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Crépuscule
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Coucou !
Comme souvent ici, cet OS a été écrit dans le cadre d'un fest' organisé par le discord Festumsempra, sur le thème « Pages Manquantes » !
Les monstres ne sont jamais loin, mais je vous laisse avec un peu de joie dans ce recueil, pour changer ;)
Bonne lecture !
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Contraintes :
500 à 4000 mots
Expression sorcière pour inspiration : "être comme plume et parchemin"
Tableau pour inspiration : Wedding in a photographer studio (1879), par Pascal Adolphe Jean Dagnan-Bouveret (peinture)
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N'hésitez pas à nous rejoindre ici (enlevez juste les tirets et espaces) :
h-t-t-p-s : / / discord. gg / 73rYkUNPTx
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oOoOo
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« Il s'arrêta sur une photo prise le jour du mariage de ses parents. Son père, le visage radieux, les cheveux en bataille – tels qu'il les avait légués à Harry –, lui adressait des signes de la main. Sa mère, au bras de son mari, semblait rayonner de bonheur. Et là… Ce devait être lui… Leur témoin… Harry n'y avait jamais fait attention auparavant. »
– Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban, Chapitre 11.
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17 juin 1979
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Prêt, enfin.
Devant le miroir – pour une fois muet – de sa chambre, James attache et défait le même bouton de manchette, aplatit une mèche rebelle, inspecte les plis du smoking dont il rêve la disparition presque chaque nuit, le laissant paniqué, à moitié nu devant l'autel sous le fou-rire de ses amis. Immuniser le tissu contre toute forme de magie – qui sait ce qu'en feront les Prewett – a aspiré une bonne partie de son temps de préparation.
Il est si prêt que ses mains retombent le long de son corps, inutiles. Il se contemple longuement, étonné par l'élégance d'une tenue qui s'accorde mal avec son air juvénile. Qui est-il ? Un homme sur le point de se marier ou un enfant effrayé par son propre costume d'Halloween ?
— Tu crois qu'elle pourrait s'enfuir avant d'arriver à l'autel ?
Sirius éclate de rire.
— T'es dingue.
Sous un soleil d'acier ou le brouillard qui s'épaissit, agrégeant à lui chaque particule de haine, James Potter n'a jamais eu qu'une seule et unique inquiétude.
— Et pourquoi pas ?
— Parce qu'elle t'aime, idiot.
Des mots qu'il a déjà entendus. Une promesse absurde. Ils n'ont jamais été comme plume et parchemin. Le traverse l'image d'une petite fille assise sur une banquette élimée, dans un train rougeoyant sur le point de démarrer. Plus que l'invective, il se souvient d'un mépris tranchant que le temps ne fera qu'aiguiser. Ils ont onze ans. Le hasard d'une rencontre. James a trouvé ses amis, à la vie à la mort – la fille n'en fera pas partie.
Elle t'aime.
Ils grandissent. Le temps émousse les rancœurs ; James s'arrête parfois pour la regarder. Est-ce elle qui est différente, ou bien lui ? La voix railleuse de Sirius ne tarde pas à s'élever dans son dos : « Toi, la séduire elle ? Le chant d'une Mandragore a plus de chance de finir sur la RITM ! Oublie-la, mon vieux. »
Comment le pourrait-il ? Peu importe le scepticisme de ses amis. Il savoure les sourires furtifs, inattendus. Apprend à la connaître. A effleurer avec les mots ce que les mots ne peuvent pas dire. Puis il y a la main, le bord du gouffre, le risque. Cette main qu'il ose saisir un jour, et qu'elle ne lâche pas. Elle t'aime. Il se répète la formule pour lui-même, sans effacer l'angoisse qu'elle lui procure.
— Et si elle partait quand même ?
— Arrête de geindre, râle Sirius.
Sa cravate rouge et or crève le silence d'un rugissement lorsqu'il l'ajuste.
— C'est pas un peu kitch ?
