Chapitre 4


Comme ils s'en doutaient, aucun des deux élèves n'a reparlé de cette nuit dans la tour d'astronomie. Draco n'a lancé aucune pique à Hermione depuis qu'il l'a laissé poser sa tête sur son épaule, et elle ne lui a plus accordé de regard noir depuis qu'il l'a appelé par son prénom. Ils se sont contentés de s'ignorer et de reprendre le cours de leurs vies. Les semaines, puis les jours s'enchaînent comme si de rien n'était, comme si cette soirée n'avait jamais existé.

Les nuits d'Hermione sont toujours aussi agitées. Chaque soir, elle lance un sortilège d'insonorisation autour de son lit pour esquiver les questions indiscrètes de Ginny et les sarcasmes de Lavande qui, au plus grand déplaisir d'Hermione, passe de plus en plus de temps avec son entourage.

Ses escapades nocturnes sont toujours ancrées dans son quotidien. Elle déambule dans les longs couloirs de l'école, jusqu'à ce que le sommeil la gagne petit à petit et qu'elle passe plusieurs fois devant le mur vide et fasse apparaître son havre de paix.

Aucun de ses amis ne l'a encore interrogé sur ses absences à répétitions. Ron est trop obnubilé par ses débuts dans l'équipe de Quidditch et par sa romance avec Lavande pour remarquer ce qu'il se passe autour de lui À croire qu'il ne se souvient pas que son meilleur ami vient de perdre son parrain et que L'Ordre du Phoenix se prépare pour une guerre. Quant à Harry, il fait de son mieux pour garder la tête hors de l'eau. Le manuel du Prince de Sang Mêlés accapare son peu d'attention disponible. Et, lorsqu'il n'est pas le nez plongé dans ce livre, il passe au peigne fin la carte du Maraudeurs. Il y cherche des indices dans sa quête des Horcruxes, guette les allers et venues du directeur et les moindre faits et gestes de Draco Malfoy.

Draco Malfoy qui n'a jamais autant occupé l'esprit d'Hermione que ces dernières semaines. Il l'occupe, d'ailleurs, bien trop à son goût

Elle ne l'a pas recroisé lors de ses sorties tardives depuis le soir de la tour d'astronomie. Parfois, elle se demande ce qu'il fait, s'il se promène, lui aussi, quelque part dans le château où s'il a réussi à trouver le sommeil.

Souvent, leur conversation lui revient en tête. Jamais elle n'aurait cru le dire un jour mais la présence de Draco Malfoy lui a fait du bien. Plus que ça, elle lui était nécessaire. Après qu'elle soit retournée dans sa chambre, ce soir-là, elle n'a pas eu besoin de sortilège tant elle a bien dormi. Ça ne lui était pas arrivé depuis des années.

Son aveu était réconfortant. Le fait d'entendre qu'elle n'est pas la seule à avoir peur a rendu ses craintes valides et réelles. Elle est fatiguée que tout le monde lui dise de garder espoir, que tout ira bien et qu'elle ne doit pas s'inquiéter puisque Harry Potter est avec L'Ordre du Phoenix et que Voldemort et ses Mangemorts ne font pas le poids face à eux. Elle espère de tout son être qu'ils ont raison mais elle ne peut pas s'empêcher de redouter le pire.

Alors, réaliser qu'elle n'est pas aussi seule qu'elle en a l'impression, lui permet d'y croire à nouveau.

Mais, refusant d'accorder au jeune Malfoy et à leur échange nocturne plus d'intérêt qu'elle ne le fait déjà, Hermione se replonge dans la lecture de son ouvrage. En effet, la Gryffondor est installée, au coin du feu, dans sa salle commune avec pour seule compagnie, son chat et son éternel plaid. Ses camarades sont montés se coucher depuis une bonne heure maintenant, elle profite donc du silence et de la solitude pour souffler et se détendre.

Des bruits de pas la sortent de sa concentration. Elle tourne la tête vers l'escalier en colimaçon qui mène jusqu'aux dortoirs et, quelques secondes après avoir entendu ce son, Harry Potter fait son apparition dans la pièce. Encore vêtu de son pyjama, les cheveux emmêlés, sa carte du maraudeur et sa baguette à la main, il sourit à son ami.

