Du coup c'est ce que je lui aie dit un soir quand on regardait les étoiles, compléta Kōtarō.
— Et ça a pas marché.
— Pff, ça a marché, sinon tu serais pas là.
Kenma sourit, se laissant tomber dans l'étreinte de son partenaire.
— C'est très jolie... dit Kuroo. Mais c'était ya combien de temps ?
— Hum, je sais pas... cinq ans je crois, un truc comme ça.
— Bah dépêche-toi alors.
— Pourquoi ?
— Toutes les cellules de ton corps se renouvèlent tous les sept ans, pas dit que statistiquement, le carbone vienne de la même étoile.
Kōtarō prit une mine déconfite, et Kenma explosa de rire. Son partenaire haussa un sourcil.
— Pff, m'en fout -il posa un baiser dans la nuque de Kenma- j'ai plus besoin de ça.
Kenma n'y trouva rien à redire. Il n'argumenta pas pendant quelques secondes, avant d'intervenir de nouveau :
— N'empêche, quel move naze de lover... Genre t'y crois à ton machin.
— Humm... ça a marché, m'en fout... Fallait bien que je trouve un truc, puisque ce n'était pas mon musque naturel qui allait faire son effet, avec ton funky nose.
Kenma pouffa à la remarque, Keiji aussi. Un sourire malicieux avait glissé sur les lèvres de Kōtarō.
Kuroo les observa chacun leur tour, il avait définitivement raté un épisode :
— De quoi ? Ton musque, funky ? De... quoi?
— Bah oui, je pouvais pas trop compter sur ça et puis, il se stoppa en voyant la tête que tirait Kuroo, bah non mais tu vois ?
Kuroo ne voyait absolument pas.
Kōtarō cligna des yeux, incrédule. Kuroo l'imita, tout aussi incrédule.
Keiji tourna le regard vers Kenma.
— Tu ne lui as jamais dit ?
Le blond leva les yeux au ciel :
— Pour quoi faire ? Pas comme s'il allait le remarquer.
— Kenma ! T'abuses !
Kuroo était définitivement perdu :
— Mais de quoi ?
— Ça lui change rien.
— Mais... quoi?! C'est quoi? Kenma ?!
Keiji interrogea le blond du regard. Ce dernier roula des yeux, mais lui fit tout de même un mouvement de la main pour l'autoriser à continuer. Keiji trouva de nouveau le regard du brun.
— Kenma est dysphéromique.
— Hein ? C'est quoi ?
— Tu vois, il a même pas remarqué, et je vois pas ce que ça lui change.
— Bah quand même, c'est un important.
— Non c'est pas important.
Voyant bien que personne ne lui donnerait plus d'explication, Kuroo sortit son téléphone pour taper "dysphéromique" sur internet. Ses yeux s'écarquillèrent lorsqu'il trouva la définition :
— Tu peux pas sentir les phéromones ?!
Attendez, ça n'avait aucun sens ! Pour le nombre de fois où il avait vu le blond sniffer tout est n'importe quoi pour se faire des shoots de phéromones, ça ne tenait pas trop s'il…
— Si je peux.
— Il arrive juste pas à les interpréter. C'est comme les daltoniens, mais des phéromones.
Kuroo n'en revenait pas. Il n'arrivait pas à croire qu'il lui avait fallu autant de temps pour avoir cette information.
— Ça va, maintenant j'y arrive.
— Hum... ça s'est parce qu'on t'as bien appris tout ça, murmura Kōtarō dans son oreille. Et puis fais pas genre, ça t'arrive encore de pas savoir le secondaire des gens s'ils te le disent pas directement.
Kenma lui donna un coup de coude, mais le rougissement de ses joues n'échappa à personne.
— J'arrive pas à croire que tu me l'ais jamais dit !
— Ça aurait changé quoi ? Tu peux pas non plus à ce que je sache.
— Ouais mais... Woh, mais je savais pas !
Silence.
— C'était drôle quand même... T'arrêtes pas de dire à Tetsu qu'il est pommé, mais t'étais pas mieux.
— Mais chut, c'est pas pareil, c'est une condition génétique... Et puis je me débrouille maintenant...
— T'aurais dû le voir à l'époque, c'était... woh, c'était quelque chose.
— Mais tais-toi…
— Je veux tout savoir, réclama Tetsurō.
— Non mais déjà, la première fois qu'on s'est rencontré, il a fait la gueule parce que...
Il se stoppa net dans sa phrase. Une voiture venait de s'engager sur le chemin.
— Merde, t'as pas dit qu'il y avait personne ?
— Bah y'avait personne !
Ils se plaquèrent au sol pour ne pas se faire repérer. La voiture se gara dans le jardin. Ils ne bougèrent pas d'un millimètre jusqu'à ce qu'ils entendent la porte d'entrée s'ouvrir puis se refermer.
— Vite !
Ils se relevèrent et reprirent l'échelle, le métal couina à chaque pas, révélant leur position. Ils prirent rapidement leurs jambes à leur cou une fois la terre ferme retrouvée.
— Arrêtez, je peux pas courir ! couina Kōtarō.
— Mais dépêche, on va se faire repérer !
Ils retournèrent sur le chemin, le remontant à toute vitesse. Ce ne fut qu'une fois arrivé sur la route principale qu'ils s'autorisèrent à s'arrêter.
— Bordel...
Ils étaient tous à bout de souffle. Ils relevèrent les yeux, l'adrénaline commençant à redescendre.
— Merde, j'ai oublié le whisky sur le toit ! s'exclama Kenma.
Le silence s'étendit quelques secondes.
Finalement ils explosèrent une nouvelle fois de rire.
-/-
Tetsurō se réveilla en sursaut en entendant la porte d'entrée claquer.
— Yo, c'est moi !
Natsume ? Qu'est-ce qu'elle foutait là ? Elle n'était pas censée revenir avant une semaine !
Il entendit sa sœur remonter le couloir menant jusqu'à sa chambre. Il baissa les yeux : eh merde ! Il ne faisait aucun doute que sa sœur allait venir jusqu'ici, elle savait pertinemment qu'il était là, et elle ne connaissait absolument pas le principe de l'intimité. Elle allait ouvrir la porte et tomber sur lui, allongé dans son lit avec trois hommes à moitié à poil entassés sur lui. Hors de question !
Kuroo secoua Kōtarō à sa droite. Ce dernier émergea d'un coup.
— Vite bouge ! murmura-t-il
Les deux autres se réveillèrent eux aussi.
— C'est quoi ce bordel, marmonna Kenma.
— Ma sœur est là, vite bougez !
Kenma et Kōtarō assimilèrent la situation rapidement et se levèrent d'un coup, s'agitant pour trouver une solution.
— Vous êtes debout ?
— Merde !
Kōtarō agita les bras, cherchant toujours une solution, il se cogna contre le pied du lit, le bruit sourd résonna contre les murs.
— Mais chut !
— Vous êtes là ? T'es réveillé Tetsu ?
La voix était proche.
Kōtarō ouvrit la fenêtre et sortit dehors, il se pencha à l'intérieur pour attraper le bras de Keiji pour qu'il le rejoigne. Kenma tournait comme une poule sans tête. Il décida finalement de se glisser sous le lit.
— Les affaires ! s'exclama Kōtarō..
Les deux étaient en caleçon dehors ! Tetsurō attrapa vaguement un tas d'affaires abandonnées à ses pieds et les balança par la fenêtre. Kenma ressortit de sous le lit, constatant que l'espace était bien trop large pour qu'il ne se fasse pas repérer.
Natsume toqua à la porte.
— Euh, oui ! lui répondit son ainé.
Non! Non, qu'est-ce qu'il faisait !
La poignée commença à s'abaisser. Kenma, qui était toujours à moitié sous le lit, attrapa un livre abandonné à côté de lui, faisant mine de s'y intéresser, Kōtarō et Keiji se plaquèrent au mur extérieur et Kuroo se jeta sur son lit, s'y étendant le plus naturellement possible.
La porte s'ouvrit finalement, Natsume apparaissant dans l'embrasure. Elle fronça les sourcils en voyant dans quel état était la chambre.
— Oh, Natsu, qu'est-ce que tu fais là ?
— Euh...
Elle baissa les yeux sur Kenma installé dans sa position improbable. Le blond la salua d'un mouvement de main.
— Oh Kenma, salut.
Ce dernier lui sourit vaguement, tentant toujours de paraitre le plus naturel possible malgré la situation.
— Qu'est-ce que tu fais là ? Je pensais que t'étais chez une pote... Mams m'a dit que tu rentrerais pas avant lundi prochain.
— Non, j'ai dit que je rentrerai lundi, genre aujourd'hui. J'avais juste une soirée, Mams a rien compris.
— Oh, oh ok.
Un silence étrange s'étendit entre eux.
— Je vous dérange ?
— Non, pas du tout.
— Oh... ok.
Kuroo lui offrit un sourire, qu'il savait profondément faux, il espérait juste qu'elle ne le constate pas.
— Vous étiez pas censé être quatre ?
— Euh si... K... Bokuto et Akaashi sont sortis dehors, profiter de l'air.
— Hmm, ok.
— Ils devraient pas tarder. Hum, de toute façon on devrait aller chercher la voiture.
— Chercher la voiture ?
— Hum, elle est tombée en panne au milieu de nulle part hier.
— Oh, merde.
— Hum...
Silence.
Natsume sentait bien que quelque chose clochait. Mais elle ne fit aucun commentaire.
— Bon, je vais petit-déjeuner, Mams a laissé plein de trucs.
— Euh, ok, on arrive pour t'aider.
— Ok...
Natsume tourna les talons et referma la porte derrière elle. Tetsurō attendit de l'entendre remonter le couloir avant de lâcher un soupir.
Kenma sortit de sous le lit pour remonter dessus, Kōtarō et Keiji apparurent de nouveau à la fenêtre.
— Désolé, je pensais vraiment pas qu'elle serait là.
— Ça fait rien...
Tetsurō soupira de nouveau.
— Merde, mais j'avais pas décidé de passer une semaine à me planquer comme un ado. Désolé...
— Ça fait rien Babe, on va faire avec.
Alors qu'il tentait de rentrer de nouveau, le brun l'en empêcha.
— Non! Je lui ai dit que vous étiez dehors ! Vous pouvez pas rerentrer comme ça !
— Quoi! Mais on fait quoi ?!
— Je sais pas, faites un tour et revenez par la porte d'entrée !
Keiji commença à grogner. Il avait été sorti du lit brusquement, il était en vieux short et t-shirt dehors et il devait aller faire un tour ? Très peu pour lui.
— Désolé Love, juste là. Venez dans cinq minutes à la porte d'entrée et on pourra manger, ok ?
Il leva les yeux au ciel, mais acquiesça tout de même.
— Ok, allez, dit-il avant de refermer la fenêtre.
Il trouva le regard de Kenma. Il était sacrément dans la merde... Une semaine avec ses partenaires et sa sœur, sans se faire repérer par cette dernière ? Ça tenait de l'impossible.
— Tu vas faire quoi ?
— Je sais pas, j'improviserais.
Kenma hocha vaguement la tête.
— Ce serait pas plus simple de lui dire ?
— Non ! T'es dingue ! Je peux pas faire ça !
— Ok, ok, ça va, comme tu veux.
Kuroo soupira de nouveau.
— Bon allez, on y va ?
Ils sortirent de la chambre. Ils furent instantanément accueillis par l'odeur du riz cuisant dans l'autocuiseur, et la soupe miso chaude.
