Stiles se doucha et se vêtit en se faisant le plus discret possible. Normalement, il faisait ça le soir, mais les récents évènements lui donnaient envie de le faire un peu plus souvent. Au cas-où. Alors, il l'avait fait en mettant la puissance du jet à son minimum. Ce matin, il ne comptait pas réveiller Derek. Son but ? Partir au lycée à pied. C'était pour cette raison qu'il s'était levé tôt. A vrai dire, il n'avait pas passé une très bonne nuit. Celle-ci n'avait pas été surchargée de cauchemars, simplement… Stiles avait pensé, réfléchi. Et lorsque ça lui arrivait de manière intense, l'envie de dormir s'en allait. Ainsi, il était réveillé depuis trois heures du matin et officiellement debout depuis six. Le lycée n'était pas très loin, mais suffisamment pour qu'il s'y prenne à l'avance. Et puis ainsi, il ne dérangeait pas son hôte.
Déjà que celui-ci avait dû prendre sur lui pour calmer sa crise d'angoisse de la veille… Elle n'était pas violente ni particulièrement dure à gérer par rapport à d'autres qu'il avait déjà eues, mais le fait était que Derek était resté avec lui et avait tenu à l'aider au mieux. Il avait gardé un contact physique permanent avec lui, avait parlé, tenté de le rassurer à sa manière et comme il le pouvait tout en lui expliquant que tout allait bien, qu'il était en sécurité. Sécurité. Et qu'est-ce que ça voulait dire, au fond ? Sa maison à lui était aussi censée être un endroit où l'on devait se savoir en sécurité. Et pourtant, l'inconnu qui le terrifiait avait pénétré dans son foyer sans aucun problème et presque sans laisser de trace. En tout cas, il n'y avait rien d'exploitable. Rien qui puisse permettre de le retrouver. A peine un semblant d'odeur en train de s'évaporer qui montrait simplement qu'il avait été là.
Stiles vérifia le contenu de son sac en continuant de se faire le plus discret possible. Techniquement, il avait tout ce dont il aurait besoin pour la journée. Il jeta un coup d'œil à son téléphone. Il l'avait pourtant chargé, mais il s'était soudainement mis à douter. Il se méfiait de tout, même de ses propres agissements. Il avait peur d'oublier les choses, de ne pas les avoir faites. Une fois qu'il eut constaté que du côté de son cellulaire, c'était bon, Stiles le rangea dans sa poche. Il était temps de partir. Ainsi, il sortit de la cuisine dans laquelle il s'était installé le temps de faire ses petites vérifications et traversa le salon à pas de loups. Il regarda ses pieds parce qu'aller aussi lentement lui faisait un peu perdre l'équilibre, s'il ne faisait pas attention.
- Tu comptes aller où comme ça ?
Stiles sursauta violemment et se retourna brusquement. Derek était assis au milieu des escaliers en colimaçon, l'air inexpressif. Sans doute devait-il l'attendre depuis un moment, au vu de la manière dont il était installé, parce qu'il n'avait pas l'air surpris de le voir et son ton était posé. Stiles finit par deviner qu'en fait, ses efforts n'avaient servi à rien.
Pas la peine de mentir.
- Au lycée.
De toute manière, il n'avait ni l'envie ni la force de se chercher une excuse. Et dans tous les cas, Derek l'aurait détectée.
- Seul ? Fit le loup-garou.
Le côté rhétorique de la question manqua de faire soupirer l'hyperactif. Oui, il aurait aimé y aller seul parce qu'il avait horriblement honte du spectacle qu'il lui avait offert la veille. Une crise de panique et ce, juste après lui avoir exposé son ressenti – qu'il continuait de trouver stupide.
Stiles baissa les yeux. Encore. Il tira sur ses manches. Encore. Derek le remarqua. Encore. Il ne dit rien… Encore.
Stiles laissa son regard se perdre dans le vide un instant. Avait-il suffisamment tiré sur ses manches ? L'hyperactif ajusta légèrement le col de sa chemise ouverte. Il devait faire attention à la façon dont il recouvrait partiellement son cou. Et son jean ? Il pensa à sa ceinture, qui le gardait en place. Devait-il faire en sorte de la desserrer légèrement ? Histoire qu'il moule encore moins ses fesses qu'il n'était censé le faire… Enfin, aucun de ses pantalons ne le moulait vraiment, mais il avait peur.
Parce qu'il se voyait différemment. Qu'il n'arrivait plus à… Se voir autrement que comme un objet. Un objet de désir – ici, complètement malsain. C'était dingue comment quelques paroles, intrusions et mots pouvaient avoir un tel effet sur lui… Pourquoi, d'ailleurs ? Parce que tout s'était passé dans son intimité. Des espaces où lui seul avait le plus grand accès. Parce qu'un inconnu s'était débrouillé pour voler cet accès privilégié à son casier, sa maison, sa chambre, son lit. Un putain d'inconnu.
- Va te poser, manger un bout. On partira à l'heure habituelle.
