Je suis récemment retombé sur ce post Twitter que j'avais oublié, où pour chaque mois, il y avait plusieurs thèmes proposés (fanfiction ou fanart).

Comme j'aime souffrir, j'ai décidé d'écrire sur chaque thème (à deux exceptions). Comme j'aime vraiment souffrir, je me suis focalisé sur un seul couple. Comme j'aime vraiment vraiment souffrir, j'ai ressortit le cadre du NaNo (1667 mots minimum par texte, 50 000 mots au total) pour le réaliser. Et comme la souffrance, c'est le summum, je rattrape tous les thèmes ratés.

Ah, et je n'y ai jamais joué.

Disclaimer : L'univers de Twilight Princess appartient à Nintendo.

Bonne lecture !


Tout avait été très naturel.

Link était venu vers lui avec son habituel sourire enjoué et lui avait proposé de quitter son étude pour prendre un peu l'air et profiter d'une des rares journées ensoleillées de ce froid mois de janvier.

Il avait accepté, moins par réelle envie de quitter le confort de ses meubles et sa cheminée ronflante que pour pouvoir contempler le visage subitement illuminé du héros qui ouvrait la marche, sifflotant presque sous la joie qui le submergeait.

Link était un garçon simple qui se ravissait de choses tout aussi simple. Maintenant que les temps sombres étaient derrière eux, il pouvait redevenir le fermier insouciant et amoureux de la nature qu'il était d'ordinaire, avec des réflexions plus terre à terre, tel le changement de saison ou la météo, retournant à sa vie première d'éleveur.

Il avait fini par attraper la main de Jehd de la sienne, l'attirant à sa hauteur, mais ne la lâcha pas pour autant, la tenant d'une prise lâche de laquelle il pouvait se libérer à tout instant. Il ne le fit pas non plus.

Aucun des deux n'avait pensé à mettre des gants et lentement, le froid enveloppa, s'engouffrant au travers de l'ouverture de leurs manches et refroidit leurs doigts mais ni l'un ni l'autre n'esquissa le moindre mouvement pour le contrer. L'avaient-ils seulement remarqué ?

Link devisait gaiement sur sa matinée en extérieur, tenant son ami informé sur ce qu'il avait vu et la faune qu'il avait croisé, décrivant au mieux le moindre détail pour ravir sa curiosité scientifique.

Aucun des individus susmentionnés ne sortait de l'ordinaire, mais Jehd le laissait faire, amusé de son récit et de son ton passionné, de ses yeux brillants sur de si petites choses, de sa vision si enchanteresse de la nature.

Quand il était à ses côtés, il se sentait vieux, aigri et ennuyeux. Il était une vieille âme depuis sa naissance, mais l'impression était plus appuyée encore quand ils étaient ensemble. Mais ce n'était pas grave. En tout cas, ça n'avait pas l'air de déranger Link outre mesure. Il était toujours prêt à lui prêter une oreille attentive à la moindre nouvelle découverte ou dès qu'il ressentait le besoin d'exprimer ses idées, même s'il n'y comprenait rien, hochant la tête au rythme de ses ponctuations, l'encourageant à chacune de ses respirations.

Link n'y comprenait strictement rien. Parfois, il relevait ce qu'il pensait être pertinent et quand Jehd avait les yeux qui scintillaient, il savait qu'il avait eu raison.

Il ferait tout pour que ça recommence. Parce qu'il avait l'impression qu'une nuée d'étoiles prenait place dans la galaxie violette qui se tenaient dans ses iris, lui rappelant ces nuits fraiches où le ciel était dégagé, lui permettant de contempler les constellations alors qu'il se tenait dehors, la buée s'échappant de sa bouche en petits nuages.

Mais ce n'était pas le cas aujourd'hui.

Aujourd'hui, Link avait autre chose en tête.

De son bras libre, il écarta les éventuelles branches gênant leur avancée, alors qu'ils quittaient le chemin.

Shad louait ses longues jambes qui lui permettaient de tenir le rythme de marche rapide imposée par son ami qui semblait plongé dans ses pensées, maltraitant sa lèvre inférieure de ses dents, un éclat blanc parfois visible.

