Chapitre 5


Quelques jours plus tard, alors qu'ils assistent à un cours de Métamorphose, donné par le professeur McGonagall, Harry remarque un véritable changement d'humeur chez Hermione. Assise près de lui, son amie brune semble être redevenue celle qu'il avait toujours connue.

Elle lève la main d'un air assuré dès que l'enseignante pose une question et y répond, en souriant, avec une perfection qui ne surprend plus personne dans la salle de classe. Elle note avec soin chaque mot prononcé par la vieille sorcière et fronce les sourcils lorsqu'une notion lui échappe, s'empressant de gribouiller dans un coin de son parchemin qu'elle devrait se renseigner à ce sujet.

Mais, même si c'est l'attitude scolaire d'Hermione qui attire l'attention du Gryffondor, elle lui permet de réaliser que le voile de tristesse et d'angoisse qui habitait le visage de la première de la classe semble s'être dissipé. Elle ne sursaute plus dès que quelqu'un l'approche et ne cherche plus n'importe quel prétexte pour s'isoler. Elle ne descend plus prendre son petit déjeuner avec les yeux rouges et cernés. Il est incapable de savoir ce qui peut bien se tramer dans la tête d'Hermione mais l'Elu n'a aucun doute : elle va mieux, et il remercie Merlin du plus profond de son être de lui avoir rendu son sourire et ses yeux pétillants.

Sentant le regard du garçon à lunettes lui brûler la peau, Hermione fronce les sourcils et se penche discrètement vers lui, ne voulant pas que l'entièreté de leur classe entende leur conversation.

— Pourquoi est-ce que tu me fixes ? Je ne te passerai pas mes notes si tu prends plus de plaisir à rêvasser qu'à écouter cette nouvelle leçon.

En voyant l'air contrit et réprobateur d'Hermione, le brun roule des yeux.

— Je te trouve en forme, répond-il doucement, sans prendre compte de sa réprimande. Ça te va bien et ça m'avait manqué.

Cette révélation surprend Hermione dont le visage se détend automatiquement. Bien qu'elle ne doute pas que son état puisse inquiéter son meilleur ami, ils ne s'adressaient que peu la parole depuis leur dispute dans la Salle Commune. Alors, elle ne s'attendait pas à une telle remarque de sa part. Néanmoins, elle lui sourit. Un tendre et vrai sourire. Un de ceux qui se faisaient rares sur le visage de la brunette. Un de ceux qu'elle retrouve petit à petit, malgré les temps sombres qui ne cessent de se rapprocher.

— Merci Harry, dit-elle sincèrement touchée par la prévenance de son ami.

Avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit, l'Elu reprend la parole. Il lui présente ses excuses. Il aurait dû lui porter plus d'attention et ne pas rester obnubilé par Dumbledore ni par ses sentiments pour Ginny Weasley. Sa meilleure amie avait besoin de lui et il n'a rien trouvé de mieux que de la faire culpabiliser alors que ses peurs et ses angoisses sont légitimes. Après tout, elle aussi risque beaucoup en prenant part à cette guerre.

— Je ne t'en veux pas, lui souffle-t-elle lorsqu'il se tait. Tant de pression repose sur tes épaules, tu ne peux pas, en plus du reste, veiller sur chacun d'entre nous. Cette guerre me fait peur, comme à beaucoup d'entre nous, mais je n'aurais pas dû passer mes nerfs sur toi au lieu de te demander de l'aide.

— En tout cas, dit Harry, je suis content que tu ailles mieux.

N'attendant pas de réponse de la part d'Hermione et voyant le professeur McGonagall se rapprocher de leur table en les foudroyant du regard à cause de leurs bavardages, le brun reporte son attention sur son parchemin. Il feint de s'y intéresser. La brune, quant à elle, continue de le regarder en silence quelques secondes avant de l'imiter. L'espace d'un instant, elle a hésité. Elle a hésité à lui avouer ce qui lui avait rendu son sourire.

Elle a hésité à lui avouer que Draco Malfoy était la raison de cette sensation de légèreté qui l'habitait.