— Très. Mais ça te va bien.
Il grimace.
— Je vais me marier, Patmol.
— Ah ? Enchanté : Sirius Black, ton témoin.
— Je suis sérieux, je vais me...
C'est à peine s'il voit son ami s'approcher.
— Pleure pas, tu vas détruire tout ton maquillage.
— Je te déteste.
Le miroir encadre le portrait d'un inconnu. Lorsqu'il recule pour s'en extraire, il ne parvient qu'à se rendre à lui-même plus lointain encore.
— Peut-être que c'est moi qui devrais m'enfuir, souffle-t-il.
— James. Regarde-moi.
Une main l'arrache à sa contemplation.
— Redis jamais ça. Tu m'as trop longtemps saoulé avec ta Lily par-ci, Lily par-là, ce n'est pas pour la planter devant l'autel. Je comprends que tu flippes. Je flippe. Tout le monde flippe. Mais quoi, tu n'as aucun problème à affronter une armée de Mangemort et tu vas te défiler devant un prêtre ?
— C'est juste que...
— Chut, ça m'intéresse pas. Enlève la poussière que t'as dans l'œil, il est temps d'y aller.
— Je suis affreux.
— Pas du tout. Tes yeux rouges s'accordent à merveille avec ta cravate. Par contre...
Sirius lui ébouriffe les cheveux à deux mains avant d'ôter le premier bouton de sa chemise trop serrée. La cravate ronronne paisiblement entre ses doigts. Si là, ce n'est pas son reflet... James Potter. Un garçon terrifié, mal-coiffé, qui n'a jamais su réprimer son goût des accessoires ridicules.
James inspire profondément.
— Tu sais que j'ai mis mes chaussettes cerf ? Elles brament quand j'agite mes doigts de pied.
— D'accord, je retire ce que j'ai dit. Tu mérites qu'on t'abandonne devant l'autel.
Il ne peut s'empêcher de lui sourire.
— Tu sais que je t'aime ?
— Si tu dis ça pour ne pas être le seul à pleurer, grogne Sirius, c'est pas très gentil.
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Belle.
Pas quelconque ou mignonne, mais belle. C'était la première fois qu'elle se voit apprêtée ainsi. Coiffée, maquillée, Lily reconnaît à peine son visage. Une joie superficielle la saisit en imaginant l'instant où James la verra avancer sur le chemin bordé de roses, puis monter sur l'estrade installée par leurs amis.
C'est lui qui a insisté pour respecter la tradition. James le rebelle, qui énumère les règles d'un sérieux sans faille. Des roses blanches qui deviendront rouges. Un témoin pour les conduire à l'autel. Le même pour faire un discours. Un vrai prêtre. Et tout un cérémonial : confier les alliances, ne pas se voir pendant trois jours, ne rien dire de sa tenue, ne pas se parler, pas même écrire tu me manques sur un bout de parchemin volé.
Elle s'en fiche, elle, de l'amas des règles et des superstitions. James a été élevé dans une idée du mariage bien précise, où se mêlent fleurs signifiantes, mystères et rebondissements codés où l'on feint la surprise. Si ça avait été elle, elle aurait donné rendez-vous au prêtre au milieu d'un champ ; il n'y aurait eu d'autres fleurs que les fleurs sauvages, d'autres invités que ceux du hasard, d'autres oreilles que celles de ce prêtre inconnu - le mieux étant pas d'oreilles du tout.
Si Marlène lui a formellement interdit de toucher à sa coiffure, elle prend un plaisir certain à désobéir, à jouer avec les mèches soigneusement bouclées qui s'échappent de son chignon. Elle garde toutefois ses mains loin de son visage. Pas question de repasser par le supplice de la brosse à mascara qu'on lui a deux fois fourrée dans l'oeil.
La main de Marlène fait pression sur son épaule.
— Je n'arrive pas à y croire. Ma petite Lily, bientôt...
— Mariée, souffle-t-elle.