Kuroo arriva dans la cuisine, Kenma sur les talons.
— Ah ouais, tu déconnes pas quand tu dis petit déj toi !
Sa benjamine se retourna.
— Comment ça ?
— Humm, j'ai juste plus l'habitude des déj comme ça...
Il sourit.
Malgré tout, ces odeurs de cuisine de bon matin lui rappelaient sa maison.
— T'as besoin d'aide pour un truc ?
— Hum, mams nous a laissée du poisson du marché, on peut le faire griller, mais je sais pas si on aura assez.
— Pas grave, on partagera, et on pourra aller en chercher d'autres quand on aura la voiture.
— Ok... tes colocs mangent avec nous ?
— Euh ouais, ils devraient pas tarder.
À ce moment-là, on entendit toquer à la porte.
— Ah bah les voilà.
Tetsurō s'empressa d'aller leur ouvrir.
— Oh, Bokuto, Akaashi, vous êtes là ! dit-il de façon beaucoup trop exagérée pour que cela soit naturel. Désolé, leur dit-il à voix basse.
Kōtarō balaya ses excuses de la main.
— Oh ! Kuroo! Nous avons fait une bonne balade ! répondit ce dernier tout aussi faussement avant de lui offrir un clin d'œil.
Keiji avait l'air très peu amusé par la situation. Kuroo tenta de lui offrir un sourire pour lui remonter le moral, sans effet. Il jeta un regard derrière lui, s'assurant que personne ne pouvait le voir , et s'avança pour poser un baiser sur la tempe de son partenaire boudeur.
— Déso... vous venez ? On va manger.
Keiji se dérida un peu, et Kōtarō s'en réjouit vocalement. Ils retournèrent tous les trois dans la salle de vie. Tetsurō retint son souffle lorsque sa sœur se tourna vers eux, redoutant la rencontre. Il voulait tout de même que sa sœur apprécie ses partenaires, même si elle n'avait aucune idée de qui ils représentaient pour lui.
— Oh ! Kuroo-chan ! s'exclama Kōtarō avec enthousiasme. Je suis Bokuto Kōtarō ! Et euh, ça c'est Akaashi Keiji, dit-il en le désignant, fait pas attention à lui, il est juste pas du matin. Je pensais pas pouvoir te rencontrer, je suis vraiment ravi !
— Euh, moi aussi...
Natsume jeta un regard à Keiji, ce dernier se pencha pour la saluer poliment, et elle lui rendit d'un mouvement de tête.
—Woh, j'adore ton t-shirt Kuroo-chan !
Cette dernière baissa les yeux sur son t-shirt représentant une femme en robe victorienne, éventail à la main.
— C'est Ada Lovelace, c'est ça ?
Natsume écarquilla les yeux, réellement surprise.
— Euh ouais, tu la connais ?
— La première programmeuse informatique, bien sûr que je connais !
Tetsurō en resta coi. Lui la connaissait seulement parce que sa sœur était une véritable fan de cette figure historique, il ne pensait réellement pas que Kōtarō la reconnaitrait. Parfois son partenaire l'impressionnait.
Natsume sourit sincèrement.
— Bon, je vois qu'on prépare à manger, vous avez besoin d'aide ? Oh ! Si tu as des œufs Kuroo-chan je peux faire une omelette !
— Euh, oui, on doit avoir ça -la jeune femme se tourna pour ouvrir le frigo- et tu peux m'appeler Natsume.
— Ok Natsume-chan, j'ai besoin de cinq œufs je pense.
Tetsurō sourit. Il s'était inquiété pour rien, c'était sans compter les pouvoirs de séduction de Bokuto Kōtarō.
— Je peux préparer du thé, proposa Keiji.
Bientôt, ils se retrouvèrent tous à préparer ensemble le petit déjeuné, tout en parlant légèrement. Ils s'installèrent finalement à table. Sa petite sœur souriait, n'ayant aucun mal à interagir avec ses partenaires, ces derniers ayant l'air parfaitement à leur aise également. Tetsurō échappa un sourire : finalement, il s'était peut-être inquiété pour rien, sa semaine ne s'annonçait pas si terrible.
— Tu peux me passer le sel ba...
Tetsurō envoya son pied dans les jambes de Kōtarō pour l'empêcher de finir sa phrase, lui faisant les gros yeux. Pas question qu'il l'appelle "babe" devant sa petite sœur.
— Baaa... Barbie girl, in a Barbie world, commença-t-il à chanter.
Kuroo ferma les yeux douloureusement.
Peut-être que ça n'allait pas être aussi facile que ça finalement.
-/-
Deux jours s'étaient écoulés depuis leur arrivée, et Tetsurō ne voulait pas s'avancer, mais il avait comme l'impression que pour le moment, ils s'étaient bien débrouillés pour ne pas se faire cramer par sa petite sœur. Pourtant, cette dernière ne leur avait pas donné beaucoup de répit !
Déjà, elle ne les lâchait presque pas lorsqu'ils étaient à la maison, ce qui n'était pas forcément bien chagrinant, puisqu'ils avaient passé la plupart de leur soirée à jouer aux cartes tous ensemble. Mais elle ne les avait pas lâchés pendant la journée également ! Elle les avait suivis lorsqu'ils avaient dû retourner à la voiture pour attendre la dépanneuse et récupérer la nouvelle location ; elle les avait suivis lorsqu'ils étaient partis marcher le long de la péninsule de Shakotan et elle les avait suivis lorsqu'ils étaient allés au cap kamui. Elle avait été relativement agréable, mais cela avait tout de même un tantinet frustré Tetsurō, qui s'imaginait une après-midi relativement romantique à marcher dans la nature, près de la mer céruléenne, perdue au bout du monde. Elle les avait également suivis lorsqu'ils étaient partis au village, ne les lâchant pas une seconde tout au long de leur promenade... Tetsurō était ravi de constater que sa petite sœur s'entendait plutôt bien avec ses partenaires, mais cela commençait à faire beaucoup.
Kuroo, assis dans le jardin, tourna les yeux vers la fenêtre : on entendait vaguement des voix à l'intérieur de la maison. Il sourit tout de même. Ce n'était pas grand-chose finalement. Certes, ils s'étaient imaginé leur séjour bien différemment, mais finalement, était-ce si décevant que ça ?
Il reposa sa tête sur ses genoux, écoutant les bruits de la nuit tout autour. Il entendit finalement des pas derrière lui. En se tournant, il trouva Kenma.
— Hey.
— Hey.
Le blond vint s'assoir à ses côtés.
— Tu fais quoi ?
— Rien, je regarde les étoiles.
Ils tournèrent les yeux vers le ciel, observant en silence.
— Ça m'avait manqué finalement...
— De quoi ?
— Ici, répondit Kenma.
Kuroo lui sourit.
— Moi aussi...
Le blond se laissa tomber contre lui, reposant sa tête contre son épaule.
— N'empêche, jamais j'aurais pu imaginer ça...
— Que ta sœur développe un attachement déraisonné pour Kōtarō. ?
— Pff, non. Nous.
— Nous ?
— Hmm.
Il laissa tomber sa tête sur celle de Kenma.
— Nous, ici, maintenant. Je me souviens de quand on jouait dans le jardin quand on était gosses. De toutes les aventures à la con qu'on a pu imaginer... Et puis, quand t'es parti, je pensais réellement qu'on ne se reverrait plus jamais... J'étais enfant, mais j'étais dévasté. J'avais perdu mon meilleur ami.
Kenma prit sa main dans la sienne, la serrant bien fort.
— À l'époque, j'aurais jamais pu m'imaginer que pratiquement 10 ans plus tard, on se retrouverait ici, comme ça. J'aurais jamais pu imaginer te retrouver, et j'aurais encore moins pu imaginer la suite. Pas une seconde j'aurais pu penser que je reviendrais ici, avec toi, en tant que partenaire. Et je me dis que, bordel, la vie peut être dégueulasse, mais sur ce coup-là, elle est quand même bien faite.
Il tourna les yeux vers le blond en le sentant se décoller de lui. Il lui souriait.
— Moi non plus.
Il avait l'impression que les étoiles s'étaient allumées pour eux ce soir-là.
Leur fronts se rencontrèrent. Kuroo ouvrit de nouveau les yeux, tombant immédiatement dans ceux de son amoureux, de son partenaire. "Je t'aime" fit-il du bout des lèvres, et Kenma passa ses bras autour de son cou, l'attirant dans un baiser. Ils se séparèrent un instant. "Moi aussi" lui répondit-il dans un murmure silencieux, et ils s'embrassèrent de nouveau.
Ils se séparèrent brusquement, sursautant en entendant du bruit dans les buissons.
— Bordel c'était quoi ce truc ? Ça m'a fait flipper !
— Ça doit juste être une bestiole... Tu dois avoir une chouette dans le coin, je l'ai entendu hier.
— Possible.
Le silence s'étendit entre eux.
— Bon, une idée de ce qu'on peut faire demain ? demanda Kenma.
— Hum... je sais pas trop... ya encore des choses à voir dans le coin, mais Kōtarō peut pas faire beaucoup d'effort encore, on va pas aller crapahuter.
— Ça me va aussi, j'ai pas décidé de venir ici pour souffrir.
Tetsurō pouffa.
— Je sais pas, on peut passé à Otaru, proposa le blond.
— Bonne idée... On pourra aller à Sapporo aussi, on est pas loin en voiture.
— Hum... c'est genre 1h30 je pense.
— Ouais...
Ils se retournèrent en entendant des pas derrière eux. Kōtarō était sorti les rejoindre.
— Yo !
— Yo.
Kōtarō s'assit à côté de Kuroo, le prenant directement dans ses bras.
— Je manque trop de câlins ! C'est fatiguant de jouer les agents secrets comme ça !
— Les agents secrets ?
— Hum... pour ta sœur...
— Ça va, tu te débrouilles, elle t'adore.
Kōtarō fit la moue.
— Je l'aime bien aussi, mais je voudrais pouvoir faire des câlins sans devoir me planquer.
— Hum –il prit le visage de son partenaire dans ses mains- désolé pour ça, merci.
Il posa un baiser sur ses lèvres.
— Hum... vous parliez de quoi ?
— De ce qu'on peut faire pour le reste de la semaine... Ya une ville à genre 1h d'ici qu'on peut aller voir, ya un canal c'est sympa. Et ya des super restos aussi.
— Nice ! Mais j'ai vu qu'il allait faire moche demain, il va pleuvoir, mais après il fait beau de nouveau.
— Ah merde !
— Pas grave, on peut faire une journée à la maison, proposa Kenma.
— Ça me va aussi, je vais me reposer un peu. On a pas mal marché ces derniers jours.
— Ok, bah on fait ça alors.
Une nouvelle fois, ils se retournèrent en entendant des pas derrière eux. Cette fois il s'agissait de Keiji.
— Hey Love.
Le brun lui sourit.
— Elle est dedans Natsu ?
— Oui, elle est dans sa chambre.
— Hum, pour une fois qu'elle nous colle pas aux baskes !
— Allez babe, elle est cool quand même !
— Hum, mouais.
Ils s'allongèrent dans l'herbes, regardant la Voie lactée au-dessus de leur tête.
Peu à peu, le ciel s'assombrie, et les lumières moururent. Lorsqu'ils rentrèrent, l'orage grondait au loin.
-/-
— Bordel mais ça va pas s'arrêter...
