Bonjour,
Voici le nouveau chapitre. Toutes mes excuses pour l'attente, qui - c'est officiel - va devenir une habitude avec les obligations de cette nouvelle année. Mais pour me faire pardonner un peu (ou pas ?), ce chapitre est un peu plus long que le précédent.
Je vous souhaite une bonne lecture ainsi qu'une bonne rentrée.
Céline : De rien pour mon message. L'absence, oui, c'est ce qui est le plus difficile. Alors reçois une nouvelle fois tout mon soutien. Un grand merci à toi pour ta lecture et pour ton gentil commentaire. Je suis très heureuse que tu apprécies toujours cette histoire, et que tu la trouves divertissante et réaliste. Ce qui me fait d'autant plus plaisir de ta part qui travailles dans l'hôtellerie et connaîs donc bien mieux que moi le milieu que j'essaie de décrire dans cette fiction. Tu as passé tes vacances dans un camping qui s'appelle l'Élysée ? C'est drôle ça, dis-moi ! Je me rappelle avoir vérifié au début de la rédaction de cette histoire s'il existait un camping portant le nom de Zodiaque, mais je n'en avais pas trouvé. Cela dit, je n'avais pas fait de recherches pour des noms proches de ceux des établissements concurrents ;-). Et donc je suis très flattée que tu aies songé à ma fic pendant tes congés. J'espère que la suite de cette aventure te plaira. Je te souhaite une bonne rentrée et te dis à bientôt !
Disclaimer : Les personnages appartiennent encore et toujours à Masami Kurumada et à lui seul, et heureusement pour eux ! Enfin sauf pour l'un d'entre eux, dont j'ai tiré l'inspiration d'un personnage de fiction créé par un certain J.D. oscarisé ;-)
Chapitre 17 : Wannabe
Au même moment, toujours sur la terrasse du bar du Zodiaque
Whisky, briquet, cigarettes. Se concentrer sur l'essentiel, oublier tout le reste. Voilà quelles devaient être les priorités d'Angelo. Mais par la Déesse et son divin sceptre, c'était pas une paire de tartes ! (ndla : je sais, cette expression n'existe pas, mais à moi, elle me plaît bien)
Et puis d'abord, pourquoi réagissait-il ainsi ? Shura était parti sans lui avoir dit bonne nuit, mais c'était loin d'être un comportement inédit. Alors c'était quoi cette sensation qui lui vrillait les tripes depuis qu'il avait vu le Verseau se mettre debout pour suivre le Capricorne ? Cette sorte de picotement douloureux qui s'insinuait le long de sa colonne pour venir titiller la base de son crâne tandis qu'une question d'apparence anodine lui grignotait le cerveau.
Mais pourquoi Shura avait-il quitté la soirée aussi tôt, et surtout − oui surtout : pourquoi l'esquimau du Onzième avait-il suivi l'Espagnol comme si ce dernier avait emporté toute la glace de Sibérie avec lui ?!
Angelo n'en avait pas la moindre idée et n'avait pas du tout envie de savoir. Parce que la possibilité que Shura puisse s'envoyer en l'air avec un pingouin psychorigide vaguement snobinard ne le concernait en rien. Parce que l'éventualité qu'un insensible aux mains froides puisse faire traîner ses doigts sur le corps si chaud de son meilleur pote ne le regardait pas. Parce que l'idée qu'un autre homme que lui puisse se permettre de le toucher pour lui faire prendre son pied ne le dérangeait pas.
Non. Pas du tout. Pour preuve, il n'était absolument pas en train de s'imaginer saisir le Verseau par la peau du dos pour le jeter dans un certain puits dont le Français ne reviendrait pas de si tôt. Et cette image ne faisait en aucun cas apparaître un rictus sadico-malsain sur ses lèvres entre lesquelles il venait de glisser une énième cigarette.
Ah mais, stop !
Il était en plein délire ! Camus était parti moins de deux minutes après Shura, et alors ? Ils avaient passé une bonne partie de la soirée à discuter tous les deux, avec le plus tatoué des moines Shaolin et le plus flippant des iroquois aquatiques, donc rien de bien étonnant à ce qu'ils fussent partis se coucher lorsque ces derniers avaient finalement décidé de prendre congé.
Mais merde, pourquoi étaient-ils partis ensemble ?! Pour se tenir mutuellement compagnie au moment de se brosser les dents ? Même pas, puisque Shura avait probablement laissé sa brosse à dents dans sa nouvelle caravane, là-bas, au Poséidon. Donc il ne restait plus qu'une seule explication, et cette explication ne plaisait pas du tout au Cancer. Et ce que le Cancer appréciait encore moins, c'était le sentiment que toute sa brillante analyse était en train de générer chez lui. Un vilain maelström d'émotions sur lequel il était finalement parvenu à mettre un nom.
Jalousie.
Merde, il était jaloux. Ben voyons ! Comme si rêver de faire des trucs torrides avec son meilleur pote ne suffisait pas, maintenant il fallait qu'il se montrât jaloux d'une chose qui n'existait probablement que dans sa tête.
Parce que tout cela était forcément le fruit de son imagination. Puisque s'il existait le début de quoi que ce soit entre le Capricorne et le Verseau, Aphrodite, en fin observateur des interactions humaines, aurait obligatoirement été au courant, et donc par la force des choses, il l'aurait été également. Car comment le Poissons aurait-il pu garder une telle information pour lui ?
