hello,
je tente sur un autre fandom qui me plaît beaucoup. les événements des derniers jours m'ont donné des idées. je ne pense pas que ce sera une fic très longue, c'est juste que j'avais envie d'écrire sur des relations en temps de crise (hé hé)
bonne lecture !

...

La foule était compacte et grognait.

Hermione bataillait tant bien que mal pour s'extraire du tas de manifestants, bousculée par les hurlements et les grands gestes de bras. Elle tenait fermement sa carte de presse dans sa main droite, dans l'espoir vain d'être protégée par un ridicule bout de papier, et retenait son sac de la main gauche. Les flics devant s'alignaient, bien déterminés à contrôler la cohue.

On était encore loin des débordements mais il suffisait d'un rien pour que tout parte en vrille.

« Jedusor on te sort !

- À mort ! À mort ! À mort Jedusor !

- On n'en peut plus ! Le peuple est dans la rue ! »

Hermione chercha du regard Colin. Elle avait perdu son photographe de vue quand ils s'étaient intégrés à la foule des manifestants, ce qui ne l'arrangeait pas.

La ville grouillait de colère et Hermione voulait saisir ça. En faire un bon article, avec des photos chocs qui interpellerait les gens. Un article qui leur parlerait, leur ferait prendre conscience que ces manifestations avaient lieu pour s'exprimer, que cette violence était là parce qu'il était difficile de se faire entendre autrement. Elle n'avait besoin de rien d'autre qu'un Bic, un carnet et un dictaphone. Et de Colin.

Jamais elle n'aurait pu penser que cela dégénérerait autant.

« Niquez vos mères ! » hurla un manifestant près de son oreille.

Hermione entendit les policiers grogner.

Bientôt leur patience serait à bout. Ils chargeraient. Elle ne devait pas se trouver sur leur passage.

Elle joua des coudes, abandonnant lâchement Colin dans la bataille. Où qu'il soit, il se débrouillerait. Là, il fallait se sortir de ce putain de bourbier.

La foule l'écrasa alors qu'elle essayait d'avancer – ou de reculer, elle ne savait plus.

La fumée lui brûlait les poumons. Elle remonta son écharpe sur son nez, fendit la foule coûte que coûte, écrasa des pieds pour être sûre que les gens s'écarteraient sur son passage.

La tension était à son comble.

Hermione sentit dans la poche de sa veste son téléphone vibrer. Elle réussit à l'extirper de sa poche et décrocha.

« Hermione ? »

La voix étouffée d'Harry lui remonta le moral.

« Harry ! J'ai perdu Colin !

- Hermione ! Je t'entends pas ! »

Les gens criaient autour d'eux. Hermione coinça tant bien que mal son téléphone entre son épaule et son oreille, rajusta son sac sur son autre épaule, écarta des deux mains des manifestants. Il fallait sortir du groupe. Elle commençait à se sentir mal. Et le danger planait au-dessus d'elle.

« Hermione !, s'excitait son ami dans le combiné. T'es où ?

- Je suis Chemin de Traverse, ça va, je gère.

- Putain ! »

Le téléphone crachouilla et Hermione parvint enfin à s'extraire de la cohue. Elle posa le pied sur le trottoir et remonta le long de la manifestation. À contre-sens, les visages des gens paraissaient encore dans l'attente, sans savoir qu'au premier rang les tirs de LBD commençaient. Des cris, des slogans beuglés à voix trop haute lui heurtaient les oreilles.

Déjà, elle respirait mieux.

Des visages cagoulés passèrent près d'elle. Un homme brisa une vitrine avec une barre de fer juste devant ses yeux : le plexiglas explosa en un millier d'étoiles. Hermione engrangea la constellation éphémère : c'était presque joli, ce vandalisme.

« Harry ! Harry, tu m'entends ?

- Hermione, faut que tu te casses ! Ta carte de presse te protégera pas quand les flics donneront l'assaut ! Je suis même pas sûr que Neville le puisse !

- T'inquiète pas pour moi, je te dis. T'as Colin avec toi ?

- Pas de nouvelle. Ginny essaie de l'appeler. Et toi ? »

Hermione ne l'écoutait plus. Elle voyait la queue de manifestants.

