Chapitre 4

La porte de la Justice s'ouvrit alors que le navire s'approchait. Navy, emmitouflée dans un de ses nombreux manteaux de marine, regarda cette porte pour la énième fois tout en ayant l'impression de la découvrir pour la première fois.

Ca faisait étrange de revenir après deux ans…

Elle regarda autour d'elle pour constater que la majorité était autant voire plus ébahie qu'elle. Ce devait être la première fois qu'ils venaient à Marineford. Elle sourit à cette constatation et retourna à l'intérieur, déjà prête à récupérer ses affaires.

Le navire fut vite amarré. La désormais contre-amirale vissa sa casquette sur sa tête, descendit la première et se précipita en direction de la base. Elle slaloma entre les passants et passa par d'étroites rues, connaissant par cœur le chemin le plus rapide pour atteindre le QG de la Marine.

Elle fut néanmoins arrêtée dans sa lancée au niveau de l'entrée.

« Contrôle d'identité, mamzelle. »

La jeune femme sortit sa carte, déjà prête à repartir mais, contrairement à ses souvenirs, le soldat face à elle prit la carte et l'examina en détail. Il partit ensuite près de son collègue et elle fut incapable de comprendre ce qu'ils se chuchotèrent. Le deuxième finit par froncer les sourcils et son regard se tourna vers la contre-amirale. Son teint devint soudainement pâle alors qu'il fixait une partie de sa peau dégagée au niveau de son cou. Navy remonta aussitôt son col et déclara audiblement :

« Un problème ?
- Nous… avons eu pour instruction de vous laisser attendre à l'entrée le temps d'aller chercher notre supérieur.
- Et votre supérieur est… ?
- ... »

Ce silence ne pouvait rien présager de bon. Machinalement, elle se dirigea de nouveau vers l'entrée avant d'être arrêtée par les deux soldats.

« Il arrivera dans un instant. Si vous pouviez…
- Non. »

Elle lui arracha sa carte des mains et força aisément le passage avant d'entrer dans la base. Une fois à l'intérieur, elle activa son Haki, ne se sentant pas en sécurité. Elle pressa le pas, évitant soigneusement les endroits les plus fréquentés et les couloirs menant aux bureaux des amiraux. Ce ne fut qu'une fois arrivée devant le bureau de l'Amiral en chef qu'elle autorisa ses muscles à se relâcher partiellement. Navy ferma les yeux un instant. Elle les rouvrit ensuite et frappa trois coups à la porte. Une voix grave et calme résonna, l'autorisant à entrer. Elle ouvrit la porte, entra et la ferma aussitôt puis se tourna vers l'immense bureau.

Sengoku était présent et n'avait pas levé les yeux de son dossier. Sans attendre, Navy s'approcha et le serra dans ses bras. Cette approche fit sursauter le bouddha qui tourna la tête vers la nouvelle arrivante. En la reconnaissant, son visage se détendit et il rendit silencieusement l'étreinte.

Il n'y avait pas besoin de parole. Elle était rentrée à la maison.

Ils restèrent un moment sans bouger avant que Navy ne se décide à prendre doucement la parole, comme revenant doucement d'un cauchemar.

« … Est-il possible de travailler à tes côtés ?
- Bien sûr. J'ai toujours besoin d'être secondé. »

Ce n'était pas vrai. Sengoku avait la réputation d'être un monstre au travail et il n'avait besoin de personne pour terminer dans les temps. Cette constatation la fit sourire et elle finit par desserrer son étreinte. La jeune femme se plaça ensuite devant l'amiral en chef et le salua comme tout bon soldat.

« Je tâcherai d'être à la hauteur, Amiral en chef Sengoku.
- Je l'espère bien. Je n'attends que le meilleur de mes soldats, en particulier lorsque je les ai personnellement entrainés. »


Son retour à Marineford avait été beaucoup moins chaotique qu'elle ne l'avait craint. La majorité de ses missions consistait en du recueil d'informations, ayant l'avantage de ne pas être connue du grand public. Puis, lorsqu'elle revenait à la base, elle passait toute sa journée de travail dans le bureau de Sengoku. Le soir, elle rentrait chez elle, dans un petit appartement non loin du centre-ville, et elle vaquait à ses occupations.

Elle avait pu retrouver une routine assez rapidement et c'était tout ce qui importait.

Elle souffla et leva les yeux de son dossier pour regarder l'heure.

6h49…

C'était presque l'heure de l'entrainement matinal des nouvelles recrues. Sengoku était souvent en déplacement et, durant ses absences, il lui avait demandé d'entrainer des soldats tout juste sorti de l'académie. Il fallait donc qu'elle soit à l'heure. Elle ferma son dossier, se leva, attrapa un calepin et un stylo et sortit sur le terrain d'entrainement. Le temps était frais le matin. On était certes loin du froid mordant qu'elle avait subi à Northblue mais mieux valait se couvrir.

