Une odeur de caramel titillait les narines de Derek. Ce qui était étrange, c'est qu'il n'y avait absolument rien de ce type chez lui, rien pouvant rappeler cette odeur, pas même de potentiels biscuits… Au caramel. Alors oui forcément, à peine était-il en train de se réveiller que ce détail idiot le taraudait. Sa précision et son sens du détail étaient ses plus grandes caractéristiques et si Derek avait toujours cette image de grand méchant loup qui lui collait à la peau, ce n'était pourtant pas celle qui le caractérisait le plus. Pourquoi retenait-on plus son air grognon que sa capacité à analyser tout et n'importe quoi en permanence ? Peut-être parce qu'il n'en faisait pas souvent la démonstration. Derek était du genre à observer en silence, plutôt que d'étaler ses trouvailles analytiques comme des trésors. Pour lui, c'était un peu l'équivalent de se pavaner et il n'aimait pas ça. Se vanter, il laissait ça à Peter.
Lorsqu'il se décida finalement à combattre sa paresse et à ouvrir les yeux, Derek resta interdit de longues secondes. Pourquoi était-il entouré de murs crème ? Assez perturbé par cette vision, il se redressa et le drap bleu ciel glissa sur son corps nu, s'échoua au niveau de son bas-ventre, cachant ce membre que l'on ne saurait voir. La chambre dans laquelle il se trouvait était… Claire, très claire. C'était un concentré de couleurs pastel et de lumière. L'unique fenêtre était en elle-même assez immense, laissant entrer sans aucune pudeur les rayons d'un soleil bien haut dans le ciel.
En somme, ce n'était pas la chambre de Derek qui était plutôt un concentré de gris, noir et éventuellement, marron foncé. Son plafond était noir, ses murs étaient anthracite, son parquet était si sombre qu'en deviner la couleur était un défi. En somme, son lit était noir, son chez lui était noir et il voyait la vie en noir. Là, ce concentré de lumière le gavait déjà. C'était trop… Guimauve pour lui. L'endroit n'était pas forcément cul-cul la praline mais tout ce pastel, pour lui, c'était niais. Il fronça alors les sourcils et réfléchit activement à sa situation.
Il était un loup-garou et, de ce qu'il en savait et de ce qu'il avait pu expérimenter, un loup-garou ne pouvait pas être ivre puisque l'alcool n'avait absolument aucun effet sur un être lupin quel qu'il soit. Il en était de même pour la drogue et de toute manière, Derek faisait très attention lorsqu'il n'était pas chez lui. Peut-être avait-il bu un cocktail un peu… Aphrodisiaque spécial loup-garou ? Parfois, lorsqu'il décidait de s'amuser avec des partenaires de confiance, c'était ce qu'il lui arrivait de faire, mais lesdits partenaires se comptaient sur les doigts d'une main tant il était rare pour Derek d'avoir confiance en quelqu'un au point de s'unir avec. Pour ne pas se souvenir de la nuit qu'il avait passée et encore moins se rappeler de l'identité potentielle de la personne à qui appartenait cet endroit… Une minute. Aucun de ses plans culs habituels n'avait une chambre ressemblant à celle-ci. Et leurs chambres, il les avait bien visitées. Son rythme cardiaque s'accéléra un tantinet. Mais qu'avait-il fait, bordel ?! Et avec qui ? Non parce que sa tenue pour le moins absente en tous points ne laissait pas de place au doute : il s'était adonné aux plaisirs de la chair. Sans doute avec grand plaisir et toute la nuit, pour qu'il soit encore là. Son habitude, c'était en général de s'en aller après deux ou trois rounds. Cela lui suffisait. Mais là…
Il se figea en entendant soudain des bruits de pas exacerbés par son ouïe lupine. Il n'eut pas le réflexe de remonter le drap à un niveau plus décent, tout comme il ne chercha pas à bouger du lit, à se cacher. La moindre des choses était pour lui d'affronter son amant ou son amante dont il n'avait aucun souvenir et ainsi, peut-être, comprendre ce qu'il faisait là. Il devait avoir sacrément aimé pour avoir accepté d'aller chez un individu qu'il ne connaissait sans doute ni d'Eve ni d'Adam… Mais quand même, il n'était pas comme ça, à dormir le premier soir… Non, définitivement, quelque chose n'allait pas.