Trois ans seulement auparavant, elle aurait éclaté de rire au nez de quiconque le lui aurait prédit. Elle, mariée ? Avec cet idiot de James Potter ?
Mariée.
Nue ou vêtue d'un sac poubelle, quelle importance ? Elle se marierait dans un champ de maïs sous les pschiiit de l'arrosage automatique, sur le sable rosé d'une plage paradisiaque, dans n'importe quel bâtiment en ruine, entre les murs dépeuplés d'une église ou pire, sous l'office d'un croque-mort dans un cimetière, pourvu qu'elle en finisse.
Elle a perdu trop de temps à fuir l'évidence.
— T'en penses quoi ?
Marlène laisse entrevoir un sourire.
— Je pense que James n'attendra pas la permission du prêtre pour te sauter dessus...
— Tu es sublime, traduit Alice en levant les yeux au ciel.
oOoOo
— Oui, je le veux.
Le prêtre parle trop. Il parle d'amour comme d'une généralité vague, s'embourbe dans la notion d'engagement, à la vie à la mort, dans les épreuves, blablabla, il emplit l'atmosphère de mots plus vides que les nuages. Peu connu pour sa patience, James l'a coupé dans son laïus. Déjà, la question lui semble absurde ; ce oui, il a eu envie de le crier dès qu'il l'a aperçue, elle, si flamboyante, gênée d'être le point d'ancrage des regards et pourtant tout sourire dans sa robe de mariée.
Lily a raison. Ce protocole est absurde. James l'aime là, apprêtée pour l'occasion et il l'aime plus encore au réveil, des traces d'oreiller sur les joues et les yeux gonflés de sommeil. Il l'aime heureuse et il l'aime fâchée. Il l'aime et ses peurs enfantines ne sont rien d'autre que ça : les peurs du gamin qu'il n'est plus.
Une fois venu son tour, feignant réfléchir, Lily suspend l'instant pour le plaisir de l'attente, celui de le rendre fou une toute dernière fois. Il lit dans ses yeux pétillants que ce n'est qu'un jeu. James réveille en elle son côté taquin, le désir d'imprévu et d'aventure qu'elle se refusait autrefois ; Lily réveille en lui une nervosité et une conscience nouvelle : celle qu'il n'est pas infaillible et que chaque instant, chaque geste compte.
— Mademoiselle Evans ?
Manipulée par Lily, la cravate de James rugit de satisfaction. Elle reporte sur le prêtre son regard distrait.
— Si je ne suis pas satisfaite... est-ce qu'il est remboursé ?
— Nous ne proposons pas de service après-vente, j'en suis navré.
Une moue déçue se peint sur le visage de la mariée.
— Crois-moi, dit James. M'essayer, c'est m'adopter.
Elle hésite, joueuse.
— Ça a intérêt à être vrai...
— Hé, c'est pas qu'on a faim, s'écrie Sirius, mais vous pourriez pas accélérer un peu ?
Remus s'amuse avec l'appareil photo : deux tonnes de métal entre ses doigts, et il ne se prive pas pour capturer les souvenirs. Clic. Il aime ce son qui lui semble figer la cérémonie tout entière, ou rien qu'un toast, une plaisanterie ou un sourire. Il en profite tant que le costume de James est encore intact, lui qui ne cesse de trébucher sur des racines, tant que l'alcool n'a pas encore coulé à flot. Il capture la malice de Lily, l'oeil magique de Maugrey en pleine inspection des alentours, la fourberie des Prewett, la joie simple de Peter, Marlène, Alice, Benjy, et le reste de leurs amis.
Le soleil illumine la plaine. Les platanes répandent leur ombre, frémissant à peine sous l'effet du vent. L'air est sec et l'herbe parée d'or jusqu'à l'étang limpide, quelques dizaines de mètres plus loin. Remus savoure les couleurs du paysage, son calme immobile, suspendu, comme une bulle de savon sur le point d'éclater.