Elle remit sa casquette correctement et s'avança, prête pour encadrer son premier entrainement.

En la voyant arriver, les soldats s'arrêtèrent et la fixèrent. Loin d'être décontenancée, la jeune femme leur demanda de se mettre en ligne, ce qu'ils firent, bien que certains semblaient réticents. Elle put entendre distinctement :

« C'est pas la secrétaire de l'amiral en chef ?
- On n'avait pas entrainement avec un gradé ?
- J'sais pas moi… »

Les mousses…

Navy les observa tandis qu'ils marmonnaient entre eux. Elle attendit cinq minutes puis claqua sa langue pour intimer le silence et s'exprima le plus clairement possible :

« Je suis la contre-amirale Navy et je me chargerai de votre entrainement aujourd'hui. J'attends de vous que vous soyez disciplinés. Donc, si vous avez quelque chose à dire, levez la main et dites-le. A partir de maintenant, je n'accepte ni messes basses… ni retard. »

En terminant sa phrase, elle se tourna vers trois jeunes hommes venant tout juste de se glisser dans les rangs.

« Me suis-je bien fait comprendre ?
- Oui, contre-amirale Navy !
- Bien. Nos trois retardataires vont pouvoir nous faire l'honneur d'ouvrir la marche. Vous allez me faire des tours de terrain jusqu'à ce que je vous dise d'arrêter. »

Les trois cités sursautèrent mais s'exécutèrent. Ils partirent en trottinant…

« Plus vite ! »

… Et accélérèrent aussitôt. Les autres commencèrent à suivre mais Navy les retint.

« Laissez-les se fatiguer un peu. Ils ont dormi plus que vous, il n'y a donc aucun problème à ce qu'ils fassent plus d'efforts. Maintenant, le programme de ce matin… »

Tous la regardèrent avec des yeux ronds mais aucun ne protesta. Navy commença donc la matinée par des explications entrecoupées par des « je ne vous ai pas autorisés à ralentir ! » lorsqu'elle jugeait le rythme des retardataires trop lents. Une fois les explications finies, elle les autorisa à revenir dans les rangs et ils purent tous commencer à s'échauffer.

La matinée passa rapidement. Durant tout l'entrainement, Navy observa attentivement chaque recrue et nota les points forts et les améliorations possibles qu'elle observait.

Alors qu'elle réajustait la position d'un soldat entre deux tirs, elle sentit une énorme pression non loin du terrain d'entrainement. Cette pression cloua toutes les nouvelles recrues sur place. La pression en elle-même était supportable pour Navy mais l'aura qu'elle reconnut lui donna des sueurs froides. Elle crut sentir de nouveau ses brûlures alors qu'elle se tournait lentement vers le destinataire de cette oppressante aura : l'amiral Akainu. Ce dernier s'approchait du terrain d'entrainement. La mâchoire de Navy se crispa d'anticipation et la sensation de brûlure se fit plus vive à mesure qu'il avançait.

Toutefois, arrivé à hauteur de la contre-amirale, il ne lui prêta pas un regard et traça sa route, se dirigeant vers le terrain d'à côté. Une fois hors de portée de sa pression, tous semblèrent reprendre leur souffle, comme sortant d'une apnée forcée.

La jeune femme posa une main contre son front et se força à reprendre contenance.

« Nous allons écourter l'entrainement de ce matin, finit-elle par dire. Etirez-vous bien avant d'aller vous doucher. On se retrouve demain matin pour un compte-rendu détaillé. »

Elle partit rapidement dans la direction opposée à celle du chien rouge, désireuse de mettre le plus de distance entre eux. C'était la première fois qu'elle le croisait depuis sa mutation.

La brûlure sembla plus vive que jamais et elle entra en trombe dans une salle d'eau. Elle retira son haut et passa de l'eau froide sur d'anciennes marques de brûlures.

C'était psychologique bien entendu. Une brûlure ne se ravivait pas de cette façon. Elle continua toutefois à se passer de l'eau, la mettant la plus froide possible mais rien à faire : elle avait les membres engourdis par le froid et pourtant, elle sentait toujours cette intense brûlure.

Navy soupira bruyamment et s'observa dans le miroir. D'importantes marques se trouvaient sur la partie droite de son corps, passant de son flanc, remontant le long de son bras et arrivant jusqu'à son cou. Elle toucha du bout des doigts son bras, l'aspect rugueux lui prouvant qu'elle ne brûlait plus actuellement.

« Je suis Monkey D Navy. Je suis bien vivante. Ce sont des cicatrices, ça ne brûle plus actuellement. »

Elle se passa un coup d'eau sur le visage puis reprit un autre haut pour le mettre. Des manches longues, toujours des manches longues. Un œil avisé distinguerait des traces de brûlures au niveau de son cou et au dos de sa main mais elle couvrait au moins le maximum de cette façon. Il était hors de question qu'elle donne satisfaction au chien rouge en lui montrant ce qu'il avait causé.