Les doigts de Stiles agrippaient et froissaient les draps à s'en rendre les phalanges blanches. Sa peau claire luisait de sueur tandis que les assauts amoureux que le jeune homme subissait de son plein gré se multipliaient. De par son rythme langoureux et cette manière qu'il avait de lui faire l'amour, Derek lui faisait voir les étoiles. Comme à chaque fois. Mais là, c'était différent. Parce que l'endroit était paradisiaque et parce que Stiles commençait à moins réfléchir. Il y avait aussi cette confiance de plus en plus forte qu'il lui accordait, qui lui faisait oublier tout le reste. Ses blessures, ses bleus, son physique qui parfois le faisait complexer, sa peur d'être seul, abandonné une deuxième fois, son silence… Tout. Et même s'il ne pouvait pas gémir, son souffle électrisait Derek qui, lui, embrasa l'hyperactif avec ses grognements rauques.

Derek se mordit la lèvre inférieure et vint dans un râle clair. Et même s'il se sentait extatique et profondément comblé, il redressa légèrement Stiles afin d'attraper sa hampe. De là, il fit quelques mouvements énergiques en se calant sur le rythme auquel il le masturbait. Car il était hors de question qu'il jouisse sans que son amant n'ait aussi un orgasme de son côté.

Quelques secondes plus tard, c'est un Stiles pantelant et le souffle particulièrement court qui vint à son tour.

Derek se retira, avant de se laisser tomber aux côtés de son humain qui feignit l'endormissement, mais pas la très légère somnolence bienheureuse et post-coïtale. Le loup sourit, enroula ses bras autour de l'humain qui se blottit paresseusement contre lui. Des moments comme ça, il y en avait, mais pas aussi souvent qu'on le pensait. Si l'union des corps était agréable, les deux jeunes hommes s'attelaient surtout, consciemment pour l'un, inconsciemment pour l'autre, à lier leurs âmes. Deux âmes qui avaient une faculté incroyable, autrement dit… Celle de se réparer l'une et l'autre. Pas entièrement car rien ne pourrait effacer les cicatrices de ce qui les avait façonnés, mais… Suffisamment pour les pousser à avancer. Il fallait le dire : avant Stiles, Derek stagnait. Il faisait les choses, avançait, restait debout… Pour la meute, parce qu'il se devait d'aider ces adolescents. Mais jamais il n'avait pensé qu'un jour… Il pourrait vouloir avancer pour lui, en se disant que, peut-être, il avait aussi droit au bonheur.

Et pourtant, ledit bonheur était là, sous ses yeux. Il revêtait la forme d'un soleil timide aux rayons invisibles dont il sentait d'ores et déjà la puissance. Un soleil qui lui, sourit, d'ailleurs. Un soleil qui se colla franchement contre lui et déposa un baiser d'une douceur infinie au coin de ses lèvres. Derek aimait bien, ce type de bisous. Pour lui, c'était tout aussi intime que le reste, un endroit que seul Stiles avait le droit de toucher. Un endroit mignon qui le fit frissonner tant il aimait ça. Car l'amour ne se limitait pas aux lèvres, et lui-même l'apprenait petit à petit. Derek avait déjà eu des relations amoureuses, il n'était pas complètement étranger au phénomène et en connaissait certains rouages. Cependant, ce qu'il vivait avec Stiles lui donnait une impression de fraîcheur, de nouveauté. Peut-être parce que dans un sens… L'hyperactif était honnête avec lui. Sincère. Il n'y avait pas d'intérêt dans ses gestes, ni dans ses mots graphiés, dans ses regards parlants. La seule autre personne qui avait été ainsi avec lui n'existait plus. Paige aussi était sincère, mais c'était… Différent. Un premier amour avorté auquel Derek se refusait à penser trop souvent, même si la culpabilité quant à sa mort continuait de lui nouer le ventre parfois.

En tout cas, avec Stiles… Il était certain que Derek ne ferait pas les mêmes erreurs qu'avec Paige. Déjà, même s'il lui avait dit qu'il pourrait lui offrir la morsure sans hésiter s'il en avait les moyens… Il s'assurerait que Stiles le veuille vraiment. L'avantage, c'est que l'hyperactif n'était pas étranger au surnaturel : il connaissait cet univers depuis un temps suffisant pour savoir ce qu'il voulait et ce que tout cela impliquait. Alors si Derek finissait par retrouver un éventuel statut d'alpha et si Stiles lui en faisait la demande… Il lui offrirait ce cadeau sur un plateau d'argent.

Stiles dans ses bras, Derek ferma les yeux. S'autorisa à baisser sa garde, chose qu'il n'avait jamais fait avec autrui avant lui. Se montra vulnérable, à le laisser poser ses mains là où il le voulait, à le sentir se coller à lui, l'embrasser à différents endroits tous aussi érogènes les uns que les autres.

Et puis doucement, la passion se mit à renaître. Les gestes, à gagner en empressement, à se faire baladeurs, inventifs. Derek pressa l'hyperactif contre lui, s'empara de sa bouche tout en passant ses mains sous les draps, explorant des endroits qu'il connaissait déjà par cœur. Qu'il ne faisait que mémoriser un peu plus. Parce que Stiles lui en donnait le droit. Parce qu'il le voulait, lui aussi… Et qu'il faisait de même. Leur union avait cela de naturel qu'ils se comprenaient juste ainsi. Avec des gestes, en fonction de leur pression, de leur vitesse.

Là, la passion se mêlait à une tendresse indéniable.

Si le mélange les consuma encore, ce fut avec un plaisir dingue. Celui d'aimer, d'être aimé, de désirer, d'être désiré. Dans leurs gestes, rien de moins que cette réciprocité claire. Rester dans une chambre d'hôtel alors que l'extérieur était paradisiaque… C'était un choix qui n'appartenait qu'à eux. Et si pour l'instant, c'était ce qu'ils préféraient, soit. Autant y aller à l'instinct et ne pas se forcer.

Ils jouirent de concert les doigts entremêlés.

Deux je t'aime silencieux flottaient dans l'air.

xxx

La brise du soir était douce et faisait agréablement remonter la fragrance salée de l'air marin. Stiles ferma les yeux, profita de l'ambiance calme et silencieuse de la terrasse tandis que deux bras connus s'enroulèrent autour de lui. Sans hésitation aucune, il se pressa contre le torse de cet homme qui réchauffait son cœur avec une facilité affolante. Deux lèvres chaudes se posèrent sur son cou et y déposèrent des baisers d'une douceur langoureuse. Des baisers qui lui firent naître dans sa tête mille et une idées, taire mille et une questions. Disons qu'à force, il apprenait doucement à moins s'en poser et c'était… Agréable. Presque salvateur. Derek faisait littéralement tout pour le mettre à l'aise, tout pour qu'il se sente bien, quitte à parler un peu plus tout en accompagnant presque toujours ses paroles de gestes. Parce qu'il avait raison, son loup : Stiles intégrait plus les actions que les mots. Alors, si les deux étaient combinés, ça marchait à peu près… Et l'hyperactif faisait de réels efforts pour intégrer tout ce qu'il essayait de lui transmettre.

