Chapitre 42 : Aux blessures qui guérissent…
Selphia, 7ème jour de l'Eté…
La nouvelle du retour miraculeux de Doug et Arthur fit le tour de la ville, et ils furent nombreux à se précipiter pour les accueillir et écouter leur histoire. Passant sous silence le renoncement momentané d'Arthur, Doug raconta avec un luxe de détails leur chute depuis le ciel, les arbres la ralentissant alors que leurs branches se prenaient dans la toile du dirigeable et leur sauvant ainsi la vie. Il raconta leur long périple à travers une forêt hostile peuplée de monstres tout sauf amicaux pour tenter de trouver un point de repère qui leur indiquerait la route à suivre. C'était une curieuse fille vêtue de rouge et se déplaçant sur un immense Loup Argenté qui leur avait permit de retrouver leur chemin, leur apprenant qu'ils étaient tombé en Sechs. Elle leur avait permit de franchir la frontière et de se retrouver en terrain un peu moins inconnus. Ça ne les avait pas empêché de se perdre à nouveau, jusqu'à se retrouver aux pieds d'un cèdre immense dans une zone neutre n'appartenant si à Sechs, ni à Norad comme le leur expliquèrent deux bucherons, l'un blond et l'autre brun. C'était curieux cette insistance avec laquelle ils avaient martelé que la zone était neutre et qu'ils avaient le droit de se trouver là. Ils avaient néanmoins offert à manger aux deux naufragés du ciel, et le gite dans une chaumière de bois simple mais chaleureuse, avant de leur indiquer la route pour rejoindre Selphia.
_ Et après je ne sais combien de jour de marche, nous voilà enfin !
La vieille Blossom pleura de joie en serrant Doug contre elle, le faisant rougir jusqu'aux oreilles. Arthur cru qu'il allait échapper à ce genre d'épanchement en public, mais Porcoline fendit la foule en courant pur l'étreindre avec force.
Ce fut sans doute ça qui leur fit prendre conscience qu'ils étaient rentrés chez eux, enfin.
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Démise de ses fonctions de chevalier, Forte quitta la ville ce jour-là. Elle voulu s'avancer vers Doug, consciente qu'il l'avait toujours regardée, mais le jeune nain secoua la tête avec un regard critique. Il les avait peut-être tous trahis, mais c'était bel et bien elle, et elle seulement, qui les avait tous abandonnés.
Celle qui avait été si fière d'être Chevalier Dragon quitta la ville sans personne pour l'accompagner jusqu'au dirigeable, le premier à enfin quitter Selphia. Même la Garde des Vents ne prit cette peine. Comme le lui avait simplement dit Léandre, occupé à restaurer La Lanterne Rouge avec Naoko et les autres prostituées, ils avaient plus importants à faire que d'agiter bêtement la main dans le vide. Tully, montant la garde à l'entrée avec Arnaud partageait pour une fois son avis ; et Oural et Mistral, Forte ne voulait pas avoir affaire à eux après avoir apprit quelle relation ils entretenaient.
Elle regarda la ville s'éloigner depuis le bastingage, disgraciée, humiliée et, comme le lui avait dit Frey avec un regard chargé de méprit, déjà oubliée.
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12ème jour de l'Eté…
L'hôtel des bains étaient en bonne voie de reconstruction. La tuyauterie avait été épargnée par le bombardement et il n'y avait que le bâtiment en lui-même à reconstruire. Si les travaux se poursuivaient à l'étage et dans l'un des bains, le hall et le plus petit bain étaient presque achevés.
Léon soupira et essuya son front couvert de sueur.
_ Bon sang Lin Fa, combien pèse ce comptoir ?
_ Il est beau, n'est-ce pas ? Tu ne devineras jamais comment je l'ai eu. Figure-toi que l'autre jour, le premier dirigeable en provenance de mon pays natal est arrivé, et j'y ai retrouvé une amie d'enfance ! En fait, elle en était la capitaine.
_ Et tu lui as volé son comptoir ?
_ Non, non, non ! Nous sommes allées boire un verre toutes les deux, et en repartant, nous sommes passées dans une rue, et de fil en aiguille, j'ai acheté ce comptoir en solde ! Quelle chance !
Léon haussa un sourcil dubitatif. Il n'avait rien comprit à l'histoire de Lin Fa, mais n'avait aucune envie de le lui avouer. Elle avait l'air si heureuse, et ça faisait longtemps qu'il ne l'avait pas vue ainsi.
_ Léon ! Ton turban est de travers !
Lin Fa se hissa sur la pointe des pieds et rajusta la coiffe immaculée couvrant les longs cheveux bleu-gris de l'homme-renard. Il scruta son visage rougit par l'effort d'avoir déplacé un meuble aussi lourd. Il leva la main pour remettre en place une mèche de cheveux retombant devant ses jolis yeux clairs.