Il était donc victime d'une bonne crise de parano aux relents franchement psychotiques. La faute à ce rêve à la con et aux effets que celui-ci exerçait toujours sur son esprit torturé. Et devant une telle situation, une seule réaction lui semblait saine et opportune. Il devait se trouver une nana pour passer la nuit. Jeune, belle et parlant exclusivement une langue dont il ne piperait pas un mot. Oui, c'était exactement ce dont il avait besoin.
Alors Angelo termina son whisky, écrasa son mégot dans le cendrier devant lui, et se mit debout pour partir en chasse.
De l'autre côté des platines, un deuxième chevalier ruminait sa jalousie et sa peine en feignant la bonne humeur et l'enthousiasme. Milo essayait de se convaincre qu'il n'avait rien vu ou que ce qu'il aurait préféré ne pas voir ne l'affectait pas, mais ses capacités d'auto-persuasion avaient depuis longtemps atteint leurs limites.
Il avait secrètement espéré que le départ de Shura pour le Poséidon aurait mis un terme à ce qu'il avait surpris cette nuit-là sur la plage, mais ce n'était visiblement pas le cas. Après, cela n'avait rien de bien surprenant non plus, car si comme il l'imaginait, Shura et Camus couchaient ensemble depuis des années, ce n'était pas un petit éloignement temporaire qui pourrait les inciter à arrêter de s'envoyer en l'air.
Pourtant, il n'avait pas pu s'empêcher de vouloir y croire. Il avait même songé que l'absence du Capricorne lui donnerait l'occasion de se rapprocher de Camus pour essayer de lui parler. Pour lui avouer qu'il savait, qu'il avait tout compris et qu'il était heureux pour lui. Que d'apprendre qu'il avait trouvé son bonheur dans les bras d'un autre ne lui retournait pas les entrailles. Que de prendre conscience que jamais il ne pourrait se blottir contre lui la nuit pour ne plus faire de cauchemars ne lui causait pas cette horrible sensation de vide qui le bouffait de l'intérieur. Parce qu'il ne l'aimait pas comme un fou depuis toujours, et qu'il ne regrettait pas d'avoir fait le choix de garder ça pour lui.
Oui, Milo aurait aimé pouvoir dire toutes ces choses à Camus, mais et de une, il n'avait pas eu le courage de l'aborder pour parler d'un autre sujet que du temps qu'il faisait et des séances de surf auxquelles il avait accepté de traîner son disciple. Et de deux, il ne lui aurait de toute façon pas tenu de tels propos. Parce que pas le moindre mot de tout ce baratin n'était vrai. Parce que Camus n'avait probablement pas envie de connaître la vérité. Et parce qu'il ne voulait pas risquer de perdre le peu de ce qu'il restait de leur amitié.
Et comme si se morfondre sur sa douleur et sa lâcheté ne suffisait pas, une autre pensée s'était incrustée dans sa tête depuis qu'il avait compris ce qui existait entre Camus et Shura. Une pensée à laquelle il essayait de ne pas accorder d'importance mais qu'il ne pouvait se résoudre à ignorer pour ne pas sombrer.
S'il avait agi différemment cette nuit-là à Paris, la situation serait-elle la même aujourd'hui ? S'il avait avoué ses sentiments à Camus après l'avoir embrassé au lieu de l'abandonner dans ce maudit couloir, comment son meilleur ami aurait-il réagi ? Est-ce que ce soir, Camus serait resté avec lui au lieu de partir avec le Capricorne ? Et s'apprêterait-il à passer la nuit dans son lit au lieu de la passer dans le lit d'un autre ? Mais comme disait Camus, avec des si, on mettrait Paris en carafe. Ou bien était-ce plutôt en bouteille ? Bah, il ne savait plus trop.
Des cris bestiaux en provenance du bar ramenèrent enfin le Scorpion à la réalité. Son dernier choix musical rencontrait visiblement un grand succès auprès d'un groupe de touristes hollandais. En voilà au moins qui avaient bon goût, car quoi de mieux que Give It Away des Red Hot pour se réveiller un peu avant de vraiment débuter une soirée ?
Une soirée qu'il n'avait plus l'intention de terminer tout seul maintenant que ses bonnes résolutions s'en étaient allées en même temps que son meilleur ami.
Alors Milo lança le prochain morceau, passa une main dans ses cheveux pour tenter de les remettre en ordre (ndla : l'espoir fait vivre !), et décocha un sourire ravageur à l'une des jeunes femmes qui depuis près d'une demi-heure ne le quittait pas des yeux.
Ikki bouillait de l'intérieur et frottait le comptoir avec son torchon comme s'il avait souhaité le polir à mains nues. Sa frustration et sa colère se répandaient en lui avec l'efficacité d'un poison contre lequel il ne connaissait pas d'antidote, à l'exception peut-être d'un combat acharné contre les taches causées par le contenu de deux ou trois verres renversés.
Mais pourquoi Shaina devait-elle avoir un caractère aussi imbuvable ?!
Il s'était pourtant juré d'être agréable, courtois et bien élevé, pour lui faire comprendre à quel point sa présence lui manquait. C'était d'ailleurs précisément ce qu'il lui avait dit, et la Belle avait pourtant pris la mouche. Pourquoi ? Parce qu'il avait eu le malheur d'apporter une petite précision qui n'avait pas été du goût de l'Italienne. Parce qu'il avait eu la mauvaise idée d'ajouter un malheureux qualificatif totalement inoffensif pour approfondir sa pensée. Oui, il lui avait dit qu'elle lui manquait, enfin que sa présence professionnelle lui manquait, et il ne voyait pas en quoi cela constituait un problème. Ce n'était que la stricte vérité. Son professionnalisme, son efficacité, son esprit d'analyse lui manquaient. Alors pourquoi le regard de l'Ophiuchus était-il subitement devenu aussi électrique que ses attaques lorsqu'il avait prononcé ce petit mot sans importance ?
