Bonne lecture !


Chapitre 26

"All the single ladies, all the single ladies, chantonné-je gaiement, ohohoh, ohoh…"

Je fourre un chocogrenouille dans ma bouche avec bonheur tout en sautillant dans le couloir et balançant le petit sac que les elfes de maisons m'ont gentiment rempli de friandises. C'est une bonne petite soirée bouquinage qui m'attend, moi ! J'ai hâte de commencer le livre que je me suis achetée à la dernière sortie à Pré-au-Lard. Ça parle d'un gang de fantômes qui veut se venger contre le serial-killer qui les a tous tués, et ça a l'air foutrement excitant !

C'est quand même très pratique que les cuisines soient dans le même couloir que l'entrée de notre salle-commune, je n'ai même pas à m'inquiéter de violer le couvre-feu pour aller me ravitailler. Je n'ai que quelques mètres à faire et hop, me voilà dans l'antre de la félicité !

Je m'arrête devant les grands tonneaux qui dissimulent l'entrée de notre salle-commune et m'apprête à frapper sur le deuxième au rythme de la chanson éponyme de Helga Poufsouffle, quand les éclats de voix me parviennent. Avec un froncement de sourcil, je crois reconnaître les voix et tends l'oreille.

"... essayé de te comprendre mais… censé être mon meilleur ami…"

Henry, compris-je en plaquant une main sur ma bouche de surprise. C'est la voix de Henry. Un peu hésitante mais surtout curieuse de voir ce qui se passe, je frappe le tonneau qui s'éventre devant moi pour m'autoriser l'accès. C'est avec prudence que je m'avance dans le petit couloir donnant sur notre salle ronde et confortable.

Elle est quasiment vide et en son centre, James et Henry se font face rageusement.

"Tu sais quoi, mon vieux ?! claque James. Fais ce que tu veux ! Après tout, c'est ce que t'as fait derrière mon dos, alors pourquoi changer maintenant ?!

-Ouais, c'est ce que je vais faire !"

C'est alors qu'Henry fait volte-face pour partir mais lorsque son regard tombe sur moi, il se fige soudainement. Mon souffle se bloque un instant dans ma gorge comme s'il m'avait lancé un stupéfix. Mais non, sa baguette n'est pas dans sa main, c'est juste ses yeux qui me transpercent avec intensité. Finalement, il se remet à marcher et se dirige vers les escaliers qui mènent jusqu'aux dortoirs masculins.

Jamies fulmine devant moi et il darde des yeux pleins de reproches sur moi.

"T'es contente de toi ?" me demande-t-il.

Je grince des dents, mon sang ne faisant qu'un tour.

"Et toi ?" rétorqué-je simplement.

Je jette une autre chocogrenouille dans ma bouche que je croque avec défi pour son plus grand mécontentement avant de m'en aller vers mon propre dortoir.

Il terrorise peut-être toute l'école avec sa bande de cagoulés mais il ne gâchera pas ma soirée !

OoOoOo

"Marianne a demandé aux autres filles de nous laisser le dortoir pour la soirée.

-Wow ! admiré-je. Mais c'est vraiment la big boss !"

Fred a un petit sourire en coin alors qu'on est toutes les deux assises sur son lit et je me mets à réfléchir comment je pourrais asseoir ma propre autorité sur mes camarades de dortoir. Ce serait tellement bien de pouvoir privatiser la chambre quand je veux… elles pourraient aussi me nourrir de chocogrenouilles et me faire une pédicure pendant que je bouquine… ce serait tellement cool… Faudra que je demande à Marianne comment elle a fait !

Pour consoler Fred et lui remonter le moral, elle a proposé qu'on fasse une soirée entre filles, et Marianne a pensé qu'un blindtest pourrait être marrant. Elle est donc partie dans la salle-commune pour piquer tous les vinyles des Gryffondor qui sont dans la salle-commune. Ce qui me fait penser que j'aimerais bien aussi pouvoir racketter mes camarades avec le sourire…

"Oh, j'ai reçu une lettre de Cindy, ce matin ! me souvins-je subitement. Elle m'a dit qu'il fallait que tu prévois un grand évènement romantique pour reconquérir David… ça marche à tous les coups dans les films !

-Un événement ?

-Oui, avec des pétales de roses, des confettis et des bougies… faut peut-être aussi mettre le genou à terre en lui offrant une bague."