Kuroo se tenait devant la fenêtre, regardant la pluie s'abattre en continu sur le paysage maussade et grisonnant. L'air était chaud, humide, iodé et moite. Il collait à la peau et les embourbées lentement dans un état cotonneux. Ils avaient écoulé tous les jeux de société se trouvant dans la maison et avaient commencé à s'en lasser en milieu d'après-midi. Tetsurō se retourna, s'adossant au rebord de la fenêtre. Il lâcha un lourd soupire, tordu d'ennuie. Sa petite sœur était vautrée sur le canapé, Kenma était assis contre le canapé, les deux regardant vaguement le programme nébuleux que passait la télévision. Kōtarō et Keiji étaient partis se reposer il y a de cela une bonne vingtaine de minutes.
— Je me fais tellement chier, lâcha Natsume, la voix trainante.
Personne ne lui répondit, se contentant d'un vague mouvement de tête.
Ils tournèrent les yeux en entendant des pas dans le couloir. Kōtarō réapparut finalement en s'étirant.
— Bien dormi ?
— Hmm, ça fait du bien.
— K...Akaashi dors toujours ?
Bordel Tetsurō allait finir par l'échapper malgré lui. Il lui était si étrange de devoir appeler ses partenaires par leur nom de famille de nouveau. Il n'était même pas bien sûr que cela mettrait la puce à l'oreille de sa petite sœur, mais maintenant qu'il s'était embarqué dans cette supercherie, il se sentait obligé de persévérer.
— Hmm, non, il lit.
— Hmm...
Silence. La pluie tapait sur les fenêtres.
— Vous faites quoi ? demanda Bokuto.
— Rien...
Il alla s'assoir parterre entre Kenma et lui.
— On peut regarder un truc peut-être, non ?
— Bonne idée... pas sûr qu'on est beaucoup de film en dvd...
— Sinon...
Tetsurō soupira, mi-amusé mi-désabusé, sachant pertinemment ce que Kōtarō allait proposer.
— Non, on va pas regarder la danse des oiseaux !
— Non mais je propose c'est tout ! tenta de se défendre l'ornithophile.
— J'avais téléchargé le dernier marvel la dernière fois sur la télé, je l'ai pas encore regardé, proposa Natsume. Vous l'avez vu ?
— Non, moi ça me va.
Les deux autres hochèrent la tête.
Natsume acquiesça, et commença à remuer comme une carpe sortie de l'eau, pour tenter de se relever du canapé. La télévision changea plusieurs fois de chaine.
— Natsu t'es sur la télécommande.
— Oh merde...
Elle tenta de la récupérer en continuant à gigoter. Cette fois, un menu déroulant s'ouvrit, et les options défilèrent les unes après les autres à chaque mouvement qu'elle faisait.
— Arrêtes ! Lève-toi !
— Ça va, ça va.
Le temps qu'elle se décide à se redresser correctement, le format de l'image avait changé, les couleurs étaient devenues détonantes et l'audio description s'était lancé.
— Natsu !
— Ça va, relax !
Natsume se redressa enfin, montant le son pratiquement au maximum, et récupéra enfin la télécommande. Elle tenta de remettre les paramètres originaux, mais à chaque fois qu'elle tentait quelque chose, les choses empiraient. Testruro et elle commencèrent à se chamailler, empirant l'état d'ensemble de la télévision qui repassa de nouveau par des dizaines de paramètres que jamais aucun être humain n'avait découverts.
— Ça va, regarde c'est bon !
Natsume pianota de nouveau. Non seulement cela ne changea rien, mais maintenant tous les menus défilant avaient changé de langue pour s'afficher en allemand.
— Natsu !
— J'essaye ! Mais... je parle pas allemand je …
Elle pianota de nouveau, cette fois l'image était si large qu'elle ne rentrait pas totalement sur l'écran et l'audio description était maintenant elle aussi passé en allemand. Natsume commença à paniquer.
— Merde ! Vas-y toi !
— Non !
— Mais on va pas la laisser comme ça !
— C'est toi qu'a foutu le bordel ! Roh... Keiji ! appela-t-il, échappant son prénom pour de bon.
L'interpellé arriva quelques secondes plus tard, alarmé. Il haussa un sourcil en les voyant tous les quatre devant la télévision, cette dernière hurlant des audios description en allemand.
— Que se passe-t-il ?
Kuroo lui tendit la télécommande, et le brun les rejoints pour prendre l'objet
— Natsume a foutu le bordel.
— Eh !
— J'ai pas raison ?
La plus jeune croisa les bras, s'enfonçant boudeusement dans le canapé.
— On n'arrive pas à remettre les paramètres normaux, et maintenant tout le menu est en allemand !
— Je vois ça...
Keiji s'assit dans le canapé, juste à côté de Natsume. Il analysa les boutons de la télécommande et navigua aisément à travers les différents paramètres. En moins de deux minutes, tout était revenu à la normale.
— Voilà, dit-il en tendant la télécommande de nouveau à Tetsurō.
— Merci.
Natsume n'avait pas lâché Keiji des yeux depuis qu'il avait commencé sa navigation. Elle en était resté bouche bée.
— Tu parles allemand ou t'es un génie des télévisions ? finit-elle par demander.
Akaashi, d'abord surpris de la question, lui répondit :
— Je parle allemand.
— Et anglais, et français, coréen, italien, espagnol, répondit Kuroo, le torse gonflé de fierté.
Keiji tourna les yeux vers lui, haussant un sourcil. Quoi ? Il n'avait pas le droit d'être fier de son partenaire ?
— Oh !
Sans leur donner plus d'explication, Natsume sortit du canapé d'un bond et partit en courant.
— Bah qu'est-ce qui lui prend ? demanda Kōtarō..
Tetsurō haussa les épaules.
Sa sœur revint quelques instants plus tard, un livre d'enfant bourré de feuilles de papier à la main. Elle s'assit en tailleur face à Keiji, lui présentant son livre à deux mains. Kuroo fut surpris de découvrir que la couverture du livre était en allemand.
— J'essaye d'apprendre ! Je me suis dit que je pouvais essayer de traduire ça, mais seule j'ai du mal.
— T'apprends l'allemand ? demanda son ainé, profondément surpris.
— J'essaye.
— Mais pourquoi ?
— Mon pauvre frère, les plus grands scientifiques parlent allemand !
— Je suis pas bien sûr de ça...
Elle rejeta ses propos d'un mouvement de main. Elle tourna de nouveau les yeux vers Keiji, elle joint les mains.
— Akaashi-san, est-ce que tu penses que tu pourrais m'apprendre ? Juste un peu !
Le brun releva les yeux, détaillant un à un ses partenaires. Il resta plus longtemps sur Kuroo, et finalement dirigea de nouveau son attention sur la jeune femme face à lui.
— Je peux essayer, si cela t'intéresse autant.
— Yeah ! s'exclama-t-elle en se levant d'un bon.
Keiji sourit, ravi de la voir si enthousiaste.
— Ok, attends, je vais chercher mon cahier ! Et des stylos !
Une fois arrivée au milieu de la cuisine, elle se tourna, lui fit un salut de remerciement, et repartit récupérer ses affaires.
— Bon bah te voilà improvisé prof d'allemand.
Alors que Keiji allait répondre, Natsume réapparut, jetant toutes ses affaires sur la table de la salle à manger, commençant à babiller gaiment. Keiji la rejoint, visiblement ravi de pouvoir enseigner ce qu'il savait.
Tetsurō tourna les yeux vers ses deux autres partenaires.
— Bon, on va pas regarder le film sans elle... On regarde quoi du coup ?
Kōtarōs sourit malicieusement.
— Non! Pas la danse des oiseaux !
Ils finirent par regarder une énième fois la danse des oiseaux.
-/-
Keiji avait fini par jouer les professeurs de langue jusque dans la soirée. Natsume, qui ne se lassait apparemment jamais de la douce mélodie de cette langue, avait passé le repas à demander la traduction de tout ce qui croisait son regard, au plus grand plaisir de Keiji qui lui répondait à chaque fois. Après le repas, tout le monde s'était un peu éparpillé, et Natsume avait finalement lâché la grappe de son professeur.
L'orage avait repris dehors.
Tetsurō entra dans la pièce de vie, s'apprêtant à demander à tout le monde s'il voulait enfin regarder le film que Natsume avait téléchargé. En entrant, il trouva sa petite sœur postée à sa droite, plantée à quelques pas de la porte-fenêtre menant sur le petit porche à l'arrière de la maison. Il fronça les sourcils en constatant que Keiji et Kōtarō s'y trouvaient, et son cœur se souleva, anxieux à l'idée que Natsume soit tombée sur quelque chose qu'elle n'était pas censée voir. Sa petite sœur se tourna d'un coup en l'entendant dans son dos, et les craintes de son ainé s'évaporèrent en découvrant le sourire lumineux sur ses lèvres.
— Hey... hésita le brun.
— Hey !
Son enthousiasme lui arracha un sourire.
— T'as pu apprendre des trucs aujourd'hui ?
— Plein ! C'était trop chouette !
— Tant mieux... Hum on va à Otaru demain, il va faire beau apparemment. Tu viens avec nous ?
Il voyait déjà bien sa journée à devoir entendre la traduction de tous les objets qui auraient le malheur de croiser leur route, mais sa benjamine avait l'air si contente qu'il ne pensait même pas à lui retirer ce plaisir.
— Oh, non, ça va, je pense que je vais rester ici, lui répondit-elle en souriant.
— Ok.
Kuroo se battait sérieusement pour ne pas échapper un sourire beaucoup trop ravi pour être vu. Il adorait sa petite sœur, mais la possibilité de pouvoir passer la journée avec ses partenaires sans l'avoir dans les pattes le réjouissait profondément.
— Hum, on va regarder un truc, tu viens ?
— Yep, ok.
À ce moment-là, la porte-fenêtre s'ouvrit et Keiji et Kōtarō rentrèrent à l'intérieur.
— On va regarder un film vous venez ?
— Yeah, ok ! lui répondit Bokuto.
Keiji hocha la tête. En arrivant à la hauteur de Natsume, il lui adressa un regard et lui dit :
— Gute Arbeit heute.
La plus jeune sourit de toutes ses dents :
— Danke, Lehrer Akaashi !
— Je suis ravi que tu apprennes des choses, mais pas devant le film s'il te plait, demanda Tetsurō, à peine sérieux.
— Oh, on peut pas mettre les sous-titres en allemand ?
— Nan, c'est mort. On peut les mettre en anglais, c'est bien l'anglais aussi.
Natsume souffla :
— Mais je parle déjà anglais !
— C'est toujours bon de pratiquer, n'est-ce pas "Lehrer Akaashi".
Ce dernier haussa un sourcil, un sourire amusé tombant tout de même sur ses lèvres. Kuroo lutta contre l'envie de le prendre dans ses bras, continuant à lui dire des bêtises à l'oreille. Il se retint, il était toujours sous couverture après tout. Et de toute façon, cela lui donnerait plus de temps pour formuler toutes les âneries qu'il comptait lui dire dès qu'ils seraient à l'abri des regards.
— Bon bougez, ou on lance sans vous ! les prévins Kenma.
— Ok, ok on arrive.
Ils s'installèrent tous devant la télévision. Bien qu'il dût rester à une distance respectable de ses partenaires tout du long, Tetsurō devait admettre que d'être là, dans ce salon, avec un petit bout de la famille qui l'avait vu grandir, et celle qu'il avait construite, faisait flotter dans son cœur une douceur chaude.
Il sourit pour lui-même.