Evidemment, leur proximité était aussi bienvenue qu'ambigüe, et pas seulement parce qu'elle attirait parfois les regards. Lorsque c'était le cas, de toute manière, Stiles s'efforçait de ne pas y prêter attention quand Derek, lui, s'en fichait complètement. Non, le côté le plus ambigu de la chose, selon le châtain, c'était la nature même de leur relation. Ils avaient presque tout du couple, mais ils n'avaient pas l'air de se considérer comme tels, enfin… En tout cas, ils ne se le disaient pas et n'en avaient pas encore discuté. Comme Derek ne mettait jamais le sujet sur le tapis, eh bien… Stiles n'osait pas le faire. Et s'il était le seul à imaginer quelque chose de plus ? Ce quelque chose ? Faire l'amour, s'étreindre, s'embrasser… Il n'y avait pas que les couples qui faisaient ça. On pouvait être de simples amants et se montrer tendres l'un envers l'autre. Quelque chose qui ne s'alignait pas vraiment avec cette idée, c'était le comportement de Derek. Sa dévotion. Bordel, il l'avait emmené ici, dans ce petit coin de paradis ! Un endroit destiné à le détendre, à lui faire penser à autre chose, à lui faire oublier ses tracas devenus quotidien… Ce n'était pas n'importe qui qui ferait ça pour lui. Dans le but de ne pas saper son propre moral, Stiles évita de se poser la question concernant son père. Il n'aurait certainement pas fait ça pour lui. Il l'ignorait, de toute façon. Sentant un semblant de tristesse le gagner, il s'efforça de ne penser qu'à Derek. A toutes ces choses qu'ils faisaient ensemble. A cette intimité folle, sans nul autre pareil. Ça, selon Stiles, c'était, selon lui, ce qui se rapprochait le plus du bonheur. En soi, c'en était. Avec Derek, il était heureux et réapprenait doucement à se dire qu'il avait lui aussi le droit de se plaindre, le droit de vivre. Simplement, il évitait de trop se raccrocher à tout ça. Il en profitait, mais continuait de se marteler l'esprit avec le fait que… Ce n'était pas éternel. Viendrait un moment où Derek lui-même dirait stop. Et Stiles l'acceptait, il y était prêt.

En attendant, il donnait et recevait sans limites, parce qu'il se sentait bien. Comble du bonheur, sa cheville allait réellement mieux. Il ne l'usait pas plus que nécessaire et la laissait se reposer le plus possible. En fait, il ne cherchait pas à aller et venir partout comme il l'aurait fait autrefois. Il apprenait également à être lent, à ne pas toujours avoir quelque chose à faire à la seconde. Et même si sa tête était toujours peine de pensées intrusives, il commençait doucement à les mater. L'amour aidait. Amour que Stiles ne niait plus, mais ne disait pas non plus. Derek n'avait pas besoin d'être encombré avec… Un sentiment de ce type de sa part. Stiles ne s'était toutefois pas rendu compte que les derniers mots qu'il avait écrits au loft disaient tout de ce qu'il ressentait à son égard. Pour lui, c'était juste… Un cri du cœur quant aux moments qu'il passait avec lui et à tout ce à quoi il avait droit. Il n'avait pas dit « je t'aime » directement, alors il se disait… Que Derek n'irait jamais chercher plus loin, et ça lui allait.

Derek pensait justement à ces mots, qu'il avait déchiffrés et compris depuis un moment déjà. Ces mots qui ne quittaient jamais réellement son esprit. Ces mots qui lui donnaient envie d'être une meilleure version de lui-même. Ces mots dont il ne doutait pas. Stiles était du genre à mentir. Beaucoup, même si c'était inutile. Mais uniquement lorsqu'il avait des problèmes et qu'il ne se sentait pas légitime de les exposer… Ou qu'il ne le pouvait tout simplement pas.

Il ne mentait jamais, en matière de sentiments et ça, Derek en était plus que certains, tout simplement parce qu'il savait que Stiles n'y voyait aucun intérêt. Pourquoi inventer des faux sentiments dont la véracité était si facilement décelable ? Non, avec lui, il se montrait honnête, transparent. Parce qu'au final, il n'avait plus rien à cacher. Il se contentait de vivre, d'avancer à ses côtés… Car c'était bien de cela qu'il s'agissait. Ils n'étaient plus l'un près de l'autre. Ils étaient côte à côte, sur la même ligne de vie. Ensemble. Il ne manquait rien de plus qu'une confirmation, un éclaircissement que Derek mourait d'envie de lui donner. Simplement, il se montrait patient, y allait tranquillement, car des mots ne suffiraient pas. Il devait montrer à Stiles que tout ça pouvait être du concret, une décision mûrement réfléchie de son côté et pas prise à la légère. Il était prêt à mettre son cœur entre les mains de son humain. Il le voulait. Pour la première fois de sa vie, il le voulait réellement. Ce n'était pas une histoire d'amour qu'il désirait, plutôt une vie. Une vie à deux. Stiles ressentait-il la même chose que lui ou son idée s'arrêtait-elle à de simples sentiments amoureux ? Quelle que soit sa pensée, il la respecterait, dusse-t-elle lui coûter.

Stiles frissonna : il commençait à faire froid. Enfin pas vraiment. Frais, plutôt. Ce n'était pas foncièrement désagréable, mais l'hyperactif avait la peau sensible et ressentait chaque changement de température. Peut-être était-ce à cause de ce qu'il avait subi, du fait que son corps avait été malmené des jours durant, avant que Lydia et Derek n'entrent dans son intimité et ne découvrent l'horreur du silence. Peut-être aussi que Stiles s'était un peu affaibli et qu'il avait du mal à appréhender toutes ces petites choses de la vie. La lumière du soleil, le vent, les tissus… C'était comme s'il ressentait tout un peu plus fort et il avait parfois quelques difficultés à passer outre. Ainsi, Derek lui frictionna doucement les bras et lui demanda s'il voulait rentrer. Sa voix, aussi légère qu'un chuchotis, le berça. Il sourit doucement, secoua la tête.

La vue était belle, pourquoi ne pas rester encore un peu pour en profiter ?

Stiles avait le regard à la fois doux et rieur. Ce sourire silencieux, Derek ne voulait prendre le risque de le faner pour rien au monde. Et la façon dont il l'embrassa par la suite, si tendre, ni fit rien de plus qu'en augmenter l'intensité.

Lorsqu'ils rentrèrent le soir, humain et loup-garou s'aimèrent passionnément contre la porte de leur chambre, sur le lit. Dans la salle de bain, aussi. Dans l'intimité, ils devenaient incapables de se décoller, de ne pas se montrer à quel point ils s'appréciaient. Il n'y avait rien de réellement sauvage dans leurs échanges, c'était juste… Une alternance entre tendresse, passion, langueur, vigueur. Chaque jouissance était pour eux une libération silencieuse. Plus que du sexe, plus qu'une intimité physique. Des mots particuliers, caressants, plus profonds que tout. Des mots qui s'écrivaient avec le regard, les mains, les doigts. Les je t'aime flottant dans l'air ne se comptaient plus.

Epuisés d'amour, ils se laissèrent tomber sur le lit, mais la fatigue intense de l'effort bienheureux ne réussit pas à les séparer : aussitôt allongés, ils se collèrent l'un contre l'autre. Derek prit Stiles dans ses bras, déposa un baiser d'une tendresse extrême sur son petit nez en trompette et l'hyperactif entremêla leurs jambes tout en se blottissant contre lui. Et même s'il ne faisait pas froid, même si une fine pellicule de sueur perlait sur leur peau, il rabattit les draps sur eux. Là, dans ce cocon intime, ils se sentirent bien. A leur place. Plus détendus que jamais. Chacun se dit en s'endormant que c'était ça, le bonheur. C'était ces moments où l'on savait où était sa place, où l'on n'avait plus besoin de se poser de questions. Et si Derek ne s'en posait effectivement plus, Stiles réduisait progressivement le nombre et l'importance de ces interrogations.

