La tête de Reno touchait, du front, le plat de la table. Un stylo dans une main, l'autre perdue dans ses cheveux, il réfléchissait.
Madame Heartilly était assise devant lui, calme et digne, malgré les quelques larmes qui trahissaient son désarroi immense. Elle s'était résolue à venir voir la cellule Shinra, car elle ne savait plus vers qui se tourner.
- Le secteur zéro? Vous êtes sure?
Rude, assis et parfaitement droit, aux côtés d'un roux avachi, avait planté son regard perçant sur la femme devant eux. Il avait du mal à en croire ses oreilles.
- Oui... J'ai réussi à retrouver l'un de ses amis et il m'a confirmé que... La dernière fois qu'ils s'étaient parlés, un petit groupe avait décidé de se rendre dans le secteur zéro, pour récupérer du matériel...
- Malgré les interdictions et le danger toujours présent?
La mère hocha la tête, tristement. Son fils avait disparu depuis trois jours. Vingt-trois ans et un profond désir de se rendre utile, dans une société en pleine crise. Elle l'avait cherché partout et avait aussi sollicité les milices de quartiers. Mais lorsque sa piste l'avait rapproché du secteur zéro, tout le monde l'avait abandonné, refusant de risquer un cheveux dans ces sous-sols maudits.
- Vous savez combien ils étaient? Quand ils sont partis?
Épongeant ses yeux noirs avec un mouchoir en tissu, finement brodé, la femme désespérée fit un petit geste négatif de la tête. Elle n'en savait rien. Mais au plus profond de son cœur, elle espérait que son enfant ne soit pas seul, dans cet enfer.
Reno releva la tête et réajusta son col, avant de se concentrer de nouveau sur sa feuille.
- Vous pouvez nous donner un signe distinctif? Quelque chose qui nous permettrait de l'identifier...?
Faisant peu de cas du regard incendiaire de son collègue, sous le manque cruel de tact dont il faisait preuve, le roux patienta. La mère, anéantie, mais obéissante et lucide, sortit de son sac une petite photo de son fils, avant d'ajouter.
- Les géostigmates lui ont laissé des traces, sur l'ensemble du corps. Et il a un tatouage, sur le mollet gauche.
- Vous savez ce que c'est?
Alors, les yeux sombres, affutés par les larmes et le chagrin, transpercèrent les yeux verts de son dernier espoir.
- Une aile. Noire.
- Bon. Qu'est-ce que tu vas faire maintenant ?
Quand Vincent était parti, Zack était revenu. Et ce, malgré l'absence d'alcool. Peut être était-ce dû à son manque de sommeil ?
- Tu ne pourrais pas arrêter de me poser cette question... ?
Oui, parce que dans le fond, il n'en savait rien. Seul, il se sentait terriblement nul, inutile... Et il n'avait donc envie de rien. Enfin... Dans l'idéal, il aimerait que la douleur cesse. Car son cœur frappait toujours durement dans sa poitrine, comme pour en sortir et quitter ce corps sans espoir.
- C'est une piste. Tu devrais l'écouter.
Il releva la tête vers Zack, qui s'était assis nonchalamment sur un tabouret du bar, et le regardait, avec un petit sourire doux. Ses yeux pétillaient comme s'il avait une idée en tête. Mais depuis quand les fantômes pouvaient avoir des idées...
- Mais écouter qui ?! Qu'est ce que tu racontes encore...
Sa tête lui faisait mal, aussi. La gueule de bois, avait dit Vincent. Encore un enseignement de Yuffie. Il lui fallait un café, mais, drame, il n'y en avait justement plus.
- Ton cœur. Il a raison.
Son regard croisa de nouveau celui de son ami dont les propos brumeux ne faisaient qu'accentuer sa condition fantomatique.
- Mon cœur veut se barrer, et toi, tu voudrais que je le laisse faire ? Tu t'ennuies dans l'au delà ? T'es si pressé que ça de supporter ma compagnie ?
- Héhé ! Non, pas vraiment. Mais je persiste, si ton cœur veut sortir, tu devrais le laisser faire. Et t'en profiteras pour ramener du café.
Sur ces belles paroles, Zack disparu, dégageant la vision de Cloud pour découvrir, au loin, la porte d'entrée du bar.