— Tu ne dors pas ? Demande la jeune femme en lui faisant signe de s'asseoir à côté d'elle.

Harry retire ses lunettes de sa main libre et se frotte les yeux avant de se laisser tomber sur le sol. Il hausse les épaules, fait une caresse à Pattenrond qui lui lèche la main et pousse un long soupir.

— Non. J'étais en train de jeter un dernier coup d'oeil à la carte lorsque j'ai vu que tu étais dans la salle commune. Je voulais voir si tu allais bien.

— Ne t'en fais pas pour moi, répond Hermione en souriant à son tour. Je terminais ma lecture avant de monter.

Hermione essaye d'être la plus convaincante possible. La dernière chose dont elle a besoin est qu'Harry s'inquiète pour elle. Il n'a pas besoin de ça non plus. Elle refuse d'être une source de préoccupations supplémentaire pour son ami. Alors, elle lui offre son meilleur sourire en espérant que ce soit suffisant pour le brun.

— Je te vois quitter la tour presque tous les soirs, lui dit-il doucement. Est-ce que tu dors vraiment ici ?

Il la dévisage, lui faisant comprendre qu'il n'est pas dupe. Malgré tous les efforts d'Hermione pour être la plus discrète possible sur ses activités, la carte du Maraudeur ne ment jamais. Elle déglutit et se mord la lèvre, se sentant idiote.

— Avec les temps qui courent, reprend Harry, j'aimerais te savoir en sécurité.

— Je ne dors pas très bien, avoue finalement Hermione, marcher me permet de m'aérer l'esprit. J'ai pris l'habitude de faire quelques balades. Il n'y a pas de quoi en faire toute une histoire.

L'espace d'un instant, cette réponse convient à Harry. Mais, ces quelques mots tournent dans son esprit puis, il fronce les sourcils. Hermione a toujours été la plus forte du Trio. Elle garde les pieds sur Terre, trouve la solution à leurs problèmes et leur sauve la peau depuis des années. Harry n'a jamais envisagé qu'elle puisse, elle aussi, être tourmentée par ce qu'il se passe autour d'eux. Il l'observe sans rien dire. Il regarde les traits fatigués de son amie, ses cheveux qui ont perdu leur brillance et les cernes prononcées qui occupent son visage et se demande depuis quand elle n'a pas dormi. Il a envie de lui demander à quoi elle pense lorsqu'elle n'arrive pas à fermer l'oeil et si, elle aussi, ne passe pas une nuit sans cauchemarder.

— Pourquoi est-ce que tu ne nous as rien dit ? L'interroge-t-il alors. Pourquoi est-ce que tu ne m'as rien dit ?

Elle a toujours pris soin de lui, maintenant c'est à son tour de veiller sur elle. Il a peut-être l'esprit occupé mais, comment pourrait-il espérer sauver le monde s'il n'est pas capable de venir en aide à sa meilleure amie, sa soeur ? Il n'envisage même pas de survivre sans elle.

— Je ne sais pas Harry, répond-elle simplement. Tu as tellement plus important que mes insomnies à gérer. Si ça peut te rassurer, je ne passe pas mes nuits à comploter pour ni à danser à l'entrée de la Forêt Interdite. Je me couche dans la Salle sur Demande. Elle prend la forme de ma chambre moldue.

Harry ne répond pas, il se contente de hocher la tête. Le silence qui grandit entre les deux amis met Hermione mal à l'aise. Elle n'a pas envie de s'éterniser sur le sujet. Au contraire, si ellepouvait trouver un moyen pour fuir cette conversation, elle sauterait sur l'occasion. C'est pourquoi, alors que le brun s'apprête enfin à s'ouvrir la bouche, elle se redresse. Elle abandonne, au pied du canapé, son livre et son plaid et se dirige vers la sortie de la salle commune.

— Je vais prendre l'air, annonce-t-elle.

Harry se lève à son tour et fait un pas dans sa direction mais le regard que lui jette Hermione le dissuade de continuer.

— Va dormir, lui dit-elle doucement, nous avons une longue journée demain.

Elle lui sourit puis quitte la pièce sans attendre davantage.

