Cette Fanfiction a été écrite dans le cadre du fest' organisé par FESTUMSEMPRA sur le thème « Pages Manquantes »
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Il ne faut pas vendre le cuir du dragon avant de l'avoir tué.
Hagrid aurait pu raconter des centaines d'anecdotes sur les animaux qu'il avait accueillis en sa demeure (bon, co-demeure, Poudlard étant partagé avec ce très cher -et très vieil aussi- Albus Dumbledore). D'ailleurs, il préférait parler d'accueillir des animaux, pas de les recueillir. Après tout, chacun a droit à sa chance, pas vrai ? Et "animaux", au moins, ça ne sonnait pas discriminant, quand bien même les créatures qu'il ramassait ici et là pouvaient s'apparenter à de vraies bêtes sauvages et féroces.
Celle qu'il tenait contre lui avait un fumet particulier - et il ne parlait pas de l'odeur de roussi qui s'échappait des longs brins de sa barbe fournie - Norberta, on ne rote pas au nez et à la barbe de ses voisins, voyons !
Il tapota distraitement le ventre goulu du dragonneau qui venait de s'enfiler son repas - un peu trop vite, de toute évidence. Le dragon se lova au creux de ses bras, repu et content de se laisser bercer par la respiration tranquille et la chaleur du corps du demi-géant.
Tout le monde le sait, le Gardien des Lieux et des Clés à Poudlard abritait dans sa cabine et alentour une vraie ménagerie. Crockdur, Aragog et les scroutts à pétard n'avaient qu'à bien se tenir face à l'arrivée de sa nouvelle protégée.
Un soupir las s'étira dans la chaude atmosphère de la hutte. Il savait qu'il devrait laisser la dragonne à Charlie un jour où l'autre afin qu'il s'en occupe comme il se doit dans sa réserve en Roumanie - milieu naturel et tout ça... et non, il n'était pas encore délirant au point de ne pas être conscient de son début de syndrome de Noé.
La dragonne en question rugissait de plaisir entre ses bras alors qu'il grattouillait ses écailles. De la même manière que les singes s'épouillent entre eux pour retirer les débris et les tiques de leur fourrure, que les chats lorsqu'ils nettoient leur pelage, il retirait les écailles mortes du jeune reptile, qui manifestement trouvait cela très appréciable. Crockdur somnolait au coin du feu, une flaque épaisse de bave bulleuse au coin des babines.
Les yeux fixés sur les flammes, berçant distraitement le dragon pour la sieste, il se sentait peu à peu rompu par la fatigue.
Ah, Norberta.
Son cœur se serrait déjà à l'idée de la laisser partir, même si c'était le mieux pour elle. Du départ à l'arrivée, il n'y avait qu'un pas à franchir - et personne ne sous-estimait la mémoire d'un géant. Hagrid n'avait beau l'être qu'à demi, posséder le cœur vibrant et fragile de l'homme et la mémoire éléphantesque d'un géant avait de quoi être douloureux parfois.
Ses yeux se fermèrent sans qu'il ne s'en rende compte, ouvrant ceux de l'intérieur. Malgré l'état paisible dans lequel il flottait, son esprit trouva de lui-même le chemin menant à l'acquisition de la petite Norvégienne à crête dont les yeux orangés l'avaient envoûté dès le départ.
C'était une nuit joyeuse d'avril. Il ne s'était pas rendu aux Trois Balais, non, ni à la Tête de Sanglier afin de discuter avec les collègues comme il en avait l'habitude les week-ends. Enfin... ça avait commencé comme ça.
Il marchait le long des routes fréquentées qui menaient jusqu'au centre du village de Pré-au-Lard. Une chose qui faisait son avantage, en tant que demi-géant : la capacité à reconnaître n'importe qui de loin autant que d'être reconnu aisément.
-Hagrid !
Il reconnut tout de suite la voix qui l'interpellait. Hagrid se retourna, tombant nez à nez avec le visage illuminé d'un partenaire de jeu de longue date, qui lui adressa un sourire jovial.
-Horace ? Vous êtes déjà là ? Vous allez à la Tête de Sanglier ?
-J'en sors tout juste ! Je dois aussi passer à Gringotts, j'ai besoin de quelques fournitures... Venez, il faut absolument que je vous présente quelqu'un. J'espère que vous êtes d'humeur à jouer, ce soir !