— Où as-tu l'intention de m'emmener ? l'interrogea discrètement Shad.

Peu importe où ça pouvait être, il le suivrait sans discuter, confiant dans ses décisions. Comment pourrait-il en être autrement quand sa main tenait la sienne d'une façon si ferme et assurée, que son regard cillait à peine, résolument tourné en avant, le bleu majorelle de ses iris légèrement assombri par la concentration.

Un autre frisson le parcourut, mais cette fois, il n'avait pas l'air provoqué par les températures basses, bien qu'il ignorait sa signification réelle.

— L'autre jour, j'ai découvert un coin qui devrait te plaire, finit-il par lui souffler.

Le son passa à peine ses lèvres, les mots se raclant presque à ses dents au passage, comme un secret hésitant à être révélé à ce public restreint. Et quel public !

— Vraiment ?

Il n'avait pu s'empêcher, ni de répondre, ni d'imiter sa manière de parler, le cœur battant étrangement à tout rompre et le souffle coupé. Mais que lui arrivait-il donc ?

Mais Link s'arrêta subitement, tournant vers lui une expression surprise qui permit, le temps d'un battement de cils, d'entrapercevoir l'enfant qu'il avait dû être. Un rien d'innocence subsistait encore au milieu de cette rugosité acquise en combattant pour sa vie.

— Jehd… Je ne te mentirai jamais. Jamais, tu m'entends ?

C'était une formule banale, entendue mille et une fois, serment rompu tout autant de fois. Et pourtant… Et pourtant, Jehd n'en eut pas le moindre doute. Pas un instant, pas une goutte.

Leurs yeux plongés les uns dans les autres, le reste du monde s'était arrêté autour d'eux, même le vent retenait son souffle, appréhendant la suite.

Link ne sentit pas son cœur flancher une seconde quand il l'énonça, la véracité coulant de ses lèvres telle une eau vive.

Sa prise sur sa main se resserra subitement, comme s'il se souvenait soudainement qu'elle était là, qu'il ancrait ce moment dans la réalité. Dans leur réalité.

— Vraiment ? répéta-t-il timidement.

Il avait tellement, tellement, envie de détourner le regard, de fixer autre chose, autre part, tout sauf ces yeux si expressifs qui semblaient lui voler son âme dès qu'il avait le malheur de les croiser, plongeant dedans si profondément qu'il en avait le souffle coupé, que son esprit devenait blanc et qu'il en oubliait jusqu'à son nom.

— Vraiment.

Ce n'était qu'un mot. Rien. Un adverbe qu'ils avaient répété trois fois rien que dans les dix dernières minutes. Et pourtant… Et pourtant…

Jehd se sentit faiblir, ses jambes subitement coupées alors que l'air revenait dans ses poumons, s'agrippant à cette main solide comme si elle seule suffirait à la rattraper. Ce qu'elle fit.

À la minute où son équilibre flancha, qu'il se sentit partir en arrière et que sa vue devint floue, Link l'attrapa par l'épaule et se pencha sur lui, le rattrapant. Leurs mains étaient toujours soudées l'une à l'autre mais ils ne se souvenaient plus qu'elles existaient, se concentrant sur les autres membres qu'ils leur restaient et leur proximité soudaine.

— Tout va bien ? Tu ne t'es pas fait mal ?

— Je n'en ai pas eu le temps. Merci…

Leurs yeux ne s'étaient pas non plus lâchés.

Ils restèrent ainsi, Jehd penché en arrière, retenu par le bras du héros lui enlaçant le dos, ledit héros resta figé en pleine action, clairement hésitant.

— Donc, tu voulais me guider où ?

Bien malgré lui, sa voix partie dans les aiguës vers la fin alors qu'il souhaitait de tout cœur qu'il s'éloignait, mais aussi qu'il se rapprochait… Il ignorait qu'il espérait, finalement, mais il le voulait maintenant.