Après tout, n'avait-il pas le droit à un peu de bonheur avec ce loup qu'il aimait tant ? Si cette histoire devait avoir une fin un jour, en attendant… Il voulait en profiter, ne rien rater, pour n'avoir aucun regret.

Son souffle se perdant contre la peau douce du cou de son amant, l'hyperactif esquissa un petit sourire détendu. Il était heureux.

xxx

De sa vie, Stiles n'avait eu que très rarement des réveils rapides. En général, il sentait son corps et se disait que c'était le moment d'ouvrir les yeux. Mais, comme ceux-ci étaient toujours clos, il enchaînait en se faisant la réflexion que quelques minutes supplémentaires ne lui feraient pas de mal. La lourdeur de tout son être le poussait d'ailleurs à choisir cette option.

Et c'est ce qu'il fit ce matin-là alors que l'ambiance du lit lui paraissait un peu moins chaude. Disons que Derek étant un radiateur sur pattes, il irradiait de chaleur, presque au sens littéral du terme. Alors forcément, il finit par remarquer son absence mais se dit qu'il s'était peut-être juste levé pour aller aux toilettes – un classique. Sauf que le temps passa et Stiles finit par ouvrir les yeux. Les sourcils froncés, il constata qu'il n'y avait plus les vêtements de Derek, sur le portant dans le coin près de l'entrée. Il est sorti ? S'étonna l'hyperactif en fronçant les sourcils. Au cas-où, il regarda l'heure sur son téléphone, le jour ne suffisant pas à lui faire savoir si l'on était le matin ou l'après-midi. Stiles se connaissait : après la nuit aussi courte qu'agréable qu'ils avaient passée à s'enlacer sans s'arrêter, il se savait capable de beaucoup dormir. Parfois trop.

Et pourtant, il n'était que dix heures passées. Pas si tard que cela, au final. Une peur toute particulière prit soudainement Stiles aux tripes : une peur que même sa lucidité eut du mal à calmer. Son regard affolé balaya la pièce… Et une seule chose lui permit de se dire qu'il se trompait. Qu'en réalité, tout allait bien.

Les clés de la Camaro. Elles étaient sur la table de nuit du côté où Derek dormait.

Stiles poussa un soupir tremblant. Bordel. Il y avait cru. Pendant un instant, il avait cru que Derek était parti, au sens propre du terme. Parti en le laissant là. Ici. Seul. Il se rendit compte, une fois passablement calmé, que c'était une réflexion stupide. Derek ne l'aurait pas emmené et aimé dans un tel endroit pour l'y abandonner. Pour l'abandonner tout court. Il n'est pas comme ça, se répétait régulièrement Stiles. Un jour, il l'intègrerait. Peut-être.

En attendant le retour de son loup, Stiles choisit de s'activer, de faire quelque chose. Bouger lui permettrait de limiter ses pensées. Car si elles étaient moins invasives qu'au départ, elles restaient tout de même là, dans un coin. Par chance, l'hyperactif avait réussi à repousser la violente vague qui l'avait assaillie. Qu'en serait-il de la prochaine ? N'ayant absolument aucune idée de la réponse à cette question, Stiles enfila des vêtements pour traîner et fit le lit. S'attela à ranger tout ce qui lui paraissait en bazar. Derek n'allait pas tarder, pas vrai ? Il était peut-être… Sorti juste prendre l'air. Ou faire une course. C'était le plus probable. En tout cas, la place à côté de lui était encore un peu chaude, quand il s'était réveillé. C'était donc tout récent. Stiles espérait juste que le loup ne prendrait pas trop de temps et reviendrait vite. Maintenant qu'il était à peu près lucide… Eh bien, il lui manquait. Ces temps-ci, il passait littéralement tout son temps avec lui, alors forcément, son absence lui faisait bizarre – un peu. Au cas-où, Stiles vérifia son téléphone et constata que non, Derek ne lui avait laissé aucun message pour le prévenir. Par contre, il décida de lui en envoyer un, histoire de lui faire savoir qu'il était réveillé. Ainsi… C'était un appel aux nouvelles sans le dire clairement. Quoique Derek n'était pas du genre à zieuter très souvent son cellulaire – avec un peu de chance, cette fois-ci ferait exception.

Mais Stiles dut patienter une bonne heure supplémentaire avant que la porte de la chambre ne s'ouvre. En un instant, son stress revint, l'écrasant avec une puissance folle. L'hyperactif ne paniqua pas, ne laissa pas ses questionnements le hanter à vrai dire, toute cette folie intérieure ne dura pas plus d'une seconde. Car à peine aperçut-il Derek qu'il s'élança pour se jeter dans ses bras. Le geste était un peu désespéré, certes, cependant… Stiles ne pensa pas un instant à restreindre l'élan affectif qui le prenait. Il avait besoin de le toucher, de l'embrasser, de le sentir… C'était plus fort que lui.

Comme si le lien qui les reliait était si fragile qu'il fallait le faire tenir à tout prix.

En fait, Stiles n'était pas complètement désespéré. Il ne savait juste pas comment montrer son bonheur de le revoir autrement que maladroitement. A côté de cela, il y avait aussi… Le soulagement de le retrouver, de constater que ce qui l'avait fait tenir était réel : Derek ne l'avait pas abandonné.

L'étreinte qu'il lui offrit fit tout disparaître autour d'elle. Doutes. Peur. Douleur. Stiles embrassa la sérénité aussi bien au sens propre qu'au sens figuré. Laissa Derek suçoter sensuellement la peau de son cou et y déposer de petits baisers par milliers. Apparemment, lui aussi semblait heureux de le revoir. De le marquer, aussi. C'était toujours quelque chose qu'il faisait, comme si Stiles n'avait pas assez de suçons.

Ou comme s'il voulait marquer chaque endroit anciennement blessé. Remplacer la violence par l'amour. Bien sûr, il y avait un brin de possession impossible à nier dans ce geste, mais ça restait respectueux. Si d'aventure Stiles venait à lui demander d'arrêter, Derek se plierait à sa décision sans hésiter. Il comprendrait. En attendant, ces assauts, comme les autres, ne faisaient que le faire fondre davantage contre lui et il fallait avouer que la sensation était grisante. Stiles lui faisait entièrement confiance, il mettait corps et cœur entre ses mains – Derek comptait bien en prendre soin et faire de même le concernant. Stiles ne le trahirait pas, il le sentait au plus profond de lui. Et cette manière qu'il avait de l'accueillir ne fit que le conforter dans cette idée-là. Bordel, ce qu'il le voulait ! Plus le temps passait, plus ils se retrouvaient seuls l'un avec l'autre, plus Derek se disait que c'était ça, le bonheur. Plus qu'une idée, c'était quelque chose de concret. D'extraordinaire.

Et quand il repensait à ce qui attendait dans sa poche, son cœur se réchauffait tout en se serrant d'appréhension. Avec Stiles, Derek retrouvait un semblant de cette innocence qu'il pensait perdue à jamais. C'était léger, agréable, pas sérieux. Il ne s'agissait pas d'une réunion de meute, d'une enquête, d'une affaire surnaturelle, d'une tentative de survie. D'un jour où il se levait, l'âme vide, seul dans son lit qu'il trouvait toujours trop grand pour lui mais qu'il s'évertuait à ne pas changer.