Les yeux de Fred s'agrandissent de panique et je m'empresse de rectifier :

"Mais bien sûr, on peut personnaliser tout ça ! Ca peut être vite cher, une bague… les roses, aussi…

-Et qu'est-ce qu'elle a dit pour Henry ?

-Elle dit que Jamie est un crétin, et que y'a de fortes chances pour que ses amis les soient aussi, grommelé-je avant de confier à Fred, elle a eu un crush pour un ami moldu à James, Yodric, et elle ne recommande pas l'expérience… mais Yodric, c'était vraiment un crétin…"

Je repense avec une grimace à tous les coups foireux que Yodric et James nous ont fait pendant les vacances scolaires. Par exemple, la fois où ils ont remplacé le contenu de nos pots de dentifrice par de la harissa maison… j'en ai encore la gorge qui brûle !

Me tirant de cet affreux souvenir, Marianne revient les bras chargés et la mine victorieuse, et j'applaudis son trésor, très impressionnée. Elle les entasse à côté du tourne-disque magique avant de se précipiter vers nous et de se jeter dans le lit avec ravissement.

"Je connais un sort pour enchanter le tourne-disque, nous annonce-t-elle, il choisira de lui-même le disque à mettre tout en cachant la couverture !

-Oh, vraiment ? s'étonne Fred. Ca existe ?

-Oui, c'est une ancienne Poufsouffle qui l'a inventé," nous révèle Marianne.

Elle sort alors sa baguette et vise le tourne-dique pour déclamer d'une pirouette aérienne :

"Blindae Testus !"

Et un jet lumineux rose en forme d'étoile filante percute le tourne-disque le faisant rebondir joyeusement sur son meuble. Je me retourne avec émerveillement vers Marianne pour m'enquérir :

"Oh, c'est du latin ?"

Je me demande bien ce que ça peut vouloir dire…

OoOoOo

"Fred nous a complètement laminé, raconté-je à Chris, avec Marianne, on a fini par faire équipe mais bon…

-Vous avez continué à perdre lamentablement ? devine-t-il avec un sourire moqueur.

-Bah oui ! pff !

-Mais en plus, je vous laissais un peu de temps pour réfléchir…, se défend Fred, penaude.

-En même temps, quelle idée de faire un blindtest de chansons sorcières alors que Marianne et toi, vous êtes des né-moldus ?

-C'était l'idée de Marianne, d'abord !" rétorqué-je.

Nous sommes postés devant la salle-sur-demande dans laquelle James a disparu avec des amis à lui depuis une bonne demi-heure et nous papotons tous les trois, assis par terre, cachés derrière une armure. Je n'ai même pas eu à sortir tout l'argumentaire que j'avais prévu, ils ont directement été d'accord, cette fois-ci ! Je crois qu'ils commencent à prendre goût à la vie d'investigateurs…

"La prochaine fois, Fred, on fait un blindtest de musiques moldus ! décrété-je.

-Mais je connais bien moins de chansons moldus que vous en connaissez de sorcières, proteste-t-elle.

-Il faut savoir laisser la victoire aux autres, tu sais, Freddy…"

Tout à coup, des voix nous alertent et nous nous accroupissons discrètement pour voir s'il s'agit James et ses amis qui ont terminé les conneries, Merlin seul sait lesquelles, qu'ils faisaient et reviennent dans le couloir. Mais non, le mur n'a pas changé et le couloir est toujours aussi désert.

"Ca vient d'où ? s'étonne Fred.

-Par là, je crois…," répond Chris.

Et il pointe du doigt notre gauche là où le couloir s'étend jusqu'à s'engager brutalement sur la droite, nous masquant ce qui peut se cacher de l'autre côté. Chris, Fred et moi nous regardons, débattant silencieusement si l'on reste là où on est, si on décampe ou si on va voir ce qui s'y passe. Finalement, nous nous levons et nous nous approchons le plus silencieusement possible vers l'angle.

"Pitié ! s'écrie une voix plaintive. Qui êtes-vous ? J'ai rien…

-TAIS-TOI, ON A DIT !"