La porte s'ouvrit, les faisant sursauter. Lin Fa se retourna et son air heureux s'effaça de son visage. Léon observa le nouveau venu, un homme à la beauté mélancolique douloureuse à voir, avec un visage pâle, des yeux limpide et de longs cheveux noirs. Ses vêtements blancs lui donnaient l'air d'être en deuil.
_ Yan Fa.
_ Lin Fa.
La tension entre eux était palpable, et Léon se sentait de trop. Mais il n'avait nulle part où se retirer discrètement, et le dénommé Yan Fa bloquait le passage de l'entrée, alors il resta planté là, un peu bêtement.
_ Je ne pensais pas te revoir ici, Yan Fa.
_ Et pourquoi ça ? J'ai tout de même le droit de venir voir ma fille quand j'en ai envie.
_ Ta… Yan Fa, tu n'as pas reçu ma lettre ?
_ Ta lettre ? Quelle lettre ?
Lin Fa se mordit la lèvre et soupira. Elle regarda autour d'elle et se dirigea vers un tabouret sur lequel elle se laissa tomber, invitant l'homme à en faire autant sur celui d'en face. Elle attendit qu'il soit assit pour prendre la parole.
_ Yan Fa, Xiao Pai… Xiao Pai est morte.
Le visage pâle de Yan Fa blêmit encore davantage. Sa surprise n'était pas feinte, et Léon en déduisit qu'il était le père de Xiao Pai, et que le blanc de sa tenue n'était pas pour le deuil de sa fille dont il venait d'apprendre la mort.
_ Comment ?
_ Durant le bombardement de la ville… elle n'a jamais eut de chance… Je t'ai écrit dès que nous avons put rétablir les voies de communication, pour te prévenir. C'est pour ça que je me suis étonnée de ta présence, sans elle, tu n'avais aucune raison de revenir.
_ Ma Xiao Pai… Et toi tu t'en es sortie indemne, à ce que je vois.
Son regard se fit venimeux. Il observa Lin Fa avec hargne, l'accusant sans doute de bien plus que d'être encore en vie. Il regarda ensuite Léon et plissa le nez de dégout.
_ Et on dirait que tu t'en remets très bien. Tu as au moins attendu qu'elle soit refroidie pour te faire consoler dans les bras de… ça ?
_ Ferme-la, tu es mal placé pour me parler de moralité.
_ Moralité ?! Moi je ne couchais pas avec une autre espèce que la mienne, au moins !
_ Je ne couche pas avec Léon !
Lin Fa se releva avec fureur et tendit le bras vers la porte, les lèvres tellement pincées qu'elles n'étaient plus qu'une mince ligne.
_ Va-t-en ! Va-t-en et ne revient pas ! Je ne veux plus te voir !
_ Si seulement tu avais put me dire ça il y a vingt ans.
Il la foudroya du regard et quitta les lieux sans un regard en arrière. Léon l'observa claquer la porte avant de reporter son attention sur Lin Fa. Elle avait l'air totalement déboussolée, encore debout avec sa main tendue, les yeux fixant le tabouret vide.
_ C'était ton mari, n'est-ce pas ?
_ Oui…
_ Vous… n'avez pas l'air de bien vous entendre.
_ Effectivement…
La jeune femme soupira profondément et se dirigea vers l'arrière du bâtiment en construction, regardant sans le voir le futur bassin de bain.
_ Par où commencer…
_ Tu n'es pas obligé de me raconter, tu sais. C'est un horrible bonhomme, rien de plus.
_ Non… C'était quelqu'un de vraiment bien, gentil et sincère avec tout le monde. Sa bonté un peu espiègle m'a séduite dès le premier jour. J'étais toute jeune à l'époque, jeune et stupide, inconsciente de la société dans laquelle nous vivions. Elle ressemble à ce qu'était Selphia jusqu'à ce que les lois changent sous le règne de Lest… Yan Fa… je le voulais. Je voulais me marier avec lui, j'en rêvais jour et nuit.
Elle serra les poings sans regarder Léon.
_ Les gens me voit comme la gentille gérante de l'hôtel des bains, un peu dans la lune, incapable de faire du mal à une mouche… Ils ne me connaissent pas, ils ne savent pas ce que j'ai fait… Je ne suis pas quelqu'un de bien. Ce que j'ai fait…
Elle inspira pour calmer le tremblement de sa voix et ferma les yeux pour retenir ses larmes. Elle ne se considérait peut-être pas comme quelqu'un de bien, mais Léon voyait à quel point son histoire la faisait souffrir, et cette culpabilité lui prouvait qu'elle avait tord, qu'elle était quelqu'un de bien.