Slughorn se pencha vers Hagrid et se mit à chuchoter, regardant de tous côtés afin qu'on ne surprenne pas sa confidence.
-Il y a beaucoup de monde de passage ces temps-ci, et ça joue beaucoup - et gros, surtout depuis qu'un sorcier mystérieux rafle toutes les mises… on dit qu'il a un oeuf de dragon, et j'ai tout de suite pensé à vous…
-Eh bien... oui, bien sûr… ce serait fantastique de pouvoir jouer contre un tel adversaire… je vous remercie d'avoir pensé à moi, Horace.
Ce dernier lui renvoya son sourire, mais Hagrid peina à l'écouter tant la perspective de la mise l'enchantait. Un dragon… depuis le temps qu'il rêvait d'en avoir un ! Jamais il n'aurait pensé qu'un jour on lui proposerait une telle opportunité.
-Il n'y a pas de quoi, mon vieil ami… Joignez-vous à nous !
Ils observèrent le sorcier qui proclamait pouvoir renverser n'importe quel joueur gagner coup sur coup à la Bataille Explosive sans tricher, quand bien même les suspicions et accusations allaient bon train dans le brouhaha de la foule.
La joueur ne semblait pas vouloir dévoiler la moindre parcelle d'identité. Une robe noire, simple, agrémentée d'une cape au tissu relevé sur la tête rendait impossible la vue de son visage, dissimulé parmi les ombres du vêtement ample, presque flottant. D'aucuns le prenaient pour un Détraqueur ou un Mangemort, s'en cachaient. D'autres s'aventuraient à jouer contre lui, s'évertuaient à le faire tomber en duel, cherchaient à en savoir plus - sans succès.
Hagrid, cependant, ne trouvait rien d'inquiétant à ce profil mystérieux. Peut-être que c'était un sorcier tout simplement timide ? Il pouvait tout à fait le comprendre. Les sorciers avaient beau former une caste hétéroclite, les étrangers étaient mal vus, surtout dans un village aussi proche d'une grande école de sorcellerie, dans lequel de jeunes enfants venaient régulièrement s'approvisionner. Les marchands de créatures fantastiques étaient régulièrement sujets à controverses, tantôt conspués en tant qu'alliés du banditisme et contributeurs du trafic d'animaux, tantôt tolérés par le Ministère pour on ne savait quelles raisons.
Alors que cette vieille crapule de Mondingus Fletcher - sous Polynectar afin d'échapper à son bannissement à vie - essuyait une ultime défaite en grommelant, forcé de céder un Miroir à Double sens ayant appartenu à un Fawley (d'après les initiales), quelques montres et une quantité impressionnante de Poudre de Cheminette, le sorcier engoncé dans sa cape désigna Horace, qui tout sourire lui présenta Hagrid.
Le demi-géant voulut s'asseoir à la table du joueur à l'œuf de dragon, mais ce dernier lui fit signe de le suivre. Le regard torve d'Abelforth Dumbledore ne semblait guère invitant à continuer les duels de Bataille Explosive : de plus en plus de personnes venaient dans le pub pourtant malfamé, attirées par les rumeurs et le mystère entourant le joueur.
Prenant sa bougie, Hagrid monta les escaliers, faisant involontairement grincer le bois et s'attabla au salon de l'étage. Même le faible reflet de la lumière chaude sur les vitres sales ne lui permettait pas de discerner son futur adversaire avec clarté.
-Hagrid, n'est-ce pas ? J'ai beaucoup entendu parler de vous… Monsieur Slughorn m'a dit que vous étiez le garde-chasse de l'école de sorcellerie de Poudlard.
-C'est exact, en effet… Vous connaissez Horace ?
-Je connais beaucoup de gens. Vous savez… lorsque vous avez bien voyagé, vous finissez par trouver le monde ridiculement petit.
L'inconnu possédait une voix plaisante, étrange et musicale. Il offrit une large chope de boisson à Hagrid malgré ses protestations. Quel individu généreux… en même temps, il fallait dire qu'avec toutes ces victoires, il y avait de quoi le devenir.
-Si on commençait cette partie…? Si cela vous dit, bien sûr. Manche classique, en trente points. Celui qui en possède le plus gagne.
-Avec plaisir, répondit Hagrid en prenant une gorgée de sa Bièraubeurre.