Ça, c'était avant que Stiles ne se fasse doucement une place dans son intimité. Qu'il fasse malgré lui ressortir le meilleur de ce loup-garou qui pensait que son cœur ne se réchaufferait plus pour personne. Qu'il lui donne envie de chérir un autre être.

Derek s'écarta très légèrement de Stiles et le guida jusqu'au lit, sur lequel il le fit assoir. Même si sa cheville avait bien meilleure allure, il continuait d'y faire attention : il ne l'oubliait pas. D'un autre côté, il était heureux parce que son humain y faisait enfin attention et ne cherchait pas à bouger plus que nécessaire. Stiles comprenait finalement que sa santé était importante ou du moins qu'il devait faire en sorte de la préserver. Souffrir, ce n'était pas cool. Si ça, c'était un concept que l'hyperactif avait compris depuis belle lurette, il avait mis du temps à intégrer le fait qu'il pouvait diminuer la souffrance en prenant soin de lui-même – ou en se ménageant. C'était une tête de mule que Derek apprenait doucement à apprivoiser – Stiles lui-même lui en laissait le droit. Cette relation, aussi inattendue soit-elle pour des regards extérieurs, permettait aux deux jeunes hommes de se compléter et de se tirer vers le haut l'un et l'autre.

- Ferme les yeux.

Stiles frissonna au simple son de la voix de Derek. Puisqu'il l'entendait moins ces temps-ci, la manière dont les mots couraient sur sa peau lui faisaient tout drôle. Ce timbre, ce grain… Peut-être était sa rareté qui rendait tous ces éléments plus agréables à l'oreille de l'hyperactif, qui adorait entendre la voix de son loup.

Naturellement, il exécuta son ordre doux sans se poser de questions. Sentit Derek prendre ses mains dans les siennes, ses pouces les caresser, doucement. Prendre le temps. Si on lui demandait son avis, Stiles dirait qu'il n'appréciait pas grandement ses mains, tandis qu'il trouvait celles de Derek plus belles. Disons que l'hyperactif trouvait ses mains trop fines, ses doigts squelettiques. Il n'allait pas transformer cela en complexe, toutefois… Il ne les tendrait pas de lui-même, n'irait pas les faire admirer à qui que ce soit. Pas même Derek, aussi adorable soit-il. Mais il le laissait toucher ses mains à sa guise, parce que ça allait.

Puis, Stiles sentit quelque chose de froid passer sur sa peau puis… Autour d'un des doigts de sa main gauche. L'hyperactif fronça les sourcils. Légèrement. Une bague ? Aussitôt, il balaya cette réflexion d'un vers de pensée. C'était stupide. Derek n'en portait pas, lui non plus et…

- Tu peux ouvrir les yeux.

Stiles s'exécuta, mais n'osa pas les baisser sur sa main gauche. A la place, il préféra mirer les prunelles si particulières de Derek. Elles avaient ce pouvoir étrange mais puissant, ce pouvoir capable de transcender un être et de lui insuffler un état spécifique. Il le paralysait sur place par sa froideur, ou bien il l'apaisait par sa douceur. Ici, c'était la deuxième option qui primait. Les eaux calmes des iris de Derek le firent se détendre un peu et trouver le courage de baisser les yeux.

Elle était simple et d'une largeur parfaite, épousait avec une facilité déconcertante les légères courbes de son index.

Et le cœur de Stiles, sensible autant à l'attention qu'à l'hypothétique symbolique derrière, s'emballa. Son visage prit des couleurs à une vitesse inouïe et il ne sut plus où poser ses yeux. Sur le triskèle finement gravé ? Sur la main de Derek, qui ne quittait pas la sienne ? Sur ses yeux ? Stiles choisit la dernière option en partant du principe qu'elle lui donnerait un indice clair sur ce que le loup-garou ressentait… Et voulait de lui. Parce que la bague, aussi belle et simple soit-elle, avait forcément une symbolique.

Parce que Derek n'offrait jamais de cadeaux. Il souriait rarement. Son truc, c'était de prendre soin des gens dans l'ombre, sans vraiment leur montrer. Il parlait le moins possible avec les gens, économisait ses mots. Affichait autant que possible un air grognon, voire menaçant. Faisait tout pour ne pas montrer ses émotions, ses « faiblesses » également.

Mais il était… Très ouvert, avec Stiles. Très ouvert sur tout. C'était comme si le jeune homme avait – sans trop savoir comment – fait tomber ses défenses une à une, jusqu'à se retrouver face à la véritable personnalité de Derek, dans sa forme la plus pure, la plus honnête.

L'amour qu'il lisait dans les yeux de son loup lui donna envie de parler. De lui dire tous ces mots qu'il méritait tant. Tous ces mots qu'on aurait dû lui dire… Pas toutes ces tromperies qu'on lui avait fait vivre. Derek était un homme formidable et d'une essence rare. Pourquoi l'avait-on fait souffrir ? Pourquoi lui ? Stiles, parfaitement lucide, prenait doucement conscience du fait qu'il pouvait le rendre heureux. Qu'il avait le pouvoir d'effacer les stigmates laissés par toutes ces garces. Oui, tout cela malgré ses tares. Son mutisme l'embêtait également fort et rendait la situation encore plus frustrante. Parce que Stiles adorerait pouvoir lui dire de vive voix ce qu'il ressentait pour lui et au pire… Tant pis si c'était gênant, tant pis si c'était un peu « too much », pour Derek, qui n'aurait par la suite qu'à décider d'accepter ou non les sentiments de l'humain. Mais au moins, il entendrait des mots doux, ces mots qui faisaient du bien. Derek devait savoir qu'il était désirable, et pas simplement pour son physique. Sa personnalité particulière mais agréable était saupoudrée d'une immensité de qualités humaines. Stiles n'était pas tombé amoureux d'un visage.

Alors c'est tout naturellement qu'il tenta de dialoguer avec lui en usant de ses lèvres. En l'embrassant avec une tendresse extrême. En passant ses bras autour de son cou, en l'attirant à lui, contre lui. En ne faisant rien de plus que le câliner.

Il se passait toujours une chose spécifique lorsque l'on additionnait les trois éléments suivants : Stiles, Derek, un lit. Les deux jeunes hommes finissaient allongés, dans les bras l'un de l'autres. Et s'ils avaient l'habitude de se dénuder quand ils se retrouvaient dans cette configuration, ce ne fut guère le cas cette fois-ci. Stiles se sentait tout émoustillé, oui, mais pas excité et de ce qu'il sentait, il en était de même pour Derek, dont les gestes restaient plus que décents.

Lorsqu'ils se séparèrent avec lenteur et volupté au bout d'un moment à s'embrasser, Stiles vit à nouveau Derek sourire… Un peu gauchement.

- J'espérais que ça te fasse plaisir… Et je crois que c'est le cas.

Stiles hocha vivement la tête. Oh oui, ce petit cadeau finement choisi était parfait. C'était juste sa symbolique, qu'il exagérait peut-être un peu.

- Je ne veux juste pas que tu te sentes obligé de l'accepter.