Sur une commode et même sur d'autres meubles, Derek entrevit des cadres, des photos, dont il ne put rien distinguer à cause des reflets des rayons du soleil. Il eut à peine le temps de se faire la réflexion qu'il pouvait se lever pour aller les voir de plus près que la porte s'ouvrit sans qu'il ait pu faire quoi que ce soit.
- Bonjour mon cœur... Bien dormi ?
Ce que vit Derek en premier, fut un sourire sans doute plus lumineux que l'entièreté de cette pièce. Le visage ne lui apparut qu'après une demi-seconde supplémentaire. Deux adorables fossettes. Un petit nez retroussé. Des yeux ambrés étincelants d'un bonheur inédit. Une multitude de grains de beauté formant des constellations secrètes.
Mais c'était Stiles.
Derek eut instantanément un mouvement de recul et remonta brusquement le drap jusqu'à ses pectoraux. D'un seul coup, il était devenu pudique, alors qu'il était du genre à passer sa journée nu sans aucun souci. C'était déjà arrivé, plusieurs fois, avant que la meute de Scott McCall se forme à Beacon Hills. A partir de là, impossible de faire le naturiste sereinement : n'importe lequel des adolescents de cette bande de bras cassés pouvait débarquer à l'improviste sans se soucier de son intimité.
- Qu'est-ce que… Qu'est-ce que tu… Stiles, c'est quoi ce bordel ? Demanda Derek après avoir bégayé tant il était surpris.
L'interpelé haussa les sourcils et perdit un peu de son sourire.
- Quel bordel, mon loup ?
- Ça, moi dans ce lit, toi, cet endroit… Ces surnoms, acheva-t-il.
Il avait notifié sans problème les surnoms possessifs utilisés par l'hyperactif : comment faire autrement ? Dans tous les cas, ça ne lui plaisait pas, il n'aimait pas ça. Les petits noms d'amour, ce n'était pas son truc, et puis… C'était Stiles ! Ce simple fait se suffisait à lui-même comme une raison suffisante de trouver le comportement du brun parfaitement étrange voire déplacé.
Stiles rit doucement.
- Tu t'es amélioré niveau blagues, j'avoue, celle-là était pas mal, gloussa-t-il.
- C'est toi qui me fais marcher et j'aime pas ça. Alors explique-moi rapidement pourquoi je suis là ou je t'arrache la gorge avec mes dents.
Le ton de Derek était agressif, comme il l'avait toujours été avec Stiles : il ne voyait donc pas pourquoi le jeune homme s'étonnait de son comportement, bien au contraire. L'hyperactif arrêta de rire et perdit à nouveau un peu plus de son sourire solaire.
- Mais enfin, Der…
- Je suis pas « Der », je suis pas « mon cœur », je suis pas « mon loup » alors merde, Stiles, explique-moi à quoi rime tout ce cirque !
Oui, Derek perdait patience et avait peut-être un peu trop élevé la voix mais il ne supportait pas ne pas comprendre les choses. Et Stiles le faisait ramer, franchement ramer. Le loup aimerait véritablement comprendre ce qu'il faisait là, nu, face à Stiles et… Derek songea à un détail, et pas des moindres. Il n'avait pas… Pas avec Stiles, quand même, si ?
- Dis-moi qu'on a pas couché ensemble, ne put-il s'empêcher de lâcher.
Mais sa nudité sous les draps ne laissait pas de place aux doutes.
Stiles perdit définitivement son sourire et son odeur commença à se teinter de tristesse. Le visage de Derek se décomposa. Non, il ne pouvait pas avoir couché avec Stiles. C'était un garçon difficilement supportable, un hyperactif au babillage infini et plus qu'agaçant, un idiot qui se mettait sans arrêt dans les pires situations possibles.