Et là, des Green Block. Ces voyous d'écologistes qui adoraient faire la une des journaux en brandissant des drapeaux verts. Des écoterroristes, comme l'appelait son patron. Des vandales cagoulés de vert pour cacher leur identité, qui ne craignaient ni les flics ni les rappels à la loi.

Des casseurs.

Et quoi de mieux pour un scoop ?

« Paraît qu'il y a des Green Block en fin de cortège.

- Je vois ça.

- Attends… T'y vas ? »

Elle raccrocha avant qu'Harry lui dise de n'en rien faire. Elle sortit son dictaphone, lança l'enregistrement et rangea son téléphone.

Pourvu qu'Harry ait d'autres chats à fouetter et n'essaie pas de la rappeler !

Elle mit bien en évidence sa carte de presse, comme un rempart contre la violence qu'elle devinait : la violence des manifestants et la violence des flics.

Les journalistes n'avaient pas forcément bonne presse dans le pays, sans mauvais jeu de mots.

Depuis maintenant trois manifestations, les casseurs s'invitaient. Être au plus près des lieux du crime allait valoir à Hermione une belle promotion.

Et enfin un salaire décent !

« Mademoiselle !

- Presse, pour La Gazette. » répondit Hermione en baissant son écharpe pour montrer son visage.

Elle ne voulait pas qu'on croie qu'elle était de mèche avec les Green Block. Finir en garde à vue pour une méprise était assez désagréable.

« Vous n'avez pas le droit d'être ici, reprit le policier qui l'avait interpellée. Ça peut être dangereux ! »

Hermione se méfiait des poulets. Elle se méfiait des montées d'adrénaline qui embrument les esprits. Elle gardait la tête froide en toutes circonstances, et cela lui plaisait de rester calme et de résister à l'hystérie collective. Elle se sentait unique et puissante, dans ces moments-là.

Elle fit un signe de tête et continua à avancer dans une sorte de no man's land. Entre la fin de cortège et les flics qui fermaient la marche, il restait quelques mètres infranchissables où s'ébattaient des hommes cagoulés de vert.

Elle approcha d'une sorte d'une armoire à glace qui cassait à coups de barre de fer un pare-brise. Les éclats volaient partout et elle resta à une distance raisonnable.

Un autre manifestant invectivait les flics et insultait leurs mères, leurs sœurs, leurs tantes, leurs filles, tout ce qu'une lignée compte de femmes. Sa voix éraillée partait dans des hennissements assez désagréables et Hermione lui imagina immédiatement un visage chevalin. Puis il se pencha pour desceller les pavés inégaux du Chemin de Traverse.

« Dégage, princesse ! »

La voix était moqueuse et un peu étouffée. Elle se tourna vers l'homme qui avait parlé.

Un grand gars, un peu fluet, avec de beaux yeux gris et des cils tellement blonds qu'ils en paraissaient transparents. Le bas de son visage était caché par un foulard vert qui proclamait Green Tonic.

« C'est à moi que tu parles ?

- C'est pas un endroit pour les petites filles. Tu risquerais de te casser un ongle.

- Connard. » répondit-elle sans faire aucun effort de diplomatie.

Elle s'éloigna en lui adressant un doigt d'honneur bien senti. Dans son dos des ricanements s'intensifièrent.

Des bouteilles vides et des canettes jonchaient le sol. Des traces noires de suie zébraient le trottoir, comme si on avait traîné des poubelles brûlées par terre. Une vieille odeur d'ordures brûlées montait : Hermione se couvrit de nouveau le nez avec son écharpe, espérant trouver en son propre parfum de quoi atténuer la puanteur.

C'est quand elle vit la ligne de boucliers des policiers qu'elle se demanda si elle ne s'était pas fourrée dans un sacré guêpier.

Elle allait finir bloquée. D'un côté les casseurs, de l'autre les policiers. Elle essaya de se remémorer le plan de Londres qu'elle avait appris par cœur au collège pendant son initiation à l'urbanisme.

Si elle faisait demi-tour, elle pouvait s'engager dans une rue perpendiculaire et…

Elle se rapprochait dangereusement de l'impact avec les forces de l'ordre. Elle voyait presque son propre visage dans le reflet de leurs casques.