Mais à quoi Shaina s'était-elle attendue ? A ce qu'il lui balançât comme ça, l'air de rien, que toutes ses heures passées à trimer des deux côtés du comptoir lui étaient devenues insupportables depuis qu'elle était partie ? Que ses soirées à naviguer entre les tables des clients n'avaient plus la même saveur depuis qu'elle n'était plus là pour naviguer avec lui ? Que les dictons de Dohko lui paraissaient encore plus abscons sans elle pour leur donner un sens ? Que depuis qu'il ne pouvait plus l'observer se démener derrière le bar, il pensait à elle sans arrêt ? Parce qu'elle lui manquait, tout simplement.
Non mais sans déconner, elle s'attendait à quoi ?! Et lui, à quoi s'était-il attendu ? Certainement pas à ça en tout cas.
Ouais, il avait merdé. Il devait au moins avoir l'honnêteté de le reconnaître. Il aurait mieux fait de la boucler et de ne rien vouloir dire du tout. Rester silencieux, c'était encore ce qu'il savait faire de mieux. Enfin sauf depuis qu'il fréquentait cette nana-là.
« Ikki, je crois que c'est bon, tu peux arrêter de frotter ! Ou sinon, il faudra demander à Saga de nous faire livrer un nouveau comptoir. »
Le Phoenix releva la tête en direction de la Balance qui se sentit obligé de préciser en étrécissant ses yeux aux iris malicieux :
« Le bar, je crois qu'il est propre.
- Ouais, mais ces fichus hollandais en ont foutu partout lorsqu'ils ont brandi leurs verres en l'air pour célébrer cette chanson à la con ! Et le mélange Pinard - Coca, c'est corrosif et ça tache ! (ndla : ouais, beurk ! Mais je sais que quelqu'un se reconnaîtra ;-) )
- Eh bien, il me semble que toute trace de leur excentricité a maintenant été effacée. Tu peux donc reposer ton torchon et apporter la commande de la table numéro sept. Et je sais que Shaina a bientôt terminé son service pour ce soir – merci à elle d'ailleurs d'avoir accepté de rempiler pour nous donner un coup de main –, mais tu pourras lui demander de débarrasser la table cinq avant de rendre son tablier, s'il te plaît ?
- T'auras qu'à le lui demander toi-même ! Moi je l'ai assez entendue pour aujourd'hui !
- Le cœur ne parle jamais, mais il faut l'écouter pour le comprendre.
- Ouais ben là, y'a clairement de la friture sur la ligne ! » se contenta de répondre Ikki en saisissant le grand plateau tendu par Dohko avant de repartir à l'assaut de la terrasse.
OoOOoO
Shaina défit le nœud du petit tablier noir qu'elle portait autour de la taille et le balança sur la desserte de l'autre côté du comptoir. Elle salua Dohko sans chercher à poursuivre la conversation au-delà de ce que la stricte politesse lui imposait, et partit retrouver ses amis argentés qui conversaient à une table isolée à l'autre bout de la terrasse.
Étant donné l'heure tardive, Misty avait fort heureusement terminé son service au restaurant, et elle allait donc pouvoir déverser toute sa frustration et sa colère à son oreille attentive. Car par la Déesse, à quel point elle était frustrée ! Exaspérée. Totalement à bout de nerfs ! Les hommes n'étaient tous que des idiots, prétentieux, imbus de leur insignifiante personne, et incapables de comprendre quoi que ce soit aux intentions des femmes.
Et encore, s'il n'y avait eu que ça…
Car deux autres sentiments dissimulés au milieu de sa fureur contribuaient à la mauvaise humeur de l'Ophiuchus. La déception et la tristesse. Et devoir le reconnaître décuplait la rage qu'elle ressentait contre celui qui l'avait mise dans cet état, mais aussi la rage qu'elle ressentait contre elle-même. Parce qu'elle avait eu la faiblesse de se réjouir à l'idée de revoir cet imbécile de Phoenix insensible, et que cet oiseau de malheur avait encore une fois tout gâché.
Comment avait-elle pu être assez naïve pour laisser son cœur s'emballer lorsque cet idiot avait commencé à parler et à lui dire qu'elle lui manquait ? Comment l'impitoyable guerrière qu'elle était, qui s'était jurée de ne plus jamais permettre à un homme de la faire souffrir autrement que lors d'un combat – et encore, il n'était qu'une poignée à pouvoir espérer l'effleurer avant de passer de vie à trépas –, avait-elle pu attendre autre chose de la part de celui qu'elle avait pourtant appris à connaître et apprécier ? Ikki ne voyait en elle qu'une collègue, une collaboratrice efficace et de confiance, et il avait raison de s'arrêter strictement à ce constat. Mais au fond d'elle, Shaina savait qu'elle en espérait davantage, et combien elle pouvait détester cette idée !
Sa vie ne serait-elle pas plus facile sans ces maudits sentiments inutiles qui n'existaient que pour la déstabiliser ? Pourquoi ne pouvait-elle pas se contenter d'être la guerrière froide et intraitable qu'elle s'était promis de rester ?