Il était presque déçu que sa sœur ne vienne pas avec eux le jour suivant.
Presque.
-/-
Tetsurō adoré sa petite sœur, c'était certain, mais il devait admettre que passer une journée sans elle, pour se retrouver enfin seul avec ses partenaires, avait quelque chose de presque magique. Otaru n'était pourtant pas la destination la plus romantique sur terre, il s'agissait d'une ancienne ville portuaire qui faisait commerce avec les États-Unis et l'Angleterre. Les bâtiments en brique sombre avaient pourtant de quoi faire déprimer rapidement, mais Tetsurō avait été si ravi de sa balade en amoureux, qui avait trouvé charmant le style vieux hangars industriels occidentaux. Ils étaient rentrés en début de soirée, décidant de tout de même dîner avec Natsume. Tetsurō souriait bêtement, écoutant vaguement les conversations autour.
— Ji ?
Ce dernier fut forcé de revenir à la réalité.
— Hum ?
— Combien de temps pour aller à Sapporo, 1h30 ?
— Hum, ouais c'est ça à peu près.
— Oh, je peux venir ? s'empressa de demander Natsume, tu peux juste me déposer, je veux juste aller faire quelques magasins, j'ai genre plus rien, Mams m'a donné un peu de sous en plus.
— Ok, pas de soucis, tant que tu me tiens au courant par messages et que tu disparais pas dans la nature.
Sa petite sœur roula des yeux :
— J'ai pas douze ans Tetsu, je peux me débrouiller, râla-t-elle, récupérant les bols empilés sur la table pour les ramener à la cuisine.
— Même, je veux bien te laisser te balader seule, mais je veux quand même savoir où tu es.
— Pff, ok, si tu veux.
Tetsurō la suivit des yeux, elle avait l'air sincère, il ne s'agissait surement pas d'un subterfuge pour qu'elle puisse s'enfuir avec un motard trentenaire.
— Je suis bête ! J'aurais dû y penser plus tôt ! Si on y va demain, je peux envoyer un message à Katsu pour qu'on se rejoigne quelque part. On pourrait manger tous ensemble !
Kuroo avait parlé si rapidement qu'il n'avait pas eu le temps d'y réfléchir plus longtemps : déjà lui galérait à cacher ses relations à sa petite sœur, il n'allait pas jeter Natsu dans son histoire... Il l'avait vu en présence de sa petite-amie : faire semblant d'être simplement "l'amie" de Suki, tenait de l'impossible.
— Oh bonne idée ! J'ai hâte de la rencontrer ! intervint Kōtarō.
— Hum, et on pourra voir ta sœur aussi, dit Kenma.
— Je la comptais dans l'histoire, précisa Kuroo.
— Elle est pas à Sapporo Katsu cette semaine, leur annonça Natsume en revenant à table.
— Quoi ? Mais elle est où ?
— Elle t'as pas dit ? Elle est à Tokyo.
— À Tokyo ! Mais qu'est-ce qu'elle fout là-bas ? Elle me l'a même pas dit !
— J'sais pas, elle est partie avec sa meilleure amie...
Kuroo haussa un sourcil :
— Sa meilleure amie ?
— Ouais, Suki Nakayama , elle t'en a jamais parlé ? Elle arrête pas de me rebattre les oreilles avec.
— Ooooh, d'accord, répondirent-ils tous en chœur.
Leur intervention perturba grandement Natsume, mais son ainé ne lui laissa pas le temps d'intervenir.
— Quand même, pourquoi elle m'a rien dit ?
— Je sais pas... Mais on peut toujours aller voir ta sœur, proposa Natsume en tournant les yeux vers Kōtarō, ça me dérange pas.
— Bah elle est pas là non plus du coup...
— Comment ça ?
— La meilleur amie de Katsu est sa sœur, précisa Kuroo.
— Vraiment ?
Kōtarō et lui acquièrent.
—Woh, dingue comme coïncidence.
— Hum...
— J'aurais pas deviné, vous avez pas le même nom de famille.
— Non, se contenta de répondre Kōtarō, visiblement déçu.
— Mais elles sont où ? Pourquoi elle nous ont rien dit ?! On aurait pu leur prêter la maison, non ? dit Tetsurō, tournant les yeux vers Kenma.
— J'en sais rien moi. Je crois que Suki a une maison de famille là-bas, elles y sont surement.
Kuroo se tourna vers Kōtarō, les yeux grands écarquillés :
— Elles sont chez tes parents ?!
Son partenaire haussa les épaules.
— Apparemment.
Oh my... Tetsurō se retint de ricaner bêtement. Il ne put cependant s'empêcher d'échapper un pouffement juvénile. Il savait très bien ce que tout cela signifiait.
Il s'éclaircit la gorge et déclara :
— Vous m'excusez, je vais l'appeler, j'arrive pas à croire qu'elle m'ait rien dit !
Et il repartit directement en trottinant pour rejoindre sa chambre. Il referma la porte derrière lui, récupéra son téléphone pour composer le numéro de sa sœur, et sortit dans le jardin par la fenêtre. Après trois sonneries, elle décrocha.
— Katsu ! Tu comptais me faire des cachoteries longtemps ?! s'empressa de demander Tetsurō.
— De quoi tu parles ?
— De un, t'es à Tokyo, et tu m'as rien dit !
Il l'entendit soupirer.
— T'es pas là de toute façon, qu'est-ce que ça te fait ?
— T'essayes de m'éviter ?!
— Non, c'est juste tombé comme ça...
— De deux... -il baissa la voix- t'es chez tes beaux-parents et tu m'as rien dit !
—Techniquement, non, c'est les parents de Suki, on est pas marié, dit Kasumi, blasé. Mais l'excitation anxieuse contenue dans sa voix ne lui échappa pas.
— C'est ça ouais ! T'abuses !
Il ricana :
— Bordel, j'aurais tout donné pour voir ça !
— Et tu te demandes pourquoi j'ai attendu que tu sois pas là...
— Ah! Tu l'admets !
— J'admets rien du tout !
Il rigola, mais se calma rapidement, constatant que son amusement n'était pas partagé.
— Bon, ça se passe bien ?
— Ouais, c'est parents sont très gentils... J'ai pas vu ses frères et sa petite sœur pour le moment, ils sont pas là en ce moment, à part Shin, qui est Adorb!
— N'est-ce pas ! Mais attends, ils sont tous très gentils ?
— Bah ouais... Franchement je m'attendais au pire, mais ça va.
— Tous ? insista Kuroo.
— Bah, oui.
— Même Naruhito-san ?
— Nakayama-san ? Bah oui.
Il manqua de s'étouffer avec sa salive :
— Bah oui ?! J'arrive pas... quoi "bah oui"?
— Bah oui, il est gentil, il est fait austère au début, mais il est gentil.
C'était l'une des choses les plus improbables qu'il avait entendues de sa vie... Non pas que Naruhito-san ne l'était pas, c'était le cas, et il n'avait été que bienveillant et chaleureux avec lui ces derniers temps, mais que cela soit la première impression qu'il donne ?! Il en doutait fortement !
— Quoi !
— Bah quoi, il a l'air de bien t'aimer aussi, c'est quoi ton problème ?
— Non mais ! Oh ! J'hallucine ! Il était pas comme ça avec moi au début, ça a été du boulot ! Franchement, il nous terrifiait au début !
— Nous ?
— Oui, Kenma, Keiji, moi, il est toujours un peu hard core au début...
Ce fut au tour de Kasumi de ricaner.
— Hum, peut-être que je t'ai détrôné du coup.
— Pff, ça m'étonnerait !
— T'es jaloux en plus !
— Non !
— Si t'es jaloux !
— Pff, non ! Je... non, tenta de se défendre Tetsurō. Passons, raconte-moi tout !
— Hmm, mouais... Bah je sais pas, on est arrivé dimanche matin et, déjà la baraque, j'ai failli tomber à la renverse !
— T'as vu ça !
— C'est quoi cette baraque ! Bon et après...
Tetsurō échappa un sourire, continuant d'écouter sa petite sœur, rebondissant de temps à autre, partageant quelques-unes des histoires qu'il avait lui-même vécues là-bas.
Cela faisait un bien fou de pouvoir parler aussi librement avec sa famille, sans avoir peur. Il se souvenait la panique qu'il avait ressentie lorsque Kasumi avait appris pour lui... Il avait eu l'impression de mourir. Finalement tout était rentré dans l'ordre.
Peut-être qu'il devrait en parler à Natsume... C'était une fille intelligente, et ouverte d'esprit.
Peut-être oui...
Lui et Kasumi continuèrent de papoter un bon moment encore. Lorsqu'il raccrocha, plus d'une heure c'était écoulé déjà. Il repassa à l'intérieur, sourire aux lèvres. Alors qu'il allait rejoindre le salon, il croisa Kenma dans le couloir. Il s'approcha en trottinant, ne pouvant se retenir plus longtemps de raconter tout ce qu'il venait d'apprendre. Il redescendit rapidement en constatant que le blond avait l'air abattu.
— Ça va ?
— Hum... Ça va ta sœur ?
Il haussa un sourcil. Il n'arrivait pas à sentir ce que pouvait ressentir Kenma pour le moment. Mais il ne s'inquiéta pas, il avait tendance à se refermer un peu quand il était fatigué... C'était peut-être tout simplement ça.
— Apparemment. Attends d'entendre ça, apparemment tous les parents l'ont accueilli chaleureusement, même Naruhito ! T'y crois toi ?!
— Hum, il a toujours été très gentil avec moi aussi !
— Roh, c'est bon , fait pas la belle là !
Kenma pouffa. Il lui sourit, mais son sourire se fana rapidement, ce qui inquiéta son partenaire.
— T'es sûr que ça va ?
— Oui, oui, c'est juste... Kōtarō est vraiment déçu de pas pouvoir voir sa sœur je crois... Et ça l'a un peu abattu... ça lui a fait penser à des choses pas cool...
— Oh...
— Il a pas l'air comme ça... mais c'est toujours pas... la grande forme...
— Je me doute... il va falloir encore du temps...
— Ouais...
Kenma avait les larmes aux yeux, mais il détourna rapidement le regard.
— J'aime vraiment pas le voir comme ça... murmura le blond, la voix chancelante.
— Moi non plus...
Il le prit dans ses bras, et Kenma le serra fort contre lui. Il se sépara finalement de lui, tentant toujours de se retenir d'exploser en larme.
— Il est où là ?
— Dehors.
— Ok...
Kenma hocha la tête, et se détacha rapidement de lui. Il avait besoin d'être seul pour le moment, Kuroo pouvait le comprendre.
Il le laissa pour rejoindre la pièce de vie. En regardant par la porte-fenêtre, il devina la silhouette de Kōtarō au fond du jardin. Il inspira profondément, puis sortit le rejoindre. Kōtarō était assis dans l'herbe, sa tête reposant sur ses genoux. Il l'avait entendu venir, mais n'avait rien dit. Tetsurō s'assit à ses côtés. Il baissa la tête pour capter son regard : il avait les yeux rougis de larmes.
— Oh babe...
Il vit les larmes lui monter aux yeux. Il le prit dans ses bras avant qu'elles n'aient pu lui échapper.
— Je suis désolé qu'on ait raté ta sœur...
— Hum...
Ils restèrent silencieux.
Tetsurō savait que ce n'était pas vraiment cela le problème. Il se sépara de lui, mais reposa sa tête contre son épaule, tournant les yeux vers le ciel étoilé. De longues minutes s'écoulèrent ainsi, faites de leur silence, de leur respiration, et de la nuit.