Alors qu'un bruit de coup conclut cette phrase, nous nous figeons comme un seul homme en se cramponnant les uns aux autres. Encore une fois, on se regarde pour partager nos émotions troublées tout en cherchant à savoir ce qu'on doit faire. On est tous sous le choc. Il y a clairement une nouvelle attaque qui a lieu de l'autre côté du mur !

"Merlin, on fait quoi ?! chuchote Chris.

-Il faudrait aller chercher de l'aide…," pense Fred.

Mais d'autres coups succèdent au premier, nous interrompant dans notre brainstorming paniqué et on comprend tous qu'on a pas ni le temps pour la discussion, ni celui pour aller chercher des secours. Sachant qu'aucun de nous n'est un très bon duelliste ou combattant, une autre idée me vient et je me mets à rire si fort que mon hilarité factice se réverbère dans le couloir. Pris de panique, Chris me saute au visage pour m'étouffer des deux mains :

"Mais tu es folle ?! Enfin, c'est pas une question, je le savais déjà mais… t'es folle, ou quoi ?!

-Non, c'est une bonne idée ! déclare Fred alors que je me dégage des mains envahissantes de Chris. S'ils nous entendent, ils vont part-..."

Et en effet, nous nous taisons au son de plusieurs pas de courses qui s'éloignent au loin. Comprenant que les agresseurs ont pris leurs jambes à leurs coups, nous nous mettons tous à courir pour déboucher à l'angle du couloir de droite et nous tombons sur un petit Troisième Année qui pleure contre un mur. Sans perdre une seconde, nous accourons vers lui et tandis que Chris surveille que ses assaillants ne reviennent pas, Fred et moi nous accroupissons vers le garçon qui a la lèvre explosée et le sang qui se déverse par les deux narines.

Fred s'applique à lui jeter un sort pour faire cesser le saignement, et je lui frotte gentiment l'épaule pour le rassurer.

"Qui t'a fait ça ? demande Chris.

-Je-je sais pas ! Ils me sont tombés dessus pour aucune raison…"

Je note alors le vert de son uniforme qui est taché de sang. C'est un Serpentard !

"Ils étaient cagoulés ?" m'enquis-je.

Trop secoués par ses pleurs qui redoublent soudainement, le garçon hoche la tête par l'affirmative et je tourne un regard écarquillé vers Fred qui partage ma réaction.

"C'était pas Jamie !"

OoOoOo

"Mais les yeux, par exemple, tu as bien dû voir les yeux, insisté-je, par les trous de la cagoule.

-Bah peut-être…

-Donc, ils étaient de quelle couleur ?

-J'sais pas, moi…

-Bleu ? Gris ? Bleu-gris ?

-Cath, laisse le respirer, peut-être, intervient Chris.

-Mais il respire bien, assuré-je rapidement avant de rebondir, marron ? Vert ? Marron-vert ?"

Je marche à reculons devant Chris et Fred qui encadrent le Serpentard de Troisième Année qui nous a dit s'appeler Marvin. On n'est plus très loin de l'infirmerie et je sais très bien que dès que Pomfresh mettra la main dessus, on ne pourra plus lui parler avant demain… et d'ici là, il aura peut-être oublié des informations fondamentales ! C'est donc capital qu'il nous dise tout dès maintenant.

"Ou noir ! pensé-je. Ils étaient noirs, c'est ça ?

-Ca se peut, oui…

-Mais… qu'est-ce qui s'est passé ?"

C'est David qui vient de nous alpaguer alors qu'on l'avait croisé sans le voir dans le couloir. Il est accompagné de sa petite sœur de première année prénommée Sarah, qu'on a rencontrée au club de Slug. Et bien évidemment, ils nous observent avec la plus grande des surprises. Il faut dire que notre pauvre Marvin a une tête pitoyable…

"Il y a eu une nouvelle agression, lui apprend Chris. Et évidemment, il fallait qu'on soit là… grâce à une certaine personne…

-De rien ! répondé-je.

-On l'emmène à l'infirmerie," précise Fred.

Particulièrement choqué, David reste la bouche béante mais Chris n'étant présentement pas d'humeur patiente, il nous entraîne en avant, gardant sa main sur le bras de Marvin. Je vois du coin de l'œil Fred avancer à contre-cœur, désirant certainement allonger la conversation, mais malheureusement le devoir nous appelle ailleurs.