En arrivant à proximité de ses amis, Shaina prit une profonde inspiration pour reprendre le contrôle de sa personne et modérer les sursauts de son cosmos. Hors de question de laisser ses ressentiments à la portée du premier chevalier venu ! Et elle se préparait déjà à répondre au sourire chaleureux de Misty lorsque ses yeux eurent la mauvaise idée de se détourner un peu trop sur sa gauche.
Mince, mais qu'est-ce que ce maudit nabot vicieux faisait là ?! Comment pouvait-il avoir le culot de montrer le bout de son horrible nez sournois maintenant et ici, surtout après ce qu'il avait osé entreprendre le matin-même ?! D'accord, tous les Marinas et Guerriers Divins avaient été officiellement invités, mais lui, quand même… Athéna aurait pu faire une exception !
Et en plus, il la regardait. Il avait l'audace de la regarder, et en souriant en plus ! Shaina dut redoubler d'effort pour contrôler sa fureur et son agressivité, et ne pas sauter à la gorge d'Albérich pour l'étrangler. Voire l'éviscérer. Voire les deux.
Décidément, les hommes lui sortaient vraiment par les yeux. Tous des imbéciles contre lesquels elle se serait volontiers permis de déchaîner ses griffes sans la présence olympienne de sa Déesse et sa volonté d'apaisement. Enfin tous sauf son meilleur ami, qui lui, était vraiment un mec bien. Alors Shaina prit une autre profonde inspiration, releva la tête avec fierté, et rejoignit Misty qui l'accueillit en lui tendant un cocktail dont les teintes ambrées l'apaisèrent aussitôt.
OoOOoO
Les doigts serrés autour de son verre qu'il ne s'était pas encore donné la peine de goûter, Albérich faisait semblant d'écouter les propos insignifiants de ses deux compatriotes en observant la seule personne qui revêtait un intérêt à ses yeux. De toute façon, Syd et Bud n'avaient qu'un sujet de conversation à la bouche depuis qu'ils étaient arrivés au Zodiaque : les Chevaliers d'Athéna, leur médiocrité et leurs nombreux défauts. A l'exception toutefois de l'un d'entre eux, qu'ils ne pouvaient considérer autrement qu'avec bienveillance sans passer pour des ingrats. Ikki du Phoenix qui venait de mettre sa chère Ophiuchus dans une rage presque aussi noire que celle dont il avait tantôt fait l'objet.
Existait-il quelque chose entre ces deux-là ? Est-ce que la possibilité que cela fût le cas le contrariait pour ne pas dire que cela le rendait jaloux ? Et si oui, pour quelle raison ? Ne ressentait-il pas que de l'indifférence à l'égard de celle que Sorrento et Julian avaient eu la bonne idée de lui coller dans les pattes ? Enfin, de l'indifférence et une certaine forme de gratitude pour tout ce que la jeune femme lui avait permis d'apprendre à son insu.
Pourtant il devait le reconnaître : son intérêt pour la belle Italienne commençait à s'étendre bien au-delà de ce à quoi il aurait dû se limiter. Parce que la force de caractère de la jeune femme, son intelligence et son irascibilité avaient su éveiller son attention. Ça et peut-être aussi sa beauté véritable, la sincérité qu'il avait pu lire dans ses yeux au jade pénétrant, et la douceur qu'elle cherchait à dissimuler derrière la froideur de ses traits.
Albérich porta finalement son verre à ses lèvres pour tenter de recentrer ses idées. Mince, voilà qu'il se surprenait à se montrer sentimental ! Le signe qu'il était temps pour lui de faire évoluer le fil de ses pensées.
Il détourna donc son attention vers celui qui, grâce à l'intervention de Caça, lui avait fourni de précieuses informations lors de la préparation de ce maudit tournoi de football. Enfin, précieuses, elles l'auraient été si les utiliser leur avait permis de remporter la victoire. Cela avait été le cas lors de leur première confrontation, mais pour la deuxième, même si devoir l'admettre le répugnait presque autant que de supporter les tirades grandiloquentes du guerrier de Dubhe, là-bas en Asgard, ils étaient tombés sur plus forts qu'eux. Ou alors, leurs adversaires avaient finalement découvert l'existence de son espion et avaient sciemment décidé de faire évoluer la stratégie de leur jeu.
Tout bien considéré, la plausibilité de cette dernière hypothèse ne semblait pas totalement infondée, surtout à présent qu'il pouvait constater le rapprochement évident entre son infiltré et l'un des chevaliers qu'il était censé espionner. Dommage que les prémices de ce pseudo flirt estival ne se soient pas révélés plus tôt, il aurait probablement pu en tirer des informations non dénuées d'intérêt. Cela dit, il n'en avait aujourd'hui plus besoin puisque sa collaboration avec l'Ophiuchus lui apportait des renseignements fort utiles sur le fonctionnement du Zodiaque et même du Sanctuaire tout entier.
En définitive, il devait remercier Sorrento de lui avoir imposé la présence de l'Italienne en pensant s'octroyer un plus grand contrôle sur ses agissements. Parce que cela avait servi ses propres desseins bien mieux que ceux de la Sirène et lui avait permis de rencontrer une personne qu'il commençait sincèrement à apprécier. Même si ce dernier aspect le contrariait au plus haut point.