Derek lui parlait simplement, comme il en avait l'habitude. De manière posée, sans une once de sympathie dans la voix. Pourtant, Stiles savait que le loup-garou éprouvait une certaine empathie à son égard, mais… Il avait toujours ce ton particulier qui lui donnait l'air insensible. Et qui n'aidait pas Stiles. Quoiqu'il n'était pas sûr qu'une démonstration de compassion lui fasse du bien… Parce qu'il était toujours fébrile et ne savait pas s'il avait réellement droit de se plaindre ou de réclamer qu'on l'aide. Disons qu'il avait l'habitude d'ignorer ses problèmes jusqu'à ce qu'ils disparaissent… Ou bien de s'en occuper lui-même. Sauf que dans ce cas précis, Stiles ne se voyait pas essayer d'aller confronter cet homme qui le terrifiait. D'ailleurs, il ne voyait pas comment le retrouver et même s'il y arrivait par un malheureux hasard… Il ne savait même pas de quelle manière il pourrait réagir. S'il serait vindicatif, ou bien paralysé par la peur que cet être abject lui inspirait.
La gorge sèche, Stiles obéit à Derek. Alla, comme il le disait, manger un bout. Sans envie, l'estomac noué.
Un moment plus tard, le loup vint le chercher, les clés de sa Camaro à la main. L'hyperactif le suivit, les mains serrées sur les bretelles de son sac. Il s'installa sans un mot dans le bolide et tira sur ses manches, encore, sans savoir que ce geste prendrait bientôt une toute autre signification. Et si Derek garda une nouvelle fois le silence concernant ce geste qui, bien que discret, lui déplaisait de plus en plus, il ne dit rien. Son désir n'était pas de mettre Stiles mal à l'aise, bien au contraire. L'idée, c'était de lui faire reprendre confiance en lui petit à petit. Le problème, c'est qu'il peinait à savoir comment faire, comment s'y prendre. Parce que Derek… N'était pas un professionnel dans les relations sociales, d'autant plus que Stiles était un être particulier. Une étoile qui perdait son éclat à une vitesse inquiétante. Comme si tout ça, ça le bouffait au fur et à mesure. Les mains de Derek se crispèrent sur le volant. S'il découvrait l'identité de l'homme qui l'avait mis dans un tel état, nul doute qu'il lui ferait regretter d'avoir ne serait-ce que poser les yeux sur Stiles. Comment les choses seraient-elles s'il l'avait agressé au sens propre ? Que resterait-il de l'hyperactif ?
Eh bien, Derek n'allait pas tarder à le savoir.
xxx
Les cours se passaient relativement bien si tant est que Stiles peinait à les suivre. Disons qu'il y avait des moments où ça allait, et d'autres… Où il se retrouvait à vérifier sa tenue, à tirer sur ses manches, à regarder tout autour de lui, pour voir si… Si quelque chose chez lui attirait le regard ou s'il arrivait à se faire discret. Stiles songea tout de même, à certains moments, de demander à Derek de venir… Juste pour lui amener un des sweats qu'il avait pris de chez lui. Quelque chose de grand, d'informe, qui puisse le cacher. Le rendre tout petit. Invisible.
- Stiles ?
L'hyperactif manqua de sursauter et lança un regard mi-surpris, mi-stressé à Isaac, qui lui faisait face. Les deux jeunes hommes attendaient devant une salle que le professeur de leur prochain cours arrive.
- Qu'est-ce qui t'arrive ?
Stiles pesta contre lui-même. Bien sûr, il n'allait pas bien et commençait tout doucement à développer des tendances quelque peu… Paranoïaques. Alors, évidemment, on devait ressentir son mal-être dans son odeur, ce qui signifiait que le mensonge n'était malheureusement pas envisageable. Enfin, avec Lydia, peut-être. Mais pas Isaac, parce qu'il s'agissait d'un putain de loup-garou et que de toute manière… Stiles n'avait pas l'énergie de mentir.
Il ne comptait pas se confier pour autant. Pas maintenant, du moins. Pas tant qu'il se sentait aussi misérable.
Ainsi, Stiles commit sa première erreur.
- Je… Je n'ai pas très envie d'en parler maintenant, Isaac.
Le jeune homme aux boucles d'or fit la moue, mais n'insista pas. Stiles détestait qu'on le force et Isaac n'était pas de ce genre-là. Néanmoins, il s'installa d'autorité à côté de lui lorsque le professeur arriva et commença son cours, que Stiles ne suivit encore une fois qu'à moitié.
Sa seconde erreur ? L'hyperactif la commit à la pause du midi, lorsqu'il décida de ne pas manger au self. Il y savait la nourriture mauvaise et déjà qu'il avait le ventre noué en quasi permanence… Autant qu'il se force à ingurgiter quelque chose de bon. Au moins, ça, ce n'était pas un mensonge – il avait d'ailleurs ajouté avoir besoin d'un temps seul. Ainsi, on l'avait cru… Et laissé partir en direction du petit supermarché qui ne se trouvait qu'à quelques minutes à pied du lycée.
Un petit supermarché que Stiles n'atteignit jamais.