Alors que le tableau se referme derrière Hermione, étouffant la voix de son meilleur ami, d'autres éclats de voix se font entendre, à l'autre bout du château.

— Laisse-moi t'aider !

— Va te faire foutre Blaise ! J'ai déjà une mère, je n'ai pas besoin que tu la remplaces !

Dans les cachots, Draco Malfoy foudroie son meilleur ami du regard et fait voltiger un vase qui s'écrase quelques mètres plus loin. Le bruit du cristal qui se brise résonne dans toute la pièce et fait soupirer son interlocuteur qui ne fait pas de commentaire.

Draco refuse de se confier à lui, ce qui devient de plus en plus insupportable pour le sorcieritalien. Depuis leur plus tendre enfance, les deux garçons se considèrent comme des frères. Ils ont fait les 400 coups ensemble et partagent leurs plus sombres secrets. C'est d'ailleurs pour préserver le lien qui les unie que Draco ne veut pas mettre Blaise au courant de ce qui se trame autour de lui.

Blaise ferait tout ce qui est en son pouvoir pour l'arrêter et faire capoter sa mission. Il irait jusqu'à prévenir Dumbledore ou, pire, Rogue pour leur demander de l'aide et permettre à Dracod'échapper à son destin. Il lui donnerait de l'espoir, quelque chose à quoi s'accrocher pendant ces mois sombres jusqu'à ce que quelqu'un trouve une véritable solution. Draco le sait mais il n'a pas envie d'y croire. Il n'a pas envie de perdre son temps à écrire l'histoire avec des « si ». il ne peut pas fuir. Il ne peut pas laisser ses parents, sa mère, aux mains du Seigneur des Ténèbres pendant qu'il se la coulerait douce à des milliers de kilomètres pour se cacher au mage noir. Il ne peut pas non plus se mettre à genoux devant les membres de l'Ordre du Phoenix et espérer qu'ils lui accordent leur confiance.

Sa mission met suffisamment de vie en danger pour que Draco s'amuse à allonger la liste. N'importe quel élève qui se trouvera sur la route des Mangemorts lorsqu'ils entreront dans l'école risquera de mourir. Il peut d'ailleurs d'ores et déjà signé son épitaphe s'il fait partie, de près ou de loin, des proches de L'Ordre du Phoenix ou de Harry Potter.

Draco déglutit avec difficulté, la gorge nouée par ce nouveau constat qui lui brise le coeur.

A cause de son origine, elle signe son arrêt de mort rien qu'en respirant le même air que l'élu. Alors le fait qu'elle en soit la meilleure amie fait d'elle une cible de choix pour le Seigneur des Ténèbres. Il sait, qu'à un moment ou à un autre, il devra choisir entre elle et le reste du monde. Il devra choisir de l'aider à survivre ou de la regarder mourir sous ses yeux.

Et, comme si cet ultimatum ne pesait pas déjà assez lourd sur les épaules du jeune Malfoy, il doit aussi veiller à la survie de ses parents. S'il échoue, ce seront les premiers à mourir et il ne pourrait pas le supporter. Alors, même si ça contrarie Blaise de se faire rejeter par son meilleur ami, Draco continuera de repousser les Serpentards jusqu'à ce qu'ils le fuient comme la peste.

Blaise fait de son mieux pour conserver son sang froid bien qu'il se demande pourquoi il n'a pas encore giflé son pote pour lui remettre les idées en place. Il a rapidement vu que Draco était préoccupé. Il l'a remarqué perdre l'appétit, rire de moins en moins, quitter leur chambre au milieu de la nuit et friser la crise de nerfs tous les deux jours.

Et, connaissant les liens qui existent entre Lucius Malfoy et le Seigneur des Ténèbres, il n'a pas besoin d'être un Cracmol pour comprendre que quelque chose se trame autour du Serpentard.

Mais, ne voulant pas se disputer, une énième fois, avec son meilleur ami, Blaise préfère garder le silence quelques instants. Il agite sa baguette et répare les nombreux dégâts causés par le blond. La Salle Commune des Serpentards est sans dessus-dessous, comme à chaque fois qu'ils abordent un sujet épineux et que Draco s'emporte.