Saga semblait songeur et demeurait étonnamment silencieux. Ses yeux fixaient la même direction depuis un temps suffisamment long pour que cet instant d'égarement n'échappât pas à son jumeau, et Kanon en était très heureux. Parce que petit un, cela lui offrait une échappatoire à la discussion aussi ennuyeuse que gênante dans laquelle Baian et Io tentaient vainement de l'embarquer. Sérieusement, comment ses deux anciens homologues à écailles avaient-ils pu imaginer qu'il accepterait de leur révéler la stratégie qu'il avait suivie pour réussir à les embobiner pendant toutes ses années sans éveiller le moindre soupçon ? Et tout ça, parce qu'ils lui avaient payé un malheureux verre de rhum ? Non mais vraiment, certains ne doutaient de rien. Et (ndla : bon là, je vous ai probablement perdus. Non ? Ah ben c'est que vous êtes plus concentrés que moi, car moi je ne sais plus du tout où j'en suis ! Ah si, petit deux) petit deux, tout portait à croire que son aîné avait décidé de ne plus nier l'existence de ses sentiments, et c'était probablement un bon début vers la voie d'une possible rédemption.
Sa dernière gorgée d'alcool l'ayant convaincu de ne plus prêter le moindre intérêt au blablatage qui ne le mettait de toute façon clairement pas en valeur, Kanon détourna les yeux vers celui qui retenait toute l'attention de son jumeau. Depuis leur arrivée au Zodiaque, le Sagittaire donnait enfin l'impression de vouloir sortir du mutisme et de l'état dépressif dans lesquels il s'était plongé après son retour à la vie, et cette évolution favorable réduisait la culpabilité de Saga tout en le rendant chaque jour plus amoureux. Un nouvel état d'esprit qui ne semblait toutefois pas suffisant pour libérer le premier Gémeaux de l'isolement et de la souffrance qu'il continuait à vouloir s'infliger.
Kanon reposa son verre, ne répondit pas à l'interjection de mécontentement qu'il entendit fuser dans son dos lorsqu'il décida d'abandonner ses anciens partenaires aquatiques, et se rapprocha de Saga qui se tenait debout les bras croisés, les yeux toujours rivés vers un certain bandana.
« Ça va, Bro, tu passes une bonne soirée ? s'enquit Kanon en se plaçant à la gauche de son jumeau.
- Bro ? Kanon, ne pourrais-tu pas t'exprimer dans un langage intelligible pour le commun des mortels ?
- Parce que tu te considères comme le commun des mortels, peut-être ?
- Ne joue pas sur les mots, rétorqua Saga dans un soupir agacé.
- Ben si, justement. Mais sinon, t'as pas répondu à ma question : tu passes une soirée agréable ?
- Je ne suis pas ici pour prendre du bon temps, mais pour veiller à ce que tout se déroule selon les souhaits de notre Déesse.
- Bien entendu. Mais à part ça ? Saga, je suis ton frère, ton jumeau. Aurais-tu oublié ce que cela signifie ?
- Désolé, je ne vois pas où tu veux en venir.
- Je lis en toi comme dans un livre.
- Parce que tu lis des livres, toi, maintenant ?
- Saga, je croyais que j'étais celui censé faire du mauvais esprit.
- Objection accordée.
- Alors ?
- Alors quoi ? Kanon, je suis plutôt assez occupé ce soir, alors abrège, s'il te plaît !
- Pourquoi tu ne vas pas lui parler pour lui dire la vérité ?
- Parler à qui ? Et pour dire la vérité sur quoi ? Kanon, pour l'amour de notre Déesse, arrête de me faire perdre mon temps !
- A Aiolos. Pour lui dire que tu l'aimes. »
Saga s'étouffa mentalement (ndla : oui, quand on est chevalier d'Or, on peut totalement faire ça), invoqua les Dieux de la pondération et de la zen attitude (ndla : si si, ils existent !) et se tourna vers son cadet qui l'observait déjà avec un large sourire satisfait.
« Qu'est-ce que tu viens de dire ?
- Saga, tu veux vraiment que je répète ce que tu as parfaitement entendu et compris ?
- Non, concéda l'aîné.
- D'ailleurs, poursuivit l'ancien Marina conscient d'avoir enfin retenu l'attention de son binôme homozygote, je l'ai toujours su, et je suis convaincu que tu l'as toujours su toi aussi. Que je le savais, je veux dire. Parce que pour l'autre truc, ça je me doute que tu le savais déjà, vu que c'était quand même toi le mieux placé pour savoir que tu le savais, et depuis quand. »
Devant le regard noir qu'il reçut en réponse à cette précision peu précise, le Dragon gémellaire s'empressa d'enchaîner :
« Désolé, je viens de passer près d'une demi-heure à discuter avec Baian et Io, et crois-le ou pas, ça laisse des traces ! Saga, ce que j'essaie de te dire, ajouta-t-il en prenant un ton plus sérieux, c'est que je pense qu'il est temps pour toi de faire table-rase du passé et de penser au présent. Tu as assez expié ta faute, qui d'ailleurs de base n'était même pas la tienne. Tu sais, le lémur, Ker, tout ça. Enfin, c'est vrai quoi ! Merde, toute cette foutue mascarade pseudo-schizophrénique n'a jamais été de ton fait ! Alors maintenant qu'on connaît toute la maudite vérité, pourquoi tu peux pas l'accepter et juste aller de l'avant ?
- Parce que ce n'est pas à toi qu'ils s'en sont pris. Et s'ils m'ont choisi pour cible, c'est qu'ils savaient que j'allais être trop faible pour leur résister.