L'étranger avait amené avec lui son propre jeu enchanté. Il laissa volontiers à Hagrid le soin de vérifier la conformité des cartes de Chocogrenouilles auto-battantes et de préparer le jeu.
L'excitation montait d'un cran. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas joué pour une vraie mise contre un concurrent aussi manifestement redoutable. Assurément, les parties de Bataille Explosive avec Minerva, Filius ou encore Horace possédaient un charme propre, celui de la rigolade et de la détente - tout pour ne pas se prendre au sérieux, en fait. C'était un autre attrait qu'un adversaire déterminé.
Une fois la pile constituée, le joueur sous cape dégaina sa baguette, tandis qu'Hagrid sortit de ses poches une tige de bois tout à fait ordinaire, destinée au jeu, taillée de ses propres mains. Tous deux se tinrent prêts.
A la première paire identique, l'inconnu fut le plus rapide. Hagrid dut concéder le point.
-Paire ! s'écria-t-il finalement après ce qui sembla une éternité. Les cartes battaient, battaient, mais rien ne venait, comme si elles souhaitaient garder le suspense entier. Ce qui n'était pas rare pour des cartes enchantées…
Le demi-géant pointa une paire de Manticores. Mais cela ne fut pas suffisant pour remporter la partie et il s'inclina finalement vingt-trois à sept.
-Nous compterons cela comme un tour de chauffe, dit la silhouette d'une voix affable.
-Ah, c'est très gentil à vous, merci…
Hagrid observa longuement son adversaire. Il n'avait que les ténèbres pour visage, semblait se fondre dans l'obscurité rampante de l'auberge. Baguette levée, pas un centimètre de peau n'était visible ; la longue manche glissait sur une baguette fermement tenue. Quoi qu'il puisse être, le sorcier n'avait vraiment pas envie de se révéler. Peut-être qu'il avait peur de se montrer aux gens ? La laideur avait un aspect que la plupart des gens trouvait répulsif, effrayant. Hagrid s'en souciait peu, même s'il pouvait deviner la douleur du rejet, sentant parfois sa pointe titiller son cœur.
Une deuxième partie débuta, et une autre, et une autre, durant lesquelles il se trouva de plus en plus à l'aise avec son interlocuteur, de moins en moins déconcerté par sa volonté de se dissimuler. Bon, d'accord, la Bièraubeurre avait son rôle à jouer, les tournées s'enchaînaient sans qu'il ait le moindre Gallion à dépenser ou le moindre mot à dire.
Il aurait voulu lui demander, pour l'œuf de dragon, mais, pour une raison ou pour une autre, sa langue refusait de se délier.
L'inconnu et lui discutaient tout en pointant distraitement les paires qui se présentaient, alors que les cartes battaient de plus en plus vite. Entre deux Licornes et une paire de Phénix, le sorcier amorça une fois de plus la discussion.
-On m'a dit que vous adoriez les animaux.
-Oui, j'en ai quelques-uns… ils m'apportent tout le bonheur du monde. Ce sont mes amis…
-Qu'est-ce qu'on ne ferait pas pour ses amis, n'est-ce pas ?
Il ne sembla pas percevoir la pointe d'ironie dans la phrase de l'inconnu.
-En effet ! Aragog a été mon premier ami. Je l'ai aidé à survivre à ses premières années et à fonder sa colonie.
-Aragog ? Qu'est-ce ?
-C'est une très belle Acromentule. Je suis très fier de pouvoir les garder à Poudlard… Il y a aussi Crockdur, mon chien fidèle, il a déjà sept ans ! Je me rappelle quand il était tout jeune chiot… lança Hagrid avec des yeux rêveurs et une expression que d'aucuns trouveraient insupportablement mièvre. Depuis qu'il s'est coincé dans un Filet du Diable -il n'avait même pas un an, le pauvre !- il est un peu peureux. Et…
L'inconnu le coupa. Ah, il ne pouvait pas s'en empêcher, il était intarissable sur les animaux. Cependant, l'interruption était motivée par d'autres raisons que celles qu'il avait craint. La silhouette s'agita sous le tissu, parcourue de sortes de petits fourmillements.
-...vous avez un chien ? Formidable. Justement, je cherchais quelques conseils…
-Ah oui ? fit Hagrid, une énième gorgée de boisson faisant pétiller ses papilles, tout son visage reflétant sa curiosité. Dites-moi tout !