— Des fois... j'ai l'impression que tout est redevenu normal, comme avant... Mais c'est pas le cas... Ça redeviendra jamais comme avant...
Kuroo sentit son visage se décomposer. Il espérait que cela échapperait à son partenaire.
On ne se remet pas de ce genre de chose en si peu de temps. Cela prend du temps, des années parfois, et Tetsurō ne pouvait rien y faire. Il pouvait juste être là, prendre son partenaire dans les bras, et lui dire qu'il était là.
Alors c'est ce qu'il fit.
-/-
Tetsurō ne s'était pas donné grand-chose comme objectif : juste de passer une bonne journée. Apparemment, c'était déjà trop demandé. Déjà, il avait passé le trajet jusqu'à Sapporo écrasé entre Kōtarō, qui déprimait toujours un peu (il n'y pouvait pas grand-chose sur ce point, et il s'était donné pour mission de lui remonter le moral) et sa petite-sœur qui fulminait dans son coin. Arrivé sur place, il avait repris espoir. La ville était sympathique, il faisait beau, et il avait des tas d'anecdotes cocasses à raconter, il était certain de pouvoir remonter le moral des troupes.
Malheureusement pour lui, ni ses charmes ni ceux de la ville ne semblaient faire effet. Ils étaient en train de remonter le parc de Nakajima pour rejoindre le haut de la ville. Peut-être qu'un peu de verdure leur remontrait à tous le moral ? Cela commençait à faire effet, pour lui en tout cas, si bien qu'il avait commencé à raconter les quelques aventures qui lui était arrivé en passant par-là par le passé. Keiji était à ses côtés, l'écoutant posément.
Cela faisait un moment qu'ils n'entendaient plus les soupires à tout rompre dans leur dos, et bien que cela voulait surement signifier que les trois autres étaient loin derrière, ils ne s'en soucièrent guère. Jusqu'à ce qu'ils sursautent lorsqu'un cri suivi d'un gros "plouf" se firent entendre. Keiji et lui-même firent immédiatement volteface.
Ils découvrirent que les trois autres étaient toujours plantés aux bords du lacs : Kōtarō retenait Kenma par le bras, ce dernier était tombé sur les fesses à quelques centimètres de l'eau, Natsume se tenait derrière, apparemment personne n'avait fini dans l'eau. Tetsurō se dépêcha de les rejoindre pour s'enquérir de leur état :
— Ça va, c'était quoi ce bruit ?
— Rien, ma bouteille est tombée dans l'eau, lui dit Kenma.
— Mais qu'est-ce qu'il s'est passé ?
— Rien, il a glissé, répondit sèchement Natsume.
Kōtarō et Kenma tournèrent les yeux vers sa sœur, et Kuroo sentit très bien leur confusion face à cette déclaration, mais il ne creusa pas plus. Sa sœur était si fermée qu'un mot de travers et elle risquait de totalement imploser, et ça, il ne voulait pas s'y risquer.
— Ok, hum, faites gaffe ça glisse près du bord.
— Apparemment, dit Kenma.
Tetsurō hésita à creuser plus, mais y renonça :
— On devrait pas tarder si on veut arriver assez tôt, dit-il avant de tourner les talons, on a encore vingt minutes de marches.
Sa petite sœur souffla et se remit en marche, leur passant devant. Tetsurō la rattrapa :
— Tu peux aller faire les boutiques si tu veux, on te rejoindra plus tard et...
— Non. Ça va, trancha cette dernière. Je veux voir le musée.
Kuroo haussa un sourcil, trouvant étrange qu'une ado de 17 ans tienne absolument à venir avec eux voir le musée du saké, plutôt qu'aller faire du shopping sans surveillance.
— Tu sais que je vais pas te laisser boire ?
— Je m'en fout, je veux juste venir ! Tu veux te débarrasser de moi ou quoi ?
Oui, quelque part, c'était exactement ce qu'il cherchait à faire. Ils ne savaient pas pourquoi elle était de si mauvaise humeur, mais cela commençait à peser sur le moral des troupes... Et il voulait passer du temps seul avec ses partenaires.
— Non, juste... t'as pas l'air super contente de nous suivre, je te dis juste que si tu veux pas rester avec nous tu peux y …
— Non, je viens.
Sur ceux, elle accéléra le pas pour remonter en tête de fil en tapant des pieds.
Ok...
Tetsurō la regarda partir, son regard capta celui de Keiji, qui haussa les épaules. Il soupira et se remit en marche.
Kenma remonta à sa hauteur. Quand il fut assez proche, il lui demanda, la voix gorgée de frustration et de colère :
— C'est quoi le problème de ta sœur avec moi au juste ?
— Quel problème ?
Le blond haussa un sourcil :
— Sérieusement ? Elle arrête pas de me regarder de travers depuis ce matin ! Et j'ai pas glissé tout à l'heure, c'est elle qu'à voulut me jeter à la flotte !
Tetsurō haussa un sourcil, jetant un œil à sa sœur, qui marchait toujours devant. Il tenta de désamorcer la situation.
— T'es sûr ? Tu sais, je crois pas que ce soit contre toi, elle a surement voulu te rattraper en te voyant glisser... Elle peut être un peu brusque parfois... Elle est juste de mauvaise humeur, je pense.
Le visage de Kenma se ferma complètement.
— Si tu le dis, dit-il sèchement, avant d'accélérer pour lui passer devant.
Mais qu'est-ce qu'ils leur arrivaient à tous au juste ?!
Il soupira. Il dut vérifier que Kōtarō n'était pas parti poursuivre les canards. Le voyant suivre, il se remit en marche.
Cela fut à peu près le ton de toute leur journée. Quoiqu'ils fassent, Tetsurō ne parvint pas à améliorer l'humeur générale. Alors qu'il avait tout d'abord pensé rester jusqu'au soir pour diner tous au restaurant, il y renonça, et proposa de rentrer plus tôt que prévu. Personne ne s'y opposa, et ils reprirent la route en fin d'après-midi. L'atmosphère était si lourde dans l'habitacle que Tetsurō avait du mal à respirer. Il tenta, une fois encore, de remonter le moral de tout le monde, essayant de meubler comme il le pouvait, aidé de Keiji, qui y mettait sincèrement du sien, mais sans succès. La plupart du trajet retour se fit donc dans le silence.
Après cette journée atroce, Kuroo fut bien content de retrouver la maison. Chacun partit de son côté en arrivant, tous ayant besoin de reprendre leur souffle.
La nuit commençait à tomber lorsque Tetsurō se décida à quitter sa chambre. Il se faisait tard, et il commençait à sérieusement avoir la dalle. En arrivant au niveau de la pièce de vie, il constata que Kenma et Natsume étaient dans la cuisine. Enfin ! Peut-être que ces deux-là avaient décidé d'arrêter de plomber l'ambiance ! Alors qu'il allait annoncer sa présence, il fut complètement pris de court par ce dont il fut témoin : alors que Kenma était simplement venu se servir un verre d'eau avant de retourner à ses occupations, Natsume avait fondu sur lui, tapant brutalement son poignet d'un revers de main. Kenma réussit à ne pas échapper le verre, mais il se prit tout de même la moitié du contenu dessus. La scène était si improbable que Tetsurō ne réagit pas immédiatement.
Cette fois, c'en était trop pour Kenma:
— Sérieux Natsu, c'est quoi ton problème au juste ?
— C'est quoi mon problème ? C'est quoi mon problème ?!
Elle échappa un rire sec, méprisant. Et d'une voix que son ainé ne lui connaissait pas, elle continua :
— Fait pas genre ! Tu le sais très bien ! J'arrive pas à croire que tu sois comme ça, tu me dégoutes.
Kenma cligna des yeux, complètement pris de court par l'acidité de sa voix.
Cette fois Kuroo ne pouvait pas laisser couler.
— Hey ! Natsu ! -il la saisit pas le bras pour l'éloigner de Kenma et pouvoir lui faire face- lui parle pas comme ça ! C'est vrai, c'est quoi ton problème là ?
Natsume parut tout d'abord surprise de sa présence. Son visage se ferma rapidement et elle se dégagea de lui en le repoussant en arrière.
— C'est quoi mon problème ? Tu sais pas ce que je sais Tetsu, et c'est pas jolie jolie. Je voulais pas te le dire, mais ça peut pas continuer comme ça ! Ou peut-être que tu veux lui dire toi-même Kenma ?
Elle avait relevé les yeux vers le concerné, le fusillant du regard avec une animosité si acide que Kuroo en frissonna.
Le blond tourna les yeux vers lui, très peu atteint par l'attitude de sa sœur, simplement déboussolée. Tetsurō n'était pas plus avancé que lui pour le coup.
— De quoi tu parles Natsu ?
— Oh vraiment !
Elle se posta presque devant lui, prenant une posture défensive, continuant à fusiller Kenma du regard.
— Tu comptes vraiment la jouer comme ça ? Pff, ça m'étonne même pas... Bah ok, je vais le faire moi-même.
Elle se tourna vers son frère, attrapant son regard. D'une voix sérieuse, voilée de colère, elle lui dit :
— Tetsu, je crois qu'il faut que tu saches quelque chose.
-/-
Trois jours plus tôt
Natsume s'était donné une mission et une seule : tout faire pour découvrir l'identité du petit ami de son frère. Lorsque sa mère lui avait dit qu'il serait à la maison avec ses trois "colocataires", Natsume n'avait pas hésité une seconde à abandonner tous ses plans pour se consacrer à cette noble mission, et ceux, quitte à jouer les emmerdeuses.
Le célibat de son frère était de plus en plus improbable à ses yeux. Elle avait été témoin de bien trop de ricanement ridicule et de messes basses entre lui et Kasumi la dernière fois qu'il avait mis les pieds ici, pour qu'il n'y ait pas une histoire derrière, elle en était certaine.
Ses suspicions s'étaient naturellement portées sur Kenma. Son meilleur ami d'enfance, réapparu miraculeusement dans sa vie après dix ans, et qui l'invitait à venir vivre chez lui après un tragique accident ? Le scénario de rom com idéale ! Le classique "and they were roommates" ? C'était presque trop gros !
L'occasion était parfaite, et elle n'allait certainement pas laisser passer ça. Les deux autres étaient des candidats potentiels, certes, mais elle en doutait fortement...
Lorsqu'elle était rentrée dans la chambre de son ainé en arrivant le premier jour, découvrant son frère et son "ami" dans des positions trop étranges pour être naturelle, cela n'avait fait qu'intensifier ses doutes sur la relation pouvant exister entre eux.
Mais Natsume n'avait pas décidé de s'arrêter là. Elle avait l'âme d'une scientifique, et avait par conséquent besoin de preuves irréfutables ! Cela avait pris plusieurs jours, qu'elle avait passés à les épier sans relâche et à analyser chacune de leurs interactions, mais son travail avait finalement payé !
Le soir du deuxième jour, elles les avaient vus dehors ensemble. Bingo, c'était-elle dit, et cela n'avait pas loupé. Certes, elle avait dû se planquer dans un buisson dehors, les jambes écorchées par les orties et les chauves-souris lui passant à quelques centimètres de la tête, et elle avait cru plusieurs fois se faire repérer, mais elle avait finalement eu sa preuve irréfutable : un baiser sous les étoiles ! Mission accomplie ! Elle était repartie aussi discrètement que possible, mais avait passé une bonne dizaine de minutes à sautiller gaiment dans sa chambre, ravie d'avoir pu confirmer son hypothèse initiale. Elle en était certaine depuis le début, et elle en avait maintenant la preuve ! Finis les messes basses dans son dos !