- Tu fais erreur. Le destin – ou plutôt ce que je préfère aujourd'hui appeler le hasard – a fait que c'est tombé sur toi, mais ça aurait très bien pu être pour ma pomme. Saga, pour une fois, essaie de m'écouter ! Je ne supporte plus de sentir ton âme à ce point déchirée, alors si tu ne le fais pas pour toi, dis-toi que tu le fais pour moi. Va voir Aiolos, et parle-lui. »
Pour toute réponse, Saga détourna les yeux de son jumeau pour observer celui qu'il aimait effectivement comme un fou, avant de replonger dans ce regard qu'il savait si semblable au sien. Il resta ainsi un long moment sans parler, pour poursuivre un échange qui n'avait de toute façon pas besoin de mots, puis il ajouta simplement :
« Merci, Kanon. Pour tout. »
A cet instant, Kanon songea rétorquer : « De rien, frérot, je suis sûr que tu me le revaudras lorsque j'en aurai besoin ! », avant de se raviser. Parce qu'il se trouvait justement dans une situation qui aurait pu requérir un soutien de la part de son aîné, sauf que ce n'était clairement pas une bonne idée d'échanger avec lui sur le sujet.
Car comment Saga réagirait-il s'il lui avouait comme ça de but en blanc qu'il en pinçait (ndla : encore une petite alerte euphémisme !) pour celui qui lui avait jadis ôté la vie ? Qu'il fantasmait comme un dingue sur l'un des ennemis de leur Déesse qu'ils s'étaient jurés de combattre jusqu'à la mort lors de la Guerre qui les avait tous vus (re)perdre la vie ? Certainement pas avec calme et modération, ni avec entrain et enthousiasme. Et puis, comment ne pourrait-il pas le juger ? Ne pas le trouver immoral, inconstant voire même le suspecter d'une nouvelle trahison ?
Donc lorsqu'il songeait à tout cela, Kanon ne pouvait nier faire preuve d'une sacrée dose de culot en demandant à Saga d'avouer la vérité à Aiolos, alors que lui n'était même pas capable ne serait-ce que d'aborder le sujet d'un possible début de béguin avec son jumeau.
Pourtant, ce que ces derniers jours – et nuits (mince, ce rêve l'obsédait encore dès qu'il fermait les yeux !) – lui avaient permis de comprendre, c'est qu'il avait vraiment besoin de parler à quelqu'un. Sinon il pouvait déjà réserver sa place à l'asile, avec l'option murs capitonnés et triple camisole. Mais en parler à Saga… Non, il ne pouvait pas. Son aîné était encore trop fragile, et lui n'était pas assez fort pour affronter la fureur de son courroux. Donc il devait trouver quelqu'un d'autre. Quelqu'un qui pourrait l'écouter sans chercher à porter un jugement et qui ne se prendrait pas la tête avec l'existence de possibles sentiments amoureux.
Milo, évidemment ! Le tombeur de ses dames, grand maître es relations sans lendemain, immunisé contre la nocivité des tergiversations amoureuses (ndla : rah, si Kanon savait ! ouais… pas très perspicace le second Gémeaux sur ce coup).
Sauf que ce soir, ce n'était probablement pas un bon créneau. Car Milo avait présentement l'air beaucoup trop occupé derrière ses platines. Le Scorpion était décidément un être multi-tâches, capable de manipuler ses disques avec talent tout en glissant sa langue dans la bouche d'une parfaite et fort jolie inconnue. Et d'ailleurs, à ce sujet…
« Ce comportement est absolument inacceptable ! vitupéra l'ancien despote zodiacal. Kanon, l'indécence de ton ami est sans limite ! Comment Milo peut-il se comporter ainsi en présence de notre vénérée Déesse, et avec une cliente en plus ?!
- C'est bon, Saga, relaxe ! Y'a pas mort d'homme !
- Certes, mais cela n'en reste pas moins intolérable ! Que Milo fasse ce qu'il veut de ses fesses et du reste en dehors de ses heures de travail, et à condition que cela n'implique pas la participation d'un membre de notre clientèle, mais lorsqu'il se trouve à son poste, il se doit de respecter certaines règles !
- Saga, attention : tu t'emportes, et tu sais que c'est pas bon pour toi !
- Kanon, tout à l'heure je t'ai dit merci, et je ne regrette en rien d'avoir prononcé ce mot. Mais maintenant, et je m'excuse déjà pour ma vulgarité, je te dis : ta gueule ! »
Brice se sentait parfaitement à son aise parmi tous ces individus qu'il avait appris à connaître depuis qu'il les fréquentait de manière quasi quotidienne. Comme quoi, nettoyer, balayer (astiquer), ça vous forgeait une belle amitié, voire plus si affinités. Et ce petit « plus », il avait bon espoir de le concrétiser sous peu avec le beau blond au regard de braise qui ne le quittait pas des yeux depuis le début de la soirée.
Car malgré la légère barrière de la langue, il avait tout de suite senti le courant passer entre Algol et lui, et ce sentiment s'était renforcé depuis qu'il l'avait convaincu de se mettre à surfer. Et même si les trois quarts du temps ils devaient se coltiner Jamian et son obsession étrange pour les oiseaux – sérieusement il n'avait jamais vu ça : ce type attirait à lui tout ce qui portait des plumes, des mouettes rieuses aux pigeons en passant par les corbeaux – il appréciait énormément tous ces moments partagés avec celui qu'il comptait bien ajouter à la longue liste de ses amants.