Sentant ses joues rosir à la simple pensée du Serpentard, elle secoue la tête et se force à se concentrer sur le cours qui se déroule autour d'elle. Si le blond occupe de plus en plus l'esprit de la meilleure élève de Poudlard, il est hors de question qu'il vienne perturber ses moments d'études, bien trop précieux pour la jeune fille.

— Au fait, demande Harry, une fois que le professeur McGonagall se soit éloignée d'eux. Avec qui comptes-tu aller à la réception de Noël de Slughorn ? Tu y es invitée, n'est-ce pas ?

À l'évocation de cet événement à venir, Hermione grimace. Depuis qu'elle a reçu l'invitation de son professeur, elle fait de son mieux pour ne pas y penser. Contrairement aux autres élèves qui sont invités aux réunions du professeur de potions, Hermione ne se fait pas une joie de s'y rendre. Entre les flatteries lourdes du professeur à l'égard d'Harry, les anecdotes gênantes qu'il raconte dès qu'il en a bu un verre de trop et les regards lubriques que lui lance Cormac McLagenn dès qu'il en a l'occasion, elle ne s'y sent, définitivement, pas à l'aise.

Cette réception de Noël s'annonce encore pire que les autres. Outre le fait qu'Hermione trouve ça discriminatoire d'organiser un tel événement sans y convier la totalité des élèves de l'école, elle trouve encore pire de les forcer à venir accompagner. Et, comme on peut s'en douter, emmener deux copines avec soi pour que la soirée soit plus supportable n'est pas une option. Hermione est dans l'obligation de se trouver un cavalier pour l'occasion.

Lorsqu'elle a lu ces quelques mots sur la jolie invitation, elle a eu l'impression d'être de retour en quatrième année, lors de la préparation du bal organisé pour le Tournois des Trois Sorciers. Toute l'école n'avait que cet événement en tête. Tout le monde parlait de sa tenue ou de son rendez-vous pour la soirée avec des étoiles dans les yeux. Hermione n'avait pas fait exception. Invitée par Viktor Krum, champion de l'école Durmstrang et joueur international de Quidditch, elle s'était faite remarquer ce soir-là. Contre toute attente, elle garde un bon souvenir de ce bal.

Bien qu'elle fut le centre de l'attention alors qu'elle déteste ça, et que Ron l'ait fait pleurer, comme il en a l'habitude ces derniers temps, un sourire apparaît sur son visage sans qu'elle ne le contrôle lorsqu'elle pense à cette soirée.

Mais, cette année, les choses sont bien différentes. Krum n'est pas là pour la sortir de la bibliothèque et l'accompagner à la fête de Slughorn et inviter Ron n'est pas une option envisageable pour Hermione. Enfin, si, elle l'avait envisagé. Sauf que la réalité l'a vite rattrapé. En effet, outre les sentiments plus qu'amicaux que la brunette peut ressentir pour le dernier des frères Weasley, elle se disait que cette réception serait l'occasion pour qu'ils passent, Harry, Ron et elle, une soirée tous les trois. Elle sait qu'ils n'en auront sans doute pas l'opportunité lors de leur septième année et que leur temps à Poudlard touche à sa fin.

Sauf que le comportement de Ron à son égard l'a rapidement fait changé d'avis. Depuis l'officialisation de son couple avec Lavande Brown, Ron brille par son absence. Quand il n'est pas en train de s'envoyer en l'air avec elle ou de faire des reproches à Harry sur sa relation ambiguë avec Ginny, il est sur le terrain de Quidditch, se disputant avec les Serpentards. Les rares fois où il se souvient de l'existence d'Hermione c'est pour lui demander de l'aide pour ses devoirs ou pour lui prendre la tête. Leur dernière dispute remonte à quelques jours plus tôt.

Lorsqu'Hermione est descendue dans la Grande Salle, après sa nuit en compagnie de Draco, elle était particulièrement apaisée. Pour la première fois depuis la mort de Cédric et le retour de Lord Voldemort dans le monde des sorciers, elle avait bien dormi. Aucun cauchemar n'était venu la hanter. Aucune crise d'angoisse, non plus. Pas un réveil au coeur de la nuit. Non. Rien du tout. Et ça lui faisait un bien fou.