Bientôt.
Mais pas maintenant.
Reportant son attention sur les mariés, il enclenche de nouveau le clic des souvenirs.
oOoOo
Lily accepte l'idée que comme le reste, sa jolie coiffure est éphémère ; la perfection s'allie mal avec l'herbe, le vent ou les sillons de terre. Simple accident ou courtoisie de Fabian Prewett - bien que celui-ci s'en défende avec vigueur -, le smoking de James en est déjà maculé.
— C'est bon signe de se salir un peu. Au mien, j'ai bien failli me noyer dans un lac !
— Et dis-moi Fab', tu n'es pas justement en plein divorce ?
Devant son air indigné, Marlène éclate de rire.
— Pas du tout. Marié tant que je ne signe pas les papiers...
— Même si tu dors sur le canapé de ton frère ?
Ivre, juste assez pour sentir le danger venir de ses talons de dix centimètres, mais trop pour avoir l'idée de les enlever, Lily saisit au vol une nouvelle coupe de champagne. Abandonnant Fabian à ses protestations, elle butine d'un invité à l'autre, fait tinter son verre contre celui de ses amis, se nourrit de leurs félicitations et des petits fours comme si elle pouvait ôter un cran de sa ceinture de mariée.
Une voix s'élève derrière elle.
— Belle fête, à vous donner l'envie de se trouver une femme.
Lily se retourne pour faire face à Sirius, surprise.
— Tu veux dire que tu serais prêt à te caser ?
— Je le ferais rien que pour obliger James à m'écrire un discours.
Lily éclate de rire. Le petit Black est rancunier ! Il n'a pas tort. Imaginer la panique de son meilleur ami devant sa page blanche a laissé James hilare pendant bien dix minutes.
— D'ailleurs, on n'a toujours pas entendu le tien !
Pour toute réponse, Sirius vide d'une traite le reste de sa coupe de champagne.
- Lui et toi, vous êtes les mêmes, râle-t-il.
oOoOo
— En Inde, vous savez, les mariages sorciers ont plus de gueule. J'en ai assisté à deux – deux ! – pendant mon tour du monde, et je vous assure que leurs danses étaient spectaculaires. Beaucoup plus que ces mouvements sur du... qu'est-ce donc que ce son désagréable ?
— Moldubec.
— Tu aimes ça, Dedalus ? Je te croyais plus raffiné.
Lily passe rapidement devant Elphias Doge et son fez d'où surgissent des touffes de cheveux gris semblables aux pétales d'une fleur géante, priant pour qu'il ne la reconnaisse pas.
— Mais c'est notre mariée !
Raté.
oOoOo
— UN DISCOURS ! UN DISCOURS !
Sirius lance à James un regard qui signifie je te hais, rapidement étendu à l'assemblée tout entière.
— J'espère que ce sera bien ! s'exclame Gideon.
Le rire de Fabian éclate à leurs oreilles.
— Pas trop long surtout !
— Ni trop court !
— Tout est une question de dosage...
James lève les mains en signe de paix.
— Les gars, ne lui mettez pas la pression. C'est Sirius Black. Mon meilleur ami, mon frère, mon témoin. Bien sûr qu'il nous offrira un discours formidable.
— Il va bouder pendant trois jours, chuchote Remus à son attention, tu le sais ça ?
— C'est mon mariage. Il ne peut pas m'en vouloir plus de deux secondes.
Sur la petite estrade, face à une assemblée hilare, Sirius s'agrippe à sa coupe de champagne.
— Allez, plus vite que ça ! crie Benjy. On veut le dessert !
— C'est marrant, grommelle Fol Œil, normalement il ne peut pas la fermer, et juste quand on lui demande de l'ouvrir...
De surprise, James manque d'en cracher sa gorgée de champagne.
— Je pense qu'on lui fout un peu la trouille, s'amuse Fabian. Bon les gens, faut l'aider un peu, essayez de regarder ailleurs. Là, un oiseau !