Qu'il se rassure, ce n'était pas le cas : si Stiles acceptait avec joie son cadeau, c'était tout bonnement parce qu'il lui plaisait beaucoup – et que pour lui, ça voulait forcément dire quelque chose. De cela, il n'en démordait pas. Il fallait juste que Derek soit clair, qu'il lui dise les choses. Que Stiles sache ce qu'il attendait de lui, de leur relation, ainsi ce que le loup-garou attendait d'elle. Bordel, tout serait bien plus simple s'il pouvait, de son côté, articuler quelque chose ! L'hyperactif s'efforça à mettre sa frustration de côté. Elle risquait de lui gâcher le moment et ça, il ne le voulait pas. Qu'importe comment tout ça allait se finir, Stiles voulait juste ne pas se plomber avec ses ruminations. Ses yeux ancrés dans ceux de Derek, il esquissa un sourire rassurant pour lui montrer qu'il ne se sentait obligé de rien. A ce moment précis, il songea d'ailleurs qu'il apprécierait beaucoup de lui communiquer ses pensées et réflexions. A nouveau, la langue des signes s'imposa à lui. Il fallait vraiment qu'il saute le pas. C'était frustrant, de ne pas pouvoir répondre.

Derek sembla un tantinet rassuré. Il prit son visage en coupe et l'embrassa chastement, avec cette douceur presque fragile qui imprégnait chacun de ses gestes depuis quelques temps. Stiles avait d'ailleurs comme l'impression que son loup avait peur de le casser. C'était mignon. Stiles n'avait même plus honte de penser de cette façon. De son côté, le loup détourna le regard, un air quelque peu gêné collé au visage.

- Est-ce que tu aimerais qu'on aille plus loin ?

Ce qui était drôle avec Derek, c'était de constater chaque jour qu'il était un amoncellement de paradoxes. Il prenait un air timide, mais parlait de façon assurée. Il était brut de pomme, mais avait les gestes les plus tendres qui soient. Il était du genre taciturne, mais multipliait les mots. Amusé et bien plus détendu qu'au départ, Stiles lui fit signe d'attendre et s'empara de son téléphone. Ne pas s'exprimer était définitivement trop frustrant. C'est ainsi qu'il écrivit : « Plus loin comment ? Plus loin que faire l'amour et s'embrasser matin, midi et soir ? Fais attention à ce que tu vas dire, Derek Hale. » Stiles faillit rajouter qu'il n'était pas un garçon facile, mais c'était de trop et il trouvait que cette phrase gâcherait l'air désinvolte qu'il voulait se donner. Une pensée fugace lui traversa l'esprit. Qu'est-ce que tout lui semblait facile et libérateur, lorsque Derek était là, avec lui… C'était comme s'il redevenait un peu celui qu'il était autrefois, comme si le soleil entrait à nouveau dans sa vie. Bon, il n'oubliait en rien le fait qu'il avait paniqué en constatant qu'il était absent ce matin-là, mais… Ça allait mieux. De plus, une petite voix lui soufflait qu'il pouvait se sentir serein, avec lui, qu'il n'y avait plus à douter, et pas juste parce qu'il lui avait offert quelque chose – de très symbolique, qui plus est. Stiles savait pertinemment que Derek ne le demandait pas en mariage, mais… Une hypothétique officialisation de leur relation serait tout aussi efficace pour le calmer définitivement. Ainsi, il n'aurait pas juste l'impression d'être avec Derek. A moins que celui-ci ait autre chose en tête ? Ne commence pas à te faire des nœuds au cerveau, s'ordonna l'hyperactif. A trop réfléchir, il risquait de s'embrouiller, encore, de provoquer un énième questionnement intérieur sur fond de stress. Oui, Stiles travaillait réellement sur lui-même et se répétait les choses, de sorte à changer. A se tranquilliser. Pour reprendre sa vie en main, il devait commencer par récupérer le contrôle sur sa tête. Concernant dernier domaine, il était sur la bonne voie, mais le chemin à parcourir restait long.

Derek lut et relut ses mots plusieurs fois, un sourire amusé étirant ses lèvres. Des lèvres dont Stiles mourait d'envie de s'emparer, encore et encore. Qu'y pouvait-il, si elles étaient aussi attirantes ? Qu'y pouvait-il, si Derek embrassait divinement bien et l'emmenait au paradis chaque fois qu'il lui offrait un baiser ? Qu'y pouvait-il, s'il y était accro ? Une lueur quelque peu perverse passa dans les yeux de l'hyperactif. Parce que cet apollon n'était pas juste beau à se damner et ses lèvres, attirantes. Sa bouche avait, selon lui, de réels pouvoirs insoupçonnés. Des pouvoirs qui, par exemple, en plus de le détendre comme jamais, le faisaient jouir en un clin d'œil… Disons qu'à force, il commençait à bien connaître le potentiel de cette fameuse bouche.

Percevant sans aucun doute la petite pointe d'excitation dans son odeur, Derek releva la tête dans sa direction.

- Je ne vais pas te demander à quoi tu penses, même si j'en ai une vague idée.

Stiles haussa les épaules d'un air faussement innocent, histoire de le pousser à revenir sur le sujet qui l'intéressait. De toute façon, le cul pouvait attendre. Pas le « plus loin » de Derek. Et puisque celui-ci prenait son temps, Stiles reprit son téléphone et lui demanda – ordonner serait plus juste – d'expliciter sa pensée. L'hyperactif n'avait pas besoin qu'il prépare une quelconque tirade, il voulait juste… Savoir à quoi s'attendre précisément. Une chose était certaine, il ne voyait plus le loup-garou mettre fin à leur relation, du moins pas tout de suite. L'adapter, oui. Restait maintenant à voir les changements qu'il comptait y apporter. Derek se pencha sur lui, prit à nouveau son temps, et laissa son souffle chaud passer sur sa peau si sensible avant de prononcer les mots magiques.

xxx

De sa vie, Stiles n'avait jamais passé autant de temps dans un lit. Nu, qui plus est. N'allez pas croire qu'il ne faisait qu'enchaîner les cochonneries… Même s'il y avait un peu de ça. Qu'y pouvait-il, si Derek lui donnait envie de se montrer vilain ? Qu'y pouvait-il, si cet apollon le poussait inconsciemment à se comporter comme un petit diablotin ? Avec lui, c'était définitivement trop bon.

Et à côté de cela, il y avait cette tendresse infinie, ces étreintes douces. Si Stiles adorait faire l'amour avec son loup, il appréciait encore plus ce qui survenait après. Languir contre lui, dans ses bras, à ne rien faire d'autre que de tracer quelques semblants d'arabesques sur sa peau… Ça, c'était le pied. En fait, c'était tout aussi jouissif que le reste, si ce n'est plus.

Savoir que ces câlins avaient désormais une signification bien plus profonde qu'auparavant ne faisait que le combler davantage.

Ensemble. Ils étaient ensemble. Derek le lui avait demandé, et Stiles avait dit oui, aussi simplement que cela. Il n'y avait pas eu de « je t'aime », pas encore, mais Stiles se satisfaisait largement de ces mots silencieux qu'il devinait au travers de ses gestes, de toutes les attentions que le loup avait à son égard. Ses prunelles whisky s'en allèrent mirer l'éclat argenté de la bague qui épousait son index à la perfection. Une bague gravée de son désormais symbole préféré. Outre le design du triskèle que Stiles avait toujours trouvé harmonieux, c'était encore une fois la symbolique qui le faisait se sentir si bien, chanceux dans sa situation.

Derek avait un triskèle tatoué entre les omoplates. C'était son symbole à lui, son truc. Le fait qu'il lui ait acheté un bijou partageant le même motif était très parlant dans sa manière de penser. C'était plus qu'un objet qu'il lui avait offert : une part de son intimité, qu'il acceptait de lui partager. Pour Stiles, il s'agissait du plus beau des cadeaux.

Qu'on ne s'étonne pas s'il était accro à ce loup, qui savait le charmer de toutes les façons possibles.