Sortir et aller acheter du café. C'était ça, la première étape ? Comment un truc aussi idiot pourrait atténuer sa douleur et lui faire retrouver une vitalité qu'il n'avait plus ?
Dans un soupir, il contourna le comptoir, et s'approcha de la porte. Un éclair de lucidité lui fit chercher son portefeuille dans ses poches... Avant de le découvrir poser sur une table. Vincent, sans doute.
Il posa sa main sur la poignée et ouvrit cette fichue porte.
La lumière jaillit avec violence et le submergea totalement, l'obligeant à fermer les yeux quelques instants, tout en profitant de sa douce chaleur.
Je suis contente de te revoir... Cloud...
Son cœur rata un battement, et il rouvrit les yeux. Mais... Il n'y avait personne. Cette voix... Ces mots avaient été prononcés, comme un murmure, contre son oreille...
- Hey ! Cloud ! Euh... Cloud ? Ça va ?
Ses yeux se posèrent, toujours perdus, sur un jeune homme, qu'il connaissait... Ah, oui... Johnny.
- Oui oui... Désolé. Je viens juste de me rappeler de quelque chose...
- Hmm. J'ai cru que tu venais de voir un fantôme. Tu fais vraiment une drôle de tête.
Comment ça une drôle de tête ? Quelle tête avait-il au fait ? Il avait beau chercher dans sa mémoire, devenue passoire, il ne se souvenait pas s'être croisé dans un miroir récemment.
- Euh... Bref. Cloud ! Tifa est là ? Ça fait des jours que je ne l'ai pas vu ! Elle devait passer à l'orphelinat pour, tu sais... Cloud ? T'es sûr que ça va ?
- L'orphelinat ?
Tifa rendait visite à un orphelinat ? Mais depuis quand ?
- Ben, euh... Tu sais, l'orphelinat. Il y a beaucoup d'enfants, ce sont tous des victimes de la destruction des secteurs 1 et 2. Elle.. Elle passait tous les matins... Avec... Cloud, tu me fais peur. Tu devrais t'asseoir.
Johnny s'approcha de lui et le saisit par les épaules, pour l'obliger à s'asseoir sur les marches du Heaven. Et il se laissa complètement faire. Elle allait voir des orphelins ? Et elle ne lui avait jamais dit...
- Cloud... Dis quelque chose.
- Tifa n'est pas là.
Il frotta son visage avec ses mains, pour faire partir cette sensation de malaise qui l'avait envahi quelques secondes plus tôt. Et se releva, en s'appuyant sur une épaule providentielle.
- Elle n'est pas là ? Mais... Elle est où ?
- Partie... En vacances.
- Hein ?! Mais... Euh... Pour combien de temps ?! Et pourquoi n'es-tu pas avec elle ?!
Ses jambes le menèrent jusqu'en bas des marches, miraculeusement. Lui qui n'avait que peu mangé depuis des jours, il se sentit défaillir devant toutes ces nouvelles informations.
- Cloud !
Il fallait qu'il s'éloigne de cet endroit. La main sur le cœur, il accéléra. La ruelle était vivante, bondée, il devait slalomer entre les passants. Leurs voix... Il ne les supportait pas. Leurs vies... Il n'en pouvait plus. Leurs rires... Lui déchiraient les entrailles...
Et pourtant... Il courait en direction du centre ville, traversant les boulevards à pleine vitesse, évitant de justesse un camion...
-MAIS FAIS GAFFE !
Il n'évita toutefois pas la voiture, qui le percuta violemment, malgré l'allure semble-t-il correcte. Il n'avait pas été éjecté trop loin...
- Oh.. Putain mais c'est pas vrai ! Qu'est ce qui vous a pris de traverser l'avenue comme ça !? Vous voulez mourir ou quoi !?
Des mains se posèrent sur lui, s'assurant qu'il respirait toujours et l'aidèrent à s'assoir. Il était sonné, il avait mal... mais n'avait rien de casser... Hormis, bien sûr...
- Où est-ce que vous courriez comme ça... ? Je peux peut être vous déposer ? Vous n'avez pas l'air bien...