-Voyez-vous, j'ai récemment fait l'acquisition d'un Cerbère.
-Un Cerbère ? Poudlard en héberge un actuellement, ce ne sont pas les animaux les plus communs, mais ils sont tout doux et très dociles quand on sait comment s'y prendre avec eux, raconta le demi-géant dans une tirade passionnée.
La silhouette s'approcha doucement d'Hagrid. Sa voix devint fervente, presque hypnotique :
-Connaîtriez-vous un moyen d'apaiser un Cerbère en colère, par hasard ? fit-il en montrant une paire de Billywig et une de Doxys.
-Bien sûr !
Hagrid, désormais plus concentré sur le jeu, laissa sa réponse sans approfondissement, et bientôt, une nouvelle chope vint remplacer la sienne vide.
Hagrid repoussa le verre rempli.
-Merci, merci, mais j'ai déjà beaucoup bu… je ne voudrais pas abuser.
-C'est moi qui offre. On ne refuse pas le cadeau d'un ami, voyons…
D'un geste de baguette, l'inconnu repoussa la chope de Bièraubeurre devant Hagrid, trop surpris pour refuser.
-Je.. je suis votre ami ?
-Vous pouvez me considérer comme tel. Après tout, cela fait quelques heures que nous jouons ensemble.
Une vague d'émotion surgit si fort dans le cœur du demi-géant qu'il eut les yeux humides. C'était son ami ! Il ne manqua pas de remercier le sorcier, puis revint dans la partie avec la prise de quatre paires consécutives. Douze à dix, le score se resserrait. Le silence devint plus intense, de même que la concentration des deux joueurs.
La question ne cessait de lui brûler les lèvres, mais il n'osait toujours pas. Prenant son courage entre deux mains et une grande inspiration, les mots sortirent enfin de sa tête. L'inconnu venait de piocher deux cartes à l'effigie d'Albus Dumbledore. Une sorte de raclement de gorge étouffé suivit.
-Dites…
-Hm-hm ?
-Est-ce que c'est vrai, ce que l'on raconte à votre propos..? Vous savez… que vous avez un œuf de dragon ?
-Oh. Vous voulez parler de ça ? fit la silhouette. Le tissu se mit à se mouvoir comme si le sorcier cherchait en tous sens quelque chose dans sa poche. Il en sortit, par lévitation, un œuf gros comme celui d'une autruche, lisse et noir.
-C'est un Norvégien à crête, annonça-t-il à Hagrid en brandissant ensuite sa baguette sur la paire correspondante, qui cracha ses flammes en tous sens. Un pur hasard - le plus beau peut-être, ajouta le sorcier en haussant les épaules.
Il n'avait d'yeux que pour l'œuf posé sur la table, immobile. La lumière se reflétait dessus à la manière d'un miroir, en plus floue et distordue.
-Il est magnifique…
-Il devrait bientôt éclore.
Le sorcier dissimulé amena sa baguette près de l'œuf en murmurant un sort. Une lueur violette vint éclairer l'objet, qui révéla par transparence ce qui vivait à l'intérieur.
Oh, comme il aimerait qu'il lui appartienne ! Il se voyait déjà faire ses recherches sur la vie des dragons, cajoler l'œuf pour qu'il se sente aimé, l'aider à naître, le voir grandir et devenir plus grand, plus fort que lui.
-C'est mon rêve depuis toujours… faire grandir un dragon, murmura Hagrid, fasciné par la vie à l'intérieur de la coquille épaisse. Le sort cessa.
-Cela vous plairait qu'on le rajoute à la mise ? Si vous gagnez la partie, vous remportez l'œuf. Cadeau d'ami.
-Oh, ce serait… incroyable, fit Hagrid d'un ton presque intimidé, la joie irriguant pourtant tout son corps au point d'exploser. Je ne sais comment vous remercier. Tant de générosité…
-Je n'en ai pas besoin, ne vous en faites pas. Cela me fait plaisir de le mettre en jeu, surtout pour quelqu'un d'aussi doué que vous avec les animaux. Très bien, finissons donc cette partie.
Un nouveau silence concentré plana sur la pièce. La bougie finissait de se consumer tandis que les cartes battaient sans discontinuer. C'était le seul son qu'on pouvait entendre, hormis le ronronnement du feu dans la grande cheminée de la Taverne du Sanglier.