Elle n'avait tout d'abord pas prévu de continuer sur sa lancée, mais elle était quasiment sûre que Bokuto et Akaashi formaient également un couple. Elle en avait eu la confirmation le jour suivant. Alors qu'elle passait devant la baie vitrée après sa leçon d'allemand improvisée, elle était tombée sur Bokuto et Akaashi, assis sur le perron à l'arrière de la maison, regardant l'orage déchirer le ciel. Alors qu'elle était sur le point de continuer son chemin sans leur prêter attention plus longtemps, elle avait vu Bokuto se pencher vers le brun pour fourrer sa tête dans ses cheveux, de façon bien trop intime pour que la relation existante entre ces deux-là soit simplement platonique. Akaashi s'était finalement tourné, lui offrant un sourire tendre, et finalement penché pour l'embrasser. Jackpot ! Deux sur deux !
Satisfaite, elle avait décidé d'enfin leur lâcher un peu la grappe pour les laisser respirer.
Mais tout bascula le jour suivant.
Après le repas, elle était repartie dans sa chambre pour bidouiller tranquillement de son côté. Au bout d'un moment, alors qu'elle était simplement en train de bouquiner, elle fut interrompue dans sa lecture par des chuchotements dans le couloir. Intriguée, elle s'était approchée de la porte à pas de loup et l'avait ouverte pour voir ce qu'il se passait. Elle avait alors découvert qu'il s'agissait de Kenma et Bokuto qui discutaient dans le couloir. Même en tendant l'oreille, elle n'était pas parvenue à comprendre ce qu'ils se disaient. Peu importe, ce n'était pas ces affaires après tout. Elle fut un peu intriguée par leur proximité physique, mais ne s'y arrêta pas. Bokuto avait l'air assez déprimé, le blond devait simplement tenter de lui remonter le moral. Ils habitaient ensemble après tout, ils devaient être des amis assez proches, s'était-elle simplement dit. Ce fut alors qu'elle allait refermer la porte qu'elle vit quelque chose qui la secoua tout entière : sous ses yeux éberlués, Kenma s'était hissé sur la pointe des pieds pour prendre le visage de Bokuto dans ses mains et l'embrasser.
Prise de court, elle était rentrée dans sa chambre et s'était plaquée contre la porte, retenant son souffle jusqu'à ce que les voix s'éloignent. Elle n'arrivait pas à y croire ! Pas lui ! Pas Kenma ! Faire ça à son frère ?!
Le choc initial passé, elle avait commencé à mesurer l'ampleur de la chose, tout ce que cela sous-tendait.
Elle s'était rappelé qu'ils habitaient tous les quatre ensembles, cela signifiait donc que Kenma trompait son grand frère sous son nez ! Dans sa propre maison ! Cela signifiait que le petit-ami de son frère, son meilleur ami d'enfance, la personne en qui il avait surement le plus confiance, n'avait pas hésité à le trahir. C'était tout simplement immonde ! Le choc initial passé, elle avait tenté d'être plus pragmatique, se demandant ce qu'elle devait faire avec le secret qu'elle venait de découvrir. Le dire à son grand frère ? Elle ne pouvait décemment pas lui faire une chose pareille ! Aucun doute que Tetsurō serait dévasté s'il l'apprenait. Il avait l'air si heureux, et elle allait tout briser... Il se retrouverait surement à la rue, sans personne, le cœur en miette ! Mais elle ne pouvait décemment pas le laisser dans l'ignorance. Elle s'était jurée de faire quelque chose, de le dire à son frère le plus rapidement possible !
Alors qu'elle était en train de s'imaginer comment elle pouvait lui annoncer sans le brusquer, elle avait entendu la porte de la chambre de son frère s'ouvrir. Ses yeux s'étaient écarquillés, horrifiée : cela signifiait que Kenma et Bokuto avaient fait ça en sachant pertinemment que Tetsurō n'était qu'à quelques pas d'eux, pouvant sortir à tout moment pour leur tomber dessus ! Cela tenait carrément de la perversion à ses yeux ! C'était répugnant !
Alors qu'elle était sur le point sortir pour aller tout raconter à son frère, elle s'était stoppée en l'entendant parler avec Kenma dans le couloir. Elle ne parvint pas à entendre ce qu'ils disaient, mais elle savait que cela ne pouvait s'agir que d'une trainé de mensonges !
En les entendant tous les deux repartir, elle s'était décidée à sortir pour rattraper son ainé, pas question qu'elle laisse filer ! Mais alors qu'elle allait rejoindre la cuisine, elle dut de nouveau se planquer. Elle était restée en apnée une bonne dizaine de secondes, avant de se retourner discrètement pour voir ce qu'il se passait dans le salon. Cette fois, ce fut Akaashi qu'elle vit discuter avec Kenma. Rien ne trahissait la culpabilité du blond. Elle avait senti son cœur se serrer en se rappelant que Kenma et Bokuto n'avaient pas simplement trahi son frère, ils avaient également trahi Akaashi, toujours alors que lui aussi ne se trouvait qu'à quelques pas d'eux ! Le blond jouait les pauvres choses, mais Natsume pouvait voir clair dans son jeu, elle connaissait son vrai visage à présent !
Alors qu'elle allait se glisser discrètement dans le couloir pour rejoindre l'extérieur, elle fut de nouveau témoin de quelque chose qui la tétanisa d'horreur : Kenma avait passé ses bras autour du bassin d'Akaashi et s'était mis sur la pointe des pieds. Akaashi s'était à son tour penché et ils s'étaient rencontrés dans un baiser.
Cette fois elle eut l'impression que son cœur venait d'imploser dans sa poitrine : Lui aussi ! Décidément, Kenma ne manquait pas de culot !
Cela tenait du crime organisé à ce stade-là ! Cela signifiait que non seulement Kenma et Bokuto trahissait son frère, mais Akaashi faisait partit également de cette vaste mascarade ! Elle n'arrivait pas à croire qu'Akaashi était lui aussi été mêlé à tout cela ! Pas son professeur ! Quel déshonneur ! Trahir son petit-ami et son ami du même coup ! Quoique son petit-ami aussi faisait la même chose de son côté… Cela n'avait aucun sens !
Son regard s'était durci.
Elle en était presque certaine, Kenma était derrière tout ça. C'était lui qui les avait tous pris au piège ! Il devait les avoir manipulés tous trois pour réussir à tous les avoir en même temps, sans avoir à en payer les conséquences ! C'était bien plus grave que ce qu'elle pensait ! Elle en fut si terrifiée et dégoutée qu'elle sentît la bile lui monter à la gorge. Ils habitaient tous sous son toit en plus de cela... Il devait les avoir manipulés, ou faire pression pour qu'ils restent avec lui, elle ne voyait que cela. Il les gardait chez lui comme des animaux de compagnie, surement pour profiter d'eux dès que bon lui chantait !
Ce fut en réalisant cela qu'elle avait commencé à hyperventiler, sa tête commençant à s'assombrir de pensées obscures. Elle avait écouté bien trop de podcast true crime pour que cela ne la fasse pas tiquer, elle était certaine qu'elle venait découvrir quelque chose de terrible !
Elle ne pouvait pas laisser son frère dans cette histoire... Il fallait qu'elle le sorte de là avant qu'il soit trop tard ! Mais il allait être dévasté... Cela le marquerait à vie, pour sûr ! Est-ce qu'il arriverait même à s'en remettre un jour ? Qu'est-ce qu'elle devait faire au juste ?!
Désarmée, elle était retournée dans sa chambre, et avait passé les heures suivantes à se triturer les méninges pour trouver comment sortir son ainé de cette sombre histoire. Les victimes de ce genre de manipulation émotionnelle étaient souvent dans le déni, ne voulant pas se rendre compte de ce qu'il se passait réellement. Même si toutes les preuves de leur maltraitance leur été donné, le cerveau ne pouvait pas encaisser tout cela d'un coup ! Mais si elle ne faisait rien, elle avait peur que la situation s'empire, et que cela soit encore plus difficile de confronter Tetsurō à la réalité de sa situation. Elle n'avait pas pu en dormir de la nuit, les scénarii dans sa tête devenant de plus en plus macabres.
Alors qu'elle avait prévu de passer la journée à Sapporo de son côté, elle n'avait pas pu se résoudre à laisser son frère seul avec ces traites. Tetsurō ne se doutait de rien, pauvre ignorant qu'il était... Natsume ne voulait pas l'arracher à son illusion, mais il fallait qu'elle le fasse d'une manière ou d'une autre, avant qu'il ne soit trop tard. Et elle n'allait certainement pas le laisser avec Kenma sans surveillance, ce rat menteur ! Ce psychopathe qui en voulait pour sûr à son frère adoré ! Elle s'était toujours doutée que quelque chose clochait chez ce garçon ! Il fallait absolument qu'elle en parle à son frère ! Mais comment ? Pas moyen de l'avoir pour elle seule ! Elle avait bien vu une ouverture pour se débarrasser du blond lorsqu'ils étaient au parc. Kenma s'était approché de l'eau pour rejoindre Bokuto. Prise d'une colère désespérée, elle s'était jetée sur lui pour le faire tomber à l'eau. Elle s'était dit qu'elle profiterait de l'ouverture pour s'enfuir avec son frère. Malheureusement, alors que Kenma allait basculer en avant, Bokuto l'avait rattrapé par le bras. Le blond avait simplement échappé sa bouteille dans l'eau et était retombé sur ses fesses. Le bruit avait alerté Akaashi et Tetsurō devant, anéantissant toute chance de pouvoir éloigner son frère avant qu'ils ne réagissent. Tous les regards s'étaient tournés vers elle, et elle s'était sentie piégée.
Peu importe, elle n'allait pas laisser tomber !
La réaction de son frère à ce moment-là ne fit que confirmer ses pires craintes : il était complètement sous l'emprise de Kenma.
Bokuto et Akaashi devaient l'être aussi. Cela signifiait que quoiqu'elle dise, quoi qu'elle fasse ; ils ne la croiraient pas.
Elle s'était donc décidée à changer de plan : plus question d'isoler son frère pour le confronter à la réalité, il fallait qu'elle pousse Kenma à tout avouer. C'était la seule solution qu'elle pouvait envisager.
Alors elle patienta. Elle devait le confronter pour de bon, la mascarade avait assez duré ! Mais elle savait qu'il fallait qu'elle agisse avec prudence... Un faux pas, et la situation pourraient dégénérer, voir devenir dangereuse. Qui sait comment Kenma réagirait si sa supercherie venait à être révélée, peut-être même qu'il risquait de devenir violent !
Combien de temps faudrait-il pour que quelqu'un se rende compte de leur disparition si Kenma se décidait à tous les dézinguer pour les enterrer dans le jardin ?!
Même si la peur commençait à s'immiscer en elle, elle tint bon.