Au lieu de se réjouir de la bonne humeur de sa meilleure amie, Ronald Weasley a froncé les sourcils en la voyant rayonner de la sorte et l'a interrogé sur la raison de ce sourire, un peu trop prononcé à son goût. Assis à côté d'elle, il refusait de la laisser en paix tant qu'elle n'aurait pas répondu à ses questions et s'est énervé quand il sentit une odeur inconnue dans les cheveux de la jeune fille. Sa réaction a surpris toute l'assemblée. Il reprochait à Hermione de ne pas partager avec les autres, et surtout lui, l'identité de cet amant qui la rendait si heureuse. Cette jalousie, plus que ma placée, a blessé et agacé Hermione. Pour qui se prenait-il ? Lui qui se contrefiche de ce qu'elle ressent depuis des années et qui ne remarque pas l'attachement qu'elle éprouve à son égard.

Elle n'a pas répondu aux attaques insultantes du rouquin. Elle s'est contentée de se mordre l'intérieur de la bouche pour ne pas hurler et, ensuite, elle s'est levée. Après avoir renversé l'entièreté de son verre de jus de citrouille sur les cheveux de son ami, provoquant un silence dans l'énorme salle, elle a quitté la pièce. Sans lui accorder le moindre regard ni un mot.

Depuis cette scène, les deux Gryffondors s'évitent comme la peste.

C'est alors qu'elle tente de chasser Ron de son esprit qu'une idée la traverse. Comme illuminée, elle se tourne vers son ami d'un mouvement vif en écarquillant les yeux.

— On a qu'à y aller ensemble ! Propose-t-elle avec un grand sourire.

Harry se frotte la nuque nerveusement en marmonnant quelque chose qu'Hermione ne comprend pas. Elle fronce les sourcils en essayant de lire sur les lèvres du brun avant de rouler des yeux et de lui demander de répéter.

— J'ai déjà proposé à Luna de m'accompagner, avoue-t-il. Je croyais que tu irais avec Cormac ! Il n'arrête pas de crier sur tous les toits qu'il compte t'inviter.

— Oh !

La réponse d'Harry refroidit l'engouement d'Hermione qui ne sait pas quoi dire. Apprendre qu'il a déjà une cavalière ne la déçoit pas. Au contraire, elle est contente qu'il ne se laisse pas abattre par l'annonce du couple que Ginny forme avec l'un de leur camarade et qu'il trouve en Luna la partenaire idéale pour cette soirée.

— Pas de soucis, dit-elle après une courte pause. On se retrouvera sur place de toute façon !

Elle se trouve juste idiote de ne pas avoir fait appel à lui plus tôt car ses options sont maintenant limitées, étant donné qu'il est hors de question qu'elle accepte la proposition de Cormac. Hermione n'est pas du genre à juger quelqu'un sur sa réflexion ou ses compétences scolaires mais elle a rarement croisé quelqu'un d'aussi peu futé que Cormac. Ce type ne pense qu'à ses cheveux blonds, ses performances de Quidditch et ne doit pas savoir épeler son propre nom correctement. Il ferait une très bonne concurrence à Grabbe et Goyle s'il devait participer à un concours de bêtise.

Harry rit à cette remarque, sachant pertinemment que son amie préférerait passer la nuit dans la forêt interdite avec Hagrid et tous ses protégés plutôt que de rester une minute en la compagnie de Cormac.

Le professeur McGonagall rappelle à l'ordre la classe qui se dissipe de plus en plus, leur rappelant que le cours n'est pas encore terminé pendant que, dans le couloir, la soirée du professeur Slughorn est le sujet d'autres conversations.

De l'autre côté de la porte du cours de Métamorphose, les Serpentards attendent sagement, ou presque, que la leçon des Gryffondor touche à sa fin pour prendre leur place. Pansy Parkinson bassine le pauvre Théodore Nott avec les derniers potins de la presse people sorcière. Il est le seul à être suffisamment poli pour ne pas lui dire qu'il s'en fiche complètement. Contrairement à Blaise et Draco qui ne portent aucun intérêt à ce que raconte la jeune fille. Le métis préfère expliquer avec entrain à son meilleur ami comment il compte proposer à Astoria Greengrass d'être sa cavalière pour la fameuse réception.