Son sang pulsait dans ses veines, et chacun de ses muscles devinrent douloureux. Il faisait n'importe quoi... Au point de ne même pas savoir où il se rendait.
- Non... Merci... Désolé...
Il se releva péniblement et reprit sa marche, tremblante, le soleil toujours face à lui. L'adrénaline revint, inondant ses muscles qui acceptèrent une nouvelle course.
Les bâtiments gris laissèrent place, petit à petit, à un quartier complètement détruit. Des gravats, à perte de vue... Il courait encore, son souffle calé sur les battements de son cœur... Il courait là où ses yeux le guidaient. Droit sur une petite église, à moitié détruite.
A mesure qu'il s'approchait, la pression dans sa poitrine se faisait plus grande... Les souvenirs le submergeaient... Et les larmes montaient.
Il reconnaissait ce toit éventré, ouvert sur le ciel bleu et la pluie, qui avait accueilli de nombreuses entrées et sorties spectaculaires... Ces murs, dont la pierre froide avait soutenu son dos, encaissé ses poings et raisonné sous sa colère. Et ces vitraux, brisés comme son âme, se faisant le reflet d'une lumière, aujourd'hui, disparue.
La porte en bois claqua contre un mur impassible, malgré la force qu'il avait mise pour l'ouvrir. Son souffle lui faisait de nouveau défaut et la sueur perlait le long de son visage.
La vision troublée par un éclat métallique, d'un héritage toujours tranchant et planté profondément dans la pierre, sacrant un souvenir devenu immortel, il chercha du regard, ce petit champ de fleurs qu'il aimait tant retrouver... Quand tout allait mal. A ses pieds, le parquet de bois avait laissé place à une source d'eau à la clarté irréelle, dans laquelle d'étranges nénuphars semblaient avoir pris place. Ici était l'un des rares endroits du monde où la vitalité de la planète se laissait conquérir. Ici, était le dernier lieu au monde que les dieux n'avaient pas abandonné.
Un épais brouillard le submergea, et il se sentit sombrer dans une eau profonde, et froide.
Lui qui voulait tant... Qui voulait tant...
Mourir...
- Toi qui ne connais pas la plus grande vérité que ce monde puisse offrir... Tu ne peux pas mourir...
Il se réveilla brutalement et prit une grande aspiration, sortant la tête de l'eau, pour récupérer l'oxygène qui commençait à lui manquer...
Avant de replonger dans un regard vert, d'une intensité sans égale.
- Je suis désolée... Tellement désolée, Cloud...
Aerith était agenouillée devant lui, au bord de l'eau, une main tendue vers lui.
Main qu'il saisit entre les siennes, la portant devant ses yeux, pour cacher ses larmes qui le ravageaient.
Ses pleurs raisonnaient dans l'église, comme un violent rappel de sa cruelle solitude. Il sentit la main de la jeune femme serrer les siennes avec plus de force, et l'attirer contre elle.
L'enlaçant de ses bras, elle caressa ses cheveux, son cou, son dos, diffusant une douce chaleur en lui.
Et il pleura encore plus... Se réfugiant contre sa taille, laissant couler ses larmes qui le quittaient avec douleur... Ses bras entourant son amie... Ses mains refermées sur sa robe...
Il ne voulait pas qu'elle parte...
- Emmènes moi avec toi...
Malgré les larmes, il pouvait apprécier les douces caresses que la jeune femme prodiguait à ses cheveux. Sa respiration devint plus calme et son cœur se fit moins douloureux...
- Je ne peux pas...
Il se redressa lentement, pour croiser le regard de la jeune femme, tellement rempli d'affection qu'il senti ses joues chauffer légèrement.
- Tu ne peux pas... Ou tu ne veux pas ?
- Un peu des deux. Cloud... Je ne peux pas te priver de quelque chose d'aussi grand... Je ne veux pas que tu passes à côté de ça...
- Que je passe à côté de quoi... ?
Aerith dégagea doucement ses poignets des mains de son ami et les posa de chaque côté de son visage, l'obligeant à la regarder.
- Du bonheur... Et d'une vie remplie d'amour...
- Tout ça... Ce n'est pas pour moi.