En plus Algol était un surfeur né, qui avait instantanément épousé la planche comme s'il n'avait jamais rien connu d'autre sous la plante de ses pieds. Son style était plutôt direct et brutal, mais il domptait les vagues avec la classe d'un californien dopé aux chansons des Beach Boys.
Cela dit, Brice devait reconnaître que la plupart des mecs qu'il avait rencontrés depuis qu'il travaillait au Zodiaque semblaient particulièrement doués une planche à la main. Même les salariés du Poséidon, dont la majorité se trouvaient ici ce soir, étaient loin d'être les derniers pour affronter l'océan avec culot et panache.
Cette pensée conduisit le jeune Français à porter son attention sur le groupe formé par les types du camping d'à côté, pour constater que l'un d'entre eux le dévisageait d'une manière tout à fait singulière. Mais malgré la sensation de malaise qui l'envahit aussitôt, Brice se sentit incapable de détourner les yeux. Et ce fut à cet instant qu'une vision le frappa.
Là, à tout juste quelques mètres de lui, se tenait Patrick Swayze, une planche jaune et noire calée sous son bras. Et son héros − son idole − lui souriait tandis qu'une myriade de goûtes d'eau roulaient le long de son torse, nu, bronzé et musclé. Brice se mordit la lèvre inférieure avant de cligner des paupières pour s'assurer qu'il ne rêvait pas. Mais lorsqu'il rouvrit les yeux, le visage tant aimé s'estompa pour laisser apparaître un sourire pourvu d'une multitude de dents pointues.
Brice parvint à étouffer le cri qui lui brûlait la gorge mais ne put réfréner le frisson de terreur qui parcourut son corps depuis la pointe de ses cheveux jusqu'à l'extrémité de ses orteils. Algol perçut immédiatement la détresse de son nouvel ami (ndla : et plus si affinités), ce qui l'incita à s'adresser à lui pour le questionner sur la raison de ce malaise soudain :
« Brice, tout va bien ?
- Oui, oui, balbutia le concerné avant d'ajouter : mais je crois que je vais rentrer me coucher.
- Je te raccompagne ?
- Oui, volontiers ! ».
Brice se leva de sa chaise, salua les amis de son sauveur à qui il emboîta le pas afin de quitter la terrasse pratiquement en courant. Et tandis qu'il essayait de se convaincre qu'un probable excès d'alcool expliquait ce qu'il croyait avoir vu, le regard torve de Caça se posa sur lui pour lui adresser un clin d'œil qui lui glaça le sang.
De l'autre côté de la table occupée par la plupart des chevaliers d'Argent, Misty cuisinait sa meilleure amie pour connaître l'origine de sa mauvaise humeur. Et même si Shaina semblait bien décidée à ne pas accorder la moindre explication, le Français n'avait aucun mal à deviner l'identité de celui qui avait déclenché la déferlante d'injures transalpines qui avaient tantôt irrité ses oreilles. Ikki du Phoenix, son tact légendaire et son sens aigu de la communication.
Alors pour soulager la colère de son amie, Misty se contenta d'agir de la seule manière qui lui parut appropriée étant donné les circonstances : en remplissant une nouvelle fois généreusement son verre du liquide épicé et ambré qu'elle affectionnait tant.
Shaina le remercia d'un sourire reconnaissant qui en disait bien plus que tout ce que ses lèvres n'accepteraient jamais d'avouer, ce à quoi Misty répondit par un clin d'œil empli d'affection. Le regard du Lézard se porta ensuite vers l'homme qui se tenait à ses côtés et qui le couvait des yeux depuis son arrivée.
Aphrodite savourait son troisième Cosmopolitan de la soirée – ou bien était-ce déjà le quatrième ? – en laissant sciemment traîner ses pensées à la portée des ondes cérébrales de son chevalier d'Argent préféré. Misty en ronronna de satisfaction par anticipation. Ainsi le Poissons semblait-il prêt à se laisser piéger dans les filets d'un pêcheur affamé (ndla : oh pardon ! celle-là, j'en ai bien un peu honte quand même…), et ce soir serait leur grand soir. Misty avait d'ailleurs tout prévu dans les moindres détails et n'attendait plus que le moment idéal pour entrer en action. Moment qui semblait être à présent arrivé. Sauf qu'il ne pouvait pas abandonner Shaina justement maintenant, dans l'état où celle-ci se trouvait.
« Vas-y », le surprit une voix à l'accent bien connu qui poursuivit aussitôt :
« T'en crèves d'envie et visiblement lui aussi.
- Mais, Bellissima, je ne peux pas te laisser comme ça, voyons !
- T'inquiète pas pour moi. Je vais aller retrouver Marine. Je crois que j'ai besoin d'une discussion entre filles.
- Tu en es sûre ?
- Puisque je te le dis ! Fous-moi le camp de là avant que je te botte l'arrière-train !
- Shaina, tu sais que tu es merveilleuse. Absolument parfaite. Et je suis convaincu que l'autre imbécile aux plumes prétendument éternelles en a conscience lui aussi.
- Misty, hors d'ici ! Je ne veux plus te voir !
- Très bien, très bien. Alors Ciao, mio cuore !
- Ciao, mio amore ! Buona notte ! »
Shaina observa son meilleur ami se lever pour saisir la main d'Aphrodite qui le suivit sans broncher vers le restaurant dont Aldébaran venait à l'instant de baisser le rideau. L'Italienne laissa un sourire attendri étirer ses lèvres avant de les plonger dans le verre de rhum que le Français avait pris le temps de lui servir avant de la quitter. Puis elle se mit debout à son tour pour rejoindre la table de son amie Marine qui l'attendait déjà avec un cosmos hautement compatissant.