Au début de l'année, Draco était frustré de ne pas faire partie des chouchous du professeur de potions et de ne pas participer à ses réunions. Mais lorsque Blaise Zabini, qui lui y est convié, acommencé à lui raconter qu'on y fait l'éloge des exploits d'Harry Potter pendant des heures, l'engouement de l'héritier des Malfoy s'est dissipé. Moins il entend parler du Gryffondor, mieux il se porte. L'Elu est déjà le sujet de conversation principal de la majorité des élèves de l'école et de la quasi-totalité des réunions des Mangemorts qui se déroulent dans son salon. Sa tante est la première à évoquer Harry dans les courriers incendiaires qu'elle lui envoie pour lui mettre la pression pour sa mission. Pour elle, il est inadmissible que l'Armoire ne soit toujours pas fonctionnelle et que le directeur de l'école ainsi que son protégé respirent encore. Il grogne qu'il aimerait bien voir comment elle se débrouillerait à sa place, à chaque nouvelle lettre qu'il jette au feu de sa Salle Commune.

Bien qu'il n'y soit pas convié, cette réception donnée par le remplaçant du professeur Rogue tombe à pic. Elle lui donne l'excuse parfaite pour se promener dans les couloirs de l'école à une heure tardive et pour ne pas respecter le couvre feu. Autrement dit, il pourra passer la nuit dans la Salle sur Demande à terminer de réparer l'Armoire sans que son absence soit louche. Ses camarades de dortoir comment à remarquer qu'il disparaît de plus en plus régulièrement et de plus en plus souvent. Ce n'est pas bon pour ses affaires.

Draco se doute que certains des fils de Mangemorts qui font partie de sa Maison ont entendu parler de son entrée dans les rangs du Seigneur des Ténèbres. Lucius Malfoy était tellement fer de l'annoncer aux autres disciples que la nouvelle s'est répandue à une vitesse folle. Il est l'un des plus jeunes Mangemort de sa génération et, d'après son taré de père, ce n'est pas rien. Même si ce titre donne des hauts-le-coeurs à Draco.

Si, pour une fois dans sa vie, on lui avait demandé son avis avant de décider pour lui, il n'aurait jamais accepté cette maudite marque qui pervertit son corps et son âme. Il n'aurait pas envie de se déchirer la chair avec les dents pour la faire disparaître ni de se jeter du haut de la tour d'astronomie pour ne pas avoir à remplir cette mission.

Blaise avait raison l'autre soir : c'est du suicide.

Draco en a enfin conscience. Qu'il réussisse ou non, il signe son arrêt de mort. Voldemort se fera une joie de le tuer et de décimer ses proches s'il ne lui obéit pas. Mais, si, par le plus grand des hasard, il réussit à abattre le professeur Dumbledore, c'est toute l'Ordre qui sera à ses trousses. Il est coincé.

Toujours perdu dans ses pensées, Draco ne remarque pas que Blaise se tait pour l'observer. Réalisant que son meilleur ami ne l'écoute pas le moins du monde, ce dernier soupire et agite ses mains devant les yeux du blond. Rien n'y fait. Aucune réaction. Il ne cligne même pas des yeux.

Un sourire diabolique naît sur le visage du métis. Il se penche vers son ami, pour que personne d'autre que lui ne l'entende et lui souffle au creux de l'oreille :

— Tu imagines ta Gryffondor à poil ou quoi ?

Comme prévu, cette allusion a le mérite de faire réagir Draco.

— Hein ? Mais qu'est-ce que tu racontes encore ?!

Des rougeurs apparaissent sur sa peau claire, signe qu'une image se dessine sans son esprit avant qu'il ne sursaute, surpris par la proximité de son meilleur ami. Ce dernier, hilare, se mord le poing pour ne pas attirer l'attention du reste de leur classe.