En un instant, les objets brisés retrouvent leurs formes d'origine. Les livres s'envolent jusqu'aux bibliothèques. Personne ne peut imaginer que, quelques minutes plus tôt, cette somptueuse pièce était dans un piteux état.

— Pourquoi est-ce que tu fais ce qu'il te demande ?

La question du métis provoque un rire nerveux chez son ami qui la trouve complètement. Pourquoi ? C'est tellement évident.

Draco roule des yeux, fait craquer les articulations de ses doigts et tente de retrouver un semblant de sérieux. Blaise, quant à lui, reste impassible. Il fronce les sourcils, ne comprenant pas la réaction ni le silence de son camarade.

Draco pour un soupir. Il connaît son meilleur ami mieux que personne et sait pertinemment qu'il n'échappera pas à cette conversation. Plus vite elle se termine, plus vite il pourra tenter de trouver le sommeil.

— Si je ne le fais pas, dit-il d'une voix blanche, il me tuera. Il me torturera pendant des heures pour son plaisir personnel avant de m'achever. Ensuite, il s'en prendra à mes parents. À moins qu'il ne fasse l'inverse, histoire que j'assiste à leur dernier souffle et que je vois ma mère s'effondrer à mes pieds. Et, comme je n'aurais pas assez souffert à son goût, il s'en prendra à elle. Il ne mettra que quelques secondes à la voir dans mon esprit. On sait tous les deux ce qu'il fait aux sorciers de sa condition ! Je ne peux pas laisser ça arriver, Blaise. Je préfère qu'elle me tue plutôt que de le laisser lui réserver un tel sort.

Sa voix se brise lorsqu'il conclut sa confession. Sa poitrine se soulève rapidement, au rythme de sa respiration saccadée. Il passe ses mains tremblantes dans ses cheveux, ne se souciant pas de les décoiffer. A cet instant, son apparence est le cadet de ses soucis.

Il fait face à son ami avec l'impression de s'être mis à nu comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Il a toujours parlé de ses conquêtes à Blaise, tout comme il connaît les moindres détails des aventures de son ami. Leurs nuits torrides ne sont pas des sujets tabous. Mais, les deux Serpentards ne sont pas les plus doués quand il s'agit de parler d'amour. Lorsque les sentiments entrent en jeu, c'est généralement vers Pansy qu'ils se tournent. Blaise lui pose toujours plein de questions pour mieux comprendre les femmes et les séduire comme le meilleur des gentleman. Draco reste en retrait pendant ces conversations, prétendant ne pas avoir besoin des conseils de leur amie pour faire tourner la tête des filles qui lui plaisent.

Il n'a aucun scrupule à mentir parce que c'est plus simple que d'avouer que personne n'a jamais fait battre son coeur comme le fait la jeune Gryffondor qui hante son esprit depuis leur première rencontre.

Blaise remonte les manches de sa chemise blanche et desserre sa cravate, trouvant l'air bien moins respirable que quelques secondes plus tôt. Il prend conscience de ce que son ami lui cachait pendant des années. C'était là. Juste sous son nez. Et il n'a rien vu.

Il savait que Draco détestait que quelqu'un touche un cheveux de la Gryffondor et en arrivait régulièrement aux mains avec ceux qui s'en approchaient de trop près. Il avait aussi remarqué que les regards qu'il lançait vers la table de leurs rivaux se faisaient de plus en plus intenses mais il ne pensait pas qu'ils puissent contenir autre chose qu'une attirance un peu malsaine. Qu'il avait été naïf ! L'évidence lui saute maintenant au visage.

Hermione Granger ne plaisait pas à Draco Malfoy. Non, c'était plus fort que ça. Il en était amoureux.

— Tu …

Blaise ouvre la bouche et la referme aussitôt. Il ne sait pas quoi dire. Il se frotte le visage, espérant que ça l'aide à trouver les mots justes et à y voir plus clair. Son meilleur ami est un abruti fini. Il l'a toujours su mais il n'en a jamais autant eu la certitude qu'à cet instant.

— Je n'arrive pas à croire que tu fasses tout ça pour une fille, dit-il le plus calmement possible. Tu n'es même pas foutu de lui adresser la parole sans lui dire une vacherie !