Elle avait attendu que Kenma soit seul. Quand elle l'avait vu aller dans la cuisine, elle l'avait suivi, activant le dictaphone de son téléphone, prête à collecter toutes les preuves qu'il lui fallait. Elle s'était approchée doucement, ne faisant aucun mouvement brusque. Elle avait repéré le couteau posé sur le comptoir, gardant sa position en mémoire au cas où la confrontation deviendrait violente. Elle manqua de se dégonfler en constatant que Kenma avait l'air calme, pas le moins du monde perturbé par sa présence. C'était pire que ce qu'elle avait prévu ! Cela pouvait signifiait que si elle n'était pas prudente, il pouvait la prendre de court assez facilement. Hors de question qu'elle se laisse faire ainsi, même si elle était potentiellement en danger ! Elle avait attendu, les muscles crispés, dans le dos de Kenma. Elle avait jeté un dernier coup d'œil au couteau, et s'était avancée d'un pas. Le blond n'avait pas réagi, se contentant de hausser vaguement un sourcil en la trouvant derrière lui.
S'en était trop pour elle ! Il fallait que cela cesse ! Elle décida donc d'attaquer la première, lui coupant l'herbe sous le pied pour qu'il n'ait pas le temps de la contrer. Mais son attaque eut bien moins d'impact que ce qu'elle avait imaginé, le verre que Kenma tenait dans les mains se renversa simplement sur lui et sur le sol.
— Sérieux Natsu, c'est quoi ton problème ?!
Le ton de sa voix était bien trop léger pour l'ampleur de la situation. Elle bouillonnait de l'intérieur. Elle n'arrivait pas à croire qu'il puisse avoir si peu de remords !
— C'est quoi mon problème ? C'est quoi mon problème ?!
Elle échappa alors un rire sec, méprisant. Il ne fallait pas qu'elle flanche !
— Fais pas genre ! Tu le sais très bien ! J'arrive pas à croire que tu sois comme ça, tu me dégoutes.
Kenma cligna des yeux, complètement pris de court par l'acidité de sa voix.
— Hey! Natsu !
La concernée sursauta. Elle ne s'était pas rendu compte de la présence de son frère. Ce dernier l'attrapa par le bras pour la repousser en arrière.
— Lui parle pas comme ça ! C'est vrai, c'est quoi ton problème là ?
Il ne se rendait vraiment compte de rien ? Vraiment ?! Kenma allait réussir à la faire passer pour la méchante de l'histoire ?! Certainement pas, elle n'allait pas le laisser faire !
Elle repoussa son frère pour qu'il la lâche.
— C'est quoi mon problème ? Tu sais pas ce que je sais Tetsu, et c'est pas jolie jolie. Je voulais pas te le dire, mais ça peut pas continuer comme ça. Ou peut-être que tu veux lui dire toi-même Kenma ?
Elle maintint son regard, ne lui laissant aucune échappatoire, lui montrant bien qu'elle n'allait pas se laisser berner ! Elle vit Kenma relever les yeux vers son frère, faisant mine de ne pas comprendre où elle voulait en venir. Il pouvait bien jouer les innocents autant qu'il le voulait, elle ne le laisserait pas s'en tirer comme ça ! Elle défendrait sa famille quoiqu'il lui en coûte !
— De quoi tu parles Natsu ? demanda son frère, qui ne semblait pas plus alarmé que ça.
— Oh vraiment !
Elle se posta presque devant lui, prenant une posture défensive, continuant à fusiller Kenma du regard.
— Tu comptes vraiment la jouer comme ça ? Pff, ça m'étonne même pas... Bah ok, je vais le faire moi-même.
Elle se tourna vers Tetsurō attrapant son regard. Cela allait être dur, mais il fallait qu'elle le fasse. D'une voix sérieuse, voilée de colère, elle lui dit :
— Tetsu, je crois qu'il faut que tu saches quelque chose.
Elle vit son frère hausser un sourcil. Elle flancha, perdant de sa confiance. Il fallait qu'elle commence doucement, si elle révélait l'ampleur de la supercherie maintenant, elle n'était pas certaine que son frère la croit.
— Je sais que ça... tu vas pas me croire, et que ça va être dur, mais je peux pas te laisser comme ça... Je …
Tetsurō tourna les yeux vers Kenma. Elle n'arrivait pas à croire qu'il lui fasse plus confiance à lui qu'à elle ! Il fallait que cela cesse !
— Kenma te trompe.
Les yeux des deux autres tombèrent sur elle, profondément surpris de ce qu'elle venait de dire.
— De quoi ? Mais Natsu on...
— Je sais que vous êtes ensemble, je vous ai vu, mais...
Elle fusilla Kenma du regard.
— C'est pas la seul chose que j'ai vu.
Ok, c'était le moment.
Elle prit la main de son frère dans la sienne, espérant que cela adoucisse le choc.
— Ils t'ont tous trahi, tes amis, ton petit copain, ils t'ont tous trahi ! J'arrive pas à croire qu'il t'ait fait ça ! Je... je suis désolé, mais je peux pas te laisser dans l'ombre comme ça. Qui sait ce que... j'ose même pas imaginer ce qu'ils... ce qu'ils cherchent à te faire !
Son cœur battait à tout battre dans sa poitrine, elle avait les yeux humides, mais il fallait qu'elle reste forte, pour lui.
— De... de quoi tu parles Natsu ?
— Je l'ai vu ! De mes propres yeux ! Non seulement Kenma te trompe, mais il le fait avec Bokuto et Akaashi ! Tu … je sais que c'est dur à avaler, mais c'est la vérité, je les vus de mes propres yeux. Kenma, il... il vous manipule et tu vois rien !
Son frère ne dit rien. Elle fronça les sourcils, surprise de son manque de réaction.
Ce dernier grimaça, il leva les yeux vers Kenma, et avala difficilement sa salive.
— Non, Kenma, vraiment ?
Elle tiqua en entendant le ton faux de sa voix. Non...
Elle se tourna vers Kenma. Non.
Le blond soupira, semblant tout au plus légèrement agacé. Elle avait pensé que la révélation de son secret le ferait paniquer, qu'il tenterait à tout prit de nier les faits. Il n'en était rien, et cela la prit complètement de court.
— Nope, c'est mort, démerde-toi. C'est fini maintenant Ji, répondit Kenma, avant de tourner les talons.
Natsume en resta bouché bée. Elle avait envisagé des milliers de scénarii, mais pas celui-là. Elle se tourna de nouveau vers son frère. Il n'avait pas l'air particulièrement choqué non plus, juste anxieux. Elle lâcha les mains de Tetsurō, ses bras retombant mollement le long de son corps.
— Natsume, vient on va s'assoir.
Il marcha jusqu'à la table. Il s'assit et tira la chaise à ses côtés, puis l'invita à le rejoindre.
Natsume n'en revenait pas. Du coin de l'œil, elle vit apparaitre Bokuto, qui fut très vite tiré de nouveau dans le couloir par Kenma.
Oh... elle n'avait pas vu cela venir... C'était peut-être bien pire que ce qu'elle avait imaginé…
Tetsurō tapota l'assise de la chaise à ses côtés. Elle le rejoignit, mais ne s'installa pas de suite.
— Tu le savais ?
— Assieds-toi.
Elle s'exécuta cette fois, détaillant son frère du regard, décortiquant son expression faciale. Tetsurō soupira. Il avait l'air profondément anxieux.
— Oui, je savais.
Elle n'en revenait pas... Kenma avait réussi à le manipuler à ce point ! Il avait réussi à lui faire avaler ça ! Pour qu'il se tienne bien docilement ! Alors qu'elle allait parler, elle fut interrompue pas son frère.
— Ils étaient déjà ensemble quand je les ai rencontrés... Enfin, je savais pas au début, mais...
Non. Non, non, non ! Il fallait qu'elle dise quelque chose !
— Je comprends pas. Tetsurō, tu peux pas te laisser faire comme ça ! Ça, tu te rend pas compte ! Il te manipule !
— Il ne me manipule pas Natsu.
Il avait parlé calmement, sans que sa voix ne sursaute, sans que de trouble ne percent. Tetsurō reprit son souffle, et elle suivit chacun de ses mouvements. Elle était tétanisée.
— Ok hum...Je... déjà entendu parlé de polyamours ? Bordel, j'arrive pas à croire que je te parle de ça...
Il laissa sa tête retomber entre ses mains.
— Plus qu'une journée bordel, marmonna-t-il, je pouvais pas tenir une pauvre semaine...
Natsume avait peur de comprendre.
— Que... qu'est-ce que tu veux dire ?
— Natsu... Merci de t'être inquiété pour moi, mais... Je... Kenma ne me manipule pas, ni personne.
—Mais il te trompe ! Avec tes amis en plus! Sous ton nez ! Et si... tu le sais en plus! Tu te rends pas compte que !
Elle fut coupée dans son élan.
— Je... je te l'ai dit... Il ne me trompe pas, et il... il ne me manipule pas. Je sais qu'ils sont ensemble, et moi aussi.
Elle fronça les sourcils.
— Toi aussi quoi ?
— Je suis avec eux.
Elle eut l'impression que l'air venait de se densifier pour tomber sur elle en chape de plomb, écrasant ses poumons dans sa poitrine.
— De quoi? Je croyais que... tu sors pas avec Kenma ?
Les scénarii qu'elle avait imaginés commençaient à s'entrechoquer pour s'annihiler. Sa tête se vida.
— Oui, je suis avec Kenma... Et Kōtarō, et Keiji...
Sa respiration se coupa. Tetsurō échappa un sourire timoré.
— De quoi ?
Plus elle le regardait, et moins elle avait l'impression de le reconnaitre. Qu'est-ce que cela voulait dire au juste ? Elle ne le reconnaissait plus. Pas son frère, pas lui... C'était...
Elle sentit un sentiment étrange l'envahir, mélange de malaise et dégout. Tout ce qu'elle avait projeté sur Kenma venait de prendre une nouvelle forme pour se coller à la peau de son frère, le rendant méconnaissable. Elle le vit dans son regard, elle vit qu'il avait compris les émotions la traversant. Elle vit qu'il était blessé, mais elle n'arrivait pas à le prendre en pitié, il avait créé trop de dissonance en elle pour qu'elle y parvienne.
— Ouais, je pensais pas ça de toi.
Son ainé soupira et leva les yeux au ciel.
— Et c'est reparti...
— Quoi c'est reparti ?!
Il soupira de nouveau.
— Katsu m'a fait le même coup quand elle l'a appris...
— Parce qu'elle est au courant ?!
— Oui...
— Woah, et elle est d'accord avec ça !
L'amertume et la colère commencèrent à émerger sur les traits de son frère.
— De un , oui, elle l'est. De deux, j'ai autre chose à faire que recevoir des discours moraux d'une morveuse de dix-sept ans. De trois, bordel c'est quoi votre problème à la fin ! Je suis toujours la même personne, j'ai tué personne à la fin ! Je vois pas ce que c'est votre problème !
Elle sentit la colère bouillir en elle, gorger son sang pour se répandre en elle. Elle ne savait pas finalement non plus ce qu'était son problème, c'était une réaction viscérale, automatique, apprise, et elle n'eut pas le temps de la questionner avant qu'elle réponde acerbement :
— C'est bien ça qui m'effraie, tu t'en rends pas compte !
— Natsu...
— Je vais me barrer avant de dégueuler une bonne fois pour toutes. Dire que je me suis retourné la tête pour toi !
Elle se releva d'un coup, la chaise se renversant au passage. Elle avait les larmes aux yeux, le corps remué de colère, de déceptions, de dégout et de confusion. Sans rien ajouter de plus, elle partit. Elle croisa Bokuto, Kenma et Akaashi dans le couloir, qui avaient surement suivi toute la conversation. Elle ne leur prêta pas un regard et rejoignit sa chambre. Elle balança le premier truc qui lui tomba sous la main en entrant. Pas question qu'elle reste ici plus longtemps, il fallait qu'elle se barre de cette baraque !