Du bonheur et de l'amour ? Et d'après son regard, elle était sincère ! Non, là, vraiment... Il n'en pouvait plus. Enfant, il avait peut être espéré quelque chose dans ce genre, mais en réalité, à cette époque, tout ce qu'il voulait... C'était que Tifa le regarde. Et après... Après... Les rêves... Ils avaient juste... Disparu.
- C'est faux, tu sais... Tout ça... Tout ça te tend les bras. Et cela attend juste que tu fermes les yeux et que tu te laisses aller...
- Aerith... Je n'ai rien à offrir... Je suis incapable de comprendre... Je ne sais pas être... Normal... Je...
Il s'écarta de la jeune femme, laissant ses mains retomber dans l'eau, qui sembla s'éclairer à ce nouveau contact.
- Je ne sais pas donner de la douceur... Je ne sais pas... Aimer quelqu'un...
- Parce que pour s'ouvrir à l'amour, il faut d'abord s'aimer un peu soi-même...
Une nouvelle tension s'empara de son cœur. Il détestait cette vérité qui lui transperçait l'âme. Comme s'il y pouvait quelque chose, en plus...
- C'est... C'est au-dessus de mes forces.
Alors qu'il avait baissé les yeux vers l'eau translucide, il vit cette dernière s'agiter fortement et devenir très lumineuse... Lorsqu'Aerith y entra... Pour s'avancer vers lui.
- Tu dois tout reprendre à zéro, Cloud. Tu dois te repasser le film de ta vie jusqu'à présent... Tu dois.. Replonger dans toute ta souffrance...
- Replonger... Non...
Il n'y survivrait pas.
- C'est le seul moyen... Reprends la lecture de ton histoire... Là où la tienne et celle de Tifa commence...
Aerith se serra contre lui, entourant sa taille de ses bras, posant sa tête contre son torse. Il sentait ses doigts caresser doucement son dos.
- Avec toi... Tout aurait été tellement plus simple...
Les doigts de la jeune femme cessèrent leurs caresses et se refermèrent en poing.
- Tu n'en sais rien. Cloud... N'oublies pas que... Moi aussi... J'aurai eu des raisons de vivre dans la douleur... N'oublies pas... Je n'ai pas aimé que toi.
Elle s'écarta légèrement de lui, et plaça ses deux mains à plat sur sa poitrine.
- Mais Tifa... Tifa n'a jamais aimé quelqu'un d'autre que toi.
Une pression plus forte se fit sur son torse, et il se sentit basculer en arrière. Tout son corps repris contact avec l'eau et ses yeux se fermèrent par réflexe, lorsque sa tête s'immergea à son tour.
- CLOUD !
Il se plia en deux, une main sur la poitrine qui semblait avoir pris feux... Et toussa, en direction du sol, à s'en exploser les poumons, libérant tout le liquide qui l'étouffait.
Du sol... ?
- Cloud ! J'ai eu si peur ! J'ai cru que tu ne te réveillerais pas !
Peinant à reprendre une respiration normale, ses yeux se posèrent sur Johnny... Encore lui. Mais il était trempé... Ils étaient trempés tous les deux. Il avait rêvé?
- T'avais l'air tellement mal quand tu es parti du Heaven... Je... J'ai eu un mauvais pressentiment... Alors je me suis souvenu... De ce que Tifa disait.
Sa respiration était toujours difficile, mais il s'assit un peu mieux pour faire face à son sauveur, semble-t-il.
- Elle disait que, quand tu allais mal... Tu te réfugiais tout le temps dans cette petite église... Alors... J'ai foncé ! Et quand je suis arrivé... Tu étais inconscient... Et dans l'eau... J'ai vraiment cru être arrivé trop tard, tu sais !
Le jeune homme le saisit brutalement par sa chemise et le secoua fortement.
- Tu voulais mourir ou quoi ?! Et tes amis, hein ?! Et Tifa !? T'as pensé à Tifa !?
Johnny le repoussa et se releva, replaçant ses vêtements et essorant ce qu'il pouvait essorer... Et lui, il ne faisait que le regarder, complètement perdu... Ne sachant que faire ou que dire...
Tifa... C'était justement parce qu'il pensait à elle... Qu'il en était arrivé là.
Le jeune homme soupira bruyamment.
- Allez... Viens, je te ramène.