Cette remarque lui échappe sans qu'il ne puisse le contrôler et Draco serre les dents.

— Je ne t'ai pas demandé ton avis, souffle le blond en le foudroyant du regard.

— Et toi, arrête de jouer au héros, rétorque son ami. Putains ! Depuis quand est-ce que tu es amoureux de cette fille ? Depuis quand est-ce que sa vie est plus importante que la tienne ? Parce qu'elle l'est, n'est-ce pas ? Tu devrais lui dire. Dis-lui ce que tu ressens pour elle, envoie le grand mage noir se faire foutre et épouse-la si c'est ce dont tu rêves. Fais ce que tu veux tant que ce n'est pas une mission suicide.

Paralysé par la violence des paroles de son ami, Draco ne parvient plus à faire le moindre mouvement. La mâchoire serrée, le crâne au bord de l'explosion et la respiration affolée, il reste silencieux. Chaque mot de Blaise le heurte un peu plus que le précédent.

Il n'est pas surpris que son ami ne commente pas ses sentiments pour Hermione. Blaise n'a jamais accordé de réelle importance aux rivalités entre maisons et la noblesse du sang ne fait pas partie de son éducation. Sa mère était bien trop occupée à se trouver un 7e mari pour apprendre à son fils comment insulter les nés-moldus. Mais, s'il ne craignait pas sa réaction, ce n'est pas pour autant qu'il avait envie de le mettre en courant. Draco savait qu'il ne comprendrait pas. La situation est bien plus ambiguë que ça. Ce n'est pas qu'un petit béguin pour une rivale et il ne suffit pas de lui offrir des fleurs pour qu'elle oublie toutes ces années d'oppositions.

Elle est tout ce qu'il a toujours détesté, tout comme il représente tout ce qu'elle méprise.

Il a envie d'hurler plus fort que son meilleur ami. Juste pour lui faire comprendre que ce n'est pas aussi simple, juste pour se libérer de tout ce qu'il ne dit pas, juste pour se sentir plus léger. Mais, lorsqu'il ouvre sa bouche, aucun son n'en sort. Alors, il la referme, déglutit et respire lentement avant d'articuler doucement.

— Si, à l'avenir, tu en as d'autres, des scénarios aussi merdiques, garde-les pour toi.

Blaise fronce les sourcils face à la froideur du blond et s'apprête à lui répondre mais, pour Draco, cette conversation est terminée. Il tourne le dos à son ami et s'éloigne de lui en quelques pas. En moins de temps qu'il n'en faut pour dire « Quidditch » le jeune Malfoy est devant la sortie des cachots.

— Où vas-tu ? Demande Blaise avec prudence.

Il réalise qu'il s'est emporté et que ses mots ont dépassé sa pensée. Il ne voulait pas blesser son ami, juste le secouer suffisamment pour le faire réfléchir avant qu'il ne se mette, encore plus, en danger.

— Le plus loin de cette Salle Commune et de ton regard moralisateur. J'en ai eu ma dose pour ce soir.

Sans attendre, Draco franchit le mur qui sépare l'espace dédié aux Serpentards du reste du château. Il monte l'escalier le plus proche et met le plus de distance possible entre son meilleur ami et lui avant de ralentir le pas.

Il n'a pas besoin de se retourner pour savoir que Blaise ne l'a pas suivi. Il n'est pas assez fou pour risquer une nouvelle dispute, encore moins dans l'enceinte de l'école. Les Serpentards ne règlent jamais leurs différends en public, contrairement à leurs homologues rouge et or qui se donnent en spectacle dès qu'ils en ont l'occasion.

Lorsqu'il atteint le 7e étage du château, Draco marque une pause. Il jette un regard derrière lui puis à droite et à gauche, afin de vérifier qu'il est bien seul. Il n'est pas vraiment d'humeur à s'acharner sur un élève plus jeune que lui qui se serait perdu en cherchant son dortoir, ni même de faire la conversation avec un fantôme qui passerait par là.