— Maintenant que je sais qu'il suffit que je l'évoque pour que tu m'accordes ton attention, je ne vais plus m'en priver. Cette fille est mon joker préféré.

L'attitude décomplexée de Blaise perturbe Draco. Il ne s'attendait pas à ce que son ami aborde le sujet « Hermione Granger » avec autant de légèreté. Au lieu de s'en réjouir comme il aimerait le faire, il jette un coup d'oeil furtif autour de lui, afin de vérifier qu'aucune oreille indiscrète ne les écoute.

— Tu devrais crier son nom la prochaine fois, reproche-t-il à son ami qui roule des yeux.

— Est-ce qu'un jour tu seras aimable ?

Blaise sourit de toutes ses dents, prenant bien soin d'ignorer la remarque du blondinet. S'il y a bien quelque chose qu'il a retenu de leur dispute dans la Salle Commune de leur maison, c'est que son meilleur ami est bien plus attaché à cette fille qu'il ne veut le faire croire. Depuis longtemps, Blaise sait que le destin de Draco est tout tracé et que celui qu'il considère comme son frère n'aura que peu de chance d'y échapper. C'est pourquoi, il est persuadé que les sentiments qu'il éprouve pour la reine des Gryffondor changeront le cours de son histoire.

Ignorant que son meilleur ami s'apprête à entamer une carrière de cupidon pour le rapprocher de la femme de ses rêves, Draco se perd à nouveau dans ses pensées. Cette fois, aucune d'elle n'est tournée vers l'épée de Damoclès qui pend au-dessus de sa tête. Non. Elles se dirigent toutes vers celle qui fait battre son coeur.

Cela fait des années qu'il espère partager des moments privilégiés avec la brunette, mais jamais, au grand jamais, il n'aurait cru qu'ils en viendraient à passer la nuit ensemble. Même dans ses rêves les plus fous, il ne s'endort pas à ses côtés.

Et pourtant…

Ce rêve est devenu une réalité quand, sans réfléchir, il l'a invité à le rejoindre. Pour être honnête, il s'attendait à ce qu'elle lui rit au nez et qu'elle parte en courant en l'insultant de tous les noms. Mais, une fois de plus, elle a su le surprendre. À son réveil, il croyait que cette scène était le fruit de son imagination jusqu'à ce qu'il comprenne que c'était bien son corps qu'il serrait dans ses bras et son souffle qui rencontrait son cou. Hermione était bien là. Endormie et lovée contre lui. La tête de la sorcière reposait sur son épaule et ses cheveux bouclés recouvraient une partie de son visage. Il se souvient avoir souri en la regardant.

Puis, comme aucun moment merveilleux ne dure éternellement, il l'a senti remuer et a profité de ce mouvement pour se détacher d'elle. Pour rien au monde il n'aurait voulu qu'elle ouvre les yeux et les découvre enlacés. Il connaît suffisamment la Gryffondor pour savoir qu'elle n'aurait pas cherché à comprendre la raison de leur proximité et qu'elle l'aurait giflé avant de quitter la salle en le foudroyant des yeux. Préférant garder un bon souvenir de cette nuit, il quitta le lit, à regret, se changea en vitesse et partit, la laissant émerger seule.

Dès qu'il s'est éloigné d'elle, un vide a remplacé la sensation de plénitude et de paix qui l'avait habité toute la nuit. Il avait particulièrement bien dormi et il savait pertinemment que la présence de la Gryffondor y était pour quelque chose. Ça l'avait rendu exécrable et il avait passé sa mauvaise humeur sur un groupe d'élèves de Poufsouffle pour se calmer. Ce matin-là, il n'avait retrouvé le sourire qu'après avoir vu Hermione se disputer avec Ron. Un sourire en coin était apparu sur son visage et il s'était dit qu'après quelques heures en sa présence, elle se comportait déjà comme une véritable Serpentard.