Ledit hyperactif resta interdit quelques secondes, ouvrit la bouche, la referma. Son regard étincelant avait perdu nombre de ses étoiles, ses fossettes n'étaient plus vraiment visibles. Le visage de Stiles n'avait de rieur que son souvenir, déjà étrangement bien ancré dans la mémoire de Derek. Les yeux de l'hyperactif s'embuèrent bien rapidement et celui-ci les essuya aussitôt à l'aide de sa main gauche. Pourquoi le loup retint facilement ce détail ? Tout simplement parce que les rayons du soleil éclairèrent particulièrement bien un endroit précis de sa main. Son annulaire. S'y trouvait une alliance. Par réflexe, Derek baissa le regard sur sa main gauche à lui, espérant de tout son cœur trouver son propre annulaire vierge. Il eut simplement le temps de se dire qu'il n'avait pas de souci à se faire. Stiles avait l'habitude de faire des blagues de mauvais goût et cela ne pouvait pas être autre chose qu'une plaisanterie. Pas drôle pour un sou, mais une plaisanterie quand même.
L'éclat d'argent à son doigt le fit voir flou. Une bague entourait bel et bien son annulaire gauche et cela pouvait difficilement s'avérer être une blague puisque l'alliance lui allait parfaitement bien, comme si elle avait été faite sur mesure. Pour lui.
Stiles souffla un coup et tenta de garder son calme, d'oublier ces larmes qui voulaient se faire la malle de ses yeux qui commençaient déjà à rougir.
- Ok, t'es un peu malade, t'as fait un cauchemar, tu t'es mal réveillé, j'en sais rien, mais il faut que tu retrouves tes esprits, Der, tu…
- On peut pas être mariés, le coupa Derek, qui ne l'avait pas écouté. On peut pas être mariés, on peut pas… Stiles, dis-moi que c'est une putain de blague !
Il savait que non, il avait vu la bague, la sentait à son doigt. L'anneau d'argent semblait soudain le brûler, comme s'il était mécontent d'être ignoré, si bien que Derek le retira sans aucune hésitation avant de le déposer bruyamment sur la table de nuit. Cette action coupa le souffle de Stiles qui mit sa main gauche devant sa bouche. Les yeux écarquillés d'horreur et de douleur, il ne cessait de fixer Derek. Il recula d'un pas, puis deux, comme si l'apollon face à lui n'était plus la même personne. Comme si le loup qu'il avait connu n'était plus le même.
Derek, quant à lui, ne comprenait absolument rien. Oubliant soudainement sa pudeur, il envoya valser le drap et se leva, sans plus se préoccuper de sa nudité.
- Mes vêtements ! Stiles, où t'as mis mes vêtements ? Lui demanda-t-il d'un ton froid.
L'hyperactif mit un peu de temps à réagir mais il finit par pointer la grande armoire du doigt. D'un doigt. Tremblant. Mais Derek n'y fit pas attention et ouvrit ladite armoire sans ménagement. Il découvrit alors avec stupeur qu'il n'avait pas une tenue rangée ici. Il avait… Toute sa garde-robe, soigneusement rangée à gauche, tandis que les vêtements de Stiles occupaient la partie droite du meuble. Il se retourna brusquement vers l'hyperactif qui avait perdu toute contenance.
- Toi, tu vas vite m'expliquer ce qu'il se passe, sinon je ne donne pas cher de ta peau, le prévint-il froidement en enfilant le premier caleçon qu'il trouva.
Stiles ferma les yeux un instant, l'air de vouloir réfléchir et Derek fit de son mieux pour faire abstraction de ses tremblements et des larmes qu'il semblait refuser de laisser couler. Il ne voulait pas avouer que ça lui faisait mal et s'il devait être honnête, il pourrait avouer que rendre Stiles triste n'était pas son but. Néanmoins, il se devait d'éclaircir tout ça au plus vite. Il détestait être dans le flou, avoir l'impression de ne pas contrôler sa propre vie. En soi, il paniquait à sa manière : en devenant froid, agressif, plus méfiant que d'ordinaire.
- Stiles ! Le pressa-t-il, impatient.
- Papou, pourquoi Dadou crie ? Entendit-on venir de l'extérieur de la chambre.
Stiles se crispa instantanément. Derek aussi, mais pas pour la même raison. Le loup sentit tout de suite un frisson d'horreur parcourir son échine. Non, pas ça aussi…