Lorsqu'ils allèrent se balader au bord de la plage en fin de journée, là où la présence humaine se faisait rare, ils marchèrent mains liées, doigts entrelacés.

Pour la première fois depuis qu'il avait perdu sa voix, Stiles se sentit parfaitement serein… Et à sa place.

Il était amoureux, comblé, heureux.

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Derek ferma la valise, qu'il avait achetée sur place pour rassembler leurs maigres affaires, elles aussi d'ici. Il jeta un regard en biais à Stiles, qui allait et venait partout, vérifiant qu'ils n'avaient rien oublié. Lorsqu'il revint et leva un pouce en l'air, Derek lui répondit par un hochement de tête de confirmation. Ils pouvaient y aller. Quitter cet endroit de rêve pour retourner à Beacon Hills. Une fois la clé magnétique de la chambre rendue et la valise dans le coffre de la Camaro, Derek démarra.

Rentrer au bercail ne lui faisait pas peur à proprement parler, mais il savait que Stiles appréhendait. Après près d'une semaine et demi ici, l'hyperactif s'était bien calmé, avait trouvé un semblant d'équilibre. Derek savait qu'au fond, son humain avait peur de perdre pied à nouveau. Néanmoins, le loup savait que ça n'arriverait pas : à sa manière, il avait progressé et ce, même s'il ne s'en rendait pas compte. De toute façon, Derek le rattraperait en cas de chute. Il était là et n'avait pas la moindre intention de le laisser. Bien sûr, sa présence n'effacerait jamais son absence et celle de tous les autres, lorsqu'il avait le plus besoin d'aide. Pour être honnête, Derek continuait de s'en vouloir de temps à autres. Qu'il se comporte bien et l'aide en permanence n'y changeait rien : il faisait partie de ceux qui l'avaient oublié dès lors qu'il avait perdu sa voix. Même s'il s'était repris assez vite contrairement à d'autres, le passé était passé. Une fois écrit, impossible de le changer.

Alors s'il pouvait tout faire pour le rendre heureux… Il le ferait.

Côté sentiments, il n'y avait aucun problème. Ce qui n'était au départ qu'un semblant d'attirance s'était naturellement mué en quelque chose de plus fort, de plus solide, qui ne cessait de croître. Très honnêtement, Derek n'était pas un habitué des relations, mais il apprenait, peu à peu. D'un autre côté, il avait un peu peur encore, mais chaque jour qui passait le rassurait.

Et, l'air de rien, il était très heureux de voir cette bague autour de l'index de son humain. Savoir qu'il l'adorait ne faisait que réchauffer son cœur davantage. Avec lui, ça pouvait marcher, il le sentait. Et ce n'était pas une voix disparue qui allait l'empêcher de l'aimer à sa juste valeur.

Alors qu'il conduisait, Derek posa sa main libre sur la cuisse de Stiles, qui s'empressa d'y mettre la sienne et d'entrelacer leurs doigts. Ça, maintenant, il pouvait le faire sans gêne, tout en sachant le sens de ce geste plus profond qu'au départ. Du coin de l'œil, il mira l'éclat argenté. Nouvelle bouffée d'amour. Il serra les doigts de Stiles.

La route pour rentrer serait longue et à vrai dire, Derek n'était pas sûr de tenir des heures sans pouvoir le prendre à nouveau dans ses bras, et l'embrasser comme il en avait envie. L'humain l'avait définitivement rendu complètement accro à lui. A ses lèvres, à ses sourires. A cet éclat dans ses yeux qui lui disait que tout était encore possible.

De son côté, Stiles n'en menait pas large. Néanmoins, il préférait ce trajet-ci car le contexte n'était pas le même : il savait où ils allaient et Derek ouvrait parfois la bouche. Il n'y avait pas la lourdeur du silence, de la préoccupation et de l'ignorance. C'était plus facile de se détendre, dans ces circonstances. De ne pas angoisser ni se faire des nœuds au cerveau. Enfin, il s'en faisait toujours, bien sûr, mais plus concernant Derek.

Disons que, même si son séjour dans cet hôtel en bord de place n'avait duré que quelques jours, Stiles avait eu l'impression que tout un pan de sa vie s'était écoulé. Qu'un nombre conséquent de choses avait changé, mais que chaque progrès qu'il faisait restait d'une fragilité déconcertante. Il le sentait. Un rien pouvait encore le faire basculer.

C'est dans ce genre de moments où Stiles regrettait le plus sa voix. Il avait besoin d'exprimer ses doutes et ressentis, mais… N'avait que son téléphone pour cela et ne comptait pas déconcentrer Derek dans sa conduite. Leur relation, il la sentait saine et potentiellement stable, davantage maintenant puisqu'ils avaient officialisé la chose, ce qui l'avait rendue plus concrète. De ce côté-là, il n'y avait aucun souci.

Son inquiétude intermittente concernait encore et toujours le lycée. Stiles avait bien conscience qu'il ne pourrait éviter les cours indéfiniment : viendrait un moment où il serait obligé de remettre les pieds dans une salle de classe. Croiser le regard des gens, la moquerie dans les yeux de ceux qui l'avaient connu avant son mutisme – tout le monde. Lui qui vomissait autrefois un nombre conséquent de mots à la seconde se retrouvait à les penser en série, les faire tourner dans sa tête. Oh oui, il était vraiment temps qu'il se mette à la langue des signes. Tant pis si personne ne le comprenait : au moins, il aurait les gestes pour s'exprimer. L'expression évacuait la frustration. Le reste, c'était une autre histoire.

Stiles se demanda ce qu'il se passerait, s'il décidait de retourner en cours dès le lendemain. Une chose était cependant certaine : il aurait un retard monstrueux à rattraper et n'était pas certain que ses professeurs se montrent compréhensif. Evidemment, il ne retournerait pas au lycée sans dissimuler la violence dont il avait été victime – hors de question que son père soit mis au courant. Stiles le retrouverait un jour, et n'avait pas la moindre envie de lire la moindre once de déception dans son regard. C'était toujours à cela que Stiles pensait le concernant. Son père était… Un shérif. Qu'il soit absent ou pas, constater que son fils n'avait jamais réussi à se défendre ne lui ferait pas plaisir. C'était d'autant plus stupide que Stiles avait passé des jours et des nuits à se mettre en danger dans des affaires surnaturelles rocambolesques, en s'en sortant toujours… Et quasiment indemne à chaque fois. Alors que de simples humains comme lui l'amochent et le terrifient autant… Oui, c'était honteux. Le genre de choses qu'il ne pourrait pas assumer devant son père, parce que… Qu'y avait-il à dire ? Stiles s'efforça de relativiser. Si Noah ne lui envoyait toujours rien, c'est qu'il se fichait un peu de son absence, au fond. Alors même s'il constatait des restes de marques sur son visages… Il n'y ferait pas vraiment attention et, par extension, ne prendrait même pas la peine d'être réellement déçu.

Ça faisait mal, mais c'était peut-être mieux comme ça.

La pression de la main de Derek sur sa cuisse se fit un peu moins légère, plus appuyée.

- On en parlera en arrivant, entendit Stiles.

Léger sursaut. Surprise d'avoir été écouté, scruté. Mais soulagé. L'hyperactif lui lança un regard doux, reconnaissant. Serra ses doigts entre les siens.