La minute suivante, nous sommes arrivés à l'infirmerie et dès que Pomfresh a vu Marvin, elle s'est mise dans tous ses états. Elle est d'ailleurs en train d'étudier ses blessures, penchée sur le lit où elle l'a installé, et je fais des signes de la main pour attirer le regard de Marvin et lui mimer de venir me voir dès qu'il sort.

"OUST ! ordonne soudainement Pomfresh en remarquant mes agissements. Dehors !"

Rho… c'est tout de même un monde de freiner une enquête judiciaire. Elle ne sait pas, elle, qu'un gang de scélérats sévit dans ces murs mêmes et que peut-être demain, il y aura un nouveau Marvin. C'est beau, dis donc, d'évoluer dans une bulle de candeur et de naïveté, comme c'est commode !

"Arrête donc de rouspéter, me dit Chris alors que nous ressortons de l'infirmerie, faut bien qu'elle s'occupe de lui !

-Oui, bon, d'accord, mais on peut faire les deux en même temps…

-Attendez, attendez !"

Encore devant la porte de l'infirmerie, nous nous retournons vers David qui arrive en courant et qui s'arrête, essoufflée, dans un dérapage. Il s'appuie un instant sur ses genoux, courbé en avant pour se calmer, avant de se redresser et de nous avouer aussitôt, les joues carmins :

"Je sais qui c'est !

-Tu parles des Cagoulés ?! demandé-je avec espoir.

-Oui…"

Je le savais ! Merlin, je savais qu'il savait ! J'entends Chris murmurer quelque chose et le hoquet de surprise de Fred, mais mains jointes, je suis pendue avec avidité aux lèvres de David. Dis-moi, dis-moi, dis-moi…

"C'est Dylan. Dylan Greyjoy."

OoOoOo

"Pendant qu'ils me frappaient, j'ai réussi à attraper une cagoule et à la tirer… et j'ai vu la tête de Dylan. C'est le seul que j'ai pu reconnaître, les trois autres, je ne sais pas qui ils sont."

On est assis dans un coin calme et reculé de la bibliothèque qu'on a élu pour parler le plus tranquillement possible. Pour faire illusion, des livres sont étalés devant nous et Chris a même sorti son devoir de sortilège qu'il a entamé, décidant de faire de deux pierres, un coup. Quant à Fred et moi, on est scotchés au visage de David qui nous révèle toute la vérité de son agression. Fred ne s'embête pas à masquer la peine qu'un tel récit lui inspire, elle doit s'imaginer David au sol et brutalisé par quatre silhouettes encagoulés…

Maintenant, en tout cas, nous savons que l'un de ses visages masqués n'est nul autre que celui de Dylan ! Je ne l'ai jamais suspecté, mais maintenant que j'y réfléchis, il ne m'a jamais inspiré la moindre sympathie… à s'être nommé le chef de sa petite armée idiote et à discourir lors de ses réunions sur la méchanceté systématique des Serpentards. Il y a toujours eu quelque chose chez lui qui me dérangeait.

"Mais pourquoi n'as-tu rien dit ? l'interroge Fred doucement. Même si tu avais peur qu'ils reviennent te frapper, si tu en avais parlé, ils auraient été punis…

-C'est pas moi qu'ils ont menacé, mais Sarah, avoue-t-il. Ils m'ont dit que si je disais quoique ce soit, ils s'en prendraient à elle et je ne voulais prendre aucun risque… aujourd'hui, je réalise que c'était pas la meilleure des décisions, mais bon…"

Il hausse des épaules dans un soupir penaud et Fred lève une main pour lui caresser l'épaule, mais sans qu'il ne remarque son intention, elle la rabaisse.

"C'est pas trop tard, Davidou ! assuré-je. Maintenant qu'on sait que c'est lui, on va pouvoir collecter des preuves !

-Ah non, Cath, ça suffit comme ça ! décide Chris. C'est pas à nous de régler ça !

-Mais…, commencé-je.

-Chris a raison, dit David, c'est trop gros et dangereux. Il faut qu'on aille en parler à McGonagall."

Même Fred a l'air d'accord avec cette idée. Mes épaules se rabaissent avec déception et je fais la moue.

"Bon, d'accord…, capitulé-je avant de me réjouir, mais on a encore les Floutés à démasquer !"

Et dans une parfaite symbiose, ils soupirent tous.

"Ben quoi ?"