— LA FERME !
Enfin, le silence retombe dans l'assemblée, à peine souligné par le bruissement des feuilles sous le vent, auquel Sirius se joint d'un soupir.
— Je suis nul pour écrire des trucs. James le sait. Ça le fait marrer. Alors voilà.
Il balaye les invités d'un regard d'avertissement, défiant quiconque - surtout Fabian - d'intervenir.
— Ce sera un discours nul, reprend-il d'un ton plus confiant. Mais qu'est-ce qu'un mauvais discours au milieu d'une journée comme celle-ci ? Rien de plus qu'un nuage sous le soleil. Qui nous rappelle que rien n'est tout à fait parfait.
Sirius sourit en désignant les mariés.
— N'est-ce pas d'ailleurs un discours à votre image ? Nul comme ta capacité à te coiffer, James. Nul comme ta discrétion, qui a tout à envier au rhinocéros en rut. Nul comme ta souplesse d'esprit, Lily. Toi qui est à peu près aussi compréhensive que... hum, j'allais dire ma mère mais je vais m'arrêter là.
Une vague de rire secoue l'assemblée.
— Ce sera un discours nul, poursuit Sirius. Mais on s'en fout, non ? On ne se marie pas avec des discours. Certains se marient parce qu'ils sont cousins et qu'il faut bien que les tares restent en famille. J'en connais deux ou trois. (Il brandit son verre.) Qu'ils aillent en paix. D'autres... Eh bien, d'autres se marient par amour.
Il grimace.
— Je suis témoin pour l'assemblée ici présente, de l'amour, il y en a. James, si j'avais dû gagner une noise à chaque fois que tu avais prononcé le nom de Lily, on m'appellerait Crésus et je filerais des jours heureux sur une île du Pacifique.
— Pas faux, souffle Remus, en riant avec Peter.
— Ce sera un discours nul, mais qu'est-ce qu'un mauvais discours face à une journée comme celle-ci ? Une journée que rien ne peut ternir - pas même moi. C'est dire à quel point vous êtes faits l'un pour l'autre. A quel point on m'oubliera vite pour être heureux pour vous, et c'est tout. A l'amour, et aux mariés !
Sirius avale une longue gorgée de champagne sous les applaudissements. James tend sa coupe à moitié pleine au premier venu et franchit en quelques enjambées la distance qui le sépare de son ami.
— T'as vraiment décidé de ruiner mon mascara aujourd'hui, hein ?
Sirius lui assène une bourrade, tentative un peu vaine de conserver sa dignité.
— La vache, il m'a presque ému ce con, marmonne Fabian.
— C'était pas mal pour un discours nul, commente Lily en serrant Sirius dans ses bras.
Il se dégage après quelques secondes, un peu inquiet.
— J'espère que tu ne m'en veux pas trop pour...
— Pour ta mère ? Oh, tu me le paieras plus tard.
— Tiens, c'est marrant... exactement ce qu'aurait dit ma mère.
Lily écrase de tout son poids, sans parler de ses dix centimètres de talon, les mocassins tout neufs de ce pauvre imbécile.
oOoOo
— Voulez-vous m'accorder cette danse ?
Ils ont répété longtemps dans le petit salon de leur appartement, à moitié morts de rire et incapables de mettre un pied devant l'autre. C'est l'heure de la révélation. Briller ou se rendre ridicule. Lily saisit la main de son époux tout neuf avec une pointe de nervosité.
Ils se meuvent au rythme de la musique, sous les regards amis qui n'attendent qu'une chose, que l'un d'eux se prenne les pieds dans la robe de mariée. Lily ne leur donnera pas cette satisfaction. Elle se concentre sur les pas qu'ils ont longuement répétés. En face d'elle, entre ses mains, James est toujours un peu gauche, il la fait tourner par instinct sans prêter attention au rythme supposé les guider.
— Tu m'as l'air tendue, chuchote-t-il.