Il devait absolument gagner. Pense au dragon, se disait-il, pense au dragon… tu peux le faire.
Hagrid pointa une paire de Gnomes et une paire de Rowena Serdaigle, qui s'entre-regardèrent d'un œil triste. L'inconnu et lui pointèrent la même paire en même temps. Match nul. Les cartes retournèrent d'elles-mêmes dans la pile qui ne cessait de s'auto-alimenter.
Les scores finirent par s'égaliser à quatorze partout. Les deux prochains points seraient décisifs…
L'alcool devait le rendre pataud, pas vif, mais son cœur battait follement dans sa poitrine à l'idée de remporter le dragon chez lui, qu'il se dit que ça devait être la raison pour laquelle il pointait les paires plus vite que son nouvel ami. Sa dernière prise, un Vert Gallois, confirma sa victoire. Hagrid fit une accolade au sorcier, leva sa Bièraubeurre à son bébé dragon et à la noblesse du jeu. L'euphorie fut cependant de courte durée, car la voix hargneuse d'Abelforth Dumbledore retentit dans l'auberge jusqu'à l'étage, menaçant de virer Hagrid dehors à cause du tapage.
-Je vais m'en aller, avant que Abelforth ne vienne me tirer par la peau des fesses. J'ai peut-être un peu abusé… je vous remercie pour tout. Et, au fait, pour votre Cerbère, il suffit de leur jouer un peu de musique et ils s'endorment tout seuls comme des grands…
-Merci. Je me souviendrai de votre conseil avisé…
Hagrid tendit à l'inconnu une main, que ce dernier serra avec hésitation, ne montrant que le plat de sa main dans un éclair furtif. Il sourit. Humain et peureux, soit. C'était son nouvel ami et ça lui allait très bien.
Il se dirigea vers les escaliers, mais se retourna avant d'avoir posé le pied sur la première marche.
-Un instant ! Puis-je connaître votre nom ? Vous savez… si jamais on se recroise.
-Je ne suis que de passage. Je ne pense pas revenir, malheureusement. Mais, si vous y tenez, vous pouvez m'appeler Tromedlov.
Hagrid haussa les sourcils. Il n'avait jamais entendu ce nom auparavant.
-C'est un nom d'origine russe.
-D'accord, enchanté de vous avoir rencontré. Passez me voir à Poudlard, à l'occasion !
-Je n'y manquerai pas, esquissa l'inconnu, l'ombre d'un sourire dans la voix.
Cette fois, Hagrid quitta la Taverne sans se retourner, un œuf de dragon en poche, foulant le sol comme s'il marchait sur les nuages. Rien n'aurait pu détrôner son bonheur.
L'inconnu, lui, resta à la Taverne du Sanglier. Après le départ d'Hagrid, il rejoignit promptement les toilettes, qu'il monopolisa d'un sort de verrouillage. Après avoir vérifié qu'il était seul, le sorcier retira le capuchon de sa cape d'un geste tremblant, révélant un homme au visage pâle, l'air entre fiévreux et terrorisé, un turban sur la tête. Ses yeux ne cessaient de fixer son reflet dans le miroir au-dessus du lavabo avec appréhension. Son turban se dénoua d'un coup de baguette.
-M-maître…?
L'homme se décala dans le miroir, n'observant plus son reflet de face, mais de côté, une bien étrange manière de se regarder… et pour cause. Il y avait deux visages. Un à l'avant, et un à l'arrière.
-Je suis content de voir que tu n'as pas bégayé, Quirrell… fit une voix d'outre-tombe, qui provenait de l'arrière de la double-face. L'avant, lui, contemplait, l'expression terrifiée, la bouche de l'autre visage lui parler, son air satisfait.
-...Tu sais ce qui serait arrivé, sinon.
-Oui, M-maître, s'inclina-t-il.
-Ah, Hagrid… un grand ami, en effet… susurra la voix, avant de partir dans un éclat de rire maniaque, incontrôlable.
L'autre, lui, ne riait pas.
-Allez, on se tire d'ici. Cette auberge me donne envie de vomir… un Dumbledore c'est assez, deux, c'est trop. Repars à Poudlard avant qu'un de mes adorables rayons verts ne se mette en travers de la poitrine du frère.
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