-/-
Même après tous les "coming out" qu'il avait dû faire dans sa vie, Tetsurō n'avait pas encore pris l'habitude, il avait toujours du mal à s'y confronter, puis à s'en remettre. Un peu comme les tremblements de terre. Il en avait une peur panique, même si c'était quelque chose qu'il devait, par la force des choses, rencontrer souvent dans sa vie. Parfois, le sol tremblait à peine, parfois tout autour de lui s'écroulait. Quelque chose s'était définitivement écroulé cette soirée-là, et Kuroo ne savait pas s'il pourrait le rebâtir un jour.
Heureusement, il avait trouvé un endroit où il se sentait en sécurité, où il n'avait jamais peur de voir le monde s'écrouler : auprès de ses partenaires.
Ils avaient tous suivi la conversation qu'il avait eue avec sa petite sœur, et à peine avait-elle disparut de la circulation qu'ils s'étaient empressés de venir le voir pour le soutenir. Il était à présent écrasé entre eux dans le canapé, il étouffait de chaud, mais il comptait bien ne rien y faire. Ses amoureux faisaient de leur mieux pour lui remonter le moral, pour éviter qu'il ne tombe dans le trou sans fond qu'il avait senti se creuser sous ses pieds quand sa petite sœur avait quitté la pièce.
Kenma avait repris le registre le l'absurde noir, qu'il savait efficace maintenant pour les sortir de situation déprimante. Il était un peu plus soft cette fois, Kuroo était bouleversé de la réaction qu'avait pu avoir Natsume à son égard, mais il n'en était pas à vouloir lui crever les yeux et l'empailler pour partir faire une tournée de spectacle de marionnette.
— Elle croyait quoi au juste ? Que je te retenais prisonnier dans un bordel ?
— Pff je sais pas...
— Bah non, si t'étais un mac, c'est comme le deal de drogue, tu touches pas à la marchandise non ? remarqua Kōtarō..
Diable, comment ils s'étaient retrouvés à parler de ça...
— Je ne sais pas si c'est vraiment comparable.
Tout le monde hocha vaguement la tête.
— Comment ça se fait qu'on me compare aussi souvent à un criminel... dit Kenma.
— J'en sais rien... t'as la gueule de l'emploi peut-être ?
— Comment ça j'ai la gueule de l'emploi ?!
Il attrapa Kōtarō par les hanches pour le chatouiller en guise de représailles. Ce dernier se retira aussi rapidement que possible, éclatant tout de même de rire, se plaignant qu'il était un grand blessé et qu'il nécessitait une immunité.
— De toute façon, si je me lançais dans le bizz, j'aurais même pas besoin d'aller jusque-là... Ya des gens qui payes pour se faire enlacer dans ce pays, juste ça, franchement, ya un business à faire... C'est peut-être ça le problème en fait...
— De quoi ? demanda Tetsurō.
— Bah yen a qui dépenserait tout leur salaire pour pouvoir avoir des câlins, toi t'en a des tas gratos, forcément que ça crée de la jalousie.
La remarque fit sincèrement rigoler Kuroo, ce qui fit sourire ses partenaires. Il sentait entre eux flotter la douceur de la tendresse.
Ils furent cependant arrachés à leur petit moment lorsqu'ils entendirent finalement des pas dans le couloir. Ils se séparèrent immédiatement, chacun se tenant à une distance respectable.
Natsume apparut dans le couloir une fraction de seconde alors qu'elle se dirigeait vers la porte, visiblement habillé pour sortir en soirée.
Même si elle l'avait profondément blessé, et que sa présence dans la maison ne faisait que nourrir son anxiété, Tetsurō devait tout de même jouer les grands frères et les adultes responsables :
— Natsu ?
Pas de réponse. Il se redressa et se dirigea vers le hall d'entrée. Il y trouva sa petite sœur, en train de mettre ses chaussures.
— Tu vas où ?
Elle ne lui répondit pas, et ne lui prêta pas un regard non plus. Tetsurō pouvait bien voir que chacun de ses gestes trahissait la colère bouillonnant en elle, mais il insista tout de même :
— Natsume, tu vas où ?
— Ça te regarde pas, répondit cette dernière sèchement.
Tetsurō tenta de garder son calme, s'énerver ne ferait qu'envenimer la situation.
— Un peu que ça me regarde, je vais pas te laisser partir dans la nature comme ça, je sais pas où tu vas, chez qui, ni quand tu reviens.
Il avait parlé d'une voix ferme, mais posée et maitrisée.
— Lâche-moi.
— Non, je te lâche pas, je vais pas laisser ma sœur de dix-sept ans se barrer comme ça. Et puis tu vas pas sortir comme ça juste avec ton sac, il fait nuit et...
Natsu se releva d'un coup, ce qui fit presque sursauter son ainé. Elle le fusillait du regard, les yeux bouillonnant de rage. Tetsurō maintint son regard, ne flanchant pas une seconde.
— Quoi je peux pas sortir comme ça ? Comme quoi ? Tu sous-entends quoi ? T'as peur de quoi, que je parte faire le tapin ? Épargne-moi tes conneries tu veux ? Je me demande qui fait la pute ici, c'est pas moi qui vis dans un bordel.
Kuroo sentit son souffle se couper, il avait la gorge nouée, mais il ne flancha pas face à la violence de ses propos.
— Ok, donc lâche-moi et retourne avec tes pu...
Alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la porte, Kuroo la referma brusquement.
— Ça suffit maintenant.
Il avait parlé d'une voix grave et sévère, qui désarçonna Natsume. Cette dernière se retourna, lui faisant de nouveau face. L'intensité enflammée de son regard s'était dissipée, soufflée par l'attitude de son ainé.
— Tu peux me dire tout ce que tu veux, mais laisses mes partenaires en dehors de ça. Tu peux penser ce que tu veux Natsume, mais c'est moi l'adulte ici, je suis responsable de toi, et non, je vais pas te laisser partir en pleine nuit je sais pas où.
Natsume maintint son regard, le mépris et le défi transparaissant dans toute sa posture et ses traits.
— Ah tu peux me regarder comme ça, ça va rien changer. Alors maintenant tu vas m'écouter.
Il s'adressa à elle sans agressivité, mais d'une froideur sévère qui désarma Natsume.
— Je ne t'empêche pas de sortir, mais il fait nuit, et il commence à faire froid, je doute que la robe d'été soit appropriée s'il fait dix degrés dehors, prend ta veste s'il te plait.
Natsume s'exécuta sans chercher à argumenter. Elle baissa les yeux, commençant à redescendre, et à se rendre compte de ce qu'elle lui avait dit sous le coup de la colère.
— Maintenant, dis-moi où tu vas, et avec qui. Je vais pas te laisser de balader seule en pleine nuit au milieu de la pampa.
— Je vais juste chez Maki.
— Elle habite où Maki ?
— Pas loin, à dix minutes à pied, j'ai l'habitude. Tu crois que j'ai fait comment quand les parents étaient pas là ? J'ai pas dix piges !
— D'accord. Est-ce que je dois venir te chercher ?
— Non.
— Non, quoi ? Tu restes dormir là-bas ?
— Oui.
— Est-ce qu'il y a au moins un adulte responsable où tu vas ?
— Oui, ses parents.
Natsume évitait toujours de croiser son regard.
— D'accord. Alors écoute-moi bien. Je veux que tu m'envoies un message quand tu arrives.
Elle souffla, sans pourtant y mettre trop d'animosité. Elle était redevenue une simple adolescente mal lunée.
— Écoute-moi, tu m'envoies un message, et tu m'envoies l'adresse et le numéro de téléphone de ses parents.
— Tetsu !
— C'est ça où tu sors pas. Si j'ai pas de nouvelle dans 15 minutes, je pars te chercher, c'est compris ?
Elle ne répondit pas, faisant mine de réajuster la sangle de ses chaussures.
— C'est compris ?
Natsu hocha la tête, ne lui prêtant toujours pas un regard.
— D'accord.
Tetsurō fit un pas en arrière et se retourna.
— Bonne soirée.
Il lui avait parlé froidement, ne laissant aucune place aux sentiments qu'il pouvait ressentir. Il maintint sa position, droit, dos à elle, les bras croisés, jusqu'à ce qu'il entende la porte se refermer.
Il échappa un lourd soupir, ses bras retombants mollement. La confrontation avait drainé toute son énergie, il était sur le point de s'écrouler. Il traina les pieds jusque dans le salon, et son regard trouva immédiatement ceux de ses partenaires.
— Ça va ?
Kenma avait posé la question, mais il savait bien que non, il n'allait pas bien. Ils le savaient tous, ils pouvaient le sentir. Il était bouleversé, le corps remué de colère, de honte, d'affliction.
Malgré tout, il tenta de garder contenance. Il inspira profondément.
Mais il ne réussit pas cette fois à se défaire des idées noires qu'il sentait monter en lui, elles l'envahirent toutes d'un coup, lui hurlant en boucles toutes les choses détestables que sa petite sœur lui avait dites.
Ses pires craintes s'étaient manifestées. Il avait peur de l'avoir perdu pour toujours.
— Ça va... juste...
Il sentit les larmes lui monter aux yeux. La gorge nouée de chagrin, il répondit tout de même :
— Ouch quand même, ça fait pas du bien.
— Oh, Ji.
Il explosa en larmes pour de bon. Ses partenaires se levèrent tous trois d'un même mouvement pour venir l'enlacer.
Il échappa un rire mouillé :
— T'avais raison, elle te prend vraiment pour un patron de bordel.
Cela n'amusa personne. Ses partenaires resserrèrent leurs étreintes.
Il l'avait peut-être perdu pour toujours...
Natsume lui envoya un message en arrivant chez son amie, puis plus rien, silence radio. Il n'eut de nouvelles d'elle que le lendemain, pour lui dire qu'elle ne comptait pas revenir de la journée.
Tetsurō dut donc repartir pour Tokyo avant d'avoir pu parler de nouveau à sa petite sœur, avant d'avoir pu se réconcilier avec elle.
Il l'avait peut-être perdu pour toujours...
-Fin du chapitre-
Oups... oups. On approche de la fin, mais nous voilà dans un nouveau bourbier.
Bon, apparement le "overthinking", c'est génétique dans la famille Kuroo !
J'espère que ce chapitre vous aura plu!
Le chapitre sort à la bourre, mes excuses ! J'ai même pas d'excuses grandiloquentes (j'ai juste été distrait par la sortie du nouvel épisode de Helluva boss).
Prochain chapitre: Espoir
"Il releva les yeux sur le paysage au-dehors. Il fronça les sourcils en reconnaissant l'immense carrefour de Shibuya.
— Qu'est-ce qu'on fout là ? On n'aurait pas mieux fait de passer par en bas ?
Kenma souffla.
— Si, mais le pont est fermé et ya des travaux sur la 9, râla Kenma. C'est un bordel ici... Le GPS m'a fait passer par là.
Les travaux devaient être sacrément costaud pour que le GPS trouve plus judicieux de passer par le carrefour le plus blindé de la ville. Tetsurō tourna les yeux vers les écrans géants et les néons, polluant la nuit de lumière. Il fronça les sourcils en constatant que plusieurs des panneaux retransmettaient le journal télévisé. Il se redressa, fronçant les yeux pour réussir à lire ce qui était inscrit sur les bandes défilant en bas de l'écran.
— C'est quoi ce bordel... "
See ya