— Parce que tu fais n'importe quoi.
James la soulève dans les airs avec un sourire malicieux.
— Depuis quand ça a la moindre importance ?
La musique change vite, sans doute parce que Gideon Prewett, DJ autoproclamé, juge la valse trop ennuyeuse. Un son plus rock retentit à travers le champ qui leur servait de piste de danse. James la fait virevolter plus rapidement. Plus aléatoirement. Il lui écrase le pied, trébuche sur une racine ; ils se perdent dans leur tentative de faire quelque chose de leurs bras, le sourire aux lèvres, conscient que plus personne ne leur prête attention.
Alice danse le rock avec Frank Londubat, et ils se débrouillent plutôt bien. Marlène, Sirius, Remus et Peter sont lancés dans un concours de chorégraphies plus absurdes les unes que les autres. Benjy Fenwick joue de la guitare imaginaire. Caradoc Dearborn secoue son crâne chauve au centre de la piste, sans que l'on sache s'il s'agit d'une danse ou d'une crise convulsive. Lily s'arrête, épuisée.
Elle saisit un nouveau verre de champagne et laisse un rire sans cause lui chatouiller les lèvres.
oOoOo
Presque disparu à l'horizon, le soleil dilue dans un bleu nuit sa lueur crépusculaire. De la musique s'échappe encore, puis les derniers accords s'éteignent ; étendu dans l'herbe, Gideon a cessé de s'en préoccuper. Autour de lui, des invités rassemblent leurs affaires pour partir, d'autres ont attaqué le rangement. Marlène et Peter s'entêtent à empiler les chaises jusqu'à ce que Remus brise leur élan d'un coup de baguette magique.
James les regarde s'agiter, tiraillé entre l'envie de les aider et la peur qu'avec lui, ils n'en finissent que plus vite. Et puis, à quoi bon se lever, avec ces foutues racines qui surgissent de partout ? Si l'alcool lui brouille l'équilibre, la pensée de son costume maculé de terre le rend étrangement heureux.
— Merci pour cette journée, déclare Frank.
— Elle nous a fait du bien à tous, ajoute Alice en l'étreignant.
Il lui faut rassembler toute sa volonté pour ne pas les retenir. Il aurait voulu que personne n'éteigne la musique ou ne commence à ranger les chaises. Pas si tôt. Pas comme ça.
Irrémédiablement, les gens disparaissent à travers la brèche que le temps a ouverte. James les salue un à un ; les compliments traversent son regard de fantôme. Superbe fête. C'était incroyable. Je vous souhaite tout le bonheur pour la suite. Son Merci reste coincé dans sa gorge.
— T'inquiète mon grand, dit Gideon en captant son malaise. Je vais me trouver un mari, et des journées comme ça, on en aura d'autres très vite.
— Propose à Sirius, il me disait la même chose quelques heures plus tôt.
Les yeux de Gideon s'attardent sur les fesses rebondies de Sirius Black, occupé à ramasser des papiers au sol.
— Oh, je ne dis pas non. Mais il ne pourrait pas faire de discours...
James lui rend son sourire.
— C'est vrai que ça manquerait.
— Allez, à bientôt. Profite bien de ta lune de miel !
Bientôt, il ne reste que les Maraudeurs, plongés avec minutie dans le grand nettoyage. James se sert un verre avant qu'ils n'emportent la dernière bouteille et retient Remus par le bras pour l'accompagner. Il n'y a plus beaucoup de bulles dans le champagne, mais il en savoure chaque gorgée.
— Alors ça-y-est, déclare Remus, t'es marié.
— Ah, c'était donc ça, le prêtre...
— Marié, répète Peter derrière eux. C'est bizarre de le dire.
Remus hoche la tête.
— C'est bizarre que ce soit devenu vrai.
— C'est vrai on pensait tous qu'elle finirait par te plaquer assez vi... hé !