Sans lui demander son avis, son sauveur l'attrapa par un bras et l'aida à se relever. Mais sa vision se troubla brusquement, manquant de le ramener à terre.
- Qu'est ce qui a bien pu t'arriver...
Johnny le tenait fermement par la taille, pour le soutenir, et avait passer l'un de ses bras par-dessus ses épaules, pour mieux le maintenir debout et leur permettre d'avancer.
Lorsqu'ils arrivèrent sur le parvis de l'église, Johnny remua un peu pour chercher quelque chose dans sa poche, qu'il attrapa dans une exclamation victorieuse.
Son téléphone dans une main, il l'entendit adresser une prière à Minerve, espérant que l'appareil ait pu survivre à son bain... Avant de le porter à son oreille.
- Franck ?! Ouais, c'est moi ! J'ai besoin que tu viennes me chercher... A l'ancienne église du secteur 5, tu sais... Oui. Nan, viens avec ton pick-up... Discutes pas ! Allez ! C'est important... Oui... Merci Franck, t'es un pote !
Depuis quand était-il aussi débrouillard celui-là? En fait... Cloud se rendit compte qu'il ne savait que très peu de choses concernant son ami. Hormis qu'il aimait beaucoup Tifa et qu'il avait la fâcheuse tendance à se retrouver dans des situations aussi absurdes que dangereuses. Mais après tout ce qui s'était passé, il n'avait pas su que Tifa et lui continuaient de se voir, qu'ils avaient des activités communes et que le jeune homme semblait s'être bien adapté à cette nouvelle vie.
- C'est un gars, vraiment chouette, que j'ai rencontré à l'orphelinat... Faudra que tu passes, un jour ! Il n'y a que des gens sympas là bas !
- Depuis quand... Depuis quand Tifa et toi, allez-vous à cet orphelinat... ?
Il avait besoin de savoir, même si la réponse lui faisait peur.
Le jeune homme paru réfléchir avant de pointer son regard vers le ciel, si bleu.
- Ça doit faire un an... Un an et demi maintenant. C'était un peu avant l'apparition des géostigmates.
Pourquoi ?
Cloud secoua la tête légèrement, ne souhaitant pas répondre. Avait-elle essayé de lui en parler ? Leurs échanges étaient toujours très brefs, mais il avait bien vu, parfois, ses regards tristes... Comme si leurs conversations ne prenaient jamais la direction souhaitée.
La fatigue l'envahie profondément.
Combien d'informations de ce genre avait-il bien pu manquer... ?
- Ah ! Le voilà !
- Ben mon vieux... Qu'est-ce que vous avez foutu ?! Vous avez tenté de vous noyer mutuellement ou quoi ?!
- Poses pas de question dont tu ne souhaites pas connaître la réponse ! Franck !
Johnny grimpa à l'arrière du pick-up et se pencha vers lui pour l'aider à en faire de même. Ils étaient installer de part et d'autre de l'espace, au moment où son ami tapa un peu fort sur le toit du véhicule.
- C'est bon ! Tu peux y aller !
Le pick-up se mit en route et Cloud laissa son regard divaguer sur le paysage.
Hey ! Qu'est-ce que tu vas faire lorsqu'on sera rentré ?
Son cœur manqua de se rompre. Il n'allait pas survivre à cette journée...
Moi... Il y a quelqu'un que je dois retrouver... Elle m'attend depuis bien trop longtemps...
- Zack...
- Hey ! Cloud !
Son esprit reprit contact avec la réalité lorsqu'il sentit les mains de Johnny sur ses épaules, le secouant légèrement. Ses yeux montraient clairement son inquiétude.
- On arrive. Tu vas pouvoir aller te reposer... Faut que tu dormes. Beaucoup. Je passerais te voir demain matin, d'ac ?
D'ordinaire, il aurait dit non.
Mais finalement... Il ne savait plus ce qui devait être ordinaire. Alors il ne dit rien. Laissant Johnny faire ce qu'il voulait. Si ça pouvait le rassurer...
La voiture s'arrêta devant un bâtiment... Le Heaven... Le café...
- Si tu viens demain... Est-ce que tu pourras apporter un peu de café ?