Il n'aurait définitivement pas à garder ses pensées pour lui. Et même s'il y en avait d'autres, elles étaient encore peu invasives et Stiles aurait le temps de se préparer à les affronter.

xxx

Défaire la valise toute aussi neuve que leurs affaires était étrange. C'était comme si les deux jeunes hommes prenaient la route vers une nouvelle existence… Sans quitter le nid. L'air de rien, retrouver le loft fit l'effet à Stiles d'un retour aux sources. Car c'était là où tout avait commencé pour lui, pour eux. Pensif alors qu'il admirait l'immensité de la ville au travers de la baie vitrée, Stiles ne sentit pas le regard de Derek sur lui. Ne l'entendit pas vraiment arriver. Mais sourit dès lors qu'il se retrouva doucement plaqué contre un torse qu'il connaissait bien. L'hyperactif se laissa instantanément fondre entre les bras de son loup, dont les mains avaient trouvé refuge sur son ventre, sous son t-shirt. Stiles laissa l'arrière de son crâne reposer sur l'épaule solide derrière lui. Et ses yeux se fermèrent. Cette position lui rappelait de bons souvenirs… Ce jour qui commençait si mal à cause du sucre que Scott lui cassait sur le dos mais qui s'était clôturé par leur premier rapprochement intime. Stiles se souvenait des baisers de Derek dans son cou, de cette manière qu'ils avaient eu de s'exciter l'un l'autre, de se découvrir, de s'aimer en avance. C'était là que leur relation était réellement née. Comme quoi, la libération des corps entraînait parfois celle de l'âme. Ils avaient fait les choses à l'envers, mais ce n'était pas plus mal. Les lèvres qui effleurèrent délicatement son cou le firent frissonner de plaisir. Oh oui, c'était bien ça, le bonheur. La joie d'être dans les bras de l'élu de son cœur, le sentiment profond de savoir qu'on comptait pour quelqu'un. Et surtout, la sérénité de se dire que ça pouvait aller. Stiles se retourna dans l'étreinte de son loup et se suréleva légèrement en faisant attention à sa cheville fragilisée. Un instant plus tard, il unit leurs lèvres dans un baiser au départ d'une douceur infinie. Pensa les mots très fort. Chercha à les lui transmettre en caressant sa joue, son éternelle barbe de trois jours. En laissant ses mains se balader en douceur par-dessus les vêtements, ceux-là même qui deviendraient bientôt gênants.

Il y avait des sujets qu'il devait aborder, dont il devait se délester… Mais tout cela pouvait attendre, non ? Sur le moment, Stiles avait juste besoin de, à défaut de pouvoir lui dire, lui montrer qu'il l'aimait. Disons que l'officialisation toute récente de leur relation lui donnait des ailes, ainsi qu'une envie d'exprimer à peu près tout ce qui lui passait par la tête.

Son amour pour lui en faisait partie et figurait même tout en haut de la liste.

Et maintenant, il l'embrassait à en perdre haleine, se pressait contre lui, se délectait de son souffle tremblant, de la pression croissante de ses mains sur ses hanches. Certains de ses gestes étaient un peu gauches, un peu brouillons, mais brillaient d'une sincérité pure. Derek ne pouvait pas ne pas comprendre le message. En tout cas, Stiles sentait son cœur battre à une allure étonnamment rapide chez lui. Il avait l'habitude d'un Big Bad Wolf calme et maître de l'entièreté de sa personne, jusqu'aux battements de son palpitant. Mais là, il perdait ses moyens, se laissait emporter par la tornade Stilinski, suivait le rythme de ses assauts. Car l'hyperactif n'en menait pas large… Ses baisers étaient devenus fiévreux, à tel point que ses mains tremblaient légèrement.

Mais Stiles n'en démordait pas, il voulait lui montrer qu'il l'aimait profondément. Les mots en eux-mêmes… Il les écrirait plus tard. Idem pour le reste : la valise, leurs affaires… Tout pouvait attendre.

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Le souci avec les problèmes, c'était que les repousser ne les faisait pas disparaître pour autant. Ils continuaient d'exister, restaient là, sur le côté, attendant le jour où l'on se déciderait à les régler. Stiles tripotait sa bague pour essayer de rendre sa nervosité contrôlable. Calmer ses nerfs était une chose qu'il avait toujours peiné à faire et il n'était vraiment pas bon là-dedans. Il savait gérer les émotions des autres… Pas les siennes. Quoique cette fois-ci, il n'était pas si mauvais. Pour preuve, il n'avait pas encore cédé à la crise de panique. Il tournait en rond, avait le ventre qui lui faisait mal tant il stressait, mais… Il restait lucide. N'avait pas encore perdu ses moyens.

Derek n'était pas là. Il faisait les courses – le frigo et leurs estomacs en avaient réellement besoin. Deux jours qu'ils étaient revenus et ils s'en étaient sorti avec des restes pas encore périmés, des choses toutes prêtes, et Uber Eats. Ils avaient eu la possibilité d'aller au restaurant, cependant… L'idée n'avait pas beaucoup plu à Stiles. Si manger à l'extérieur ne l'avait pas dérangé sur la côte, à Beacon Hills, c'était autre chose. Ici, on le connaissait. On connaissait son père. Son visage marqué ne passerait pas inaperçu, et les gens se passeraient le mot – Noah saurait.

Le problème actuel de Stiles, celui qui lui nouait les tripes, n'avait cependant aucun rapport avec son père, ou le monde extérieur en général, encore moins Derek.

En fait, il pouvait se résumer en un nom.

Scott.

Ce n'était pas tant le fait qu'il l'ait contacté qui l'angoissait. Il s'agissait plus de son message en lui-même, de cette menace qu'il lui délivrait. S'il l'avait reçu avant que Derek parte, celui-ci aurait immédiatement remis ses courses à plus tard, d'autant plus qu'il lui avait dit de rester au loft dans l'optique de continuer de laisser sa cheville se reposer.

Sauf que, d'angoisse, Stiles ne cessait de tourner en rond. Actuellement, la façon dont la douleur de sa cheville commençait à se réveiller lui passait bien au-dessus de la tête. Dans sa panique lucide, il se demandait quoi faire. Prévenir Derek avait été son premier réflexe, mais il ne l'avait finalement pas fait. Pourquoi ? Une vieille peur l'avait pris aux tripes. Celle de le déranger. L'idée de passer pour un froussard à ses yeux ne l'avait pas non plus enchanté. Le plus stupide dans tout cela, c'était tout cela était lié, s'ajoutait pour former sa plus grande terreur à l'heure actuelle : que Derek remette leur relation en question à cause de ça. D'un pauvre message. Stiles ne put s'empêcher de rallumer son téléphone, de le lire, encore et encore, dans l'espoir de trouver une solution sans avoir à alerter personne.

« Je n'ai plus de meute, mais j'imagine que tu le sais déjà puisque tout est de ta faute. »

Non, il ne le savait pas. Enfin Derek avait quitté la meute sous ses yeux, et il savait que Jackson et Lydia comptaient suivre dans la foulée, mais il s'était persuadé qu'ils ne le feraient pas. Qu'ils allaient y réfléchir, peser le pour et le contre, avant de se rendre compte que c'était stupide. Mais si Scott lui disait cela… C'était que Lydia et Jackson n'avaient pas été les seuls à se dire que partir était le mieux.

« Jusqu'au bout, tu m'auras emmerdé. Je pensais que te faire taire suffirait… Il faut croire que j'ai eu tort. »

Stiles n'avait pas oublié que Scott était à l'origine de son malheur. Disons qu'il avait délibérément mis ce détail de côté, dans le but de ne pas se pourrir la vie avec. Il avait assez de mal à s'adapter à son mutisme, encore plus à l'accepter définitivement. Ainsi, il se disait qu'il valait mieux trier ses pensées autant que faire se peut, de sorte à garder la tête hors de l'eau.