Depuis, il fait en sorte de l'éviter. Lorsqu'il passe près d'elle ou de son groupe d'amis, il ne leur accorde pas un regard et ne fait pas le moindre commentaire. Il n'est pas prêt à poser les yeux sur elle. Il n'est pas prêt à y lire qu'elle regrette ce moment particulier, intime, qui ne se reproduira plus jamais. Il n'est pas, non plus, prêt à assumer ce qu'elle pourrait voir dans ses yeux. Il dissimule depuis des années ce qu'il ressent pour elle, prenant soin d'elle dans l'ombre et ça lui convient complètement. Cela fait bien longtemps qu'il est résigné et qu'il sait qu'il ne se passera rien entre eux. Alors, elle n'a pas besoin de savoir ce qu'il éprouve. Draco n'a jamais été particulièrement courageux, cette qualité est réservée aux Gryffondors et il sait pourquoi il n'en fait pas partie.

Hermione restera son secret. Celui qui lui permet de garder la tête hors de l'eau et de survivre pendant ces temps sombres. Ce n'est pas beaucoup, mais c'est suffisant.

Lorsque le professeur McGonagall annonce la fin du cours, Hermione est la première à quitter son siège, pressée de rejoindre la bibliothèque. Harry et les autres membres de l'équipe de Quidditch ont prévu d'aller s'entraîner alors elle compte bien profiter de sa solitude pour s'avancer dans ses devoirs. Après avoir salué son enseignante, elle tire sur la poignée de la porte et manque de percuter celui qui se trouve de l'autre côté.

Elle s'arrête juste à temps pour que son corps ne rentre pas en contact avec celui de Draco Malfoy qu'elle reconnaît instantanément. La cravate aux couleurs des Serpentards et son odeur à la fois masculine et fruitée lui mettent la puce à l'oreille.

Elle relève la tête lentement et déglutit en découvrant le regard anthracite du blondinet posé sur elle. Ce regard qu'elle n'a pas croisé depuis qu'elle s'est couchée à ses côtés. Le lendemain, lorsqu'elle a ouvert les yeux, il était déjà parti. Le lit lui paraissait bien vide maintenant qu'elle y était seule et elle se serait bien giflé d'avoir eu cette pensée. Mais elle ne pouvait pas s'en empêcher : contre toutes attentes, elle avait dormi avec Draco Malfoy et ça lui avait fait du bien. Ça lui avait plu.

Tous les jours, elle se demande pourquoi elle n'en parle pas à ses amis. Elle n'a pas honte d'avoir passé la nuit avec un garçon, bien que ça ne fasse pas partie de ses habitudes, ni que ce garçon en question soit son plus grand rival. Elle sait que Ginny se mettrait à hurler en disant qu'elle a toujours su qu'il y avait une tension intense entre eux. Harry le prendrait sans doute moins bien, surtout maintenant qu'il pense que Draco fait partie du camp adverse, mais il dirait à Hermione qu'il lui fait confiance. Et même s'il grognait, comme Ron risque de le faire s'il l'apprenait, elle n'en aurait rien à faire. Ce qui trouble la brunette c'est qu'elle a envie que ça se reproduise parce qu'il n'y a que près de lui qu'elle se sent autant en paix.

Elle reste silencieuse, ne trouvant pas ce qu'elle pourrait lui dire. C'est rare, mais pour une fois, Miss-je-sais-tout reste sans voix. Elle n'a pas envie de froncer les sourcils et de lui ordonner sèchement de la laisser passer. Mais elle ne veut pas non plus avoir l'air trop détendue en la présence du Serpentard. Ce changement d'attitude attirerait les curieux et la dernière chose dont Hermione a besoin, c'est que quelqu'un se mêle de ses sorties nocturnes, de son jardin secret.

Draco, quant à lui, se fait violence pour maintenant une distance raisonnable entre la Gryffondor et lui. C'est à dire qu'il se force à oublier qu'il connaît la douceur de sa peau et la sensation de sa respiration contre lui alors qu'ils ne sont qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. S'ils n'étaient pas en plein milieu du couloir, observés par la moitié de leur promotion, il l'embrasserait. Il le sait. Il en meurt d'envie.

Mais ce n'est pas le pire.

Non.

Le pire, c'est que malgré tout ce qui peut les opposer, elle le laisserait faire.