Il avance ensuite vers l'un des murs du large couloir. Il passe devant, plusieurs fois, fermant les yeux et pensant à un endroit calme dans lequel il pourrait se reposer. Quelques secondes plus tard, une porte en bois se dessine sur le mur. Draco sourit, fier que la Salle s'ouvre à lui aussi facilement, et il entre dans la pièce.

La Salle sur Demande a pris l'apparence d'une chambre spacieuse. Elle est joliment meublée par un canapé en cuir et une table basse sur laquelle repose un plateau qui contient quelques gâteaux. Il ne s'y attarde pas, préférant directement se diriger vers le lit qui trône au fond de la pièce. Un feu crépite dans la cheminée et réchauffe le lieu. Draco aperçoit qu'un pyjama pour homme repose sur la table de chevet. Il sourit en découvrant sa couleur. Verte. Décidément, cette salle n'oublie pas le moindre détail.

Il retire donc son uniforme, laissant tomber au pied du lit sa cape, sa chemise et son pantalon. Il enfile le pyjama qui se trouve être exactement à sa taille puis d'un coup de baguette, arrange ses vêtements pour qu'ils soient prêts pour le lendemain. Il n'aurait sans doute pas le temps de retourner se changer avant d'aller en cours et l'idée de croiser Blaise dès le matin après leur conversation ne l'enchante pas. Il se remercie d'avoir appris les sorts de rangement dès son plus jeune âge pour faciliter les taches de son Elfe. Après ça, il se faufile délicatement sous les draps, comme si le lit était le sien.

Les bras croisés derrière la tête, Draco fixe le plafond d'un air songeur. Jamais il n'avait tenté de mettre de mots sur ce qu'il ressent pour Hermione Granger.

Cette fille le fascine.

Toujours la meilleure de la classe bien qu'elle ne connaisse l'existence du monde magique que depuis quelques années. Une finesse d'esprit et un courage hors du commun qui lui permettent de survivre à toutes les épreuves que ses amis et elle traversent pendant leur scolarité. Une beauté sans pareille. Et surtout, un sens de la répartie qui fait frissonner Draco. La taquiner aussi régulièrement n'est intéressant que parce qu'elle réagit avec passion aux attaques du Serpentard.

Il ressent le besoin de prendre soin d'elle et de la protéger de la cruauté du monde qu'il ne connaît que trop bien. C'est plus qu'ironique quand on sait que Draco n'est pas tendre avec elle. À vrai dire, le jeune Malfoy n'est tendre avec personne. Il ne sait pas l'être. On ne lui a pas appris à exprimer ses sentiments, prendre ceux des autres en compte et faire le bien. Sa mère a fait de lui un gentleman avec des valeurs nobles et courtoises mais à force que son père lui rabâche qu'il n'y a que les faibles qui laissent parler leurs émotions, il s'est construit avec un mur d'impassibilité entre le monde et lui.

Alors, bien qu'il ne connaisse rien à l'amour ce qu'il ressent pour Hermione Granger est ce qui s'en rapproche le plus. Il soupire.

Le grincement d'une porte qui s'ouvre puis se referme retentit, faisant sortir Draco de ses pensées. Un léger bruit de pas se rapproche de lui. Pas de doute pour le Serpentard : quelqu'un vient d'entrer dans la Salle sur Demande. Comment est-ce possible ?

Il tend le bras vers la table de chevet, saisit sa baguette et se redresse d'un geste vif. Il fronce les sourcils en découvrant l'identité de la personne qui se trouve en face de lui.

— Granger ? Qu'est-ce que tu fais là ?

— Malfoy, est-ce que tu peux baisser ta baguette, s'il te plait ?

Surpris par la demande polie de la Gryffondor, Draco lui obéit. Il laisse sa main retomber sur la couverture sans quitter la brune des yeux. Il remarque instantanément qu'elle porte un pyjama en flanelle rouge, que ses cheveux ne sont pas attachés comme d'habitude et que ses yeux sont rougis. Il sert les dents. Que lui est-il encore arrivé pour qu'elle soit hors de son dortoir, à une heure aussi avancée de la nuit, dans cette tenue ?