Elle fit volte-face et commença à marcher vite.

Ne pas courir, surtout, pour qu'ils n'essaient pas de la courser en la pensant coupable d'on ne sait quel crime.

Elle jeta un coup d'œil par dessus son épaule.

La ligne chargeait. Les boucliers avançaient à toute vitesse vers elle.

Alors un instinct prit le dessus : elle se mit à courir. Courir pour échapper aux corps qui chargeaient face à elle. Elle courut, cherchant une porte cochère, une entrée d'immeuble, un trou de souris, n'importe quoi !

Des cris éclataient dans son dos, des coups de matraque, des hurlements. Elle trébucha, s'étala par terre. Tendit les mains devant elle, à l'aveugle, tâtonna pour retrouver son dictaphone. Elle entendait derrière elle le martèlement des bottes contre le pavé.

« Viens ! »

Des mains la saisirent sous les aisselles et la relevèrent. Elle retrouva son équilibre comme un girafon à peine né et tenta tant bien que mal de rester debout, étourdie.

« Bouge ! »

Son sauveur lui saisit la main, la tira vers lui. Elle volait presque, sa main coincée dans la paume brûlante du Green Block qui l'attirait dans son sillage.

Dans son dos les coups pleuvaient, les pavés volaient, et l'ambiance électrique commençait à lui monter à la tête. L'odeur ferreuse du sang s'invitait dans les gaz lacrimos.

« Y a une rue à droite, là, haleta-t-elle. La prochaine…

- Bloquée par les condés ! Dépêche ! »

La porte d'un immeuble s'ouvrit devant eux et ils s'engouffrèrent tous deux dans le hall.

« Vite ! »

Il l'entraîna vers les portes du fond, donna un coup d'épaule brutal contre une porte, s'élança dans l'escalier.

Elle le suivait, faillit se tordre une cheville dans les marches.

En bas, un dédale qu'Hermione connaissait bien. Dans ce quartier du Chemin de Traverse, toutes les caves communiquaient. Elle avait fait un article, deux ans auparavant, sur la nécessité de penser en d'autres termes de sécurité les caves de ce quartier de Londres.

Ils galopèrent encore un peu. Le garçon avait tiré une lampe de poche d'elle ne savait où et éclairait leur chemin. Enfin, ils trottinaient, plutôt. Personne ne les avait suivis, quoi qu'Hermione puisse en juger. Leurs mains toujours liées, ils avançaient un peu au hasard sous les immeubles.

L'homme finit par s'arrêter dans un recoin.

« Là. »

Il la lâcha. Il se laissa tomber à terre, ôta sa cagoule, reprit son souffle.

La première chose qui frappa Hermione, c'est sa blondeur. Dans l'éclairage chétif des caves, ses cheveux blonds ressortaient presque blancs, comme s'il était auréolé de filaments. Les traits de son visage restaient dans l'ombre mais sa voix essoufflée était assez grave, plutôt agréable à écouter.

« On est sous l'Allée des Embrumes. Je te laisse ici. »

Hermione chercha à répondre mais il continuait déjà.

« Pour remonter, tu continues un peu le couloir. Prochain escalier à droite. Après tu te démerdes. »

Il regarda sa montre et l'éclaira pour lire l'heure dessus. Une montre chère, qui paraissait saugrenue à son poignet.

« T'attends vingt minutes avant de bouger.

- Pourquoi tu m'as aidée ? »

Il planta son regard sur elle (les reflets de sa lampe de poche lui faisaient des yeux moqueurs) et eut un sourire de mauvais garçon :

« Parce qu'au fond j'aurais adoré être un chevalier qui vole au secours de sa princesse. »

Il fit demi-tour et disparut avant qu'elle ait eu le temps de lui poser une autre question.

Elle chercha son souffle, sonnée. Que s'était-il passé ?

Elle sortit son téléphone : pas de réseau. Elle regarda l'heure.

Harry allait s'inquiéter. Il allait encore l'engueuler.

Elle soupira.

Elle ouvrit son sac, y farfouilla pour dégotter un Twix qu'elle enfourna en mâchant à peine. Le sucre arriva peu à peu à son cerveau et elle commença à réfléchir à l'article qu'elle allait écrire.

Son dictaphone tournait toujours.