« Il serait peut-être temps que tu commences à payer pour tout ce que tu as détruit, tu ne crois pas ? »

Le message s'arrêtait là et, bien sûr, Stiles n'avait rien trouvé à lui répondre. Il ne savait pas quoi taper, ni même ce qui était le mieux : broder une réponse intimidante, ou bien laisser couler ? Tout dépendait de l'intention véritable de Scott. S'agissait-il ici de lui faire peur ou de le prévenir quant au sort qu'il lui réservait ? Et puis… Pourquoi diable Stiles recevait-il ce message le seul moment où Derek s'absentait ? Ces derniers temps, il ne le laissait jamais seul. Ou du moins… Peu de temps, les rares fois où ça arrivait. Et il ne se passait rien dans ces moments-là. Le téléphone de Stiles restait toujours silencieux – pour son plus grand bonheur. Mais là, là… Il ne savait pas ce qu'il était censé faire. Sous l'effet d'une pulsion inédite, Stiles décida d'envoyer un message à Jackson.

« Est-ce que Scott est au lycée ? »

Direct, court, simple, efficace. Un peu déplacé, aussi, puisque Stiles ne parlait plus à personne – Derek étant l'exception ultime de toute son existence. Il le savait et il s'en voulait déjà, mais… Il fallait avouer qu'il avait peur. Il fallait qu'il sache s'il était en danger ou non, et si, par extension, Derek risquait quelque chose. Stiles n'avait pas la moindre envie de l'exposer, alors… Il prit la décision de ne le prévenir que lorsqu'il aurait du nouveau. Qui de mieux que Jackson pour être franc avec lui ? Lydia était adorable, mais elle avait toujours ce côté un peu trop gentil, qui la poussait à rassurer alors même que les choses n'allaient pas vraiment. Elle avait trop à cœur cette idée de protéger l'humeur des uns et des autres. Jackson, lui, ne prenait pas tant de pincettes. Et puis… La discussion qu'ils avaient eue récemment, après cette réunion maudite, ne cessait de lui rappeler à quel point le kanima pouvait se montrer surprenant et…Gentil, sans se départir de son honnête franchise. Il n'allait pas chercher à le rassurer, il serait au contraire cru dans ses propos – et c'était de ça, que Stiles avait besoin. Et seulement après, en fonction de la réponse de Jackson… Il contacterait Derek.

Il ne voulait pas l'inquiéter inutilement… Ou le déranger.

Stiles se rongea les ongles un moment, ne sachant que faire, écoutant le silence autour de lui, sursautant au moindre bruit. Il espérait, au fond, que Scott ne cherche qu'à l'intimider, rien de plus. Et si tel était le cas, c'était réussi. Stiles était suffisamment préoccupé pour que le message de Scott lui gâche la vie. A côté de cela, Jackson allait-il lui répondre ? Allait-il ne serait-ce que lire son message ? Stiles ne serait même pas étonné s'il ne le faisait pas… Il trouverait même cela légitime. Il ne parlait à personne, avait un mal fou à ne serait-ce qu'imaginer renouer les liens avec ses amis… Et il demandait quelque chose. Même pour lui, c'était déplacé. Mais il avait peur.

Disons qu'il se savait plus vulnérable que d'autres, parce que ses cris ne portaient plus.

Son téléphone vibra sur la table basse et Stiles s'en saisit prestement. Vit le nom de Jackson s'afficher sur son écran, alla instantanément lire ce qu'il lui avait envoyé.

« Non, il n'est pas là aujourd'hui. »

Stiles sentit tout son sang quitter son visage. Autour de lui, tout se mit à tourner. Il entrevit le nouveau message qui apparut sur l'écran de son téléphone.

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Là, tout d'un coup, Stiles se sentit misérable. Parce que Jackson lui répondait alors qu'il s'évertuait à ignorer tout le monde – il n'écrivait rien à Lydia qui lui envoyait un petit message de temps en temps.

Alors même si le besoin de lui faire part de ce qu'il avait reçu se fit sentir, Stiles resta paralysé un moment, avant de taper quatre lettres.

« Rien. »

C'était la culpabilité qui parlait, qui lui enserrait la gorge. Le poussait à mentir, à rester isolé. A ne pas appeler clairement à l'aide. Stiles chercha alors à se persuader que ce n'était réellement rien. Juste une menace. Quelque chose uniquement censé lui faire peur. Scott ne passerait pas à l'acte. Le priver de sa voix, c'était amplement suffisant. Voilà, il désirait l'intimider, c'était tout. Pas la peine de prévenir Derek. Détends-toi, se répéta l'hyperactif, dont le champ de vision se faisait doucement flou. Il ne servait à rien de paniquer. Scott ne savait même pas où il se trouvait… Quoique c'était facile à deviner.

Sur son téléphone, les messages s'enchaînèrent.

« Stilinski, sois honnête. »

« Derek est avec toi ? »

« Tu es toujours au loft ? »

« Scott t'a dit quelque chose ? Tu l'as vu ? »

« Stiles ? »

Stiles écrivit que tout allait bien, blanc comme un linge. Il se trompait, il se trompait forcément. Pas la peine d'attirer l'attention sur lui. Et pourtant, le fait est qu'il ne prit pas la peine de répondre aux messages à proprement parler. Jackson devrait donc se contenter d'un fébrile « tout va bien » auquel, en toute logique, il ne devrait accorder aucune importance. Stiles n'arrivait plus à penser suffisamment correctement pour réfléchir à ce qu'il pourrait dire pour endormir la curiosité de Jackson. Non, à ses yeux, il ne pouvait pas s'agir d'inquiétude. En fait, il n'avait même pas lu tous ses messages. Il n'y arrivait plus.

Stiles avait toujours été du genre à s'angoisser rapidement, mais il avait autrefois la possibilité de garder la tête froide. De rester complètement lucide. Le harcèlement et la violence dont il avait été victime avaient tout détruit. Et même s'il allait globalement mieux… Toutes les blessures de sa psyché n'étaient pas guéries, et celles qui continuaient de colorer son corps le lui rappelaient chaque jour. Le temps faisait lentement son affaire, mais il n'était rien face à la peur qui le transcendait davantage à chaque fois qu'une minute s'écoulait.

Et du temps passa. Un temps monstre. Vingt minutes, peut-être trente – Stiles ne saurait les dire. Mais il se rongea les sangs. Marcha beaucoup. Fit tout ce qui était en son pouvoir pour se calmer alors que dans le même temps, il craquait. Impossible pour lui de se retenir alors qu'une telle terreur le paralysait. Il avait beau tout faire pour se convaincre que Scott ne mettrait jamais sa menace à exécution… Il n'y arrivait pas. Stiles savait que si une telle chose arrivait, il ne pourrait même pas se plaindre… Encore moins alerter qui que ce soit.

On lui avait dit qu'il était devenu la victime idéale. Jamais une telle affirmation n'avait été aussi vraie.

Stiles releva brutalement la tête lorsque des coups furent portés contre la gigantesque porte métallique du loft et son visage, blanc comme neige, ne cessa de pâlir davantage. Le pire… C'est que se connaissant, il allait ouvrir… Même si la terreur quant à la possibilité de se trouver face à Scott le paralysait déjà.

Stiles poussa un soupir tremblant, les joues inondées de larmes.

Et se détesta.