En temps normal, il aurait sans doute insisté en se moquant d'elle. Il lui aurait demandé si Potter l'a laissé tomber pour s'envoyer en l'air avec la rouquine ou si c'est encore Weasley qui se comporte comme le dernier des abrutis avec elle. Sauf que cette pensée provoque un pincement au coeur du jeune Malfoy. Il n'a pas envie d'entendre à quel point elle est amoureuse d'un autre que lui. Il en est déjà suffisamment témoin chaque jour.

De son coté, Hermione est incapable de décrocher son regard du visage du blond. Elle déglutit difficilement. En entrant dans la salle, elle ne s'attendait pas à y trouver quelqu'un mais elle a tout de suite senti sa présence. En poussant la porte en bois, elle savait qu'il était là. Et pourtant, elle n'a pas fait demi-tour.

Hermione connaît l'histoire de ce château sur le bout des doigts, elle en connaît la moindre des subtilités, même celles que tout le monde ignore. C'est pourquoi elle sait que, si l'entrée de la Salle sur Demande lui a été possible ce soir, c'est parce que Draco lui en a laissé l'accès. Et aussi parce que le Serpentard accaparait son esprit lorsqu'elle est arrivée au 7e étage. Mais ça, elle n'est pas encore en capacité de l'avouer.

En quittant sa Salle Commune, elle a fait un détour par les cuisines pour boire un chocolat chaud et discuter avec les Elfes avant de monter jusqu'ici. Elle n'a croisé personne dans les couloirs. Pas même Peeves ou Miss Teigne. C'est ainsi qu'elle s'est mise à penser au jeune Malfoy, en se demandant s'ils se croiseraient encore pendant l'une de leurs sorties nocturnes respectives. Elle n'imaginait pas que le destin se rirait d'elle au point qu'elle le voit quelques minutes plus tard.

Aucun d'eux ne semble vouloir briser le silence qui grandit dans cette pièce magique. L'espace de quelques secondes, ils retrouvent la bulle de paix et de calme qui s'est construite autour d'eux le soir de leur rencontre en haut de la tour d'astronomie.

Toujours immobile, Hermione n'ose pas faire le moindre mouvement. Elle espérait pouvoir dormir ici, comme elle le fait lorsque son dortoir est trop étouffant mais elle n'a pas envie de se battre contre son rival pour le mettre à la porte alors qu'il y était couché avant elle. Mais, ce n'est pas pour autant qu'elle lui tourne le dos et qu'elle quitte la pièce en courant.

Son coeur bat de plus en plus fort à l'intérieur de sa poitrine. Ses mains sont moites. Elle ne comprend pas ce qui se trame à l'intérieur de son corps. Elle devrait partir. Elle le sait. Mais, au fond d'elle, elle n'a qu'une envie : rester avec lui.

Comme s'il pouvait lire dans ses pensées et comprendre le dilemme qui s'offre à Hermione, le Serpentard soupire et prend les devants. Il repose sa baguette sur la table de chevet avant de soulever la couverture sur l'espace libre à côté de lui et de faire signe à Hermione de s'y installer.

Bien sûr, il ne sait pas ce qui se trame dans l'esprit de la jeune Gryffondor, il se dit juste qu'elle n'est pas entrée dans la Salle sur Demande pour faire du Quidditch et qu'ils ont autant besoin de repos l'un que l'autre.

Hermione suit des yeux les gestes du Serpentard et ouvre la bouche, stupéfaite par la proposition silencieuse qu'il lui fait. Dans un autre contexte, elle aurait roulé des yeux et lui aurait rit au nez en disant qu'elle préférerait mourir que de partager son lit. Mais ce soir, cette pensée ne lui traverse pas l'esprit. Au contraire, comme si son corps fonctionnait à nouveau, elle effectue un pas hésitant, puis un autre et encore un autre, dans la direction du blond.

A peine est-elle assise sur le confortable matelas, que Draco rabat la couverture sur son corps. Leurs regards se croisent. Elle lui sourit. Et contre toutes ses attentes, il lui rend son sourire. Puis, le garçon se rallonge, ferme les yeux.

— N'essayes pas de m'étouffer dans mon sommeil, dit-il d'une voix ensommeillée.

— Ce serait plutôt à moi de te dire ça, répond-elle en laissant sa tête tomber sur l'oreiller. Bonne nuit, Draco.