_ Yan Fa était amoureux, éperdument amoureux. Je l'ai découvert en le suivant. Quand je l'ai vu, j'ai aussitôt était prévenir le chef de notre village. Je voulais juste écarter l'autre, l'éloigner de Yan Fa… Mais, ça ne s'est pas passé comme ça… Parce que la personne que Yan Fa aimait était un autre homme, et que nos lois l'interdisaient. Je les ai dénoncés, et son amant a été exécuté le jour-même.
Léon ne trouva rien à dire. Il ne s'attendait pas à ça.
_ Yan Fa aurait subit le même sort si je n'avais pas dit que je souhaitais l'épouser malgré tout. Il ne m'a jamais pardonné ce qu'il s'est passé, et je le comprends tellement. Xiao Pai est née d'un moment d'égarement, où il avait trop but pour oublier ce que je lui avais prit. C'est peut-être pour ça qu'elle n'a jamais eut de chance, quand on voit la façon dont elle a été conçue… Je crois que Yan Fa aimait vraiment notre fille, mais pas assez pour rester. Il est devenu marchand itinérant est moi je me suis établie ici avec Xiao Pai. Parfois elle partait avec lui pendant quelques mois, mais elle devait trop lui rappeler toute cette histoire… Tu vois Léon, Yan Fa n'est pas un horrible bonhomme… c'est moi qui suis abominable.
L'homme-renard observa la jeune femme en silence, sa queue bruissant doucement en bas de son dos. Il secoua la tête et prit Lin Fa par les épaules, la faisant pivoter pour qu'elle le regarde.
_ Non, tu le serais si tu ne le regrettais pas, mais tu t'en veux et ça se voit. Tu étais jeune, et les jeunes font toujours des erreurs. Parfois, elles sont tragiques, mais c'est la vie, et c'est ainsi que l'on grandit.
_ Mais à cause de moi, un homme est mort ! Et un autre ne sera jamais heureux ! Tu n'as aucune idée de ce que l'on ressent quand on est responsable du malheur de quelqu'un !
Léon la scruta avec attention et esquissa un sourire triste.
_ Bien sûr que si, je sais. Penses-tu donc que je n'avais pas de vie avant de devenir le premier Gardien de Ventuswill ? Pas de famille ? Pas d'amis ? J'avais tout ça, même si je ne m'en suis rendu compte que trop tard. J'avais une amie d'enfance, j'y tenais comme à la prunelle de mes yeux, et on s'était juré de se marier lorsque nous serions adultes. J'ai oublié cette promesse, mais pas elle. Elle était d'une loyauté à toute épreuve, que crois-tu donc qu'elle a fait une fois que j'ai été maudit ?
_ Elle t'a attendu ?
_ Oui. Toute sa vie. Toute sa vie elle a aimé un homme qui ne s'est rendu compte de ses sentiments que le jour où il a été enfermé dans un sarcophage. Je l'ai entendue hurler mon nom, chercher à m'empêcher de me sacrifier pour un dragon qui ne le méritait pas, mais elle était la seule à le savoir à cette époque… Et je n'ai pas put la libérer de sa promesse. Je sais qu'elle m'a attendu, parce que même depuis le fond de ma prison, je sentais sa présence, jour après jour, si triste, si solitaire. Je n'avais plus la notion du temps, mais ça a duré si longtemps, si longtemps… Et un jour, je ne l'ai plus sentie, plus jamais. Toute sa vie, mon amie la plus chère a été malheureuse, par ma faute. Alors si, Lin Fa, je sais ce que tu ressens…
La jeune femme le regarda en silence, les lèvres tremblantes. Ses genoux se dérobèrent sous elle et elle s'effondra, en même temps que de grosses larmes se mettaient à rouler le long de ses joues. Elle pleura pour de bon, et Léon mit quelques secondes à réaliser que lui aussi s'était mit à pleurer. Il tomba à genoux devant Lin Fa, soudainement aussi incapable qu'elle de rester debout. Elle le regarda et prit sa main avec force, le scrutant entre ses larmes.
_ Ce n'était pas de ta faute…
_ Bien sûr que si… J'ai fait une promesse en l'air sans en mesurer l'importance… Je ne… Je n'ai pas le droit d'aimer qui que ce soit après ça, ce serait la moindre des choses.
Lin Fa ravala ses propres larmes et essuya celles de Léon sans le quitter des yeux.
_ Moi je souhaiterais au contraire que tu trouves le bonheur. S'il y a bien une leçon que j'ai apprise de mon histoire avec Yan Fa, c'est que lorsqu'on aime quelqu'un, on veut simplement le voir heureux, même si ce n'est pas avec soi. J'aurais tout donné pour revenir en arrière et qu'il puisse retrouver son amant, il était tellement heureux avant que je ne gâche tout… Si ton amie t'aimait vraiment, alors elle ne voudrait pas que tu sois malheureux ! Et peut-être qu'elle a finit par comprendre que tu n'aurais pas voulu qu'elle le soit non plus. C'est peut-être pour ça qu'elle a cessé de venir, peut-être qu'elle a simplement tourné la page et cherché son propre bonheur.