Mais Link ne lui répondit pas. Il lâcha enfin sa main, et elle ne lui sembla jamais plus froide et vide qu'en cet instant, séparée de celle couverte de cuir, abimée par les travaux de la ferme et le brandissement de l'épée. Mais au lieu, comme il s'y attendait, de l'aider à se redresser sur ses pieds et de s'éloigner, de reprendre leur chemin jusque là où il avait l'intention de le mener à la base, Link l'enlaça de son autre bras et pressa leurs torses l'un contre l'autre, enfouissant son visage contre son épaule, verrouillant leur étreinte avec une prise de fer.

Link l'enlaçait. Link le tenait contre lui. Link l'étreignait avec une force herculéenne, ne voulant clairement pas le relâcher de sitôt.

Malgré leurs diverses couches de vêtements, il avait l'impression de pouvoir percevoir la chaleur émanant de ce cadre robuste, celle-ci atteignant son visage qui se peignait d'un cramoisi des plus vifs, jurant avec sa chevelure.

Que se passait-il ? Qu'allait-il se passer ?

Ses méninges avaient l'habitude d'être tordues dans tous les sens, de travailler dur et d'avoir à traiter des informations vites et rapidement, d'être efficaces en tout temps et à toute heure. Mais là, elles étaient juste incapables d'additionner deux et deux, tournant dans le vide dans un rythme effréné, ne lui étant d'aucun secours.

Résultat, quand Link le redressa finalement, comme prévu tantôt, ça le rassura. Peut-être n'était-ce qu'un élan disproportionné d'affection ? Peut-être même que c'était une coutume d'Ordon ? Après tout, les us et coutumes de la région de Latouane étaient loin d'être un sujet dont il était un expert, Link le surprenant de temps à autre par des expressions ou des gestes qu'il attribuait à cette légère différence culturelle.

C'était sans doute ça, non ? Mais il n'avait pas non plus l'impression que Moï se comportait de la même manière…

— Merci de m'avoir évité cette chute ridicule, tenta-t-il.

Peut-être allait-il le libérer suite à ça ? Peut-être était-ce juste ça qu'il attendait de sa part ?

Mais Link détendit juste un peu sa prise, ses muscles légèrement moins bandés, et ce fut tout. Sa tête pesa encore quelques secondes sur son épaule avant qu'il ne la relève, la tournant vers la sienne alors qu'il se reculait d'un pas, juste de quoi éviter qu'ils ne se percutent, leurs yeux se rencontrant de nouveau.

Cette nouvelle proximité avait un certain charme. Ça faisait bien longtemps que Jehd ne l'avait pas expérimenté, l'avait-il seulement fait ? Et sans doute lui aurait-il plu dans un contexte plus défini, plus préparé…

Était-ce des nuances de violet au milieu de tout ce bleu ?

Mais finalement, il n'y eut plus une seule pensée dans son esprit, plus la moindre réflexion, les méninges étaient au repos, alors qu'il ressentait.

Il ressentait la pression douce des lèvres gercées contre les siennes, le torse musclé pressé contre lequel il était tenu, le battement de son cœur résonnant dans sa poitrine alors que le sien retentissait entre les parois de son crâne, semblant l'assourdir. Jehd ne discernait plus le froid. Les frontières de son être s'étaient estompées pour se recréer, englobant les limites de Link, les fondant en un seul corps qui ne commençait ni ne finissait.

Link l'embrassait.

Cette révélation se répercutait sans fin dans son esprit, avec un rien d'émerveillement et de crainte. Pourquoi ? Comment ? Allait-il se réveiller ? Était-ce une vilaine farce pour le tourner en ridicule ?

Mais le héros se contenta de modifier le placement de ses bras autour de son corps, des doigts glacés agrippant ses habits, offrant un peu sa peau dénudée au vent froid qui soufflait toujours, séparant leurs lèvres pour apposer son front au sien, ses paupières lourdes peinant à rester ouvertes, la buée quittant sa bouche en de faibles nuages.

— Ne… Ne nous devions pas aller quelque part ? demanda-t-il timidement, tentant de les recentrer sur leur plan initial.

— On pourra toujours y retourner une autre fois. Et plein d'autres encore.


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