« Je peux ouvrir les yeux ? »
Misty considéra la table qu'Aldébaran avait dressée selon ses consignes avec un regard satisfait. Tout était parfaitement à sa place. Le chandelier en argent, le saut à champagne, la bouteille de Taittinger et surtout, la rose. Une rose au rouge éclatant et aux épines saillantes, délicatement déposée dans un écrin de verre au col finement ciselé. Le Taureau s'était vraiment surpassé et méritait certainement de recevoir sa reconnaissance éternelle.
« Oui, tu peux ouvrir les yeux » répondit Misty en détachant ses doigts de ceux d'Aphrodite.
Un sourire discret naquit sur les lèvres du Poissons tandis qu'il prenait place sur la chaise que l'autre chevalier venait de lui désigner. Puis il croisa lentement ses jambes l'une sur l'autre avant de prendre la parole d'une voix claire :
« Tu me sers un verre, je te prie ? »
Misty se saisit du linge blanc qu'Aldébaran avait laissé sur le bord du saut à champagne et s'en servit pour essuyer le culot de la bouteille, dont il entreprit ensuite d'ôter le bouchon.
« Et du Taittinger, en plus. Tu as sorti le grand jeu ! » s'exclama Aphrodite en se penchant légèrement en avant pour humer le parfum de la rose dont il caressa un pétale.
« Monsieur, votre flûte, je vous prie. »
En réponse à cette délicieuse injonction, Aphrodite se redressa et présenta son verre à celui qu'il allait donc choisir de prendre pour amant. Car Misty venait de remplir le dernier critère de la longue liste d'exigences du Poissons : l'audace. Et avec grande classe s'il vous plaît.
Le Suédois trempa ses lèvres dans le breuvage doré dont il sentit les fines bulles glisser dans sa gorge, puis reposa sa flûte sur la table devant lui. Il passa ensuite une main dans ses cheveux, se leva avec plus de grâce qu'en aurait eu une ballerine, et s'approcha de Misty qui se tenait toujours debout face à lui. Il lui retira des mains la bouteille de champagne qu'il serrait encore entre ses doigts pour la déposer dans le saut duquel il l'avait tirée plus tôt. Et lorsque ses lèvres effleurèrent celles de l'autre homme, Aphrodite ne put contenir la douce vague de chaleur qui étreignit son cosmos.
Le Poissons était heureux comme il ne l'avait plus été depuis longtemps, et il se promit de tout mettre en œuvre pour que ses deux meilleurs amis le soient également. Et tant qu'à jouer les Cupidon (ndla : quoi de plus naturel pour quelqu'un qui s'appelle Aphrodite ? Oui, celle-là aussi, elle était facile !), il veillerait aussi à ce que Camus et Milo arrêtent enfin de se tourner autour comme deux idiots. Une mission d'autant plus primordiale que si le Verseau continuait à laisser traîner ses doigts glacials dans le giron du Capricorne, son Lolo risquait de franchement perdre les pédales. Et personne, du Kid's Club du Zodiaque jusqu'aux recoins des Enfers les plus sombres, n'avait envie de revoir le Masque de Mort en action.
Et dans un coin isolé de la terrasse bondée du Zodiaque, deux divinités gratifiaient l'assistance de leur aura bienveillante. Athéna et Poséidon se tenaient côte à côte, superbes dans les tenues de soirée immaculées qu'ils avaient tous les deux choisi de porter. Demeurant silencieux pour la majorité des présents, les deux représentants de l'Olympe jouaient leur rôle de directeurs d'établissement comblés et satisfaits à la perfection. Et quant à la nature de leur échange véritable…
« Splendide, ce feu d'artifice, très chère.
- Merci, Julian.
- Cela dit, s'empressa d'ajouter la réincarnation du Dieu des Océans, j'aurais personnellement jugé opportun de s'abstenir d'une telle attraction après l'incendie qui a frappé mon établissement.
- N'aie crainte, tout est parfaitement sous contrôle. Mes chevaliers et moi avons veillé à ce qu'aucun risque ne soit pris.
- Si tu en es convaincue, je le suis moi aussi.
- Douterais-tu de mes bonnes intentions, cher ami ?
- Non, bien entendu. J'ai une totale confiance en toi, ma très chère Saori.
- Alors, je t'en prie : profitons ensemble de ce moment de liesse et du bonheur de voir ainsi collaborer nos protecteurs respectifs.
- Tu as entièrement raison ! Il semblerait donc que nous ayons une nouvelle fois fait preuve d'un jugement hautement éclairé dans la mise en œuvre de nos décisions (ndla : *tousse*).
- Il semblerait, en effet. Et sois assuré que je m'en réjouis au plus haut point. »
Et sur cette ultime évidence de perspicacité et de modestie divines, un POP résonna en écho aux derniers éclats multicolores qui illuminaient la nuit. Un POP bientôt suivi d'un jet de liquide doré pétillant et d'un cri joyeux en provenance du bar du Zodiaque :
« Allez, Champagne pour tout le monde ! » s'exclama Dohko de la Balance en se saisissant de la seconde bouteille tendue par Ikki du Phoenix.
A suivre…
Merci pour votre lecture.
Référence pour le titre du chapitre 17 : Wannabe, Spice Girls, 1996 (ben oui, il fallait bien qu'il soit dans la playlist, celui-là).