_ Tu crois ?
_ J'en suis convaincue. Je suis certaine qu'elle a rencontré un beau garçon qui est venu la délivrer de son désespoir et qu'elle a vécu comblée de bonheur, comme dans les vieilles légendes.
Léon observa Lin Fa. Il voulait croire à cette version de l'histoire, il le voulait de toutes ses forces. Elle lui souriait doucement, ses mains frêles toujours sur ses joues mouillées de larmes.
_ Tu sais Léon, j'ai toujours été très chanceuse… alors je me dis que ce n'est pas un hasard si c'est moi qui t'es trouvé le jour où tu as été libéré !
Il esquissa un sourire fragile et posa sa main sur celle de la jeune femme. Cela faisait longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi léger. Lui aussi voulait croire que ce n'était pas un hasard, que tout ce qu'ils avaient fait, tout ce qu'ils avaient vécu, tout ça n'avait que pour finalité de les voir un jour se rencontrer. Il aimait cette idée, elle le réchauffait comme une douce couverture.
Leurs blessures ne guériraient pas en quelques mots, mais elles guériraient.
Ils se guériraient.
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26ème jour de l'Eté…
Cela faisait un peu plus d'une saison que la paix était revenue. Selphia avait retrouvé un visage accueillant, et si le chantier du palais était loin d'être terminé, Lest avait fait reconstruire en priorité le quartier des domestiques pour que ceux qui y vivaient avant le bombardement, et qui avaient survécus à la guerre, puisse retrouver leur toit le plus vite possible. M. Volkanon, qui jusque là n'avait pas manqué d'apporter son aide partout où il était utile, fondit en larme en remerciant Lest d'avoir pensé à eux avant lui-même.
Clorica préféra donner sa démission et quitter Selphia. Munie d'une lettre de recommandation signée de la main du prince en personne, elle prit la route vers l'ouest, pour l'Empire de Sechs et y trouva rapidement du travail dans une maison de la petite aristocratie bien plus focalisée sur l'entretient de ses terres et de ceux qui y vivaient qu'à celui de leur maison. Elle pouvait dormir autant qu'elle le voulait, et les pommes qu'elle aida à cultiver deviendraient un jour la fierté du domaine, et un produit qui s'exporterait partout dans le monde. Enfin, elle enverrait un jour une lettre à Vishnal pour lui annoncer son mariage avec le seigneur du domaine, un homme gentil et toujours à son écoute dont elle tomberait follement amoureuse et qui l'aimerait avec tout autant de passion.
Mais pour l'heure, Selphia en était encore à lécher ses blessures.
Frey était réveillée depuis l'aube, mais c'était tellement agréable de paresser dans les bras de Dylas…
_ Dis-moi Dylas, tu n'aurais pas envie de faire une promenade, aujourd'hui ?
_ Une promenade ? Jusqu'où ?
_ Léon Karnak.
_ La tour ? Qu'est-ce que tu veux aller faire là-bas ?
Frey sourit et se leva du lit pour aller ouvrir le tiroir d'une commode où elle rangeait sa cape d'Ouragan. Elle en tira un coffret de bois sculpté de motifs rappelant le vent et le temps et l'ouvrit, révélant son contenu à Dylas qui écarquilla les yeux.
_ Comment ?
_ Ventuswill, juste avant de mourir. Elle les a fait apparaitre dans ma poche. Je pense qu'elle voulait s'assurer qu'un drame comme celui que nous avons vécu ne se reproduise jamais, et elle savait que je ne les utiliserais pas à mauvais escient. Je réfléchis depuis, et je crois savoir quoi en faire.
Dylas détourna son regard d'or du contenu du coffret et scruta le visage de Frey avec attention.
_ On ne peut pas les détruire, j'ai essayé, même en retournant leur propre pouvoir contre elles. Alors je vais les sceller quelque part où personne ne pourra les trouver, et encore moins aller les chercher.
_ Tu veux retourner là-dedans.
_ Oui. Je suis une Terrami, j'ai déjà réussi à y entrer grâce à ça et je pense pouvoir recommencer, et je sais également comment ressortir. Ça ne devrait pas prendre très longtemps, le plus long sera de rallier la tour.
_ Je te porterais, je suis bien plus rapide qu'un cheval normal.
Frey sourit avec gratitude et l'embrassa sur sa joue balafrée. Elle aimait cette balafre, souvenir d'un jour où il avait tout risqué pour venir la sauver, elle lui donnait un petit air canaille qui lui allait diablement bien.
_ Alors c'est entendu. Nous allons faire disparaitre pour de bon ces maudites sphères runiques !
