Prologue
— Maman !
Dès qu'elle ouvrait la porte de la chambre de son fils, les épaules de la jeune femme se détendaient. Elle oubliait l'obscurité du monde qui l'entourait, laissait tomber son masque d'aristocrate impassible et se fichait de froisser sa robe en se mettant à la hauteur du petit garçon. Elle lui souriait en tendant les bras dans sa direction et il courait s'y réfugier en souriant.
— Comment s'est passée votre journée ? Dobby m'a dit que vous n'étiez pas sortie de la bibliothèque, que lisiez-vous ? Pansy et Blaise sont venus jouer avec moi dans le jardin ! Blaise avait son nouveau balais et on s'est amusés à voler près de la roseraie. Ne vous inquiétez pas, nous ne sommes pas tombés et nous n'avons rien cassé.
Tous les soirs, le petit garçon blond racontait sa journée à sa maman de la sorte. Il n'omettait aucun détail. Il récitait les blagues de Blaise, son meilleur ami, et parlait même des problèmes de fille de sa copine Pansy, qu'il ne comprenait pas toujours. Tout ce qu'il voulait, c'était avoir quelque chose à partager avec sa maman. Alors, il trouvait toujours une anecdote à lui raconter.
La jeune mère profitait des absences répétées de son mari pour passer du temps avec son fils unique. Elle savait ce que ces absences signifiaient. Elle savait qu'un jour l'obscurité l'engloberait totalement et qu'elle ne pourrait plus protéger son enfant. Si elle avait pu, si ses mœurs et sa famille le lui avaient permises, cela fait bien longtemps qu'elle serait partie. Elle aimait son mari. Elle remerciait Merlin chaque jour de son existence d'avoir pu épouser cet homme et faire de ce mariage arrangé, un mariage d'amour. Mais, elle aimait son fils de toute son âme et elle ne supportait pas l'idée que son garçon soit malheureux.
Elle faisait de son mieux pour que son éducation respecte les valeurs ancestrales de sa famille sans qu'elle ne ronge la pureté de son âme. Elle lui apprenait à bien se tenir, à ne pas parler la bouche pleine et à ne pas courir dans les allées du Chemin de Traverses. Elle lui contait les histoires de la famille Black, celle des Malfoy, dont il était le plus jeune héritier et lui parlait aussi des plus grandes légendes du monde magique. Mais, surtout, elle prenait soin de faire de lui quelqu'un de bien. Elle voulait être fière de son garçon et de l'homme qu'il deviendrait au fur et à mesure du temps.
— Draco, l'appela-t-elle d'une voix douce alors qu'il jouait, un peu plus loin dans la pièce. Approche-toi.
Le petit garçon ne se fit pas prier. Il rangea ses jouets, comme lui avait appris son Elfe et s'assit près de sa mère. Il leva ses grands yeux gris vers elle et attendit qu'elle continue.
— Il est un peu tard pour te faire une leçon, commença-t-elle en passant ses doigts dans les cheveux blonds, presque blanc de son fils. Mais j'aimerai que tu écoutes attentivement ce que je vais te dire.
— Promis, répondit-il intrigué par les paroles de son aînée.
— J'avais presque ton âge lorsque j'ai entendu ma grand-mère, Irma Black, dire ces quelques mots à mes cousins et je pense que tu es assez grand pour les entendre à ton tour.
À l'évocation de sa famille, un voile de tristesse apparut sur le visage de la jeune mère et elle espérait que son fils ne le remarqua pas. Depuis la fin de la guerre, l'enfermement à la prison d'Askaban de sa sœur, Bellatrix, et de son cousin, Sirius, parler des Black étaient douloureux pour elle. Elle aurait aimé un autre destin pour ses proches.
Une fin moins tragique, moins funeste.
Elle passa la main dans ses cheveux bruns, ornés de mèches blondes et se reprit.
— Elle leur dit que la plus honteuse action pour un gentleman serait de faire pleurer une jeune fille. Il est normal de rencontrer des désaccords, d'entretenir quelques rivalités avec certaines personnes mais les disputes qui finissent par des cris et des larmes sont les plus douloureuses et les plus intolérables. Alors, je veux que tu protèges ton coeur et que tu prennes soin de ne jamais provoquer, intentionnellement les larmes d'une jeune fille.
— Pourquoi me dites-vous cela, Maman ? Je n'ai jamais fait pleurer Pansy, ni Daphné. Je fais toujours attention à elles. Je m'étais même battu avec Théo lorsqu'il les a fait tomber de son balais.
Le petit garçon n'était pas encore assez sage pour comprendre le sens des propos de sa mère. À son échelle d'enfant, cela lui paraissait impossible de faire souffrir quelqu'un. Alors, faire du mal à une fille, c'était impensable. Il s'imaginait être méchant avec son amie Pansy et n'aimait pas ça du tout.
— Je sais mon chéri, répondit sa mère en se penchant pour l'embrasser. J'espère que tu te souviendras de ces mots de ton arrière grand-mère quand tu seras un grand garçon.
— Je suis déjà un grand garçon !
Ce soir-là, comme tous les autres soirs, le petit garçon blond avait du mal à trouver le sommeil. Il détestait dormir parce qu'à son réveil, sa maman avait toujours l'air triste. Elle perdait son grand sourire et ses yeux étaient brumeux. Il n'avait que 8 ans, et pourtant, il savait que la présence de son père n'était pas étrangère à la peine de sa maman.
Il se fit alors la promesse de ne jamais oublier les paroles prononcées par sa mère. Il se jura de tout faire pour ne jamais devenir comme son père et pour ne jamais faire souffrir sa femme.