Ses mots étaient sortis tous seuls, et il les avait prononcés doucement, sans détacher son regard de ce lieu qu'il ne supportait plus de voir vide.
- Hein ? Oui ! Pas de soucis !
Attends, je vais t'aider à descendre...
Le soldat qui pouvait affronter toutes sortes d'horreurs apocalyptiques semblait bien loin, en ce moment. Cloud ne tenait debout qu'avec du soutien. Il était épuisé, moralement, physiquement et son éclat avait disparu.
- Franck ! Attends moi quelques minutes ! Je reviens !
- Ouais ouais...
Il fallait tout de même reconnaître que Johnny faisait preuve d'une vraie force, depuis qu'il avait récupéré Cloud dans la source. Ce dernier n'était pas léger, mais le jeune homme l'avait pourtant sorti de l'eau et arrivait à le maintenir debout, sans réelle difficulté.
Même dans les escaliers de la petite maison, il arrivait à le faire monter, alors que cela devait être une épreuve. Seul Vincent avait dû faire ça sans broncher.
- Votre chambre... C'est laquelle ?
Leur chambre ? Pourquoi cela semblait être une évidence pour les autres, alors que cette simple idée n'avait jamais pu s'imposer dans son esprit? Malgré tout, son coeur ayant abandonné toute forme de rébellion, Cloud tendit la main... Vers la chambre de Tifa.
Johnny suivit le mouvement et ouvrit la porte, avant de s'arrêter sur le seuil.
- Oh... C'est joli...
La chambre de la jeune femme était sommaire, comme tout ce qui se trouvait à Edge. Il y avait une petite penderie, un lit, à peine assez grand pour deux personnes et une table de chevet. Mais elle avait su apporter diverses touches qui la rendait bien plus chaleureuse que la sienne. Les murs étaient couleur sable, les meubles avaient été laissés dans leur couleur bois naturel et elle avait installé des petits voiles blancs sur sa fenêtre, ainsi qu'un immense tapis qui recouvrait une bonne partie du parquet, lui aussi blanc et très doux. Il se souvenait de la douceur de ce tapis, car c'était lui qui l'avait ramené. Un cadeau. Pour tenter de se faire pardonner. Lui qui avait oublié son anniversaire...
Cloud s'assit sur le lit et prit le temps d'apprécier le contact de ses doigts avec le tissu du couvre-lit.
- Tes vêtements sont encore trempés... Tu devrais les enlever.
Sans sa permission, Johnny ouvrit la penderie et demeura interdit.
- Euh... Mais... Qu'est ce que...
Il y avait beaucoup de cases vides dans la penderie. Mais il restait tout de même quelques vêtements. La jeune femme n'avait pas tout emporté. Et encore une fois, il ne su dans quelle case ranger cette information.
- On dirait... Où sont tes vêtements Cloud ?
- Laisses... Merci... Johnny. Je me débrouillerais.
Ce dernier se retourna vers lui, alors qu'il enlevait sa chemise trempée, pour la laisser tomber sur le sol, se retrouvant torse nu.
- Euh... Bon. Je vais te laisser ! Je repasserai demain matin avec du café ! D'ici là... Ne quittes pas ce lit ! Et dors.
Cloud hocha la tête et regarda son ami partir et fermer la porte de la chambre. Il enleva ses bottines, ses chaussettes, puis son pantalon, laissant tout tomber sur le sol, ne ressentant plus aucun intérêt pour tout ce qui se passait, en dehors des limites de son propre corps.
Mais le boxer mouillé, ce n'était pas agréable non plus... Alors il s'en débarrassa aussi. Avant de s'emmitoufler dans les draps et se recouvrir de l'épaisse couverture que la jeune femme appréciait tant.
La tête sur l'oreiller, il se recroquevilla, appréciant l'odeur que dégageait les tissus... Son odeur à elle...
Il aurait dû faire ça depuis longtemps.
Se glisser dans ses draps, pendant qu'elle dormait... Pour la serrer dans ses bras et rêver à ses côtés...
Si la douleur de l'absence était proportionnelle à la force des sentiments ressentis, alors, seul, nu dans un lit froid, Cloud prit doucement conscience que, contrairement à ce qu'il croyait, son cœur n'avait jamais cessé d'aimer.