Sirius s'ébroue, projetant par la même occasion une série de gouttelettes de champagne, vestige du verre que James vient de lui verser sur la tête.
— De toute évidence, poursuit Sirius en lui lançant un regard noir, on a eu tort. Bon, on va vous laisser. J'ai fait un tour dans la maison fournie par notre ami Dumbledore, il ne s'est pas foutu de vous ! Les lits ont l'air particulièrement... confortables. Pour dormir, mais aussi pour toute activité que vous...
— Ne me fais pas regretter de ne pas avoir de deuxième verre à te jeter, Patmol.
Sirius lève les mains en signe de reddition.
— Tu sais Cornedrue, j'ai été fier d'être le point noir de ton mariage parfait.
— Il n'aurait pas été parfait sans toi, dit James simplement.
Ils n'ont plus le temps pour les mensonges.
— Vous allez faire pleurer Peter, sourit Remus.
— Moi ? Pas du tout, c'est... c'est le pollen, une vraie infection ici.
— Profite bien des lits, mon vieux ! Je te jure qu'ils sont...
Sirius évite avec souplesse la main de James qui a jailli à côté de lui. Incapable de trouver une raison pour les retenir, James se tourne vers la vieille bâtisse en pierre où Lily s'abrite sans doute. Quelques mètres à peine le séparent de la porte. Trop de racines, et sa cravate rugit lorsqu'il trébuche sous le soleil couchant.
— Lily ?
Le son de sa voix trouve son propre écho dans le vide. James parcourt les pièces de la maison une à une. Personne. Lily n'est pas là. Les invités sont rentrés chez eux. Il se résigne à rejoindre le champ presque désert, seulement habité par les ombres rougies que la nuit est sur le point d'effacer.
Il la trouve devant l'étang. Les cheveux lâchés, abandonnés au vent, la robe posée sans complexe sur la terre humide, Lily contemple les reflets de l'eau stagnante dans la lumière du soir.
— Lily...
Il s'assied à côté d'elle, soulagé.
— Je ne te trouvais plus... J'ai cru que tu étais partie.
— Je ne peux plus partir, James. J'ai promis. A la vie à la mort.
La main de Lily se resserre sur un caillou et le jette dans l'étang, troublant un instant l'eau paisible. Il remarque alors ses yeux rougis, comme un peu plus tôt le soleil. A nouveau, sa gorge se noue.
— Tu es triste ?
— Je suis heureuse. Et un peu triste, oui.
Sa main vient se perdre sur la cuisse de James, et il la saisit.
— Je ne peux pas m'empêcher de me dire..., murmure-t-elle.
— Quoi ?
— Non. Je ne veux pas tout gâcher...
Un bras autour de ses épaules, James l'attire doucement à lui.
— Tu ne gâcheras rien du tout. Moi aussi je suis heureux. Moi aussi je suis triste.
— J'espère que ce ne sera pas la dernière fois, c'est tout.
— Le dernier mariage ?
— Le dernier moment de bonheur.
Le ciel s'est assombri ; la nuit a gagné du terrain. Les yeux plissés pour entrevoir les étoiles, James ne peut que les deviner encore mais elles sont là quelque part. Guidé par leur éclat invisible, il laisse venir à lui tous les mots qu'il aimerait lui dire.
— Ce ne sera pas le dernier pour moi.
Il attend patiemment qu'elle le regarde.
— Chaque moment avec toi est un moment de bonheur. Tant qu'on sera ensemble Lily, Voldemort ne gagnera pas. Et tu l'as dit : on est ensemble pour toujours.
Alors que Lily se blottit contre lui, James songe avec un sourire à ces lits dont parlait Sirius, et qu'ils ont tout le temps d'essayer maintenant que le soleil est couché.
La lumière sera si belle au cœur de la nuit.
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[Fin]
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Merci d'avoir lu !
(Et n'hésitez pas à jeter un œil sur la collection AO3 Fest Pages Manquantes, mes camarades ont posté des pépites !)
